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Le legs kurde


Auteur :
Éditeur : FIKP & l'Harmattan Date & Lieu : 2007, Paris
Préface : Pages : 284
Traduction : ISBN : 978-2-296-04525-5
Langue : FrançaisFormat : 155x240 mm
Thème : Littérature

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Le legs kurde

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LE LEGS KURDE

Grâce au Legs kurde, le lecteur découvre une réalité pratiquement inconnue en France.

Ce récit nous fait pénétrer dans le passé, le présent et l’avenir d’un peuple extraordinaire.

La protagoniste de ce récit –roman, mais aussi chronique historique– Lamia Riza, une femme kurde par sa mère et turque par son père, nous parle de l’étrange rapport qui existe entre la Turquie et le peuple kurde, de la violence latente, des exodes, de la lutte entre clans rivaux.

Lamia est envoyée en Europe par ses parents pour y faire ses études, d’abord en Suisse puis à Paris.

Au début du roman, elle se sent parfaitement à l’aise dans le monde occidental.

La mort de son père, son départ pour la Turquie pour régler l’héritage, sa rencontre avec ses frères, qui, eux, se sentent entièrement Kurdes et qui militent dans le parti du PKK, l’amènent à se sentir elle aussi héritière de cette civilisation et à remettre en question beaucoup de ses idées et de ses préjugés.

Le Legs kurde nous offre la lecture d’un roman passionnant, mais aussi nous permet d’accéder à ce monde inaccessible et de découvrir ce peuple si mal connu en France.


LES KURDES EN ROMAN ?

Les Kurdes n’ont pas encore la place et les droits qui leur reviennent. Lorsqu’on parle d’eux, c’est pour faire référence à leurs partis politiques, à leurs guérillas et peshmergas, aux destructions des villes et aux terres brûlées, ou bien aux persécutions et aux exodes, et surtout aux tensions intestines entre clans et ethnies… Tous ces problèmes sont liés à leur situation de peuple écartelé entre cinq pays, dont la lutte pour obtenir son autonomie et se constituer en État représente encore aujourd’hui un besoin essentiel. Les médias, pour leur part, contribuent à divulguer ces différents aspects, véhiculant souvent une vision politique de la question kurde qui, bien qu’essentielle, ne favorise pas une approche et une connaissance plus riches de leur culture et de leur histoire, une des plus anciennes de l’humanité.

Ces descendants des Mèdes occupent une région du Moyen-Orient, située sur les rives de deux grands fleuves, le Tigre et l’Euphrate, entre la longue cordillère des monts Zagros et les monts Kurd Dagh. De très nombreux journalistes et voyageurs se sont accordés pour souligner l’extraordinaire beauté de ses paysages et ils sont les témoins muets de la souffrance et de l’espoir des habitants de ces régions par où depuis tant de siècles, transitent caravanes, troupeaux et bergers. Là, d’après ce que l’on raconte, beaucoup d’entre eux depuis leur tendre enfance s’entraînent comme de véritables denbedjs (troubadours), poursuivant au coeur des hautes montagnes l’écho prisonnier de leur chant. Chant et paysage qui, heureusement, aujourd’hui, ont franchi les frontières grâce à la voix du chanteur-compositeur Şivan Perwer et aux films du cinéaste Yilmaz Güney. Mais, le visage du Kurdistan oscille encore entre les nouvelles que donnent journalistes et revues, radio ou télévision sur sa difficile réalité historico politique et l’immanquable allusion à cette nature faite de steppes, de déserts et de montagnes, parfois inhospitalières, quoique indéniablement extraordinaires. Dans ce contexte magique et réel, violent et paisible, son destin rude et inexplicable est ajourné sans trouver la réponse tant attendue.

Néanmoins il serait injuste de ne pas mentionner que, hors de ses frontières, le Kurdistan existe grâce aux oeuvres de multiples spécialistes venant d’horizons différents. Des linguistes reconnus, des professeurs, des historiens, des sociologues, des journalistes, des cinéastes et des photographes ont fourni un apport précieux à un public sensibilisé sur la question kurde. En France on connaît les études de l’orientaliste Roger Lescot à qui l’on doit, entre autres, la compilation et la transcription de l’épopée fondatrice de la littérature orale kurde, Mamé Alan, de même que les traductions littéraires et des analyses sur la question kurde de Gérard Challiand, pour ne citer que les plus connus, sans oublier le travail d’information, tout aussi important, de remarquables journalistes, amis du peuple kurde. Il nous faut ajouter à cela les activités diplomatiques, sociales et culturelles de l’Institut kurde de Paris : publications, service permanent d’une riche bibliothèque, bourses pour étudiants, enseignement de la langue kurde à l’Institut même, sous la direction de son président Kendal Nezan. Et dans le prolongement de cet espace, citons les nouvelles générations de la diaspora kurde établie dans certaines métropoles occidentales, surtout européennes : Paris, Stockholm, Berlin, Londres, Madrid, Amsterdam. Durant ces dernières décennies, un nombre représentatif de jeunes a accédé à l’enseignement supérieur et plus d’un a démontré son intérêt à approfondir ses recherches sur les origines du conflit politique, économique et social que subit leur peuple.

