Le 14 juillet 1958, le coup d’État militaire du général Kassem renversait la monarchie hachémite : un nouveau régime s’installait en Irak, qui accédait ainsi à la pleine indépendance. Nouveau champion de l’arabisme, Kassem transformait les structures politiques de son pays et rejoignait le Tiers Monde.
Problèmes des institutions, problèmes des relations extérieures, problèmes de la cohésion nationale, problèmes du développement économique et social, telles sont les quatre catégories de problèmes majeurs qui se posent à l’Irak d’aujourd’hui et qui sont ici étudiés. Pour les éclairer, il était nécessaire d’examiner comment le territoire et le passé de ce pays se découpent, l’un dans cet ensemble géographique qu’est le Proche Orient, l’autre dans l’histoire des grandes constructions politiques et des mouvements religieux dont il a été successivement le berceau et le théâtre.
La complexité de la population irakienne et l’apparition de forces nouvelles (partis, syndicats, armée) sont des facteurs dont l’auteur souligne l’importance dans la vie politique irakienne d’aujourd’hui.
En annexe est regroupée une documentation précieuse, et jusqu’ici difficilement accessible, en France du moins : texte de la constitution provisoire liste des cabinets de la République irakienne, statistiques sur la population et la main d’oeuvre, données économiques.
La préface de Pierre Rondot souligne l’actualité de cet ouvrage substantiel, ainsi que la maîtrise de l’auteur pour exposer et faire comprendre l’évolution rapide et parfois déroutante ce pays clef du Proche Orient.
Bernard Vernier estné en 1903, à Vesoul. Entré à l’École spéciale militaire en 1923. Licencié ès lettres, licencié en droit. 1927-1930: méhariste à la compagnie de Palmyre.
Bureau politique du Haut-Commissariat à Beyrouth. Membre correspondant de l’Institut français de Damas. École supérieure de Guerre, 1935-1937. Diplômé du centre d’Études Germaniques de Strasbourg. En 1938, publie chez Plon, Quédar, carnets d’un méhariste syrien, tableau de la vie arabe au désert qu’André Thérive salue dans Le Temps comme “ une oeuvre remarquable d’une richesse merveilleuse ”.
En 1939, après avoir traduit Les Enjeux politiques en Méditerranée de miss E. Monroë, témoigne de sa profonde connaissance des rivalités internationales en pays d’Islam, en donnant au Centre d’études de politique étrangère La Politique islamique de l’Allemagne.
Mission en Orient (Syrie, Turquie, Irak). Suit le stage du Centre des Hautes Etudes d’administration musulmane à Alger, dont il devient directeur-adjoint, 1942. Attaché au gouvernement général de l’Algérie. Mission au Fezzan. Campagne de Rhin-Danube aux Thabors marocains.
Président des experts militaires de la Commission des Nations Unies pour les Balkans, 1947-1950. En 1950, traduction de M.A.R. Gibb Les Tendances de l’Islam moderne. Auditeurau Collège de défense de l’O.T.A.N. I 953. Professeur au Staff college de Camberly. Collabore à la Revue Politique Étrangère et à la Revue Orient.
Table des Matières
Préface / V
Avant-propos / 1
Introduction: Le cadre géographique / 5 Position et climat. Les montagnes du Kurdistan. Les steppes de la Djézireh et du Hamad. Les vallées et le delta.
Première Partie: Le Legs du Passé I — Histoire de l’irak jusqu’à la Révolution de 1958 / 13 1. Les appartenances historiques de l'Irak / 13 2. La Mésopotamie antique / 15
Les empires sémitiques. Akkad et Sumer; le royaume amorrhéen (IIe millénaire, début du Ier)- Rivalité d’Assur et de Babylone (XIIe s., VIe s. avant J.-C.).
3. Les empires indo-européens / 19
L’Empire achéménide (586-334 avant J.-C.). L’empire d’Alexandre (334-323 avant J.-C.). Le royaume des Séleucides (301-249 avant J.-C.). Le royaume parthe des Arsacides (249 avant J.-C.-226 après J.-C.). Le royaume des Sassanides (226-651 après J.-C.).
