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Guerre du Golfe: Verité sur un conflit - I


Auteurs : | |
Éditeur : Assemblée nationale Date & Lieu : 2001, Paris
Préface : Pages : 314
Traduction : ISBN : 2-11 -1150 54-1
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Caz. Gue. (1) N° 2111Thème : Général

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Guerre du Golfe: Verité sur un conflit - I


Guerre du Golfe: Verité sur un conflit - I

Bernard Cazeneuve

Assemblée Nationale

Dix ans après la guerre du Golfe, certains anciens combattants français se plaignent, à l’instar de leurs camarades américains, britanniques et canadiens, de maladies aux symptômes divers et inexpliqués.

Le présent rapport, fruit d’investigations approfondies et de la consultation de nombreuses données demeurées secrètes jusqu’alors, dresse un constat sans complaisances sur les conditions d’engagement des militaires français au cours du conflit. Il suggère également des recommandations utiles, alors que la professionnalisation des armées s’achève et que, corrélativement, leur implication dans des opérations similaires reste possible.

Dian, 17/2001

Les documents parlementaires (projets de loi, propositions de loi venant en discussion, rapports, comptes rendus des travaux des commissions et de la séance publique, etc) sont en ligne sur le site internet : www.assemblee-nationale.fr



INTRODUCTION

La question des pathologies spécifiques auxquelles auraient pu être exposés les anciens combattants de la guerre du Golfe prend son origine dans les revendications formulées, dès 1992 et 1993, par des vétérans américains, canadiens et britanniques. Ce conflit qui, du 16 janvier au 28 février 1991, vit une coalition comportant notamment 697 000 Américains, 4 500 Canadiens, 54 000 Britanniques et 26 000 Français (pour ne parler que des principaux contingents), affronter les forces armées irakiennes et contraindre l’Irak, par leur victoire militaire, à quitter le sol koweïtien annexé le 2 août 1990.

Les plaintes d’anciens combattants, combinées à la mise en évidence de l’existence sur le terrain de réels risques, notamment chimiques, amenèrent les Gouvernements des trois premiers pays cités à mettre en place des organismes officiels à l'intention des vétérans et de leurs associations ainsi qu’à lancer des études épidémiologiques sur les troubles ou affections qu’ils manifestaient.

On notera, d’emblée, que le déploiement des forces alliées composant la coalition s’est progressivement réalisée, à partir de la fin de l’été 1990, sur les territoires de l’Arabie Saoudite, du Qatar et des Emirats Arabes Unis (EAU). Les forces de la division française Daguet créée dès le 19 septembre 1990 par décision du Président de la République, ont ainsi été complétées jusqu’au 13 janvier 1991, date à laquelle cette division a atteint un plein effectif. De ce fait, nombre de militaires relevant des forces de combat comme des unités de soutien ou à vocation purement logistique, ont effectué des séjours de plusieurs mois dans le Golfe. Cet élément est à retenir. Il faut en effet distinguer ces durées de la brièveté des engagements armés ayant caractérisé les opérations du Golfe. L’attente et des conditions matérielles souvent difficiles, ne serait-ce qu’en raison des distances et du climat, ont constitué des données importantes pour le quotidien des troupes dépêchées sur place.

- Aux Etats-Unis, en 1996, fut créé auprès du Secrétaire à la Défense, le poste d’Assistant spécial pour les maladies de la guerre du Golfe (Spécial assistant for Gulf War illnesses), ayant notamment pour tâches de coordonner l’information et l’assistance auprès des anciens combattants, de susciter des enquêtes médicales sur leurs maladies, et de formuler des propositions en matière de règles de déploiement des forces qui tiennent précisément compte de l’expérience du Golfe.

Des enquêtes épidémiologiques ont effectivement été conduites. Une des plus récentes publications de cette nature est une étude de l’Institute of Medicine, organisme indépendant faisant partie des National Academies et intitulée : « Gulf War and Health : volume I, Depleted uranium, Sarin, Pyridostigmine bromide and Vaccines » (Guerre du Golfe et santé : volume 1, uranium appauvri, sarin, bromure de Pyridostigmine et vaccins).

