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Le Devoir d'Ingérence


Auteur :
Éditeur : Presses Universitaires du Septentrion Date & Lieu : 1996, Villeneuve d’Ascq
Préface : Pages : 660
Traduction : ISBN : 2-284-00249-8
Langue : FrançaisFormat : 155x230 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Izo. Dev. N° 4044Thème : Général

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Le Devoir d'Ingérence

Le Devoir d'Ingérence

Sylvie Izouli

Presses Universitaires du Septentrion

Le principe de non intervention dans les affaires intérieures ou extérieures d’un État a toujours occupé une place importante parmi les règles de droit international. Bien que sa formulation remonte à une époque très lointaine, avant la Charte de l’ONU, et malgré les abondants instruments juridiques à son sujet, dans la pratique on est encore loin de pouvoir confirmer que le respect de ce principe domine les relations entre les Etats membres de la Communauté internationale.

Il est toutefois intéressant de signaler que les dérogations courantes à l’interdiction de l’intervention ne résultent pas de la négation ou de la contestation de la règle. Tous les sujets du droit international admettent son existence en tant que règle conventionnelle et coutumière faisant partie intégrante du droit international positif. Les condamnations également fréquentes de l’ingérence montrent bien que cette règle conserve toujours sa valeur juridique et sa force obligatoire, d'ailleurs la violation d’une règle de droit ne se confond pas avec l’admission de son existence ou avec sa portée obligatoire. Dans ce sens H .Kelsen écrit qu’ "une norme juridique considérée isolément ne perd pas sa validité par le fait qu'elle n’est pas ...



INTRODUCTION GÉNÉRALE

Depuis toujours, les guerres les plus barbares ont été souvent suivies par l’introduction de grandes réformes visant à la moralisation et à l'humanisation du droit et des relations internationales. Ainsi par exemple, les premières règles juridiques humanitaires ayant pour objet l’amélioration du sort des militaires blessés ou malades dans les armées en campagne n'ont été consacrées qu'après l'horrible bataille de Solférino de juin 1859, par la conclusion delà Convention internationale du 22 août 1864. La Charte des Nations Unies, premier instrument international à consacrer l’engagement de toutes les nations de respecter les droits de l’homme, est née, elle aussi, au lendemain de la deuxième guerre mondiale.

Le droit d’assistance humanitaire ne constitue pas une exception à cette logique, car les appels lancés notamment par les Organisations humanitaires non-gouvernementales sur la nécessité de la reconnaissance et de l’affirmation d’un “devoir d’ingérence” humanitaire pour secourir les victimes de situations d'extrême urgence, n'ont été entendus qu’une fois que la guerre froide et la guerre du Golfe eussent pris fin.

En effet, le “devoir d’ingérence” est une expression juridique relativement très récente. Il a fait son entrée parmi le vocabulaire du droit international dans les années quatre- vingt - dix avec beaucoup de succès mais aussi et surtout avec beaucoup d’ambiguïtés, d’amalgame et de controverses terminologiques et juridiques.

Sur le plan de la terminologie, la difficulté principale résulte de la multiplication des expressions utilisées: certains parlent d’un “devoir d’ingérence", d’autres d’un “devoir d’assistance”, on dit également “droit d’assistance", et enfin certains préfèrent utiliser l’expression “droit à l’assistance”. Devant cette multiplication et diversité des expressions employées, on a pu se demander s’il s'agissait d’expressions synonymes désignant la même institution, ou de termes désignant des institutions différentes, ou enfin de termes désignant chacun un sujet et un aspect différent mais relevant de la même institution.

Ces ambiguïtés terminologiques ont entraîné avec elles des controverses juridiques. Et là aussi, on s’est demandé si le “devoir d’ingérence” était un nouveau terme, mais qui désignait une “institution" qui, en fin de compte, ne se différenciait pas d’autres institutions préétablies en droit international. Ou s’il s’agit d’une nouvelle institution juridique distincte et indépendante d’autres institutions juridiques internationales.

À ce sujet, on peut distinguer quatre grandes opinions doctrinales:
Certains auteurs ont soutenu qu’il s’agit d’un droit d'assistance humanitaire ayant pour fondement juridique le droit humanitaire de La Haye et Genève. L’intérêt de l’introduction de ce nouveau concept serait d’une part la reconnaissance au profit des organisations humanitaires non gouvernementales d’un droit d’intervention comparable à celui reconnu au Comité International de la Croix- Rouge (CICR); et d’autre part, l’extension du champ d’application du droit international humanitaire à des situations plus larges que celles des conflits armés internationaux et nationaux. C’est-à- dire les catastrophes naturelles, industrielles et toutes les autres situations d’urgence. Il ne s'agit donc pas, d’après ce point de vue, d'un droit complètement innovateur ou révolutionnaire, mais de l’introduction des améliorations à l’unique institution d'assistance humanitaire reconnue par le droit international positif.

