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La Coquille, Prisonnier Politique en Syrie


Auteur :
Éditeur : Actes Sud Date & Lieu : 2007, Arles
Préface : Pages : 270
Traduction : ISBN : 978-2-7427-7020-5
Langue : FrançaisFormat : 140x225 mm
Code FIKP : Liv. Fra. Kha. Coq. 2135Thème : Politique

Présentation
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La Coquille, Prisonnier Politique en Syrie

La Coquille, Prisonnier Politique en Syrie

Moustafa Khalifé

Actes Sud


Après six ans de séjour en France, où il a obtenu un diplôme d’études cinématographiques, le narrateur décide de rentrer au pays. Dès son arrivée à l’aéroport de Damas, il est arrêté par la police politique et conduit dans un bâtiment sinistre du centre-ville, appartenant aux Services de renseignements. Là, il est violemment frappé avant d’être accusé contre toute vraisemblance, lui, le chrétien grec-catholique, d’être membre du mouvement des Frères musulmans. Quelques jours plus tard, il se retrouve dans la gigantesque et terrible prison du désert, en compagnie de milliers de détenus. Commence alors son calvaire qui va durer treize ans...
Ce récit, qui se présente comme un journal, restitue sous une forme légèrement romancée les choses vues et entendues par Moustafa Khalifé durant son long enfermement dans les prisons syriennes. Les scènes se succèdent, d’autant plus insoutenables qu’elles sont décrites sobrement sans vaine rhétorique ni pathos. Elles donnent à voir, non seulement la barbarie des geôliers, mais aussi le processus de déshumanisation des détenus et, au-delà, de toute la société.



Moustafa Kiialifé
est né en 1948 à Jarablus, au Nord de la Syrie. Diplômé en droit, il milite dans un mouvement d’opposition d'extrême gauche jusqu’à son arrestation en 1979. Libéré l’année suivante, il est de nouveau arrêté en 1982 pour ne sortir de prison que douze ans plus tard, en 1994.

 



A mes filles Rizam et Riham,
A tous les enfants et tous les jeunes du monde,
dans l’espoir que votre vie sera meilleure que celle
que nous avons vécue.


PRESENTATION


Dans une cafétéria de l’aéroport d’Orly, Suzanne et moi attendions le départ de l’avion qui me ramenait chez moi, après six ans d’absence.

Jusqu’à ce dernier quart d’heure, elle ne désespéra pas de me convaincre de rester en France. Elle répéta les arguments que j’entendais depuis des mois: depuis que je lui avais annoncé ma décision définitive de rentrer au pays et de travailler là-bas. Je suis d’une famille arabe catholique. La moitié de ma famille vit à Paris, il m’avait donc été facile de venir étudier ici. Tout se passa sans souci, d'autant que je maîtrisais le français avant d’arriver. Je fis de brillantes études de cinéma. Voilà. Mon diplôme en poche, je m’apprêtais à aller retrouver mon pays et ma ville.
Suzanne aussi est d’une famille arabe, mais toute sa famille a émigré en France. Nous étions d’intimes compagnons depuis deux ans. Nous aurions pu nous marier avec la bénédiction de nos familles si je n’avais pas insisté pour rentrer, et si elle n’avait pas insisté, elle, pour rester.

A l’aéroport, je lui dis pour mettre un terme à cette ultime discussion:

— Suzanne... J’aime mon pays, ma ville. J’aime ses rues et ses recoins. Ce n’est pas du romantisme, c’est un sentiment profond et tenace. Je connais par cœur les inscriptions gravées sur les murs des vieilles maisons de notre quartier. J’adore ces maisons. Elles me manquent. C’est une première chose. Ensuite, je veux devenir un grand réalisateur. J’ai plein de projets en tête. J’ai des ambitions. En France, je resterai un étranger, je travaillerai comme n’importe quel émigré auquel on daigne accorder quelques miettes. Je ne veux pas de ça. Dans mon pays, je suis dans mon droit... Personne ne peut me regarder de haut. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’efforts pour me faire une place.
Et puis le pays a besoin de gens comme moi.

C’était décidé, je rentrais, inutile d’essayer de m’en dissuader.

Un silence plana pendant quelques minutes. Puis on entendit l’appel. Il fallait embarquer. Nous nous levâmes et avalâmes d’un trait la bière qui restait dans nos verres. Je la regardai, troublé. J’aperçus un début de larmes dans ses yeux. Elle se serra contre ma poitrine. Je l’embrassai à la hâte. Je ne supporte pas ce genre de situation.

Je lui dis:

— Je te souhaite d’être heureuse.

— Moi aussi. Fais attention. Prends soin de toi.

Et je montai dans l’avion.



Journal D’un Voyeur


Il ne s’agit pas ici de voyeurisme sexuel - même si mon expérience n'en fut pas exempte. La plus grande partie de ce journal a été “écrite” dans la prison du désert. Ce n'est pas le mot exact, car là-bas, il n’y a ni stylo ni papier pour écrire. Dans cette prison gigantesque qui compte sept cours en plus de la cour numérotée 0, trente-sept cellules collectives, outre toutes les cellules plus récentes qui ne sont pas numérotées, toutes les salles, toutes les cellules “à la française” (les cachots) de la cour n° 5, cette prison qui à un certain moment rassembla entre ses murs plus de dix mille détenus, et qui connut la plus grande proportion de diplômés universitaires dans le pays, aucun prisonnier - et certains y passèrent plus de vingt ans -ne vit jamais un stylo ni une feuille de papier.

L’écriture mentale est un procédé qui fut développé par les islamistes. Il y en avait un qui avait retenu plus de dix mille noms: les noms des prisonniers entrés à la prison du désert, leur nom de famille, leur ville ou leur village, leur date d’incarcération, leur sentence, le sort qui leur fut réservé...
Quand je décidai d’écrire ce journal, j’avais réussi, à force d’exercice, à faire de ma pensée une bande enregistreuse sur laquelle je consignais tout ce que je voyais, et une partie de ce ...

 




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