La bibliothèque numérique kurde (BNK)
Retour au resultats
Imprimer cette page

Missions à Bagdad


Auteur :
Éditeur : Seuil Date & Lieu : 1991, Paris
Préface : Pages : 206
Traduction : ISBN : 2-02-013424-1
Langue : FrançaisFormat : 145x210 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Pri. MIs N° 3135Thème : Politique

Présentation
Table des Matières Introduction Identité PDF
Missions à Bagdad

Missions à Bagdad

Evguéni Primakov

Seuil

Comment - et par qui - furent gâchées les dernières chances de solution politique de la crise du Golfe? Comment expliquer l’énigme du comportement - et de l’aveuglement – irakien ? Pouvait-on éviter cette guerre aux conséquences ultimes encore imprévisibles ? Pour la première fois, un haut responsable soviétique, qui fut le représentant personnel de Mikhaïl Gorbatchev dans toutes les négociations, livre à chaud - et hors de toute langue de bois - le récit minutieux des tractations secrètes précédant l’offensive. Il raconte ses voyages, parfois problématiques, à Bagdad avant et pendant la guerre. Il rapporte ses ultimes discussions avec Saddam Hussein, mais aussi avec Yasser Arafat, Hosni Moubarak, le roi Hussein de Jordanie, le prince Fahd d’Arabie Saoudite, l’émir du Koweit, François Mitterrand, George Bush, Margaret Thatcher, etc. Il évoque les réunions de crise au Kremlin avec la petite équipe entourant Gorbatchev et révèle, notamment, comment fut obtenue la libération des otages soviétiques.


Evguéni Primakov, vice-ministre des Affaires étrangères - et ancien journaliste à la Pravda, est aussi l’un des meilleurs spécialistes du Proche-Orient. Il connaît Saddam Hussein depuis 1969 et livre, ici, sur cette grave crise de l’après-guerre froide, un témoignage de première main.



PRENSENTATION

Pour aller de chez moi à mon bureau du Kremlin, j’ai l’habitude d’écouter les informations dans ma voiture. Le 2 août 1990, la première concernait l’invasion du Koweït par l’Irak. On avait peu de détails. J’avoue que j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un accrochage frontalier, sans doute sérieux, mais ne dépassant pas les limites des accrochages précédents. Je ne peux même pas singer les hommes politiques, soit très expérimentés, soit clairvoyants, qui, sans attendre, ont imaginé l’envergure considérable, les développements très complexes et les graves conséquences de cette crise qui commençait.

Ce matin-là, je m’en souviens, je recevais dans mon bureau mon vieux camarade de l’Institut des études orientales Iouri Griadounov, actuel ambassadeur d’URSS en Jordanie. Bien sûr, notre conversation a porté sur les derniers événements au Koweït. A ce moment-là, nous disposions déjà des informations données, notamment, par l’agence Tass. Elles étaient alarmantes. Pourtant, ni lui qui s’occupe depuis longtemps du Proche-Orient en professionnel, ni moi, nous ne pouvions imaginer la tournure qu’allaient prendre les événements.

En fait, il était difficile de croire que l’Irak pût se lancer dans une aventure aussi folle et vouée à l’échec. Nous avons donc essayé de définir la limite jusqu’où Saddam Hussein pouvait aller avant de s’arrêter. Nous pensions qu’il se bornerait à un « coup de poignard » avant de négocier. Et pourtant, les analyses qui se fondaient sur l’expérience, la logique et le simple bon sens se sont révélées inapplicables aux événements qui se précipitaient à une vitesse vertigineuse.

Ce matin-là, je n’imaginais pas une seconde que j’allais participer en direct à ces événements.
La guerre du Golfe est le produit de l’invasion puis de l’annexion du Koweït par l’Irak. Saddam Hussein espérait réaliser ses plans. Ses calculs se sont avérés bâtis sur du sable. Il a sous-estimé l’ampleur des oppositions qu’il rencontrerait dans le monde entier. Il n’avait manifestement pas prévu que toute une série d’États arabes, de premier plan par leur influence et leurs ressources, joueraient un rôle actif dans la coalition multinationale décidée à contraindre l’Irak à évacuer le Koweït. Il n’a pas compris enfin que, en refusant de retirer ses troupes du Koweït, l’Irak rendait la riposte militaire inéluctable.

La crise du Koweït a été la plus importante de toutes celles qui ont éclaté depuis la Deuxième Guerre mondiale, tant par le nombre des pays qui s’y sont trouvés entraînés que par l’envergure des opérations militaires.