4. La conquête arabe et F Empire abbasside / 24 5. L’Irak et l'Empire ottoman / 27
L’Irak, marche ottomane. L’éveil des nationalités.
6. L’institution du mandat / 34 7. La monarchie hachémite / 39
Le règne de Faysal 1er (août 1921-septembre 1933). Le règne de Ghazi (septembre 1933-août 1939). La régence d’Abdulillah (avril 1939-mai 1953). Le règne personnel de Faysal II (mai 1953-juillet 1958).
8. Faiblesses des institutions de l’ancien régime / 53 9. La révolution du 14 juillet 1958 / 56
II — Complexité de la population irakienne / 59
1. Les deux principales communautés musulmanes: Sunnites et Chiites / 62 2. Les Kurdes, 69 3. Les Yézidis /T 4. Les Turkmènes 76 5. Les Bédouins 77 6. Les minorités non-musulmanes 86
Les Assyriens ou Chrétiens de rite chaldéen : Nestoriens et Chaldéens catholiques. Les Chrétiens de rite syrien : Jacobites et Syriens catholiques. Les Arméniens : l’Église apostolique arménienne et les Arméniens catholiques. Les Chrétiens de rite byzantin : Grecs orthodoxes et Melkites. Les Sabéens. Les Juifs. L’Irak, état multi-communautaire.
Deuxième Partie : La vie politique sous la République et Le Problème des Institutions
III — Les forces nouvelles / 99
1. Les cadres nouveaux de la vie politique / 99 2. Les partis / 101
Les partis et l’émancipation du monde arabe. Les débuts du Parti national démocrate, de l’Istiklal et du Baas. Les débuts du Parti communiste irakien. Le P.C.I. et les autres partis; le Front national unifié.
3. Les « institutions démocratiques » / 111
Les Forces de la résistance populaire. Les « organisations progressistes annexes ».
4. Les syndicats / 116
Les syndicats ouvriers. Les syndicats ruraux. Les syndicats d’intellectuels; l’administration et les syndicats.
5. L'armée / 123
Les coups d’État militaires au Proche-Orient. Naissance de l’armée irakienne. Les coups d’État militaires irakiens. La guerre de Palestine. Le réformisme militaire. La police. L’armée, force d’appui ou force d’opposition.
IV — Les deux premiers cabinets Kassem de « Défense irakienne et démocratique» (juillet 1958-juillet 1959) / 141
Le Conseil de souveraineté; disparition du Comité des officiers libres. Constitution du premier cabinet. Les tribunaux supérieurs. La constitution provisoire. Le Zaïm. Les débuts du premier cabinet; manifestations démocratiques. Les procès d’épuration; complots d’Aref et de Gaylani. Le remaniement ministériel du 7 février 1959. Le putsch de Mossoul (mars 1959). Kassem et les partis. Ouvertures à la gauche et à la droite. Les communistes demandent à participer au gouvernement. Kassem biaise. Recrudescence d’activité de l’extrême gauche. Virage de Kassem vers la droite.
V — Les débuts du troisième cabinet Kassem et les émeutes communistes de Kirkouk (juillet-décembre 1959) / 165
Nouvelle orientation de la politique de Kassem. Les émeutes de Kirkouk (mi-juillet 1959). Louvoiements du Parti communiste irakien. Les exécutions du 20 septembre 1939. L’attentat contre Kassem (7 octobre 1959. Le procès des agresseurs.
VI — Réapparition légale des partis (janvier-février I960) / 179 La loi n° 1 du 1er janvier 1960 sur les associations et les partis. La scission du Parti communiste irakien. Partis non autorisés. Les programmes des partis. Le programme du P.C.I. Le programme du P.N.D. Le programme du P.D.K.I. Les remaniements ministériels de janvier, février et avril 1960; la crise du P.N.D. Création du Parti national du Progrès. Partis non autorisés.
