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Turquie, la croisée des chemins


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Éditeur : Édisud Date & Lieu : 1989, Aix-en-Provence
Préface : Pages : 200
Traduction : ISBN : 0997-1327
Langue : FrançaisFormat : 160x245 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Pan. Tur. N° 2730Thème : Politique

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Turquie, la croisée des chemins

Turquie, la croisée des chemins

Pierre Robert Baduel


Édisud


A la rencontre de l’espace euro-méditeranéen et de l’aire islamique, la Turquie occupe depuis des siècles une position clé.
Turquie, la croisée des chemins apporte sa contribution à une meilleure appréhension des mutations de différents ordres que ce pays a connues à la suite de la Révolution kémaliste qui, opérant le passage de l’Empire Ottoman à l’État-Nation turc, devait profondément marquer l’histoire du XXe siècle et constitue encore aujourd’hui un enjeu dans un débat politique interne aux implications internationales.


Thème sous la responsabilité de Daniel Panzac,
C.N.R.S., Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, Aix-en-Provence
Gastrow (Jean-Philippe von), journaliste, Paris.
Georgeon (François), C.N.R.S., Centre d’études turques, Paris.
Groc (Gérard), Éducation nationale, ancien pensionnaire
de l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul
Kancal (Salgur), Université de Rennes
Le Lan (Jean-Marie), Institut agronomique méditerranéen de Montpellier
Lerin (François), Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes, I.A.M., Montpellier
Thobie (Jacques), Université de Rennes
Vaner (Semih), Centre d’études des relations internationales,
Fondation nationale des sciences politiques, Paris
Vatin (Nicolas), C.N.R.S., Centre d’études turques, Paris
Yérasimos (Stéphane), Université de Paris VIII


ÉDITORIAL

De Mustapha Kémal à Turgut Ozal ou du devenir État-Nation d'un Empire éclaté

A la rencontre de l’espace euro-méditerranéen et de l’aire islamique, la Turquie occupe depuis des siècles une position clef.

Sous la forme de l’Empire ottoman, qui a duré six siècles1, les Turcs ont réussi à dominer une partie du monde arabo-musulmun et à étendre leur domination jusqu’en Europe, divisant celle-ci dans sa propre organisation, déterminant la France monarchique à une alliance avec l’«Infidèle» destinée à contrer la volonté d’hégémonie habsbourgeoise, jusqu’à ce qu’à son tour, par une concurrence balkanique des deux empires du Centre et de l’Est européens, l’étau ottoman soit desséré, pour finir, au sortir de la guerre de 1914-1918, par la disparition aussi bien de l’Empire ottoman que de l’Empire austro-hongrois, événement dont on peut penser avec François Fejto (1988) qu’il fragilisa encore davantage l’aire couverte par les deux empires défunts et constitua sans doute l’une des causes majeures, par les frontières d’États spécieusement basées sur le «principe des nationalités» qui résultèrent des traités de Versailles et de Sèvres, des guerres et turbulences dont elle a été et demeure encore aujourd’hui le théâtre2.

La première guerre mondiale devait en effet régler le sort d’un empire qui avait cependant procédé tout au long du XIXe siècle à un important effort de modernisation et connu en 1908 la Révolution jeune-turque. La paix imposée par les vainqueurs de la Grande Guerre au gouvernement du sultan fut à l’origine du soulèvement de Mustapha Kémal qui, lançant une guerre de libération nationale, allait déclarer l’abolition du sultanat en 1922, puis du califat en 1924, instaurer la République en 1923 et lancer une authentique Révolution culturelle en imposant au pays une « occidentalisation » qui la détachait d’une certaine façon de son espace civilisationnel historique, avec quelques mesures frappantes, comme, par exemple, l’interdiction des costumes et couvre-chefs traditionnels, la dissolution des ordres religieux et la fermeture de leurs prieurés (1925), l’adoption d’un Code civil calqué sur celui de la Suisse (1926), la turquification de l’appel à la prière et l’adoption de l’alphabet latin (1928), l’accession des femmes au droit de vote (1934), ou encore l’adoption d’un nouveau code pénal d’inspiration italienne (1936).

