PREFACE
Le livre de Madame Mirella Galletti est d’une vivacité particulière à cause de sa spontanéité et de son langage direct, sans détour. Le sujet est difficile et compliqué; son examen demande de la rigueur et de la prudence. L’auteur a fondé son texte sur ses multiples voyages dans la région, sur ses rencontres personnelles avec plusieurs Irakiens et sur des sources sérieuses pour pouvoir restituer ces communautés chrétiennes dans leur contexte. Son analyse porte sur l’histoire de la région, de l’islam et du christianisme, sur la convivialité et l’avenir. Une longue histoire qui les a divisés en une mosaïque de petites Eglises, en divers niveaux sociaux et culturels.
Ces chrétiens du Kurdistan appartiennent à l’Église chaldéenne, représentant 75 % des chrétiens irakiens, à l’Église d’Orient assyrienne du nouveau et de l’ancien calendrier, à l’Église syrienne d’Antioche catholique et orthodoxe et à l’Église arménienne. Cette chrétienté qui date de la fin du Ier siècle s’enracine dans l’histoire du pays: elle a vécu et s’est répandue dans beaucoup de régions, malgré les difficultés, les persécutions et les divisions. Aujourd’hui aussi, elle tâche de se maintenir, malgré toutes les fluctuations et les hésitations. Ces chrétiens ont connu et connaissent une émigration, voire un exode, à cause des changements politiques continuels, du fondamentalisme musulman qui accroît leur peur et l’inertie de leurs Églises locales.
Je suis avec Mirella de ceux qui croient à une présence vitale chrétienne au Kurdistan. Une présence qui doit encourager les croyants à découvrir leur identité chrétienne et nationale et leur mission d’être un élément d’équilibre pour promouvoir la culture du dialogue, du pluralisme, de la convivialité et de la paix.
Je crois que ce livre fera connaître aux Occidentaux ces chrétiens oubliés du Kurdistan avec leurs espoirs et leurs peurs et poussera peut-être la communauté internationale à faire un effort pour les aider non pas seulement à faire respecter leur libre choix et leurs droits mais aussi à progresser à tous les niveaux.
Louis Sako, Archevêque chaldéen de Kirkūk, 15 août 2007
Introduction
«Mon grand-père était un Assyrien de Mardin. Au moment des massacres de 1915-1916, il était un jeune garçon et s’enfuit à Zakho, où il fut adopté par un agha kurde qui voulait le pousser à embrasser l’islam. Il s’enfuit encore une fois et se réfugia à Alqosh, le bastion chrétien près de Mossoul, où il a ensuite passé le reste de sa vie.» Voilà comment, au cours d’une visite à une maison d’édition kurde d’Istanbul, en novembre 2006, un diplomate assyrien, Emmanuel, résume l’histoire de sa famille.
C’est là une des multiples rencontres qui n’ont cessé dé ponctuer mes rapports avec le Kurdistan et ses communautés chrétiennes. Pour illustrer la complexité de cette société bigarrée, je me permets de rapporter quelques expériences personnelles.
Avril 1977. À Mossoul, une sœur dominicaine, Marianne, d’origine belge, m’invite à la fête des yezidis à Bashiqa, un village pas très éloigné. A Bashiqa vivent ensemble des yezidis, des chrétiens (en majorité syriens-orthodoxes et syriens-catholiques) et des musulmans. Cette fête de Serisàl (jour de l’an) a été autorisée par les autorités irakiennes, après quelques années d’interdiction en raison du conflit avec les ...
1. Jean-Maurice Fiey, o. p., Assyrie chrétienne, vol. II, Beyrouth, Imprimerie catholique, 1965, p. 461.
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