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Irak-Iran : la guerre paralysée


Auteur :
Éditeur : Bosquet Date & Lieu : 1987, Mayenne - France
Préface : Pages : 158
Traduction : ISBN : 2 86935 007-4
Langue : FrançaisFormat : 130x190 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Kin Ira. N° 1237Thème : Politique

Présentation
Table des Matières Introduction Identité PDF
Irak-Iran : la guerre paralysée

La guerre paralysée

Ralph King

Bosquet

Sept ans déjà que la guerre oppose Bagdad à Téhéran ; sept ans d’une guerre plus meurtrière encore que le Vietnam. Sept ans d’une guerre où se retrouve le cortège sanglant des « vagues humaines », des tranchées et des salves chimiques de la première guerre mondiale. Sept ans enfin d’une guerre dont les enjeux paraissent insaisissables.
S’agit-il en effet du conflit séculaire entre nationalismes perse et arabe ? Ou du choc de deux révolutions, islamique et laïque ? S’agit-il au contraire d’une guerre dont l’issue se jouerait dans la lutte pour le pouvoir à Téhéran, et même à Bagdad ? Ralph King apporte ici des éléments d’information et d’analyse indispensables à tout lecteur soucieux de comprendre la guerre Irak/Iran dans sa réalité locale et interne.
L’auteur dévoile également les incidences internationales du conflit ; les risques de déstabilisation qu’il fait peser sur les Etats du Golfe ; ses conséquences sur la situation libanaise ; son impact sur la confrontation israélo-arabe ; son importance dans les rapports Est/Ouest ; et son rôle dans l’insécurité européenne à travers le terrorisme.
Enfin, l’ouvrage explique cette guerre qui dure et ne s’étend pas malgré l’importance cruciale de la région, et qui semble tout à la fois attisée et paralysée par l’action indirecte des superpuissances.


Ralph King a travaillé à l’Institut international d’études stratégiques en 1985/86, avant d’enseigner les relations internationales au département des sciences politiques de l’Université nationale d’Australie.



Introduction

Bientôt dans sa huitième année, la guerre entre l’Irak et l’Iran n’a pas fini de déconcerter les observateurs pour plusieurs raisons. Nous examinerons plus particulièrement trois d’entre elles. Tout d’abord, la logique du conflit demeure obscure : sa durée et son coût exorbitant surpassent de beaucoup les avantages que chacun des deux camps peut espérer en retirer. De plus, si les nombreuses tentatives de médiation n’ont pas permis de découvrir le moindre terrain d’entente entre les deux belligérants, cela n’empêche nullement chacun d’entre eux de maintenir sa représentation diplomatique dans la capitale adverse. Ensuite, il s’avère difficile d’analyser l’évolution générale de la situation militaire en raison de ce que l’on pourrait appeler, avec quelque pudeur, la sélectivité des informations fournies par les deux pays. Enfin, et ce point est vraisemblablement le plus intéressant, contrairement à ce qu’aurait pu faire croire le sentiment général sur la sensibilité de la région, les incidences de ce conflit sur la situation internationale sont restées marginales.

Dans cette étude, nous réfléchirons sur la complexité des phénomènes politiques mis en jeu par cette guerre, et sur ses ramifications extérieures. Par souci de clarté, nous examinerons séparément l’évolution de la situation au plan régional puis à l’extérieur, mais il va de soi que cette distinction est artificielle. Au Moyen-Orient, et a fortiori dans le Golfe, « l’interpénétration des systèmes politiques » est telle qu’aucun Etat ne peut agir sans mettre en cause les autres ou peser sur tout un faisceau d’intérêts extérieurs1. Les liens entre les intérêts régionaux et extérieurs à la région feront l’objet d’une analyse particulière dans la conclusion.

L’ouvrage comprend quatre chapitres. Il commence par de brèves considérations sur les origines de la guerre en partant de l’hypothèse selon laquelle, indépendamment du contentieux historique entre l’Irak et l’Iran, ce conflit diffère des précédents par ses causes immédiates, que l’on peut rattacher à la révolution iranienne ; ce qui permet de mieux comprendre à la fois son intensité et les réactions de la communauté internationale. Le deuxième chapitre examine, à partir de données connues ou estimées, les incidences politiques et économiques de la guerre sur les belligérants. Le troisième chapitre est consacré aux réactions des autres Etats, arabes ou non, de la région. C’est d’ailleurs à ce niveau que le conflit a ses effets les plus marqués, même s’ils demeurent impossibles à mesurer. Enfin, le dernier chapitre est consacré aux réactions internationales, et notamment à celles des superpuissances, qui semblent dominées par des considérations d’influence politique. Les superpuissances ne seraient-elles en fin de compte que des spectatrices impuissantes ? Pourquoi sont-elles toutes deux favorables au même camp ? Peut-on vraiment prétendre, si c’est bien le cas, que la communauté internationale prolonge la guerre ?

