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PREFACE
Par suite de la nationalisation des trusts pétroliers étrangers et de l’augmentation des prix du pétrole, la fin des années soixante-dix vit se concentrer aux mains de Saddam Hussein un immense potentiel financier. En dépit du gaspillage, des dépenses pour l’industrialisation et la création d’infrastructures, des sommes consacrées aux services secrets et enfin des frais gigantesques engagés dans l’armement et la militarisation, l’Irak disposait avant la guerre contre l’Iran de milliards de réserves de devises. Avec ces excédents financiers, l’Irak n’en était pas moins considéré au début des années quatre-vingts comme l’un des pays dits du Quart Monde. Or, la richesse de l’Irak ne se limite pas à sa production pétrolière. Il dispose également de vastes ressources d’eau grâce aux deux fleuves du Tigre et de l’Euphrate, constituant une base sûre pour une production agricole dépassant de loin les besoins nationaux. Avec son histoire et ses conditions climatiques, l’Irak est en mesure de proposer divers types de tourisme d’hiver comme d’été. L’importance de sa population, qui possède un niveau de formation relativement élevé, et sa richesse en matières premières permettent d’y établir des industries gigantesques.
Il est intéressant de vérifier à l’exemple de l’Irak la théorie intitulée "Lack of Capital" de Nurske. Nurske a constaté que le sous-développement est difficile à surmonter en raison du faible niveau des revenus nationaux et donc de l’accumulation qui en découle. Il a donc proposé des chemins compliqués pour résoudre ce problème. Si c’était vrai, l’Irak devrait être à l’heure actuelle l’une des principales nations industrielles du monde, et le peuple irakien parmi les plus heureux de la terré. Contrairement à Nurske, une série d’éminents politiciens et économistes surent reconnaître à temps que la misère des peuples des pays en voie de développement ne résulte pas uniquement des problèmes internes à ces pays, mais avant tout du handicap que constitue l’ordre politique et économique inéquitable dans le monde.
En effet, le développement de l’Irak moderne et la politique qui s’y fait ne sont pas le fruit d’un processus démocratique, mais d’un ordre imposé par les anciennes puissances coloniales après la première guerre mondiale, puis par les différentes grandes puissances possédant une influence dans la région. Cet ordre servait en premier lieu les intérêts de ces puissances. Le peuple irakien fut sacrifié aux intérêts de puissances étrangères du fait de la richesse et de la position stratégique de son pays. Notamment, l’Irak a gravement souffert, comme les autres pays arabes du "croissant fertile" tels que la Syrie, la Jordanie et le Liban, de la division de cette région en différents pays. Les Britanniques avaient mis en place un roi avec un gouvernement pro-britannique et créé dans le pays une structure économique asservissant l’économie irakienne à l’économie de la Grande-Bretagne. Certes, la monarchie fut renversée par une révolution, mais les tentatives de la république irakienne de transformer, dans l’intérêt national, l’ordre politique et économique qu’elle en avait hérité confrontèrent le pays à des problèmes plus importants encore. Il en résulta des complots de toutes les forces intérieures et étrangères intéressées à maintenir l’ancien ordre politique et économique, ce qui se termina en un putsch sanglant en faveur du parti Baas et des pan-arabistes en 1963. Le parti Baas réussit finalement en 1968 à prendre définitivement le pouvoir.
Le déroulement complet des événements, de la prise du pouvoir par le Baas et de la terreur qu’il exerça sur le peuple irakien jusqu’à Saddam Hussein, la façon dont le parti Baas et l’influence des grandes puissances ont rendu sa domination possible montrent comment l’ordre politique et économique inéquitable, tel qu’il existe dans le monde, peut produire des dirigeants comme Saddam Hussein et comment la richesse d’un pays peut devenir un moyen d’opprimer son propre peuple.
Les immenses moyens financiers du Baas, son idéologie, son organisation et les qualités personnelles de Saddam Hussein, ainsi que le soutien reçu d’une façon ou d’une autre de diverses grandes puissances ont permis à Saddam Hussein d’opprimer sans merci le peuple irakien. Il a en outre créé un mécanisme sans précédent pour permettre au parti Baas au pouvoir et à ses alliés en Irak et à l’étranger de mettre la main sur les recettes pétrolières. La militarisation, l’équipement et l’industrialisation de l’Irak, ainsi que les guerres menées par l’Irak, servaient toujours d’une façon ou d’une autre à assurer aux forces impliquées une participation au patrimoine pétrolier du pays et à satisfaire les ambitions personnelles de Saddam Hussein, tout en servant les intérêts stratégiques des grandes puissances.
