La bibliothèque numérique kurde (BNK)
Retour au resultats
Imprimer cette page

Etudes linguistiques. Dialectes kurdes


Auteur :
Éditeur : Ernest Leroux Date & Lieu : 1904, Paris
Préface : Pages : 346
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 190x260 mm
Code FIKP : Liv.Fr.3460Thème : Linguistique

Présentation
Table des Matières Introduction Identité PDF
Etudes linguistiques. Dialectes kurdes

ÉTUDES LINGUISTIQUES
DIALECTES KURDES
LANGUES ET DIALECTES DU NORD DE LA PERSE

 
Depuis que le P. Maurice Garzoni, dominicain, missionnaire apostolique à Mossoul et à Amadia, publia à Rome, en 1787, son ouvrage intitulé Grammatica e Vocabolario della lingua kurda, fruit d'un séjour de dix-huit ans au milieu des indigènes, l’at¬tention des philologues n'a cessé de se porter sur ce rameau sauvage des langues indo-européennes, qui s'était maintenu, depuis les temps anciens, dans les montagnes inaccessibles du Kurdistan persan et turc. Certaines formes archaïques conservées en kurde, disparues en persan moderne et qui se rattachaient directement au zeñd, étaient faites pour piquer la curiosité des linguistes, qui souhaitaient de phis abondantes lumières sur ce sujet obscur; mais la difficulté de se les procurer ne diminuait guère...


AVANT-PROPOS

Depuis que le P. Maurice Garzoni, dominicain, missionnaire apostolique à Mossoul et à Amadia, publia à Rome, en 1787, son ouvrage intitulé Grammatica e Vocabolario della lingua kurda, fruit d'un séjour de dix-huit ans au milieu des indigènes, l’at¬tention des philologues n'a cessé de se porter sur ce rameau sauvage des langues indo-européennes, qui s'était maintenu, de¬puis les temps anciens, dans les montagnes inaccessibles du Kurdistan persan et turc. Certaines formes archaïques conservées en kurde, disparues en persan moderne et qui se rattachaient directement au zeñd, étaient faites pour piquer la curiosité des linguistes, qui souhaitaient de phis abondantes lumières sur ce sujet obscur; mais la difficulté de se les procurer ne diminuait guère. Cependant, petit à petit, les voyageurs et les résidents européens mettaient au jour le résultat de leurs observations. A Londres, en 1837, la veuve de Cl. J. Rich publiait, après sa mort, son Narrative of a residence in Koordistan, en deux volumes dont le premier contient un vocabulaire du dialecte loure, du Bulbassi et du Kurdistan turc; plus tard, en 1857,  Alexandre Chodzko donnait, dans le Journal asiatique (Ve série, t. IX, p. 2 g 7¬356), ses Études philologiques sur la langue kurde, où il traitait du dialecte de Soléimaniyèh. A la même époque, P. Lerch, chargé de cette mission par l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, allait recueillir à Roslawl, dans le gouvernement de Smolensk, de la bouche des prisonniers de guerre kurdes qui y étaient internés, les récits en dialectes kurmandji et zaza qui forment la matière de ses Forschungen über die Kurden und die iranischen Nordchaleier. Peu après, Alexandre Jaba donnait, également à Saint-Pétersbourg, son Recueil de notices et récits kourdes (186o) d'après un natif de Bayézid; c'est à l'instigation de Bernard Dom qu'il s'était mis à recueillir ces textes; il était alors consul de Russie à Erzeroum. Sept ans plus tard, le même présentait à l'Académie russe son Dictionnaire kurde-français qui fut publié en 1879 par les soins de M. Ferdinand Justi. En 1884 et en 1888, M. Houtum-Schindler fit paraître, dans le Journal de la Société orientale alle.mande, ses Beitriige zun kurdischen Wortschatze, embrassant les dialectes des Amadou dans le Khorasan, des Bakhtiyaris, des Gourân, des Kelhours, des Loures (Féili), des Moukris, le dialecte de Sô et celui de Zenganeh dans la province de Kirmanchah. Des récits et des chansons en dialectes de Toûr-`Abdin et du Bohtân, réunis par Albert Socin et M. Eugène Prym, accompagnés d'une traduction en allemand, parurent en 1887-1890 à Saint-Pétersbourg sous le titre de Kurdische Sammiungen. Un Arabe de Jérusalem au service ottoman, Yoûsouf Ziâ-uddin pacha el-Khâlidi, qui avait rempli des fonctions officielles dans le Kurdistan turc, donna à Constantinople, en l'an de l'hégire 1310, un dictionnaire kurde-arabe. Le Journal asiatique de 1895 renferme un poème didactique en dialecte kurmandji, que j'ai publié sous le titre de La prière canonique musulmane.

