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La formation du Moyen-Orient moderne


Auteur :
Éditeur : Aubier Date & Lieu : 1993, Paris
Préface : Pages : 270
Traduction : ISBN : 2-7007-2246-9
Langue : FrançaisFormat : 130x215 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Lev. For. N° 3428Thème : Général

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La formation du Moyen-Orient moderne

La formation du Moyen-Orient moderne

Bernard Lewis

Aubier

Ce livre traite des relations entre le Moyen-Orient et l’Occident, plus précisément du choc qu’a représenté pour les peuples et les sociétés du Moyen-Orient musulman la pénétration de l’Occident et de sa civilisation, mais aussi des réponses successives que ces peuples et ces sociétés y ont apportées.
Fort et cohérent jusqu’à la fin du XVe siècle, le Moyen-Orient s’est trouvé progressivement confronté à un Occident en pleine expansion : les échanges commerciaux ont peu à peu permis l’implantation, en terre musulmane et orientale, de la technique, de la science, puis de la pensée occidentale. Intrusion, influence, domination même, la présence de l’Occident a connu plusieurs étapes, jusqu’à son retrait partiel actuel. Le Moyen-Orient a dû réagir à un très fort modèle culturel : la religion, les nationalismes, l’aspiration à la liberté en ont été ébranlés et transformés. De nouveaux mouvements politiques et intellectuels sont apparus à l’époque récente, et bien que l’audience des courants fondamentalistes augmente fortement, la religion musulmane, ancien facteur d’identité, ne semble plus en mesure de fédérer les peuples par delà les états divisés.
Constatant cette dislocation du Moyen-Orient, Bernard Lewis examine enfin sa place dans les relations internationales : champ de tension entre blocs, zone sous surveillance, espace stratégique, le Moyen-Orient retrouvera-t-il son unité et son indépendance ? La réponse lui appartient désormais.



PRÉFACE

Ce livre a pour origine une série de six conférences prononcées entre le 19 mars et le 23 avril 1963, à l’Université d’Indiana, Bloomington. Il y est question des relations entre le Moyen-Orient et l’Occident, autrement dit, du choc qu’a représenté pour les peuples et les sociétés du Moyen-Orient musulman la pénétration de l’Occident et de sa civilisation, mais aussi des réponses successives que ces peuples et ces sociétés y ont apportées. Dans le premier chapitre, je me suis efforcé de définir le Moyen-Orient en tant qu’entité historique, géographique et culturelle ; dans le deuxième, de montrer ce qu’a signifié et continue de signifier l’Occident pour le Moyen-Orient, puis de retracer les différentes étapes de son intrusion, de son influence et de sa domination, jusqu’à son retrait partiel. Les trois chapitres suivants examinent divers mouvements politiques et intellectuels apparus au Moyen-Orient à l’époque récente et moderne ; je les ai répartis en trois groupes : libéral et socialiste, patriotique et nationaliste, islamique. Le dernier chapitre étudie la place et le rôle des pays du Moyen-Orient dans les affaires internationales et s’achève par l’examen de plusieurs aspects de la politique occidentale à leur égard.

Au cours des trois décennies qui se sont écoulées depuis que ces conférences ont été prononcées et publiées, le monde en général et cette région en particulier ont connu de profondes transformations. La guerre froide a revêtu une forme aiguë, embrasé le Moyen-Orient et s’est finalement éteinte. Avec la désintégration de l’Union soviétique, les vastes territoires musulmans autrefois conquis par les tsars et annexés à l’Empire russe ont recouvré leur indépendance et semblent renouer avec le Moyen-Orient dont ils faisaient historiquement partie. Les Arabes et les Israéliens se sont encore livré plusieurs guerres. Désespérant de recevoir une aide efficace des pays arabes, les Palestiniens ont formé leur propre organisation.
Un chef d’Etat égyptien a pris l’initiative de signer le premier traité de paix entre Israël et un pays arabe, et on assiste aujourd’hui à un processus qui conduira peut-être à une paix plus globale dans la région. Bafouant les règles internationales, et surtout interarabes, de coexistence, un dictateur irakien a envahi un pays voisin et provoqué une intervention massive des Etats-Unis. Une révolution islamique en Iran a ébranlé non seulement le Moyen-Orient mais l’ensemble du monde musulman, et bouleversé l’équilibre régional en donnant naissance à une nouvelle puissance dotée d’une idéologie extrémiste, dans ses objectifs comme dans ses méthodes.

Les trois domaines qu’abordaient ces conférences -la religion, la nation et la quête de la liberté - ont subi de profondes évolutions, marquées par des succès et des échecs, par le retour à d’anciennes traditions et la recherche de nouvelles idées.