- Au Royaume-Uni, une politique spécifique à l’attention des anciens combattants de la guerre du Golfe a été également mise en place. Articulée autour de deux volets, elle consiste principalement à :

— Assurer le lien avec les anciens combattants, notamment via un site Internet (hptt://www.gulfwar.mod.uk), afin que ceux d’entre eux qui présentent des maladies puissent se faire connaître et faire l’objet d’un suivi médical spécifique ;

— Conduire des études épidémiologiques sous l’égide d’organismes indépendants; une des plus importantes a été publiée en janvier 1999 et a été menée au sein de la Guy's King's and St Thomas Medical School à Londres. Cette étude porte à la fois sur l’examen d’anciens combattants du Golfe et de membres de deux groupes témoins composés de militaires ou anciens militaires ayant participé à d’autres opérations que la guerre du Golfe (opérations en Bosnie-Herzégovine, par exemple).

Il faut noter que ces deux processus se recoupent. Ainsi, le programme médical spécifique aux anciens combattants du Golfe ou Medical Assessment Programme (MAP) a, depuis 1994, examiné près de 3 000 patients aux fins de soins, et publié en 1999 une étude portant sur les 1 000 premiers d’entre eux ; une autre concernant une seconde tranche de 1000 vétérans est sur le point de l’être au printemps 2001.

- Au Canada, à partir de 1995, le Service de santé des forces canadiennes (SSFC) a lancé une action spécifique auprès des anciens combattants de la guerre du Golfe. Deux cent vingt anciens combattants ont été reconnus comme souffrant de maladies.

Deux études épidémiologiques officielles ont successivement été lancées, en 1995 et en 1997. La seconde, qui portait sur quelque 3 000 anciens combattants du Golfe et un groupe témoin de même importance, constitué de militaires n’ayant pas participé à ce conflit, a été publiée en 1998 au terme d’un travail réalisé par la firme Goss Gilroy Inc. rassemblant des experts-conseils civils.

L’ensemble de ces études a abouti au même type de conclusions. Chaque fois, elles font ressortir une plus forte incidence des problèmes de santé au sein du groupe des anciens combattants de la guerre du Golfe qu’au sein des groupes témoins.

Les pathologies recensées et constatées sont assez diverses mais les symptômes présentés par les anciens combattants du Golfe paraissent tous correspondre à des maladies connues. Les Américains les ont regroupés en trois groupes : troubles cognitifs (troubles de la mémoire, dépression, insomnie, maux de tète migraineux etc...), confusion-ataxie (confusion et désorientation, étourdissement, troubles du raisonnement, impuissance sexuelle etc...) arthro-myo-neuropathie (douleurs musculaires et articulaires, perte de tonus, picotement et perte de sensation, fatigue, etc...).

A la lecture des rapports d'experts, la corrélation entre les symptômes n’est pas encore suffisante pour justifier l’utilisation du terme de « syndrome ». Le rapport publié au Etats-Unis par l’Institute of Medicine souligne même que : « Nous ne disposons pas d'assez d'éléments pour lier ces problèmes de santé à long terme à l’exposition à certains médicaments, agents chimiques et vaccins présents durant la guerre du Golfe ».

Au bout du compte, les conclusions actuelles sont celles d’une morbidité des anciens combattants de la guerre du Golfe apparaissant à peine supérieure à celle des autres populations comparables, dans le cadre de pathologies connues et sans que les symptômes observés puissent être corrélés de façon suffisamment certaine pour justifier médicalement l’expression de « syndrome de la guerre du Golfe », qui n’est donc employée que par défaut.
En France aussi, des anciens combattants du Golfe se sont plaints, mais beaucoup plus tardivement. A ce jour, il a été adressé quelque 300 demandes de pensions au titre du code des Pensions militaires d’invalidité. Cent vingt ont été concédées, les neuf dixièmes d’entre elles pour blessures.

Une association, Avigolfe, s’est spécialement créée en juin 2000 pour regrouper l’ensemble des anciens combattants du Golfe malades et qui attribuent leurs pathologies à leur participation à cette guerre afin de faire valoir leurs revendications. A ce jour, et selon la déclaration de son Président devant la mission d’information, elle ne compterait toutefois que quelque 180 membres. Ce chiffre doit être rapporté au total des effectifs dépêchés par la France, même si d’autres organisations du monde combattant, plus anciennes et plus représentatives, comptent parmi leurs adhérents d’anciens militaires ayant participé à la guerre du Golfe et souvent antérieurement ou postérieurement, à d’autres opérations extérieures sur des théâtres difficiles.

