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L’Irak


Auteur :
Éditeur : Karthala Date & Lieu : 2003, Paris
Préface : Pages : 294
Traduction : ISBN : 2-84586-330-6
Langue : FrançaisFormat : 135x215 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Pin. Ira. N°1891Thème : Général

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L’Irak

L’Irak

Pierre Pinta

Karthala


Voilà maintenant plus de vingt ans que la « question irakienne » est au centre d'une actualité dramatique. Soumis depuis 1990 à un embargo sans précédent, les Irakiens n'en finissent pas de payer la très lourde facture de l'édification d'un État-nation, voué à la glorification d'un passé mythique (Babylone) et à son rôle de « grande puissance » du monde arabo-musulman. Car si la civilisation dont est issu l'Irak plonge ses racines dans le limon sumérien, cinq mille ans avant notre ère, l'État par contre n'a pas un siècle d'existence. Né en effet de l'effondrement de l'Empire ottoman (1920), l'Irak moderne, indépendant depuis 1980, a forgé son identité dans l'anticolonialisme et le panarabisme.

Au-delà des clichés et des fantasmes véhiculés par l'Occident, on se souviendra que c'est sur cette terre, l'antique Mésopotamie, la « terre-entre-les-fleuves », que sont nés l'agriculture, l'écriture et le monothéisme (Abraham). Là qu'est née la première forme élaborée de l'État : la « cité-État » (Uruk). Là aussi que les Anciens situaient le jardin d'Éden, baigné par le Tigre et l'Euphrate. Là enfin que fut édifié l'un des monuments les plus célèbres de l'humanité, la fameuse tour de Babel, que ses bâtisseurs voulaient « aussi haute que les cieux »...

Aujoud'hui, alors que le contrôle des immenses réserves de pétrole de la Mésopotamie pourrait déboucher sur un conflit, il revient aux Irakiens, et à eux seuls, d'imaginer une société nouvelle, respectueuse de ses traditions mais débarrassée de ses fantômes et de ses peurs. Un défi à la hauteur de la plus vieille de nos civilisations.



Pierre Pinta
est chargé de cours de géopolitique, journaliste et conférencier, spécialiste du Proche et du Moyen-Orient. Il a écrit de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur le Liban, dont un guide touristique et culturel (Introduction au Liban, Éditions Oli-zane, 1998 pour la 3 édition).

 



INTRODUCTION


Les deux dernières décennies du XXe siècle ont profondément troublé la perception qu’ont les Occidentaux de l’Irak. Coup sur coup en effet, le pays s’est engagé dans deux conflits majeurs - contre l'Iran en 1980 et contre une coalition internationale en 1991 - dont il est ressorti exsangue et solitaire. Surtout, à son nom ont été accolées des épithètes peu flatteuses, telles que « Etat voyou » ou « axe du Mal » dont on imagine aisément qu’elles relèvent plus de la propagande que de l’analyse. Et de fait, l'histoire de l’Irak ne commence pas un jour de septembre 1980, lorsque les soldats de Bagdad pénétrèrent en territoire iranien. Une guerre « préventive », qui bénéficiait alors du soutien des grandes puissances et du monde arabe (on craignait l’expansion du fondamentalisme iranien).

Il en va tout autrement de l'invasion du Koweït en août 1990. L’effondrement de l’Union soviétique en effet avait précipité l’avènement d’un nouvel « ordre international », dans lequel l’Irak ne jouait plus un rôle déterminant, comme cela avait été le cas dix ans auparavant. Du coup, autant le régime avait été paré de toutes les vertus ou presque (laïcité, développement, stabilité) - ce qui lui permit, entre autres, de bénéficier d’un soutien financier et militaire considérable et d’un accès quasi illimité à la technologie occidentale, y compris nucléaire - autant par la suite il fut décrié et stigmatisé, accusé d’être un Etat dictatorial et belliciste ! Ressurgirent alors fort opportunément les images apocalyptiques de « Babylone la grande, la mère des prostituées et des horreurs de la terre » (Apocalypse de Jean).

