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Minorités en Islam : Géographie Politique et Sociale


Auteur :
Éditeur : Flammarion Date & Lieu : 1997-01-01, Paris
Préface : Pages : 526
Traduction : ISBN : 978-2-08-212809-4
Langue : FrançaisFormat : 155x215 mm
Code FIKP : Liv. Fre. 3023Thème : Général

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Minorités en Islam : Géographie Politique et Sociale

Minorites en Islam : Geographie Politique et Sociale

Xavier de Planhol

Flammarion

La civilisation islamique traditionnelle avait réglé d’une façon particulièrement efficace le problème des minorités religieuses. Alors quelles étaient généralement proscrites en Europe chrétienne, l’Islam leur avait laissé une possibilité d’existence, de fait ou de droit : les sectes musulmanes hétérodoxes qui prétendaient au pouvoir politique étant, ainsi que certaines sectes chrétiennes particulièrement turbulentes, rejetées au loin, dans des refuges montagneux ou désertiques souvent, et en tout cas dans des localisations périphériques d’où elles ne pouvaient se révéler menaçantes ; tandis que la plupart des « gens du Livre » (Chrétiens, Juifs, Zoroastriens), qui acceptaient la subordination, étaient accueillis dans la société dominante, où ils connurent parfois de remarquables réussites sociales.
Ce système, fondé à la fois sur la ségrégation et le pluralisme, n’a pas résisté au grand mouvement d’occidentalisation et de modernisation, conduisant à de vastes mouvements de population et au morcellement territorial, issu de l’Europe, qui a affecté depuis près de deux siècles les pays d’Outre-Méditerranée. Naguère refoulées ou subordonnées, les minorités se sont lancées dans le jeu politique, avec parfois des succès exceptionnels leur permettant d’accéder, au moins temporairement, au pouvoir suprême (Maronites au Liban, Alaouites en Syrie), ou tout au moins de prétendre à un rôle éminent. C’est, ce sera, la source de redoutables conflits qui affectent gravement la cohésion des États entre lesquels est découpée cette aire culturelle, conflits qui entravent la formation de véritables nations, et sont pour le monde musulman dans son ensemble un principe majeur de faiblesse.


Xavier de Planhol, professeur émérite de géographie à l'université de Paris-Sorbonne (chaire de Géographie de l’Afrique Blanche et du Moyen-Orient), est membre de l’Academia Europaea.



AVANT-PROPOS

Le premier dessein de ce livre est d’ordre géographique. Le monde islamique nord-africain et moyen-oriental se caractérise aujourd’hui, entre l’Europe d’une part où les ségrégations confessionnelles, sauf cas particulier, s’estompent, et le monde indien d’autre part, où le système des castes aboutit à un autre type d’imbrication, par un certain modèle de répartition géographique des minorités religieuses. La résistance opposée par le monde islamique à l’expansion du concept occidental de la nation intégrée se traduit par la persistance vigoureuse des réalités sectaires sous-jacentes, cependant que, malgré les aspirations universalistes de la religion, l’existence de statuts reconnus a longtemps préservé d’importantes minorités religieuses (chrétiennes et juives), parfois au prix de cloisonnements géographiques très stricts. C’est à l'analyse de ces types de ségrégations minoritaires, des tendances de leur évolution contemporaine, du système de tensions extrêmement original et unique sur la planète ainsi réalisé, que ce livre est d’abord consacré, dans une perspective de géographie sociale et politique1. Cet inventaire descriptif se limitera au Moyen-Orient et à l’Afrique Blanche. Les structures sociogéographiques, l’atmosphère spirituelle même, des appendices islamiques de l’Asie du Sud-Est ou de l’Afrique subsaharienne, sont de nature trop différente pour permettre des rapprochements fructueux.

Ce livre voudrait être également une contribution à l’étude générale des minorités, et de leurs types de comportement et de répartition. Le domaine islamique a été trop peu exploité jusqu’ici dans cette intention2. La science sociale du fait minoritaire s’est constituée essentiellement aux États-Unis, qui constituent certes un creuset très complexe, mais dans le contexte bien particulier d’une société jeune, mobile, pionnière. Les schémas qui y ont été définis sont loin d’être applicables dans le monde chargé d’histoire et passablement sclérosé de l’Islam, qui peut apporter en la matière à la théorie générale des enseignements comparatifs précieux.