Il est bien entendu difficile de faire la part de la guerre dans l’évolution générale de la situation. Certaines évolutions, qui seraient intervenues en tout état de cause (comme la chute des cours du pétrole) peuvent avoir des répercussions sur le déroulement du conflit. Toutefois, même si le Golfe est une région naturellement « instable », nous pensons que les tensions politiques et économiques nées de la guerre ne pourront qu’accroître notablement la complexité de cette zone.



Les cause de la guerre

Le 13 septembre 1980, d’importantes forces irakiennes franchissaient la frontière iranienne. Au terme d’une progression rapide, elles s’emparaient d’une bande de terrain relativement étroite et aménageaient leurs positions. Dès le début du mois de décembre, l’Irak adoptait officiellement une posture défensive. La situation est restée à peu près stable pendant plus d’un an. Toutefois, dès le printemps 1982, à la suite de plusieurs offensives, les Iraniens progressaient au sud du front et, au mois de juillet, c’était au tour de l’Irak d’être envahi. Depuis, Bagdad réclame, avec une insistance dictée par la nécessité, un retour au statu quo ante.

Les succès militaires de l’Irak paraissent fort limités en regard de ses pertes élevées en hommes et en matériel après sept années d’hostilités. Deux questions évidentes se posent alors : quels étaient les raisons initiales de l’invasion irakienne, et quels objectifs Bagdad a-t-il atteints ? Dans ce chapitre, nous passerons rapidement en revue les facteurs - dans la mesure où ils sont connus -dont la combinaison a précipité le déclenchement de la guerre en septembre 1980.

Comme tout conflit, la guerre entre l’Irak et l’Iran a des causes profondes et d’autres plus immédiates. Nous nous attacherons ici à ces dernières dans la mesure où elles expliquent les singularités du conflit et conditionnent l’attitude de la communauté internationale à l’égard des belligérants.

La première offre de cessez-le-feu formulée officiellement par Bagdad témoignait, bien que d’une manière peu précise, des préoccupations du gouvernement irakien. Le 28 septembre, six jours seulement après le déclenchement de ses premières attaques aériennes massives, Bagdad faisait des offres de paix assorties d’un certain nombre de conditions1 : la reconnaissance par l’Iran des droits territoriaux irakiens ; la fin des ingérences iraniennes dans les affaires irakiennes ; l’engagement mutuel d’entretenir des relations de bon voisinage ; et la restitution de trois îles du Golfe (Tumb-el-Srir, Tumb-el-Kebir et Abou Musa), contrôlées par Téhéran depuis 1971, au détriment de leurs possesseurs légitimes.

De toutes ces conditions, la dernière était vraisemblablement la moins importante. Sans être pour autant hypocrites, les revendications formulées au profit des émirats de Ras-el-Khaymah et de Sharjah, membres des Emirats arabes unis (EAU), s’inscrivaient avant tout dans une opération de relations publiques visant à souligner les efforts de l’Irak pour la nation arabe toute entière. En revanche, certaines causes seront beaucoup plus déterminantes, comme les ingérences iraniennes dans la politique intérieure de Bagdad (conséquence de l’hostilité du nouveau gouvernement révolutionnaire iranien vis-à-vis du régime-Baas irakien), et le contentieux frontalier. Nous donnerons ici plus d’importance aux menaces politiques.

La plupart des commentateurs retiennent parmi les causes de la guerre un contentieux historique fondé sur les traditionnelles rivalités culturelles et ethniques entre arabes et Perses, et sur le schisme entre chiites et sunnites2.

Il est bien évidemment impossible d’ignorer cet arrière plan conflictuel, s’agissant de deux Etats dont la frontière commune témoigne de divisions historiques, ethniques et culturelles. De fait, comme l’a fait remarquer un spécialiste de la région, les mouvements nationalistes modernes n’ont fait qu’« accentuer des attitudes traditionnellement méprisantes et méfiantes » 3. Au reste, bien avant le déclenchement du conflit, Bagdad évoquait à toute occasion les différences ethniques et rappelait la victoire des arabes sur les Perses à Quadisiyya en 638 - en Irak, la guerre en viendra même à être appelée la « Quadisiyya de Saddam ».

Toutefois, la référence au caractère traditionnel d’un conflit réduit dans le passé à des différends frontaliers appelle deux réserves importantes. Gouverné par une succession de régimes républicains, et notamment Baas, l’Irak a adopté une attitude pro-arabe de plus en plus marquée ; or le chah allait développer sa politique régionale alors même que le présent gouvernement irakien arrivait au pouvoir (gouvernement dont le panarabisme s’atténuera avec le temps). Ensuite, durant la période précédant la guerre, les dirigeants irakiens se sont inquiétés de l’influence de l’ayatollah Khomeini sur les chiites, majoritaires en Irak. Le danger était d’autant plus grand que cette influence était indépendante de toute référence nationale. Il est au demeurant quelque peu surprenant de constater que le schisme entre chiites et sunnites n’a joué qu’un rôle mineur dans le conflit. En fait, le contentieux entre les deux pays se serait aggravé avec le conflit, sans avoir véritablement contribué à son déclenchement.

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