PREFACE
Le 2 août 1990, avec l'entrée des troupes irakiennes au Koweït et la prise de Koweït City, marque le début de la crise du Golfe, qui débouchera, du 17 janvier au 3 mars 1991, sur une intervention militaire collective. Bagdad poursuit la vieille revendication d'un large accès au Golfe, tandis que le monde occidental entend bien préserver l'enjeu stratégique que constitue le Golfe arabo-persique.
L'agression de l'Irak va donner lieu à l'adoption, par le Conseil de sécurité, de toute une série de mesures coercitives qui déboucheront sur un embargo sans précédent dans l'histoire de l'Organisation des Nations Unies. On sait aujourd'hui les conséquences graves qui en sont résulté pour la population civile et les effets dévastateurs qui ont frappé l'économie de ce pays.
Sept ans se sont écoulés et malgré les missions de vérification, les actions de destruction et de neutralisation des sites d'armement, la Commission des Nations Unies en charge du désarmement de l'Irak, n'est toujours pas en mesure d'apporter la preuve au Conseil de sécurité que l'Irak a pleinement satisfait à ses obligations en matière de programmes de recherche et de fabrication d'armes de destruction massive.
La levée de l'embargo qui, conformément à l'article 22 de la résolution 687 des Nations Unies, est du seul ressort du Conseil de sécurité, reste, en l'état actuel des choses, suspendue à cette incertitude.
L'Assemblée générale des Nations Unies, La Ligue des Etats Arabes, l'Organisation de l'Unité Africaine ne cachent pas leur hostilité à l'égard d'un régime de sanctions qui frappe bien souvent des pays en voie de développement, aggravant sérieusement, du même coup, une situation déjà précaire. Le cas de Haïti en est la parfaite illustration.
Le conflit dans le Golfe a engendré des conséquences politiques, humanitaires et économiques extrêmement graves et le maintien de l'embargo empêche définitivement toute velléité de reconstruction : l'économie irakienne est anéantie, la situation humanitaire ne cesse de se dégrader. Le bilan est lourd pour l'Irak : selon les derniers rapports des organisations humanitaires, de l'OMS et de l'UNICEF, «plus d'un million d'Irakiens sont déjà morts des conséquences de l'embargo » et chaque mois où sont maintenues les sanctions, des morts supplémentaires se chiffrent.
Le problème avec les sanctions, c'est qu'elles visent le gouvernement, mais qu'elles frappent le peuple. Peut-on donc continuer à sacrifier la population aux fins de punir un régime ?
Par ailleurs l'expérience a montré que la cible n'est jamais atteinte. L'embargo décrété contre l'Irak, en dépit des sacrifices imposés aux populations, n'a à aucun moment déstabilisé le pouvoir politique.
Face à cette situation insupportable, les Etats membres ont infléchi leur position. C'est tout le sens de la résolution 986 qui, au terme de longues négociations, a débouché sur la formule « pétrole contre nourriture ». L'Irak est désormais autorisé à exporter du pétrole afin, entre autres, de subvenir à ses besoins en produits alimentaires et pharmaceutiques.
Il ne s'agit là que d'une solution provisoire puisque d'une part, les sanctions sont toujours maintenues, et que d'autre part, cette formule n'autorise l'échange que sur une période de six mois renouvelable par le Conseil de sécurité.
A cet égard, la résolution 986 repose sur une configuration équilibrée, compte tenu des solutions qu'elle prévoit aussi bien sur le plan politique, juridique, économique que humanitaire. Elle est riche d'enseignements et offre un mécanisme novateur et original en droit international qui permet de pallier les carences des sanctions classiques. Cette résolution présente, en outre, un grand intérêt quant aux règles juridiques employées, révélant ainsi un accroissement des compétences des Nations Unies.
Cependant bien qu'efficace dans son fonctionnement, elle reste insatisfaisante au plan des résultats.
Ne serait-il pas temps d'envisager une réforme du régime des sanctions ?
J'ai, à maintes reprises, présenté dans « l'Agenda pour la paix », différentes recommandations et propositions. J'ai notamment suggéré « d'évaluer, à la demande du Conseil de sécurité, et avant que les sanctions ne soient imposées, leur impact potentiel sur le pays visé et sur les pays tiers ». J'ai préconisé, par ailleurs, de « contrôler l'application des sanctions, de mesurer leurs effets afin de permettre au Conseil de sécurité de minimiser les dommages indirects qui en résultent, d'assurer la fourniture d'une assistance humanitaire aux groupes vulnérables ».
La voie de la réforme est ouverte. Il est urgent d'aller plus loin.