Dans la présente édition, je me suis efforcé de présenter et d’interpréter les nouvelles conceptions de la liberté collective et individuelle, ainsi que les efforts déployés pour y accéder, l’évolution du contenu des loyautés nationales et patriotiques, la résurgence des identités communautaires et des appartenances religieuses. Ce faisant, j’ai essayé de replacer les principaux changements qui se sont produits, à la fois dans leur contexte global et régional - en tenant compte du jeu mouvant des puissances mondiales et régionales, d’une part, des transformations économiques et sociales intervenues au Moyen-Orient, d’autre part.
L’étude de l’histoire récente et contemporaine présente, comme chacun sait, des difficultés particulières. L’historien ne dispose que d’une documentation frag mentaire et, le plus souvent, de seconde main. En contrepartie, il bénéficie d’une familiarité immédiate avec les événements, mais du coup un autre danger le guette : celui de s’impliquer dans le sujet qu’il traite en fonction de ses engagements personnels. Nous sommes tous, et les historiens n’y font pas exception, des enfants de notre temps, dont les loyautés ou du moins les inclinations sont conditionnées par notre pays, notre race, notre sexe, notre religion, notre idéologie, ainsi que notre origine sociale, économique et culturelle. Une totale neutralité étant impossible, l’historien, dit-on parfois, devrait renoncer à cet objectif illusoire et annoncer franchement la cause qu’il défend. Si sa cause est juste, son analyse aura au moins le mérite de l’authenticité. Si elle est injuste, son analyse sera nulle et non avenue.

Dans ce livre, j’ai adopté un point de vue différent. Il me semble qu’un historien a pour devoir, envers lui-même et envers son lecteur, d’essayer, du mieux qu’il peut, d’être objectif ou du moins impartial - de prendre conscience de ses propres engagements, de les reconnaître comme tels et, éventuellement, d’y apporter les corrections nécessaires, d’essayer de présenter les différents aspects d’un problème, les différents camps qui s’affrontent, de façon que le lecteur puisse se forger sa propre opinion. Surtout, il ne doit pas préjuger des questions ni orienter les conclusions, en sélectionnant de façon arbitraire ses matériaux ou en utilisant des termes biaisés ou chargés de passion. Comme l’a fait remarquer un célèbre économiste : « Ce n’est pas parce qu’une totale asepsie est impossible qu’un chirurgien doit opérer dans un cloaque. »

Au lecteur de juger si mes précautions antiseptiques auront su éviter l’infection. Je retire quelque confiance de l’accueil fait à la première édition de ce livre, qui, entre autres, s’est vue traduite aussi bien en hébreu qu’en arabe. La version en hébreu a été publiée par les soins de la maison d’édition du ministère israélien de la Défense ; celle en arabe, par les Frères musulmans. La traduction arabe a connu deux éditions : l’une intégrale, l’autre condensée sous forme de brochure vendue aux abords des mosquées. J’espère que l’on me pardonnera de croire qu’un essai historique que des responsables israéliens de la Défense et des Frères musulmans ont jugé digne d’être publié sous leurs auspices a atteint un certain degré d’objectivité. Dans son avant-propos, le traducteur arabe déclare que l’auteur est ou bien un ami candide ou bien un ennemi honorable, mais que, dans les deux cas, il n’est pas de ceux qui travestissent la vérité ou la fuient. Je me soumets volontiers à ce jugement.

B. L.
Princeton, N. J. avril 1993



Chapitre Premier

Esquisse d’un Portrait Historique

C’est en 1902 qu’un historien américain de la marine, Alfred Thayer Mahan, créa l’expression « Moyen-Orient » pour désigner la région qui sépare l’Arabie de l’Inde et qui, envisagée sous l’angle de la stratégie navale, a pour centre le golfe Persique. Repris par le Times de Londres et, plus tard, par le gouvernement britannique, ce terme géographique, de même que celui, légèrement antérieur, de « Proche-Orient », ne tarda pas à passer dans l’usage courant. Quoique récents, l’un et l’autre se rapportent à une histoire passée : ils témoignent d’un monde dont l’Europe occidentale occupait le centre et orientait l’espace. Pourtant, en dépit de leur caractère obsolète et européocentrique, ces deux termes, et notamment celui de « Moyen-Orient », se sont partout imposés et sont aujourd’hui utilisés par les Russes, les Africains ou les Indiens - pour qui cette région se situe au sud, au nord ou à l’ouest - et, plus étrange encore, par les peuples du Moyen-Orient eux-mêmes. Ce terme a été jugé si utile que son extension, de même que son emploi, s’est considérablement élargie, pour englober, non seulement les contrées bordant le golfe Persique, mais aussi une vaste aire géographique allant de la mer Noire à l’Afrique équatoriale et des frontières nord-ouest de l’Inde aux rivages de l’Atlantique *.

On peut à bon droit s’étonner qu’une région dotée d’une civilisation aussi ancienne - parmi les plus anciennes de toutes - en soit venue à être désignée, même par ses habitants, par des termes si récents et si ternes. Néanmoins, si nous cherchons à leur trouver …




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