Cependant, à l’intérieur de l’espace que les études, la recherche et la solidarité internationale ont pu accorder au peuple kurde, la littérature occupe une place modeste, peut-être davantage dans certains pays que dans d’autres. En Espagne, par exemple, nous nous risquerions à la présenter comme « l’illustre absente », à l’exception des livres du journaliste navarrais Manuel Martorell, spécialiste de l’Orient, qui depuis plus de vingt ans se consacre avec une ardeur remarquable à l’histoire du peuple kurde. C’est pourquoi un roman sur les Kurdes, écrit en espagnol et aujourd’hui traduit en français, devient le premier maillon d’une chaîne qui – nous l’espérons – ne s’interrompra pas. Construire une oeuvre littéraire sur un sujet se rapportant au Kurdistan dénote non seulement une conscience de cette nécessité mais aussi une sensibilité et une identification à la cause juste d’autres peuples. En accord avec son temps, temps de métissage, de nomadisme croissant, ce roman de G. H. Guarch, nourri de l’histoire contemporaine de cette « minorité ethnique » et de ses revendications, révèle que dans sa préoccupation intellectuelle est sous-jacent cet esprit méditerranéen d’échanges pluriels, de croisements de connaissances et de cultures. Lui, nous pouvons le dire, considère ces aspects comme des vecteurs déterminants du changement social. En effet, dans son itinéraire d’écrivain, il aborde aussi le cas des Arméniens et des Juifs.

G. H. Guarch, Catalan d’origine, établi dans la province d’Almería, semblerait avoir compris leurs droits et leurs désirs comme s’il avait parcouru ces terres et vécu parmi ces habitants de longues années. Etant donné la forme hybride de son roman, il n’est pas évident de définir sa nature. On peut être tenté de le considérer comme un reportage journalistique très documenté avec des touches littéraires, ou voir en lui un livre qui tient beaucoup de la chronique. Je dirais, c’est ce qui m’est apparu dès la première lecture, que nous sommes face à une admirable synergie de fiction et de réalité. Pour ce faire, l’auteur a recours aux sources historiques et se sert d’un abondant matériel tiré de la presse écrite et orale. Le lecteur remarque d’emblée la préparation documentaire et érudite préalable à l’élaboration d’un témoignage d’expression artistique où l’imagination et la fiction narrative prédominent sur le fait historique, comme le pensait Walter Scott en définissant son invention du roman historique.

Dans El legado kurdo le temps présent alterne avec le passé et le futur. La sérénité orientale apparaît peu souvent à l’intérieur d’un espace – que l’on pourrait qualifier de « quotidienneté agitée » - car l’action se déroule au milieu de voyages en avion, en train, d’appels téléphoniques constants, de messages de journaux, de radio ou de télévision, de recherches, de rencontres et de d’embûches tragiques dans des villes et des pays différents. Dans cette ambiance, très proche du Kurdistan que la réalité nous offre, se meut un réseau de personnages aux passions modérées et à l’inquiétude idéologique parfois contrastée, c’est-à-dire entre l’idéal et la réalité, et cela saute aux yeux lorsque l’audace littéraire de l’auteur confie la trame narrative du roman à un personnage féminin, une jeune Kurde, élevée en Europe où elle poursuit des études anthropologiques et ethnologiques, qui collent si bien à sa préoccupation existentielle, et dont le comportement psychologique et culturel nous renvoie sans cesse à son ascendance kurde.