La victime de ce mécanisme fut le peuple irakien. Il allait être saigné en temps de paix par la terreur des services secrets, en temps de guerre par les bombes. A l’époque ou Saddam Hussein était l’ami des pays occidentaux et des pays de l’Est, le peuple irakien dut subir le pillage de ses richesses, et lorsque Saddam Hussein passa dans le camp ennemi, ce fut au peuple d’en supporter la pénitence. Il dut accepter que les bombes ramènent son économie à un niveau primitif, sans parler de l’effroyable tribut du sang payé aux bombardements par milliers ni même de la destruction d’irremplaçables biens culturels.
Les puissances étrangères tirent leur part de profit des recettes pétrolières, en temps de guerre comme en temps de paix. En temps de paix, elles construisent des usines, livrent des équipements militaires de grande envergure et des installations pour la production d’armes chimiques, participent à des projets d’infrastructure et exportent des biens de consommation. En temps de guerre, l’industrie de l'armement trouve un nouvel essor. En Irak, ces puissances détruisent ce qu’elles avaient auparavant construit et vendu, et bien plus encore, pour assurer après la guerre du travail à leur économie.
Pour comprendre le phénomène Saddam Hussein, il faut analyser le développement socio-économique de l’Irak moderne. C’est ce que nous avons tenté de faire dans ce livre. Nous avons également veillé à jeter un regard d’historien sur les événements politiques de l’Irak moderne et à donner au lecteur une présentation continue des événements. Pour comprendre les événements politiques de l’Irak moderne et les causes objectives ayant mené à la fondation du parti Baas, nous avons résumé dans le chapitre I le développement dont a émergé l’Irak moderne. Le chapitre II est consacré au développement du mouvement Baas et à la fondation de la branche irakienne du parti Baas. Dans le chapitre III, nous nous sommes efforcés de présenter une image objective de Saddam Hussein et de révéler les circonstances, bien souvent secrètes, qui l’ont porté à la tête du parti et du pouvoir. Dans ce chapitre, nous avons également tenté de donner au lecteur un aperçu de la structure de l’appareil des services secrets en Irak, qui peut être considéré comme une institution unique en son genre de la terreur d’Etat dans un pays en voie de développement Nous avons en outre cherché à donner une idée des tactiques appliquées par les Baasistes pour prendre le pouvoir et s’y maintenir, et pour répandre la terreur. Le chapitre IV décrit comment ils s’y sont pris pour éliminer toute opposition. Dans le chapitre V, nous avons analysé les caractéristiques socio-économiques de l’Irak sous le régime du Baas et tenté d’analyser les forces et les faiblesses de ce régime ainsi que les circonstances qui ont conduit à la transformation de l’Irak en puissance militaire sous le pouvoir Baas. Le chapitre VI est consacré à la guerre entre l’Irak et l’Iran, et le chapitre VII à l’invasion du Koweït et aux dessous de la guerre contre les alliés.
Issam A. Sharif
Février 1991
Chapitre I
Aperçu historique de l’Irak prérépublicain
1.1. La naissance de l’Irak moderne
Dans l’histoire, l’Irak est connu sous le nom grec de Mésopotamie ou "pays des deux fleuves", le pays entre deux fleuves. Ces deux fleuves sont le Tigre et l’Euphrate qui se rejoignent pour former le Chatt el-Arab qui débouche dans le Golfe Persique. En Mésopotamie, les débuts de la culture humaine remontent à plus de 5000 ans. La Bible est l’un des produits de cette culture. C’est ici qu’elle a été écrite, et les diverses villes de Mésopotamie comme Babylone, Ninive, Ur, Assur et Nimrud furent sources de nombreuses histoires bibliques.
L’histoire moderne de l’Irak commence avec la chute de l’empire ottoman et le début du règne britannique. L’Irak moderne est constitué par la majeure partie de trois provinces de l’empire ottoman: Bassora, Bagdad et Mossoul.
Le règne britannique s’imposa en Irak avec la première guerre mondiale. L’invasion de l’Irak par l’année britannique commença en novembre 1914. Les troupes britanniques commencèrent par …
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