D’autre part, cette crise a représenté la plus sérieuse des épreuves pour la communauté mondiale qui venait tout juste de sortir de la « guerre froide » entre l’Est et l’Ouest, mais n’avait pas encore consolidé ses rangs dans la perspective d’un nouvel ordre universel « tous azimuts », incluant les relations Nord-Sud, Sud-Sud, permettant de garantir la justice et fondé sur le refus d’utiliser la force comme instrument de la politique. Dans l’ensemble, l’humanité a été à la hauteur de cette épreuve sérieuse.

La crise du golfe Persique a mis à l’ordre du jour une nécessité urgente : la recherche d’une structure de sécurité régionale fiable, que l’on ne saurait édifier sans régler tous les conflits qui déchirent cette zone et, en premier lieu, le conflit israélo-arabe. Les explosions de bombes et de missiles sur Bagdad, Koweït-City, Ryad et Tel-Aviv ont mis brutalement en lumière la nécessité urgente et brûlante de stabiliser la situation de toute la région. Cette stabilité peut être obtenue, pour l’essentiel, par des moyens politiques.

La crise du Golfe aura incontestablement de très sérieuses conséquences économiques et politiques. On peut affirmer en toute certitude que les modifications de l’équilibre existant engendrées par la guerre se répercuteront sur toute la « situation pétrolière », sur l’extraction du pétrole, sur sa consommation et sur son prix.

De toute évidence aussi, de violents remous politiques vont longtemps encore se propager à partir de l’épicentre que représente la guerre du Golfe.

L’objectif premier de ce livre est d’exposer le rôle joué par l’Union soviétique pendant cette crise. J’ai en même temps essayé de retracer les impressions d’un homme que le destin a placé au cœur des événements. J’espère que le lecteur jugera dignes d’intérêt quelques-uns des jugements et quelques-unes des idées que je formule sur l’après-crise au Moyen-Orient et dans le monde en général.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance à mes camarades et à mes collègues qui m’ont aidé à faire paraître cet ouvrage dans des délais si brefs.



Il y avait une alternative

Le monde trembla donc quand, le 2 août 1990, les tanks irakiens s’enfoncèrent dans le territoire du Koweït. En quelques jours ce petit État, membre de l’Organisation des Nations unies, fut d’abord occupé puis proclamé dix-neuvième province de l’Irak.

La communauté mondiale, dans son écrasante majorité, s’unit pour exiger le retrait inconditionnel des envahisseurs du Koweït et le rétablissement de sa souveraineté. Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur ces points passèrent « comme une lettre à la poste », sans les longues consultations et les convulsions diplomatiques habituelles dans les cas de ce genre. Cette constatation vaut même pour les mesures extraordinaires proposées : la mise en oeuvre de très sévères sanctions économiques contre l’Irak pour son refus d’exécuter les légitimes exigences de la majorité des pays membres de l’ONU.

Cette réaction, émotionnellement justifiée, se manifesta par une activité intense et sans précédent : l’adoption en moins de deux mois par le Conseil de sécurité de l’ONU de onze résolutions consacrées à la même question. Mais il était déjà patent, alors, que cette activité ne donnerait guère de résultats « palpables ». Sur beaucoup de points ces résolutions ne faisaient que se répéter l’une l’autre. Et puis la ligne définie par le Conseil de sécurité avait beau se durcir de résolution en résolution, ce durcissement n’aboutissait pas aux résultats attendus. L’Irak au contraire multipliait les actes violant les règles du droit tant vis-à-vis du Koweït que des représentants d’autres États. On peut sans le moindre doute y voir d’abord l’expression des caractéristiques psychologiques de Saddam Hussein. Il croyait probablement (je n’exclus pas cette hypothèse) disposer de beaucoup de temps pour manœuvrer et commençait donc par les mesures les plus brutales.

Mais une série de résolutions avait été néanmoins prise. Et, fait essentiel, parallèlement à leur adoption à jet continu, les États-Unis et quelques autres pays, dont les États arabes, procédaient à un transfert massif de troupes en Arabie Saoudite. L’Arabie, craignant en effet d’être la prochaine victime de l’agression irakienne, avait sollicité l’aide de Washington. Une énorme masse de troupes américaines, de forces navales stratégiques américaines et des contingents d’autres États furent bientôt concentrés dans la zone du golfe Persique.

Les sanctions économiques sévères et cette démonstration militaire de grande envergure laissaient paradoxalement un certain « espace » politique pour sortir pacifiquement de l’impasse créée par Saddam Hussein. Dès lors, les initiatives et les tentatives de médiation se multiplièrent. Les Arabes s’avancèrent les premiers sur la scène politique, chose bien naturelle puisque le conflit concernait d’abord deux États arabes ; la scission du monde arabe qui en découlait était ressentie …




Fondation-Institut kurde de Paris © 2024
BIBLIOTHEQUE
Informations pratiques
Informations légales
PROJET
Historique
Partenaires
LISTE
Thèmes
Auteurs
Éditeurs
Langues
Revues