Pour ce qui est des pathologies évoquées ci-dessus, le Service de santé des Armées s’en est tenu strictement au fait que, s’il y avait là des affections qui devaient donner lieu à soins et pouvaient ouvrir droit à pension, il n’y avait pas de pathologie spécifique justifiant de déroger au régime traditionnel d’imputabilité au service. A l’évidence pourtant, et quelles qu’aient été les règles de prudence opérationnelle, notamment sur le plan médical, les forces françaises ont vécu dans le même environnement que les autres forces alliées.

Soucieux de répondre aux légitimes attentes de soldats ayant servi les intérêts de la Nation, les membres de la Commission de la Défense nationale et des Forces années, saisis de demandes visant à faire la lumière sur les circonstances exactes de l’engagement des militaires français ayant participé à la guerre du Golfe, ont décidé, le 2 octobre 2000, de créer une mission d’information composée de dix députés.

Ce choix a fait l’objet de critiques. Elles reposent davantage sur une méconnaissance manifeste des prérogatives, des pouvoirs d’investigation et de l’intérêt des missions d’information, que sur des fondements juridiques solidement établis. Il n’appartient pas aux deux co-rapporteurs de développer, une nouvelle fois, les arguments qui ont milité en faveur de la création d’une mission d’information. La démonstration de M. Claude Lanfranca, dans son rapport fait à l’automne 2000 sur la proposition de résolution n° 2562 tendant à créer une commission d’enquête1 sur ce sujet, se suffit à elle même.

Au demeurant, les membres de la mission d’information considèrent que les résultats de leurs travaux, dont le présent rapport ne constitue qu'un premier volet exclusivement consacré aux conditions d’engagement des militaires français au cours de la guerre du Golfe, constitueront en eux-même une véritable réponse aux contestations dont ils ont fait l’objet.

- D’un point de vue méthodologique, la mission d’information a voulu procéder avec une rigueur similaire à celle qui caractérise l’application de protocoles scientifiques.

De nombreuses auditions, souvent ouvertes à la presse, de responsables politiques, militaires, scientifiques, associatifs, actuels ou de l’époque, ont été menées. Des déplacements ont également eu lieu à l’étranger, à Londres, à Washington ainsi qu’à New York.

De même, une masse de documents secrets (ordres opérationnels, comptes rendus d’unités, télégrammes, notes des Etats-majors etc...), dont la liste figure en annexe2, a été déclassifiée par le ministère de la Défense à l’attention du Président et des co-rapporteurs. Cette méthode, inaugurée en 1998 avec le rapport de la mission d’information sur les opérations menées au Rwanda de 1990 à 1994, a également été mise à profit par les missions d’information de la Commission de la Défense sur le conflit du Kosovo puis sur le contrôle des exportations d’armement, dont le sérieux des investigations a été reconnu.

Dès lors que des incertitudes existaient ou que des contradictions se faisaient jour, des demandes de compléments d’information étaient systématiquement adressées au Ministre de la Défense qui, il faut le souligner, a répondu favorablement à nos requêtes et, le plus souvent, dans des délais décents.

La mission d’information a ainsi analysé minutieusement une masse conséquente de documents. Elle n’a cependant pas exclu, à l’occasion, les sources ouvertes ou indépendantes. Autant dire qu’elle a accompli un véritable travail de recherche documentaire sur des supports parfois non accessibles au public, jusqu’à ce jour.

La démarche de rigueur et de transparence qui a été adoptée au long des sept mois d’enquête a permis d’établir la vérité sur le déroulement des événements et d’aboutir à des conclusions quant aux risques auxquels nos soldats auraient été exposés durant la guerre du Golfe.

Complémentaire de l’analyse de la littérature scientifique sur le sujet et réalisée par le groupe des experts nommés par le Gouvernement mais indépendants, que préside le Professeur Roger Salamon, il était apparu à la mission d’information que son travail pouvait être utile aux scientifiques afin de comprendre les origines médicales des pathologies éventuellement subies par certains anciens combattants de la guerre du Golfe. Le ministère de la Défense et celui de la Santé n’ont pourtant pas attendu les conclusions de la mission d’information pour rendre public le rapport du groupe d’experts présidé par le Professeur Salamon, le 24 avril dernier. 2
Pour aborder les opérations conduites ultérieurement dans les Balkans, objet qui a été adjoint à son champ d’investigation par la Commission de la Défense, le 10 janvier 2001, la mission d’information prendra le temps nécessaire à l’accomplissement le plus complet possible de ses travaux ; ceci, afin de parvenir à ses objectifs selon la méthode qu’elle a suivie jusqu’à présent.
A cet égard, le strict délai de six mois impérativement imparti à toute commission d’enquête s’avérait inadapté à la tâche lui incombant.

