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En toutes libertés


Auteur :
Éditeur : Ramsay Date & Lieu : 1996-01-01, Paris
Préface : Pages : 352
Traduction : ISBN : 2-841 14-156-X - 50-0697-8
Langue : FrançaisFormat : 150x240 mm
Code FIKP : Liv. Fr. 3574Thème : Général

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En toutes libertés

En toutes libertés

Danielle Mitterrand

Ramsay


1939-1940: c'est la drôle de guerre... J'ai quatorze ans. Ma poitrine bat la chamade : «Et je serai à Huez- Heureux si vous le voulez, malheureux s'il vous plaît. » Le cœur chaviré, je lis et relis ce message. En cette année-là le monde gronde et vacille... Et moi, j'étais cette jeune fille en fleur et je croyais être amoureuse !

C'est le début du récit que Danielle Mitterrand fait de sa vie : ses émois d'adolescente très vite balayés par la tourmente de la guerre, son engagement auprès de ses parents dans le maquis, sa rencontre avec un homme fascinant, François Mitterrand alias Morland pour la Résistance, leur mariage follement accéléré dans la joie de la Libération...

Danielle Mitterrand raconte son itinéraire de jeune épouse, de mère, puis de première dame de France - un destin de femme marqué par son attachement à un homme politique exceptionnel, par les rêves, les idéaux, les victoires et les revers partagés - ses rencontres avec les grands témoins et acteurs de l'Histoire de ces dernières décennies.

Elle se livre tout entière aussi dans son autre combat, comme présidente de la fondation France-Libertés, sur le terrain humanitaire et partout où les Droits de l'homme sont menacés, aux côtés des Kurdes, du Dalaï-Lama, de Nelson Mandela ou de Fidel Castro, fustigeant la politique de tout gouvernement si sa conscience de femme libre le lui dicte. Un destin et une mémoire hors du commun.


À François

PROLOGUE

31 décembre 1995.

Le point final n'en finit pas de m'échapper.

Aujourd'hui encore il hésite à s'inscrire. Le dialogue engagé avec ceux qui vont lire ces quelques pages se poursuivra-t-il sur d'autres sujets qu'il me reste encore à développer? Aurai-je la force pour un prochain ouvrage?

Le manuscrit doit être remis, c'est impératif me dit-on, si je veux qu'il soit édité pour le 5 mars, date anniversaire de la première décennie de France-Libertés.

Tout au long de l'été, heureuse d'y travailler dans la petite bibliothèque nichée au pied de la dune, je voyais François entrer et sortir de sa bergerie.

En quittant sa table-bureau pour une promenade dans la forêt, il ne manque pas de me rendre visite, bavarder un instant, me faire remarquer comme un reproche que les dahlias cette année trop clairsemés lui faisaient regretter le foisonnement et la luxuriance des couleurs des étés précédents. Il aime à me demander: «Alors le travail avance...»

Souvent je vais dans sa chambre pour préciser un souvenir ou lui demander un avis.

«Comment vas-tu l'appeler, ton livre? me questionne-t-il.

- En toutes libertés, au pluriel.

- Où s'arrête la liberté? Où commence la licence? Quand donc une liberté devient-elle menaçante pour les autres?»

C'est François Mitterrand qui pose la question. Pour lui-même, pour nous tous en famille. C'est aussi un sujet de réflexion qui s'impose quotidiennement à la Fondation.

Pourquoi et comment savoir jusqu'où ne pas aller trop loin? À quel moment doit-on se référer à la responsabilité individuelle? Avec l'espoir qu'une société vive en harmonie dans le respect des uns et des autres, librement, en conscience et en connaissance de cause, j'essaierai dans cet ouvrage de répondre aux interrogations que peut-être les lecteurs se posent.

La lumière de miel, le climat chaud légèrement venté par la brise de mer en ce mois d'août nous rappellent l'enchantement de la première découverte d'Hossegor en 1951. Nous faisons des projets, la maladie de François tempère l'enthousiasme sans altérer la joie de vivre. Une si belle saison ressentie comme une grâce.

Cet été j'ai passé tant de jours, tant d'heures à refaire l'itinéraire d'une vie. À relire les textes de François depuis 1947, à feuilleter mes agendas avec Raphaël Doueb1 pour remettre en ordre tant de rencontres exaltantes qu'il a vécues à mes côtés avec mes amis du monde entier.