Concurremment avec les documents rapportés d'Orient par les explorateurs, les savants européens se livraient à des recherches destinées à' constituer la grammaire de ce groupe -de dialectes et à fixer la position de celui-ci au milieu des langues voisines. La liste en débute avec Pallas, qui inséra dans les Linguarum totius orbis Vocabularia comparativa (Petropoli, 1 7 8 6-1 7 8 g) les vocabu¬laires recueillis par Güldenstädt et autres, pour continuer avec Hammer (Mines de l'Orient, t. IV, p. 246,  d'après le voyageur turc Evliya-Efendi) , Klaproth (id., op., t. IV, p. 312)  qui avait recueilli, en 1808, à Tiflis, près de trois cents mots de la bouche d'un habitant de Mouch parlant le néo-syriaque, E. Rédiger et A. Pott (dans la Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, de 184o  à 185o), Fr. Müller (dans les Comptes rendus des séances de l'Académie de Vienne, 1864),  le révérend Samuel A. Rhea (dans le Journal of the American Oriental Society, t. X, 1.872, p. 118), Ferdinand Justi (Sur les aspirées, Marbourg, 1873; Les noms d'animaux , Revue de linguistique , 1.878, t. XI, p. 1; Kurdische Grammatik, Saint-Pétersbourg, 188o), pour se terminer par Albert Socin (Die Sprache der Kurden, résumé de nos con¬naissances actuelles, dans le Grundriss der iranischen Philologie de Geiger et Kuhn, t. I, 2e partie, p. 249 et suiv.).

C'est à celte collection de matériaux importants que vient s'ajouter aujourd'hui le présent volume, qui contient la grammaire et les vocabulaires dressés par M. J. de  Morgan pendant ses voyages dans le Kurdistan persan, de 1889 à 1891. J'ai eu l'occasion, au congrès des Orientalistes qui s'est assemblé à Ham¬bourg en septembre 1902,  d'attirer l'attention des savants que réunissait la section iranienne sur la valeur des documents recueillis par notre explorateur (1). En dehors du moukri, parlé à Saoudj-Boulaq, qui figure parmi les dialectes étudiés par M. Houturn-Schindler, du gerroûsî, dont M. Amédée Querry a donné un vocabulaire (Mémoires de la Société de linguistique, t. IX, 1895), M. de Morgan nous apporte des renseignements très complets sur le sihnéï, parlé, dans le district de Saine, à l'est de la région d'Hamadan, El'«wromâni, usité dans un canton très sauvage des monts Zagros, le kirmânchahi, compris dans la province de Kirmanchâhân, le ridjéibi, ainsi nommé d'après le canton de Ridjâb, d'un accès très difficile, dépendant de Zohâb, le laki du Louristan et du Poucht-é-korih, le djeifi, parlé sur le cours inférieur de la Diyâia, et même le khodieuvéndi. conservé à Kéiardach, dans le Mazandérân, par des Kurdes qui y furent déportés il y a un siècle et demi.

