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L’Ascete et le Bouffon


Auteur :
Éditeur : Actes Sud Date & Lieu : 2009, Arles
Préface : Pages : 442
Traduction : ISBN : 978-2-7427-8055-6
Langue : FrançaisFormat : 150x245 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Tor. Ask. N° 4636Thème : Général

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L’Ascete et le Bouffon

L’Ascete et le Bouffon

Christiane Tortel

Actes Sud

De tout temps, des mendiants aux allures d’ascètes ont circulé sur les routes de l’Orient. D’où viennent-ils, où vont-ils, qu’enseignent-ils ? La question s’est posée à toutes les époques. Au Xe siècle, un type humain très particulier d’ascète vagabond émerge en Islam oriental : le qalandar. Avec sa chair lacérée au couteau, ses peaux de bête et ses chaînes, devin sarcastique et agitateur, le qalandar a marqué les couches populaires de la société islamique, la poésie mystique iranienne et la mémoire des voyageurs. Comment un personnage aussi burlesque a-t-il pu être considéré comme musulman ? Une rétrospective sur le terrain en amont des conquêtes islamiques montre que le qalandar n’est, en réalité, qu’un aspect tardif d un ascétisme que l’on dira paradoxal en ce qu’il associe mortification, jouissance et folie (simulée). Or, ce type d’ascétisme ne trouve ses racines dans aucune des religions proches de l’islam.
En démontrant que l’ascète indien - héros de l’extrême - est l’archétype du qalandar, et que les minorités connues tardivement sous le nom de “Tsiganes” ont exporté une contrefaçon du modèle jusqu’en Europe, contribuant ainsi à la formation du Fou des tarots et de l’Arlequin de la Commedia dell’arte, Christiane Tortel ouvre un chapitre original et novateur sur les relations Orient-Occident. Elle participe à faire redécouvrir le rôle fertilisateur que l’Inde a joué dans la tradition ascétique classique ou professionnelle, et ce depuis les conquêtes d’Alexandre jusqu’à la chute de l’Empire ottoman.
Cette étude critique, accompagnée d’un corpus iconographique complet, ne donne pas seulement une image de la société islamique autrement plus chatoyante, créative et ouverte que celle que l’on connaît aujourd’hui, elle fait ressentir le besoin qu’il y a d’ouvrir un vrai débat sur le respect du droit des peuples à leur Histoire.


Christiane Tortel est chercheur-traducteur indépendant. Titulaire d’un doctorat en sciences religieuses, diplômée de l’Institut d’art et d’archéologie et de l’Ecole des langues orientales, elle a fait de nombreux séjours dans le monde islamique.



INTRODUCTION

Le Qalandarisme, l’Approche Ethnique et ses
Implications sur l’Histoire du Mouvement

Les Deux Visages de l’Ascétisme Errant

Ascètes et mendiants errants ont circulé pendant des siècles entre l’Inde et la Méditerranée. Certains d’entre eux ont pratiqué un ascétisme de type paradoxal et ostentatoire qui se présente comme un déni du renoncement classique en ce qu’il associe exclusion, mortification et jouissance. La typologie particulière de ces ascètes permet de les repérer facilement dans les sources et de les suivre dans l’espace et dans le temps.

Ces hommes se distinguent des ascètes réguliers par la manière qu’ils ont d’attirer l’attention sur leur personne en provoquant la surprise et la crainte. Ils se moquent des apparences mais soignent la leur dans l’intention de produire cet effet. Ils rasent le corps en entier, ou laissent démesurément pousser les cheveux, et parfois les ongles. Quand ils ne sont pas nus et enduits de cendre ou d’argile, ils portent des peaux de bêtes tannées ou non, une harde faite de vieux chiffons rapetassés, ou un habit de crin qui irrite la peau. La plupart des attributs et des accessoires emblématiques qu’ils portent sur leur corps et dont ils ne se séparent jamais - parmi lesquels les plus remarquables sont les chaînes qu’ils traînent derrière eux et les anneaux de fer dont ils perforent leur sexe — sont des trophées associatifs ou sectaires chargés d’un sens symbolique. Le célibat, dont ils font profession, n’implique pas nécessairement la continence, il signifie qu’ils utilisent leur sexe à autre chose qu’à la reproduction. Ils se déplacent seuls ou en bandes, et subsistent en pratiquant une mendicité agressive dont les modalités opératives constituent une dramaturgie à grand spectacle. Ils simulent la folie tout en récitant des litanies, et suscitent le respect ou la pitié en mutilant leur corps. Ils n’ont d’égards ni pour ceux qui les admirent ni pour ceux qui les méprisent, et les invectivent avec la même violence. Ils font parallèlement commerce de savoirs obscurs, de drogues, de talismans et d’amulettes, et montrent le dédain qu’ils éprouvent envers la loi en se livrant au brigandage et à la prostitution. Le sentiment contrasté que ces hommes ont éveillé sur leur passage, et qui émane des sources collectées ad intra et ad extra, est à l’image du paradoxe qu’ils incarnent.

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