Enfin on souhaiterait, par le biais de l’étude des minorités, aborder quelques problèmes fondamentaux de l’Islam, considéré dans sa pratique contemporaine. Dans cette confrontation, qui se déroule sous nos yeux, entre une religion révélée voici près de quatorze siècles et des concepts culturels et politiques propagés essentiellement depuis deux siècles à partir de l’Europe, dont celui de laïcité de l’État est l’un des plus novateurs, qui aujourd’hui l’emporte? qui l’emportera? et si une synthèse, éventuellement, se réalise, quelles en seront les dominantes ? L’Islam va-t-il maintenir et affirmer sa spécificité, ou se fondre dans un modèle social de type universel, ou du moins plus général? Sans prétendre résoudre des problèmes qui commandent nos destins, on essaiera cependant d’y apporter quelques éléments de réponse.
Le caractère de cet ouvrage, destiné beaucoup plus au grand public éclairé qu’à des islamisants spécialisés, a conduit à adopter, pour la translittération de l’arabe et du persan, des systèmes très simplifiés, ayant avant tout pour but de donner au lecteur une image aussi approchée que possible de la prononciation française réelle. Ce parti a abouti à des solutions qui pourront paraître déconcertantes aux lecteurs orientalistes. C’est ainsi que la voyelle brève notée par le kasra(e) a été transcrite sous des formes différentes en arabe (i) et en persan (e), conformément à la phonétique respective de ces deux langues; et que certaines consonnes (comme le djim) l’ont été, lorsqu’il y avait lieu, suivant la prononciation de l’arabe dialectal égyptien. Les voyelles longues ont été rendues par l’accent circonflexe, qui a été négligé sur l’i persan (toujours long), en l’absence de toute ambiguïté, ainsi que dans de nombreux mots entrés de longue date dans l’usage français (Téhéran, Ispahan, etc.), le choix de ces derniers étant évidemment quelque peu subjectif. Les formes françaises usuelles ont toujours été largement employées lorsqu’elles existaient, en particulier pour l’Afrique du Nord, où les voyelles longues ont été systématiquement négligées, conformément à la pratique courante à l’époque coloniale. De même on a francisé, et mis au pluriel en s, un certain nombre de noms de peuples particulièrement usités, sans que la coupure avec ceux qu’on a laissés invariables puisse être considérée, ici encore, autre que nécessairement arbitraire. On a naturellement reproduit les transcriptions originales des auteurs cités dans le texte, les notes, ou l’index bibliographique. Les diverses formes utilisées seront rapprochées dans les index. L’orthographe latine du turc a évidemment été respectée, quitte à être parfois explicitée par un équivalent approché de la prononciation française donné entre parenthèses et en italique.

Les cartes ont été dessinées au laboratoire de cartographie du département de géographie de l’Université de Paris-Sorbonne par Madame Véronique Lahaye-Boquet. Je remercie Daniel Balland qui m’a beaucoup aidé dans ma documentation.



Introduction generale

I. L’ethnie : nature et signification

Définition de l’ethnie

Les minorités religieuses sont des ethnies, présentant, il est vrai, des caractères particuliers (cf. ci-dessous, in), mais s’individualisant avant tout selon les règles de la différenciation ethnique. On entendra ici par ethnie1 un groupe qui : a) se perpétue biologiquement de lui-même, au moins à l’échelle de quelques générations; b) partage des valeurs culturelles fondamentales; c) constitue un champ de communication et d’interaction ; d) s’identifie, et est identifié par les autres, comme constituant une catégorie distincte des autres groupes de même nature.

En fait cette dernière caractéristique est la principale. Une ethnie2, c’est d’abord avant tout un nom propre, une désignation. Le critère le plus objectif est que les populations considérées se classent sous un nom propre collectif. On parlera de Maronites, d’Alaouites, de Hazâras... Cette désignation peut être revendiquée, supportée ou même rejetée par ceux auxquels elle est attribuée. Elle peut être donnée par les étrangers, ou par les intéressés eux-mêmes. On convient d’appeler ethnie l’ensemble des personnes physiques auxquelles est reconnue ou affectée cette désignation, et de la décrire par des caractéristiques associées à cette désignation.

Cette définition est, on le voit, extrêmement souple. À la limite une ethnie peut ne comprendre qu’une seule personne (« le dernier des Mohicans »). Et le concept n’implique pas une différenciation effective d’avec les autres. Il peut s’agir, en fin de compte, d’un nom seul qui subsiste dans l’inconscient collectif, même s’il n’y a plus …




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