- Avant d’analyser plus avant le fond du problème, il convient de rappeler quels ont été les objectifs que la mission d’information s’est constamment efforcée de poursuivre et d’atteindre.
Créée pour mettre au jour les expositions éventuelles de militaires français au cours de la guerre du Golfe à des risques sanitaires spécifiques, la mission d’information ne s’est pas cantonnée à un simple établissement des faits, comme il lui en a été fait le procès d’intention. Ses membres ont cherché en toute liberté à formuler des préconisations de nature à, d’une part, améliorer le sort des anciens combattants présentant des pathologies dont le lien avec l’engagement resterait difficile à déterminer (à la différence de blessures par exemple), et d’autre part, à promouvoir la sécurité des militaires susceptibles d’être déployés à l’avenir sur d’autres théâtres extérieurs.

Convaincus de l’intérêt de leur démarche, les membres de la mission d’information se sont fortement impliqués dans un travail d’analyse et de réflexion, dont le présent rapport se veut une synthèse fidèle dénuée de toute subjectivité. La mission a en effet cherché à vérifier, point par point, sur la base des déclarations faites devant elle et des documents dont elle a demandé la transmission intégrale, tous les faits et données portés à sa connaissance, y compris par la lecture de la presse ou d’articles scientifiques et en évitant de donner corps à ce qui relève des allégations ou des présupposés.

1 Rapport n° 2598 rie M. Clatitle Lanfranca sur la proposition de résolution (n° 2562) de M. André Aschiéri et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission d ’enquête sur l ’impact sanitaire réel chez les vétérans de la guerre du Golfe des armes utilisées durant l'opération Daguet et sur les responsabilités de l'Etat en la matière.

2 Annexe n° 4.



Première Partie :
La Guerre du Golfe : un Défi Autant Logistique et Sanitaire que Militaire

Il est indispensable de rappeler l’environnement de la guerre du Golfe. Il resitue en effet les conditions tant matérielles que psychologiques dans lesquelles les militaires ont été déployés dans le Golfe arabo-persique.

Dix ans après les faits, un bref retour en arrière s’avère nécessaire à la compréhension globale du conflit et de la manière dont il a été conduit, ce second aspect n’étant pas sans incidence pour la sécurité sanitaire des soldats engagés contre l’Irak.

I. — Le contexte opérationnel

Lorsque le 2 août 1990, l’Irak envahit et occupe le Koweït, le même jour, le Conseil de sécurité des Nations Unies ordonne, par la résolution n° 660, le retrait immédiat et inconditionnel des forces irakiennes de ce pays. Le 29 novembre, il décide, par la résolution n° 678, de donner mandat à une coalition militaire internationale d’y procéder par la force si nécessaire.

Au terme de tractations avortées à cause de l’intransigeance de Saddam Hussein, la guerre du Golfe est déclenchée le 10 janvier 1991. Une première phase, aérienne, prépare les conditions d’engagement des troupes au sol. L’affrontement terrestre commence le 24 février et se termine quatre jours plus tard.

D’après le message n° 4S66 / Comfor Daguet / Rens du 6 mars 1991, portant compte-rendu hebdomadaire, le conflit se solde pour l’Irak par la perte de 40 des 42 Divisions blindées engagées, 294 appareils aériens (99 chasseurs, 7 bombardiers, 19 avions de transport, 33 hélicoptères et 141 aéronefs détruits sous des hangarettes), et tous les bâtiments de la marine.

Côté allié, le rapport du directeur du service de santé des forces françaises stationnées en Arabie Saoudite, en date du 18 juillet 1991, recense quant à lui 132 tués, dont 2 Français, et 386 blessés, dont 33 Français. De même, le message mentionné précédemment précise que 81 appareils aériens (dont 48 américains, 7 britanniques et 3 saoudiens) sont détruits.

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