Dès le premier chapitre, le sujet du roman est pris à son compte et la consistance virile du discours, le ton de révolte, de perpétuelle recherche et d’explication, chez elle deviennent délicieusement rationnels et féminins. Lamia Riza s’interroge sur l’histoire de son peuple, et de cette façon, creuse dans les profondeurs de sa propre identité. Fille et petite-fille de Turcs par la branche paternelle et de Kurdes par la branche maternelle, sa double filiation accentue la force des tensions tout au long du récit. Pour son grand-père paternel, elle n’existe pas, du simple fait de son ascendance ; par contre, tout ce que sa mère lui avait enseigné sur les Kurdes survit, caché et prisonnier dans son subconscient. Malgré son apparence, sa façon de vivre, ses goûts et sa culture européenne, « en se regardant dans un miroir, elle était ni plus ni moins qu’une femme kurde ». La dichotomie qu’elle traîne depuis ses origines se confond avec celle de son peuple. En d’autres termes, l’histoire intime et individuelle de la protagoniste se fond dans celle du personnage collectif qui n’est autre que le Kurdistan lui-même.

Si ce roman se lit jusqu’au bout avec un enthousiasme soutenu, c’est parce que la protagoniste déroule peu à peu le fil du récit avec un tel soin que le lecteur ne pourra se permettre d’être inattentif sous peine de perdre des détails indispensables pour mieux apprécier le dénouement, ou de négliger la maîtrise avec laquelle elle nous conduit à la scène dont la tension est la plus forte : El manuscrito, autrement dit El legado. Trente-cinq pages qui résument l’intrigue de la narration. Une fois de plus, notre approche de l’étroite fusion entre réalité historique et fiction littéraire, entre identité individuelle et identité collective s’en trouve renforcée. La déclaration de Lamia Riza : « La seule chose que peut posséder un Kurde en ce monde est la liberté » énoncée dans les premières pages apparaît avec plus de véhémence lorsqu’au moment de conclure la lecture du manuscrit, son humeur devient sombre : « Je me sentis accablée ». Puis, à la fin du récit, elle admet : «J’avais les yeux humides, mais je ne pouvais pas pleurer » parce que l’histoire fictive se termine comme l’histoire réelle, dans le suspens permanent de l’attente et de l’inacceptable certitude. En effet, aujourd’hui encore, «après tant et tant de tentatives frustrées, tant de sang répandu, le Kurdistan est toujours partagé entre la Turquie, l’Irak, l’ancienne Union soviétique, l’Iran et la Syrie». Pourtant l’utopie « d’avoir son propre État, une République kurde » est toujours aussi vive et encore bien plus depuis que les Kurdes d’Irak ont obtenu leur autonomie, et ce, malgré les obstacles constants qu’ils doivent surmonter.

Cette quête, à présent peut-être moins lointaine, moins utopique, est aussi celle d’autres peuples. Elle a aussi été la mienne. Au début des années 80, lorsque le Nicaragua, dont je suis originaire, brandissait face au monde son étendard de lutte pour ses idéaux de liberté, je fis la connaissance, par l’intermédiaire d’une amie écrivain et journaliste vénézuélienne, d’une figure emblématique de la cause kurde, le docteur Abdul Rahman Ghassemlou. Avec eux, je découvris les premiers chapitres de l’histoire passionnante des Kurdes. Ainsi, s’éveilla ma sensibilité face à leur situation de peuple partagé, confronté à une division devant laquelle ils semblent impuissants à trouver une solution. Ensuite, j’arrivais à l’Institut kurde de Paris et alors la rencontre avec leur culture et d’autres personnalités kurdes se produisit tout naturellement. En dépit de mes origines hispano-américaines, si éloignées de leurs racines culturelles, l’affection et l’espoir d’un « happy end » du problème kurde ont perduré.

Pour que le roman de G. H. Guarch puisse voir le jour en France, j’ai dû être une sorte de fée marraine en rapprochant la baguette magique de l’auteur de celle du président de l’Institut kurde ; il a soutenu notre initiative de traduire et publier en France El legado kurdo. Ensuite, le travail diligent d’Alyette Barbier a rendu possible le mien à travers cette modeste présentation faite à la demande de son auteur.

Heureux enchaînement de circonstances. Cela me rappelle les quipus des anciens Incas qui, rassemblant des noeuds et de longues cordes, élaborèrent un système mnémotechnique, véritable instrument de calcul et de mémoire. Tressant des liens, de maillon en maillon, une rencontre en suivant une autre, le roman de G. H. Guarch a pu arriver aux lecteurs de langue française pour se dresser tel un arbre de solidarité et devenir un acte de culture dont le message serait d’une portée symbolique plus dense et plus forte que bien des exploits politiques.

Gloriantonia Henríquez
Paris, août 2007




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