VII — Le troisième cabinet Kassem et l’élimination des ministres communistes (février 1960-juillet 1962) / 195
Emeutes et réaction. Satisfactions données à la gauche. Le remaniement ministériel du 15 novembre 1960. Fêtes officielles et manifestations « spontanées ». Les grèves du printemps 1961 ; hostilité déclarée du P.C.I. Le remaniement ministériel du 14 mai 1961. La conjoncture de l’été 1961 ; l’affaire de Koweit’et la révolte kurde. L’an IV de la République.
Troisième Partie : La politique étrangère et le problème de l’Arabisme
VIII — La conjoncture internationale en Orient en juillet 1958 / 215
IX — L’Irak et les puissances occidentales / 223
L’Irak et la Grande-Bretagne. L’Irak et les États-Unis. L’Irak et la France. L’Irak et les autres pays de l’Ouest.
X — L’Irak et les puissances communistes / 245
L’Irak et l’Union des républiques socialistes soviétiques. Le XXIe congrès du parti communiste soviétique. Les accords irako-soviétiques. La déclaration des 81 partis communistes du 16 décembre 1960. L’Irak et les républiques populaires d’Europe. L’Irak et la Chine populaire.
XI — L’Irak et le monde arabe / 269
Le lune de miel de Kassem et Nasser. Le divorce de Kassem et Nasser. L’Irak et la Ligue arabe; la conférence du Caire d’avril 1959* La question de la Syrie. Le problème de la Palestine et ses connexions avec celui du Croissant fertile. La conférence de Bagdad (31 janvier-6 février 1961). La rivalité du Caire et de Bagdad.
XII — L’Irak et ses voisins non arabes / 287
L’Irak et l’Iran. L’Irak et la Turquie.
XIII — L’Irak, le Tiers monde et les Nations Unies / 301
XIV — L’Irak et l’affaire de Koweit / 305
L’Irak et Koweit avant le 25 juin 1961. Les péripéties de l’affaire de Koweit. L’Iran et l’affaire de Koweit. Londres et Moscou et l’affaire de Koweit. Le coup d’État syrien du 28 septembre 1961. Moscou et la querelle du panarabisme. Quatrième Partie : Le problème de la cohésion nationale
XV — Le nouveau régime et l’Islam / 327
L’Islam et l’opinion. L’État irakien et la solidarité islamique et panarabe. La Constitution provisoire et l’Islam. Kassem et les chefs religieux. Diversité d’opinion des chefs religieux. Le nouveau code du Statut personnel.
XVI — Le nouveau régime et les minorités / 341
XVII — Le problème kurde / 351
Cinquième Partie : Le problème du développement
XVIII — Caractéristiques de l’économie irakienne
Le sous-développement. État démographique, sanitaire et culturel.
XIX — Structure du secteur rural / 371
Conditions archaïques d’exploitation. Le «Land seulement Act». La crise du paysannat kurde. Les Bédouins et le problème de la sédentarisation.
XX — Structure du secteur industriel / 381 L’industrie de transformation des produits agricoles. L’Office de développement et les travaux d’infrastructure. Insuffisance de l’industrie manufacturière et sous-emploi. L’industrie du pétrole.
XXI — Faiblesse de l’intégration nationale / 391
Insuffisance des communications. Insuffisance du système des banques. Le cloisonnement sociologique. Sous-administration.
XXII — La politique économique du nouveau régime / 397
1. La réforme agraire397 2. La politique d'équipement.407
Le nouveau régime et la collaboration étrangère. Le plan de cinq ans; répartition des crédits. L’agriculture; travaux de barrage. La construction et l’habitat. Transports et communications. L’industrie. Financement.
3. La politique du pétrole de Kassem / 424
L’Irak et les conférences sur le pétrole. Le mémorandum du 10 avril 1960 Les négociations d’octobre 1961 avec les compagnies concessionnaires. La loi sur le pétrole du 11 décembre 1961.
XXIII — L’œuvre sociale du nouveau régime / 439
Santé; habitat; éducation. Les collectivités et l’État.