Avant de traverser les montagnes du Kurdistan, M. de Morgan avait étudié le nord de la Perse et y avait noté les divers dialectes rencontrés sur sa route, du nord au sud. Les principaux de ces dialectes sont ceux que M. W. Geiger a groupés sous le nom de dialectes de la Caspienne (2) et qui avaient déjà fait l'objet des travaux de Berésine, de Chodzko, de B. Dom, de Fr. Millier, de Melgounof, de P. F. Riess, de MM. Houtum-Schindier et A. Querry; ce sont ceux du Gilân, du Mazandérân et de Semnân, ainsi que le tâlyche; mais ici nous avons des notations de variations sous-dialectales : c'est ainsi, que le gîlcili de Recht et celui de Minarè-bazar, le mazandérâni de Rehnè, de Barfrouch, d'Arnol de Kélarsak, de Tunékâboun et de Koudjour, le tâlyche de Len¬korân et celui de Kergân-Roûd sont représentés par de vastes vocabulaires. Il vient s'y ajouter des dialectes qui ne rentrent pas dans ce groupe, bien qu'ils soient parlés sur le même territoire; ce sont le dari usité par les Guèbres dans les quelques villages qu'ils possèdent encore aux environs de Téhéran(3), le bengéchî qui est la langue d'une peuplade afghane transportée à Astérâbâd, le djougî pratiqué par de pauvres nomades qui vivent sous la tente aux environs de la même ville, le gooudarî des Bohémiens de la même localité, le dialecte turcoman (le l'Atrèk, le patois des Juifs de Sihnè.

Telle est la riche moisson que l'infatigable voyageur rapporte de son exploration de la Perse dans les années 1889-1891. Retenu à Suse par la continuation des fouilles, et ne pouvant s'occuper par lui-même de la publication de la partie linguistique des matériaux recueillis, M. de Morgan a eu recours à mes faibles lumières en me demandant (le veiller à l'impression du présent volume. Les quelques travaux que j'ai eu précédemment l'occasion de publier sur plusieurs dialectes de la Perse me faisant un devoir d'accepter cette mission, je me suis mis au travail avec grand plaisir, et c'est ainsi que m'est échu l'honneur de présenter au public savant le nouveau volume publié par la Délégation scientifique en Perse du Ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts.

CL. HUART

(1) Les résultats linguistiques de l'exploration de la Perse par M. J. de Morgan, par Cl. HUART, dans les publications du Congrès des Orientalistes de Hambourg.
(2) Grundriss der iranischen Philologie, t. I, 2' partie, et tiré à part.
(3) J'ai établi, clans le Journal asiatique, VIII° série, t. XI, p. 298 (1888), que l'appellation de dari', donnée par les Parsis de Perse à leur patois, était abusive.


PRÉFACE

Le travail que je livre aujourd'hui à l'impression est la dernière partie de la série qui, sous le titre de Mission scientifique en Perse, renferme tous. s les documents recueillis au cours de mon premier voyage dans l'Iran de 1889 à 1891.

Lorsque j'entrepris cette expédition, je me proposais de continuer le plus loin possible vers l'Orient les travaux d'histoire, d'ethnographie et d'archéologie que j'avais commencés au Caucase, d'établir ainsi une chaîne continue de renseignements entre l'Europe et les Indes, région déjà fort étudiée mais dont l'ethnographie ne se rattache encore à celle de nos pays que d'une manière très vague.

Ma première préoccupation devait être d'examiner l'état actuel des peuples qui habitent aujourd'hui ces régions et d'essayer un classement clés diverses tribus afin d'établir un point de départ pour les études historiques, et c'est à la linguistique que j'ai demandé les documents qui m'étaient nécessaires. Mes récentes recherches sur les peuples du Caucase m'avaient prouvé que si l'anthropologie peut rendre de grands services, ses données sont trop générales et souvent aussi plus erronées que celles fournies par l'étude des langues.

Bien que préparé à recueillir un grand nombre de dialectes, je n'ai pas cru devoir fixer avant mon départ d'Europe les éléments de mes vocabulaires de même que les signes conventionnels auxquels je devais avoir recours pour figurer les divers sons. Ces deux travaux furent faits en Perse dans le milieu même que j'avais à étudier. Il était essentiel, en effet, de tenir d'abord compte des conditions naturelles du pays, des mœurs et des usages des peuples et aussi d'adapter mes notations aux divers dialectes qui souvent fournissent des articulations que nous ne possédons pas dans les alphabets généraux.