Cette maison, qui a vu des écrivains s'isoler dans leur réflexion, ne m'accorde qu'avec retenue ce droit à la retraite nécessaire à l'écriture. Ne m'a-t-on pas regrettée parmi mes proches? Christine ma sœur, Annie Meynard, mon amie de Tarnos, ont la nostalgie de nos parties de Scrabble estivales délaissées cette année. Du matin au soir j'écris seule grâce à mes notes, ou en compagnie de Patrick Amory2 pour sélectionner dans ma mémoire les anecdotes et témoignages qui mériteront d'être édités. Dans ma maisonnette aux cloisons de bois recouvertes de livres, j'ai plongé dans tous ces grands moments, ces belles émotions qui font une vie.

J'ai eu plaisir à revivre mes colères en relisant les notes accumulées depuis des années sur mes cahiers d'écolière, mes «exutoires», comme je les appelle. Est-ce une chance de faire le bilan d'une vie en noircissant les pages blanches, de revivre les sentiments aussi fort qu'ils m'ont traversée lors de mes expériences si multiples?

J'ai rassemblé sous une seule plume mes vies de femme: de la rebelle romantique traversant la Résistance et la guerre, à l'épouse entrée sans y prendre garde dans la vie mouvementée d'un homme politique. La mère attentive y a retrouvé les émois et les joies que mes fils si présents à mes côtés, Jean-Christophe3 et Gilbert, m'ont toujours donnés. Et puis l'expérience de la vie, les difficultés surmontées ont vu éclore la militante. En 1981, je suis devenue première dame de France, puis présidente de ma fondation France-Libertés, et cet ouvrage témoigne de ces deux extraordinaires expériences à la rencontre des grandes personnalités qui sont les acteurs de l'histoire contemporaine. J'ai eu le même mal à choisir les mots et les récits qu'à vivre ma vie d'épouse, de mère, de grand-mère, de sœur de présidente. Tout cela est si fort et si plein...

Ce livre est le reflet d'une volonté d'écrire et de raconter en toutes libertés certes, mais aussi en toute conscience. Sans trop déborder sur ma vie privée ni juger les hommes en dehors de leurs actes. Certes mes coups de boutoir sont nombreux, percutants et sans concession, mais ils viennent du cœur s'adressant autant à ceux que j'aime qu'à ceux qui me détestent.

Chaque fin d'après-midi, j'emmène en balade dans les layons au milieu des fougères mes amis les plus patients qui attendent qu'enfin je sorte de ma retraite studieuse. Accompagnée d'Hélios, de Lotus, Goliath, Atchoum et Baltique, nos chiens, j'admire les environs de Latche. Les derniers rayons de soleil des fins d'après-midi projettent l'ombre des pins si loin que nous pensons être entourés de géants protecteurs. Les coqs nichent sur les branches du chêne de l'hôte de ces lieux. Tout est bien.

François fait ses deux promenades quotidiennes accompagné du docteur Tarot et des amis de passage. Lorsqu'il est dans sa bergerie, il écrit, le fax avale les feuilles de papier, en réclame encore et encore.

L'automne avance dans l'inquiétude, assombri par les attaques répétées de la maladie ; pour écrire, le cœur n'y est plus. Les souvenirs de l'été déjà reviennent. Quel regret ces grandes tablées sous le prunier, assise en face de François, entourée des enfants et de Justine, Pascale et Adrien mes petits-enfants. Image sereine d'une famille à l'abri des regards, partageant ces instants de bonheur.

L'hiver froid est arrivé. Dans ma tanière un chauffage roulant m'aide à passer les longues dernières heures d'écriture. Les soucis obscurcissent les journées avares de lumière.

Comme chaque jour où François n'est pas a mes côtés, ses appels quotidiens, deux ou trois, provoquent la joie ou l'inquiétude selon son humeur et sa santé. La famille encore se réunit. Noël vient de passer. Je m'enferme du matin au soir pour corriger les derniers chapitres. L'écriture soudain me pèse. François va arriver.

Le 31 décembre est là.

Je n'ajouterai plus une ligne à mon manuscrit à la sortie de cet ouvrage. Les pensées et le cœur ailleurs.

1. Raphaël Doueb est à l'initiative de toutes mes actions associatives et de la création de la Fondation. Depuis leur naissance, il ne cesse de les animer à mes côtés.

2. Conseiller littéraire.

3. J'ai l'habitude de l'appeler Christophe.




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