Cette première étude pertinente d'une jeune Marocaine, Mademoiselle Leila Ezzarqui, apporte une contribution à l'analyse de la résolution 986. Elle s'attache notamment à expliquer les rouages de cette résolution et, plus généralement, les enjeux qui l'entourent. Elle fournit un éclairage d'actualité sur la question du désarmement irakien et de la levée de l'embargo, conformément aux résolutions des Nations Unies. Elle est, en dernier ressort, un signe d'encouragement pour l'intérêt que nourrit la jeune génération au maintien de la paix dans le monde, que je tiens à saluer.
Boutros Boutros-Ghali
« Faut-il nous soumettre ou lutter ?
Il faut se soumettre pour survivre
et lutter pour continuer d'être »
Saint Exupery, Citadelle
Avant-proposLa résolution « pétrole contre nourriture » est au cœur de la problématique des sanctions économiques, qui même lorsqu'il s'agit de sanctions collectives décidées par le Conseil de sécurité et juridiquement fondées sur le Chapitre VII, se doivent de ne pas violer les droits de l'homme les plus fondamentaux.
Le travail de Mlle Leïla Ezzarqui a le mérite de confronter le droit positif et la réalité vécue par les populations soumises aux sanctions de l'ONU, avec une rigueur qui n'exclut pas la sensibilité.
Toutes les questions juridiques soulevées par le maintien de l'embargo contre l'Irak, initialement décidé par la résolution 661 du 6 août 1990, et par l'adoption de la résolution 986 du 14 avril 1995, dont un des objectifs est d'amoindrir les effets négatifs de l'embargo sur le respect des droits de l'homme, ont été clairement présentés et soigneusement analysées.
Il m'apparaît que cette recherche illustre parfaitement les difficultés rencontrées par l'ONU - à tous les niveaux, politique, juridique, économique, humanitaire - dans la mise en oeuvre des sanctions collectives, dont l'objectif doit être le maintien de la paix et de la sécurité internationales, mais qui dans les faits conduisent souvent à des situations humainement intolérables.
Leïla Ezzarqui a réussi à brosser un tableau précis et réaliste de tous les problèmes posés par l'embargo contre l'Irak ; mais les leçons que l'on peut tirer de son analyse ont une portée universelle.
Brigitte Stern
Je dédie cet ouvrage à ma mère, mes sœurs,
au professeur Brigitte Stern et au peuple irakien.
Remerciements
Tout d'abord. des remerciements très chaleureux s'adressent à M. Hien Lam Duc, photographe, qui a gracieusement mis à ma disposition ses talentueuses photos qui illustrent cet ouvrage.
Je tiens ensuite à remercier toutes les personnes qui ont fait preuve de patience et d'efficacité à mon égard pour m'aider à réaliser cet ouvrage, notamment en me fournissant informations, précisions, documents et tout d'abord l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros Ghali, qui au cours de l'entretien, s'est attaché à expliquer le plus clairement possible les questions complexes qui entourent la résolution 986.
Forts judicieux furent les recommandations et les conseils prodigués de Madame le Professeur Brigitte Stern qui a dirigé ce mémoire.
J'ai été aussi très sensible à la qualité de l'accueil que m'ont accordé S.E.M. Al Anbari, Ambassadeur de la République d'Irak auprès de l'UNESCO, M. Grégoire de Brancovan, Senior Humanitarian Officer au Département des Affaires humanitaires à New York dont l'appui qu'il apporta à la préparation de ce livre fut effectif et constant ainsi que M. Fabrice Mauriès, diplomate responsable du Département Moyen-Orient au Ministère des Affaires étrangères pour son aide précieuse.
Je me dois de remercier également M. Jean Noël Poirier et M. Nicolas Galey qui m'ont chaleureusement accordé à plusieurs reprises des entretiens intéressants et enrichissants.
Je tiens également à témoigner ma profonde gratitude à M`5 Dolores Sedqi, Department of States at the United States Mission, M. Gian Luca Burci, Legal Officer at the United Nations et M. Rolf Welberts, Counsellor at the Permanent Mission of Germany to the United Nations, M. Thomas Countryman, Adviser, Middle East at the United Nations qui m'ont aimablement fourni des informations utiles.
Mes remerciements s'adressent également à Madame le Professeur Hélène Ruiz Fabri qui a eu la gentillesse de bien Résolution 986: « Pétrole contre nourriture »
vouloir relire mon travail, à Meme Say De Brancovan pour ses encouragements et son dévouement, M. Thierry Delombre, documentaliste au Centre d'informations des Nations Unies auprès de la France et à M. Fabrice Lebel pour leur soutien constant.
Je tiens enfin à remercier ceux et celles qui m'ont apporté leur collaboration, leur aide ou leur soutien et que je n'ai pas mentionnées, je tiens à les remercier doublement.