Mon vocabulaire complet se compose de 850 mots environ, tous choisis parmi les expressions les plus courantes. Il renferme les idées que l'homme le plus simple ne peut se dispenser de posséder. J'ai joint à ces vocabulaires quelques exemples de déclinaisons, de conjugaisons, et des phrases permettant autant que possible de reconnaître d'une manière générale quelle est la construction dans chacun des dialectes.

Mon voyage embrassa les pays voisins de la mer Caspienne, l'Azerbeidjân et tout le Kurdistan persan jusqu'au Golfe Persique. J'ai donc été à même de relever un grand nombre de dialectes mazandérànis, ghilékis, tàlyches et kurdes, sans compter quelques langues de peuplades vivant en Perse à l'état sporadique, telles que les Afghans d'Astéràbàd, les Kurdes du Mazandéràn, les juifs du Kurdistan, etc. J'ai négligé le persan littéraire et le turc azerbeidiani, l'arménien et le chaldéen comme étant des langues bien connues appartenant à des peuples dont les origines peuvent être étudiées dans leur propre littérature. Je me suis plus spécialement attaché aux langues kurdes dont jusque-là quelques dialectes spéciaux seulement avaient été relevés, au tâlyche et à quelques langues sporadiques intéressantes par leurs formes très anciennes.

Dans chaque district, j'ai pris tout le temps nécessaire pour rédiger mes notes et pour les vérifier; toutefois je ne puis compter sur une homogénéité absolue dans l'exactitude de mes observations, certains dialectes m'ayant été fournis par des hommes très intelligents, tandis que j'en dois d'autres à de véritables sauvages qui ne comprenaient pas toujours mes questions; aussi ai-je la conviction que mes listes sont loin d'être sans erreurs.

Lors de mon retour en France (1er novembre 1891), je comptais mettre en ordre mes notes, analyser les divers documents que j'avais recueillis et les publier sous la forme habituelle de ces sortes de travaux, en adoptant autant que faire se pouvait les notations courantes dans tous les ouvrages de linguistique.

Ce travail terminé, je comptais repartir pour la Perse et poursuivre mes études sur le même plan dans les provinces du Sud et de l'Est. Mais ce projet ne put être mis à exécution; car dès le mois de février 1892 le Ministère de l'Instruction publique m'envoyait en Égypte prendre la Direction générale des Antiquités de ce pays.

Pendant cinq ans et demi, absorbé par mes découvertes, par mes publications sur la Perse et sur l'Égypte, et par les devoirs de mon administration, je n'ai pu consacrer que bien peu de temps à la linguistique iranienne. Aussi ce travail n'était-il encore qu'à l'état de notes et de fiches, quand en septembre 1897 je partis pour Suse comme délégué général du Ministère de l'Instruction publique en Perse. Là de nouveaux travaux m'attendaient, et je dus encore pendant plus d'un an négliger la linguistique.

C'est à Suse, clans l'hiver de 1898 à 1899, qu'il m'a été possible enfin, sinon de terminer mon travail, du moins de mettre mes notes sous une forme acceptable pour le lecteur; j'ai dû conserver dans la plupart des cas mon système de notations de voyage et renoncer à tirer moi-même les conclusions que j'entrevois. Je n'en espère pas moins que ma publication rendra service aux orientalistes; je préfère la donner ainsi plutôt que de la conserver par devers moi pendant un nombre d'années que je ne puis prévoir, dans le seul but de lui donner un aspect plus scientifique.

Suse, le 25 mars 1899
J. DE MORGAN




Fondation-Institut kurde de Paris © 2024
BIBLIOTHEQUE
Informations pratiques
Informations légales
PROJET
Historique
Partenaires
LISTE
Thèmes
Auteurs
Éditeurs
Langues
Revues