Pourtant c'est sur cette même terre, l’antique Mésopotamie (la « terre-entre-les-fleuves »), que sont nés l'agriculture, l’écriture et le monothéisme. C’est là aussi qu’est née la première forme élaborée de l’Etat - la cité-Etat, gouvernée par un roi prêtre - dont l’Epopée de Gilgamesh, souverain légendaire d'Uruk, a conservé le souvenir. C’est là encore que les Anciens situaient l'Eden (du sumérien edin), baigné par le Tigre et l’Euphrate, séjour bienheureux d’où Adam et Eve furent chassés après leur désobéissance. C'est là enfin que fut édifié l'un des monuments les plus célèbres de l’humanité, la fameuse « tour de Babel », dont on sait quel sort funeste lui fut réservé... En va-t-il ainsi de toutes les nations orgueilleuses, qu'elles doivent périr dans la honte et la douleur ?

Si la civilisation dont est issu l'Irak plonge ses racines dans le limon sumérien, cinq mille ans avant notre ère, la « nation irakienne » par contre n'a pas un siècle d'existence. Comme pour la plupart des pays nés de l'effondrement de l'Empire ottoman (1920), c'est dans l'anticolonialisme que s'est forgée l’identité nationale irakienne. Une nation qui devait connaître l’embrigadement, puis la soumission à un chef, le raïs, personnification d’un Etat omnipotent, guide infaillible de la « révolution nationale ». Soumis depuis 1990 à un embargo sans précédent, les Irakiens n’en finissent plus de payer la très lourde facture de l’édification d’un Etat-nation, tout entier voué à la glorification d’un passé mythique (Babylone, la conquête arabe) et à son rôle historique de « grande puissance » du monde arabo-musulman.

Aujourd’hui orphelin d’une culture qui puise à Sumer et à Babylone, à l’Assyrie et à la Perse, à l’hellénisme et au judaïsme, au christianisme et à l’islam, l’Irak est à la recherche d’une nouvelle voie, d’un nouveau souffle. Cette quête est d’autant plus légitime que le pays est riche, de sa terre et de ses fleuves, de son pétrole (deuxièmes réserves mondiales) et du savoir-faire de ses habitants. Une richesse qui excita très tôt l’appétit des conquérants (Alexandre fit de Babylone la capitale éphémère de son immense empire). Depuis bientôt un siècle toutefois, c’est son pétrole que l’on convoite, un « or noir » tellement indispensable aux sociétés industrielles, que pour en devenir maîtres certains Etats sont prêts à toutes les manœuvres. Au risque de déstabiliser une société pluriethnique et pluriculturelle, et de précipiter le pays dans l’anarchie et le chaos. Quoi qu'il en soit, l'Irak aujourd’hui n’a pas les moyens de mener à bien une retondation, qui nécessiterait réflexion et débat, autrement dit démocratie. Tout juste peut-il ambitionner une reconstruction, qui assurerait au moins des conditions de vie décentes à sa population. Quant à son avenir et à la place qui sera la sienne dans un Moyen-Orient en pleine mutation, on peut méditer cette opinion de Pierre Rossi, qui s’interrogeait sur le différend qui opposait (déjà) l’Irak au Koweït, petit émirat fraîchement indépendant (1961): « Il dépend de sa conclusion que Bagdad soit la capitale d’une grande puissance ou seulement la première cité de Mésopotamie »1.

1. L'Irak des révoltes, Le Seuil, 1962.



1

Espace et territoire


La Mésopotamie. C’est ainsi que l’on nommait l’Irak avant que le pays n’accède à l’indépendance, en 1930. Pourtant, son nom moderne - Iraq al-Arabi - lui avait été attribué lors de la conquête arabe, au début du VIIe siècle. Mais que vaut cette appellation, comparée à celle, autrement plus suggestive, d’« entre-les-fleuves », un nom formé à partir du grec, mais qui résonne comme l’écho d'une histoire qui plonge ses racines aux origines de la civilisation - Sumer, Akkad. Babylone, Ninive... - et auquel on associe l’un des plus grands mythes fondateurs de l’humanité, celui de la fameuse tour de Babel ? Et puis la
Mésopotamie permettait de dénier aux Arabes toute revendication sur un « pays », dont les Anglais s'étaient appropriés les richesses au lendemain de la première guerre mondiale.

Le pays d’ « entre-Ies-fleuves »

Mais qu’entend-on précisément par Mésopotamie? Dans le sens le plus étroit - ainsi que le suggère l’étymologie grecque : mesos (« milieu »), pofamos (« fleuves ») - il s’agit des terres comprises entre le Tigre et l’Euphrate, deux des quatre fleuves qui, si l’on en croit la Bible, arrosaient le jardin primitif (Genèse II, 14)…




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