D’autre auteurs ont avancé qu’il ne s’agit pas de la reconnaissance d’un nouveaux droit de l’homme appelé le droit à l’assistance humanitaire, mais de la possibilité offerte désormais au Conseil de sécurité de l’ONU pour décider des mesures coercitives du Chapitre VII afin d’assurer le respect effectif des droits fondamentaux de l’homme déjà consacrés par les différentes déclarations et conventions internationales. Il s’agirait donc d’un élargissement des pouvoirs du Conseil de sécurité, et d'une “révision discrète" du Chapitre VII de la Charte afin de permettre le recours aux mesures qui y sont prévues pour sanctionner toute violation d’une obligation essentielle du droit international, et non uniquement pour sanctionner la menace contre la paix, la rupture de la paix ou l’agression. En d’autres termes, la nouveauté du devoir d’ingérence demeure dans le fait que, grâce aux conjonctures politiques favorables, le Conseil de sécurité pourrait désormais intervenir pour réprimer tous les actes constituant des crimes internationaux et pas seulement le crime contre la paix et la sécurité de l'humanité.

La troisième partie de la doctrine estime que le devoir d’ingérence humanitaire serait une résurgence des interventions d’humanité pratiquées au XIXe siècle. Pour celle-ci, les opérations étatiques d’assistance humanitaire comme celle conduite par les alliés au Kurdistan d’Irak, par les Etats-Unis d’Amérique en Somalie, ou par la France au Rwanda constituent un retour à la pratique d’intervention d'humanité du XIXe siècle appelant à la défense ou à la protection des droits élémentaires de l’humanité par les armes. Cette pratique a été contestée après la création de l’ONU en raison de l'interdiction du recours à la force armée dans des cas autres que la légitime défense individuelle et collective ou l’application d’une décision de l'organe compétent de l’ONU. Le devoir d’ingérence humanitaire serait donc un appel à la légitimation par le droit international actuel des interventions d’humanité stricto sensu.

Enfin pour une dernière partie de la doctrine il s’agirait d’une nouvelle institution juridique indépendante, mais qui n’est, en même temps, pas tout à fait distincte et étrangère aux autres institutions préétablies en droit international. Elle s'attache au droit international humanitaire de Genève et de La Haye, car elle reconnaît d’une part le droit des victimes de toutes situations de détresse à bénéficier d’une assistance humanitaire internationale, et d'autre part le droit des sauveteurs d’apporter leur secours à ces victimes en respectant les principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité consacrés par le Comité international de la Croix Rouge.

Elle s’attache également au droit de l’Organisation mondiale: d’une part parce que le droit à l’assistance humanitaire se fonde sur le droit à la vie, l’un des droits de l’homme consacrés par la Charte de l’ONU; et d’autre part, car le respect de droit à l’assistance peut effectivement être assuré par des mesures coercitives décidées par le Conseil de sécurité sur la base du Chapitre VII de la Charte.

Et enfin, cette institution présente des analogies avec l’institution classique d'interventions d’humanité pratiquées au XIXe siècle, car elle permettrait à un Etat de mener une opération militaire sur le territoire d’un autre Etat pour protéger l'assistance humanitaire sans que son action soit considérée comme une intervention illicite dans les affaires intérieures de l’Etat sinistré, ou comme une violation de l'interdiction du recours à la force armée.

À travers cette diversité des opinions doctrinales, nous allons tenter d’éclaircir la notion du “devoir d’ingérence”; et de déterminer sa position par rapport aux institutions juridiques précitées.
Notre première tâche consiste donc à dissiper les ambiguïtés terminologiques qu’entraîne le terme “devoir d’ingérence”, qui est délibérément une expression “provocatrice ”, et cela en consacrant une première partie introductive à l’examen du principe de non - intervention et à la précision de son étendue et de ses effets.

Les trois parties qui suivent seront consacrées à l'élucidation de la notion du devoir d'ingérence humanitaire et à l'examen des actions internationales menées dans ce cadre. Pour ce faire, nous comparerons et analyserons chacune des institutions qui présentent des analogies avec “le devoir d’assistance humanitaire", à savoir l’assistance humanitaire aux victimes des conflits armés, la protection des droits de l’homme par le système du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et les interventions d’humanité stricto sensu ; pour savoir s’il appartient à l’une de ces trois institutions, ou s’il forme une nouvelle institution indépendante du droit international.



Partie préliminaire

Le principe de non – intervention

Chapitre I - La notion de l’intervention
Chapitre II - La compétence nationale de l’Etat

Partie préliminaire

Le principe de non - intervention

Le principe de non intervention dans les affaires intérieures ou extérieures d’un État a toujours occupé une place importante parmi les règles de droit international. Bien que sa formulation remonte à une époque très lointaine, avant la Charte de l’ONU, et malgré les abondants instruments juridiques à son sujet, dans la pratique on est encore loin de pouvoir confirmer que le respect de ce principe domine les relations entre les Etats membres de la Communauté internationale.

Il est toutefois intéressant de signaler que les dérogations courantes à l’interdiction de l’intervention ne résultent pas de la négation ou de la contestation de la règle. Tous les sujets du droit international admettent son existence en tant que règle conventionnelle et coutumière faisant partie intégrante du droit international positif. Les condamnations également fréquentes de l’ingérence montrent bien que cette règle conserve toujours sa valeur juridique et sa force obligatoire, d'ailleurs la violation d’une règle de droit ne se confond pas avec l’admission de son existence ou avec sa portée obligatoire. Dans ce sens H .Kelsen écrit qu’ "une norme juridique considérée isolément ne perd pas sa validité par le fait qu'elle n’est pas efficace, c'est à dire qu'elle n'est pas obéie ou pas appliquée seulement dans un certains nombre de cas où elle devrait l'être” (1 ). Mais si tous les sujets du droit international reconnaissent qu’ils sont soumis à ....

 




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