Sous les premiers successeurs d’Ataturk, Ismet Inonü (1884-1973) qui sera président de la République jusqu’à ce que son rival malheureux de 1938, Celai Bayar (1883-1986), lui succède par victoire électorale en 1950, la Turquie, qui avait signé un accord d’aide bilatéral avec les U.S.A. en février 1945, est devenue membre de l’O.E.C.E. (ancêtre de l’O.C.D.E.) en 1948, du Conseil de l’Europe en 1949, de l’OTAN (après quelques refus) en 1951. En 1955 Mendérès, premier ministre, signe le pacte pro-américain de Bagdad (devenu CENTO, Central Treaty Organization lors de son transfert à Ankara en 1959). Dès 1959, Celal Bayar et Mendérès étant toujours aux affaires, la Turquie, prend contact avec le Marché commun européen et, sous le régime du général Gürsel issu du coup d’Etat militaire du colonel Turkès, envoie dès 1961 ses premiers contingents de travailleurs en Allemagne.

Cette tentation politique et pas seulement civilisationnelle de l’Occident n’est pas allée cependant sans problèmes, pour des raisons de conjoncture parfois mais aussi parce que la Turquie ne peut bien évidemment s’abstraire totalement du double contexte géo-politique régional au cœur duquel elle se trouve, avec l’U.R.S.S. d’un côté, les pays islamiques de l’autre. L’U.R.S.S. qui a apporté son aide financière au premier plan quinquennal turc en 1934, réapparaîtra sur la scène turque dès lors que les relations avec le camp occidental n’apporteront pas au gouvernement d’Ankara l’assistance nécessaire espérée : après les échecs répétés de Mendérès auprès des partenaires américains et germaniques (1954-1955), l’U.R.S.S. propose son aide économique (1956), envoie en 1957 une délégation commerciale à Ankara, signe un accord commercial en 1960, et alors que les relations militaires sont renforcées avec les U.S.A. et qu’Eisenhower effectue une visite officielle en décembre 1959, Mendérès fait annoncer en avril 1960 une prochaine visite (juillet) à Moscou. Le coup d’Etat militaire du colonel Turkès du 27 mai 1960 devait viser, aux yeux de ses protagonistes, à stopper ce processus de dérive à l’Est, les dirigeants du Parti démocratique de Celal Bayar seront traduits devant la Cour Suprême (juillet 1960), Adnan Mendérès et deux autres ministres (Fatin Rüştu Zorlu, Affaires étrangères, et Hasan Polatkan, Finances) seront exécutés en octobre 1961. Inonü revient alors aux affaires à la tête d’une coalition nationale (1960-1965), le Général Gürsel ayant été élu / imposé à la tête de l’Etat. 1964 verra cependant un ministre turc se rendre pour la première fois depuis 1939 à Moscou. Sous Demirel, qui à la tête du Parti de la Justice héritier du Parti démocratique de Celal Bayar, devient premier ministre en 1965, les contacts avec Moscou vont reprendre : le premier ministre soviétique Kossyguine se rendra à Ankara en décembre 1966 et le Général Sunay qui a succédé en mars 1966 au Général Gürsel, frappé d’incapacité, fera le voyage de Moscou en octobre 1969.

C’est de cette époque où des relations cherchent à être établies durablement avec l’U.R.S.S. que datent des phénomènes concordants : la multiplication des manifestations anti-américaines, la montée en violence du parti d’extrême droite nationaliste de Turkès et de ses jeunesses appelées « loups gris » (1968) et la création, bien antérieure à l’onde de choc de la révolution khomeyniste, du parti islamiste d’Erbakan, le Parti de l’Ordre National (1970) : en février 1974 Erbakan, farouche adversaire de Demirel, devait devenir, après un nouvel intermède militaire (1971-1973), vice-premier ministre auprès d’Ecevit, successeur d’Inonü à la présidence du Parti républicain du Peuple (à cette influence sembla imputable, selon certains observateurs, l’intervention militaire de la Turquie à Chypre). Ministre ultra-libéral de l’économie sous le gouvernement Demirel du moment du coup d’Etat du général Evren (septembre 1980), resté à ce poste après le coup d’État jusqu’à son éviction en septembre 1982, fondateur d’un des trois partis autorisés par les militaires, le Parti de la Mère Patrie, qui visait à remplacer le Parti de la Justice de Demirel désormais interdit, Turgut Ozal a été nommé premier ministre à la suite de sa victoire aux élections législatives de novembre 1983. D’autres partis depuis ont à nouveau été autorisés à participer au jeu politique, dont un parti islamiste héritier du Parti du Salut National d’Erbakan. Autant dire que le débat sur la modernisation occidentaliste reste ouvert.

