Scoop kurde
Le Kurdistan ? Les Kurdes ? Une guerre des Kurdes ? A Paris, Victor Duruy est tenté de croire que le général Le Veyrier lui monte un bateau et cherche à l'entraîner dans une histoire peu catholique.
Peu catholique, en effet, puisque placée sous les signes à la fois du Croissant et du napalm, les Irakiens s'acharnant soi-disant à réduire par la force les deux millions et demi de Kurdes vivant — ou plutôt survivant — dans les rudes montagnes du nord-est du pays.
Le général dit vrai. Sur le Kurdistan en flammes depuis plusieurs années, des avions russes et anglais déversent chaque jour des bombes américaines, des balles tchéco-slovaques. Les bêtes crèvent dans l'effroyable odeur du « savon métallique ». Pas uniquement les bêtes.
Comme ses compatriotes, Victor Duruy ignorait tout. Victor Duruy, le cinéaste, le conférencier, la fameux spécialiste de la vie des animaux. Il découvre qu'il ne savait pas parce que la presse se tait, parce que les hommes politiques et les hommes d'affaires se taisent — et pas seulement dans son pays. Pourquoi ce grand silence concerté qui recouvre depuis près de trente ans la voix mourante du peuple kurde qui ne demande que le droit d'être ?
Le Français part pour le Kurdistan. Et il découvre tout, la détestable vérité, à mesure que surgissent de magnifiques personnages, des montagnes superbes, des coutumes touchantes et, crevant impétueusement les rangs de la moderne armée irakienne qui a décidé d'en finir, ces extraordinaires combattants d'un autre âge que sont les Pesh-Merga pour qui « le poignard est un frère » tandis que « le fusil est un cousin ».
Chapitre premier
Cette fin d'après-midi était singulièrement douce et paisible. Le printemps commençait vraiment. La montagne se réchauffait. Pour la première fois l'air des Zagros avait perdu de sa vivacité. Là-haut, la neige étincelait encore. Mais la fonte définitive était bien entamée.
Assis près de l'entrée de sa tente, Delchad fumait silencieusement un rouleau de tabac trop vert dans un fume-cigarette taillé dans le noeud d'une branche. L'excessive âcreté de la fumée l'obligeait à cracher souvent. Il avait son fusil près de lui.
Son fils, Nihad, âgé de quelques mois seulement, gazouillait aimablement dans son berceau de roseaux que sa mère avait installé dehors à l'abri d'une haie de branchages et de la grosse couverture noire en poil de chèvre qui fermait le foyer. Comme tous les petits Kurdes…
© 1971 « Editions fleuve noir », Paris.
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Achevé d'imprimer sur les presses de l'imprimerie foucault 126, av.
De fontainebleau 94270 - Le Kremlin-Bicêtre
Depot legal : 4° trimestre 1974
Imprimé en france
Du meme auteur, dans la même collection :
La mort au bout de la dune.
Les petits combattants.
Les soldats et les dieux.
Les feux de la Sierra.
Mourir deux ou trois fois.
Douze balles dans le drapeau.
Cent mille vies.
Les égarés du Sinaï.
La forturne des armes.
Puzzle chinois.
Point chaud.
A Bukavu ou ailleurs.
La Brigada.
Têtes brûlées.
Clash-Clash en Cochinchine. Traqué au Tonkin.