Par la présente livraison, la Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée a cherché à apporter sa contribution à une meilleure appréhension des mutations qu’a connues la Turquie depuis la Révolution de Mustapha Kémal et à mieux cerner les enjeux nationaux et internationaux actuels.

Selon le principe général retenu pour la production du numéro spécial annuel Ville /pays créé en 1987 3, un soin particulier a été apporté par l’équipe de rédaction de la Revue à une illustration originale du thème. Pour la présente livraison, cet objectif a pu être atteint en particulier grâce à la précieuse collaboration de Paul Vesseyre, qui a assuré par ailleurs la traduction de textes d’illustrations de son fonds. De son côté Vincent Cauche, actuellement à l’Université de Marmara (Istanbul), a bien voulu, à ma demande et en vue de ce numéro, se mettre en quête de journaux, brochures et tracts publics distribués au cours de la dernière campagne pour les élections locales d’avril 1989 en illustration sur les formes les plus actuelles du fonctionnement de la démocratie turque. Je remercie enfin Sami Sadak, enseignant de turc à l’Université de Provence, pour l’aide qu’il m’a apportée pour la traduction de ces tracts et les commentaires qui les accompagnent.

Pierre Robert Baduel

1. On attend avec impatience, sous la direction du Professeur Robert Mantran, l'Histoire de l’empire ottoman, à paraître en septembre 1989 chez Fayard, Paris (env. 700 p.).
2. Le Monde Musulman à l’épreuve de la frontière, N° 48-49 de la Revue sous la responsabilité de P.R. Baduel (1988/2)3, 320 p.) comporte plusieurs articles sur la période de décomposition de l’empire ottoman et de constitution des espaces nationaux proche-orientaux.
3. Le N° Ville / pays de 1987 a porté sur Alexandrie entre deux mondes, sous la responsabilité de R. Ilbert; celui de 1989 portera, sous la responsabilité de P.R. Baduel, sur Mauritanie, identité et développement.



Turquie, la croisée des chemins

Daniel Panzac


Présentation

Les années 1988-1989 sont fertiles en commémorations et la Turquie n’échappe pas à cette obligation. On peut citer le bicentenaire de l’accession au trône, en 1789, du Sultan Selim III, responsable des premières tentatives de réforme de l’Empire ottoman; puis deux cent-cinquantenaires très importants : le traité de commerce anglo-turc de 1838 et le hatti-cherif de Gülhane de 1839 qui ouvre la période des réformes, le Tanzimat ; 1889 est l’année de création du Comité Union et Progrès ; enfin c’est en 1938, il y a cinquante ans, que décède le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. Derrière ces différentes manifestations, quelque peu anecdotiques, qui ponctuent deux siècles d’Histoire turque se profile l’élément fondamental de cette période : la relation ambiguë, mais incontournable, attraction-répulsion, des rapports entre la Turquie et l’Occident.

« Turquie, la croisée des chemins ». De fait, de 1908 à 1988, ce pays a été contraint à de nombreux choix dans des domaines aussi variés que mal connus, voire propices aux controverses, mais où l’Occident protéiforme est toujours plus ou moins présent. Ce sont quelques unes de ces orientations qui sont présentées dans ce recueil à un moment où la Turquie semble avoir fait un nouveau choix : tenter de s’intégrer vraiment à l’Europe sans être encore certaine d’être acceptée.

Peu de pays ont connu au XXe siècle des transformations aussi profondes et la Turquie de 1988 a peu à voir avec l’espace géographique qu’elle occupait dans l’Empire ottoman du début de ce siècle. Néanmoins, si radicale qu’ait pu être la coupure de 1922-24, le présent plonge ses racines dans un passé récent toujours vivace dont quatre éléments essentiels constituent la première partie de cet ouvrage. Jacques Thobie évoque la fin de l’« homme malade » et le rôle de l’Occident dans cette disparition. L’intervention occidentale se manifeste sur le plan économique …




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