Conclusion / 447
Annexes
I. La généalogie de la dynastie hachémite / 452 II. La lignée des Imans et les sectes / 453 III. Principales fonctions religieuses de l'Islam / 455 IV. Liste des Cabinetsdu 23 octobre 1920 au 14 juillet 1958 / 457 V. Le Statut organique du 10 juillet 1924 et la Constitution provisoire du 27 juillet 1958 / 459 VI. Les Cabinets de la République Irakienne / 463 VII. Population au recensement de 1957 / 466 VIII. Main-d'œuvre citadine / 467 IX. Données économiques / 468 X. Chronologie / 471 XI. Bibliographie / 477
Index / 481
Table des Cartes / 487
PRÉFACE
Etat indépendant depuis près d'un tiers de siècle, membre fondateur de la Ligue Arabe, gros producteur de pétrole, République de fraîche date, l'Irak est entré dans les perspectives de notre information quotidienne sans que nous nous soyons jusqu'à présent beaucoup souciés, en dehors des cercles de spécialistes, de bien connaître ses caractères nationaux et les éléments de son destin.
Cependant, même à vues très rapides, l'Irak frappe par des singularités qui sollicitent l'observation et la réflexion. L’enchevêtrement de ses aspects exige de patients efforts d'analyse; la réalité se dérobe ici, tout spécialement, aux tentatives de quiconque prétend l'enfermer en des formules simples, et elle suggère bien plutôt des propositions contrastées. Sans nous attarder aux ambiguïtés géographiques et aux contradictions d'une très longue histoire, relevons seulement quelques traits de l'état social et politique présent : cette terre musulmane se situe à la jointure du domaine sunnite et du domaine chiite; ce pays arabe inclut, sans préjudice d'autres éléments mineurs, un peuplement kurde massif; cette branche orientale du « Croissant Fertile » constitue aussi la pointe occidentale de l'arc pétrolier arabo-persique, en sorte que Bagdad couve une double ambition; et l'Irak aura pu successivement se concevoir, ou être conçu, entre autres, comme l'élément majeur d'une grande politique anglo-arabe, le pilier central du système défensif du Northern Tier, le défi lancé à l'impérialisme nassérien, le pôle de l'arabisme septentrional...
Si le politique chargé des destins de l'Irak peut, devant cette complexité, éventuellement préférer à de laborieux compromis quelque choix énergique et arbitraire, l’observateur appelé à retracer un tableau de cet État ne saurait se soustraire à la règle des dénombrements entiers. Sa tâche exige la familiarité de nombreuses disciplines, une curiosité sans cesse en éveil, une aptitude aux ouvertures les plus variées, enfin une scrupuleuse conscience.
Il faut être reconnaissant à Bernard Vernier de n'avoir pas reculé devant les difficultés et les risques de pareille entreprise. Plus que d’autres, il était qualifié pour la mener à bien, et nous donner enfin cet indispensable manuel de l’Irak moderne. Son sens aigu de l’archéologie vivante lui permet de reconnaître les racines profondes et toujours actives de ce pays plusieurs fois millénaire. Sa connaissance personnelle des sociétés orientales, des nomades de la steppe aux citadins levantins, ses réflexions prolongées sur l’évolution du Maghreb et de l’Orient, sa familiarité avec les hommes et les institutions du monde arabe, éclairent à ses yeux les détours, souvent déconcertants, de la sociologie et de la politique iraquiennes.
Sans nullement négliger le substrat du passé, lointain ou proche, qui affleure toujours à la base de cet inventaire, Bernard Vernier a fait porter l’essentiel de son étude sur les quatre années de la République. Il s’agit là, dans une large mesure, d’un travail de pionnier. La relative abondance des sources ne saurait en effet faire illusion : leur rassemblement, leur dépouillement, leur critique surtout offraient de grandes difficultés. L’exposé devait tenir compte, à la fois, de la complexité du donné, et de la mouvante variété des solutions que lui aura appliquées la maître actuel de l’Irak, le général Abdelkérim Kassem. Plus secret peut-être que son rival Gamal Abdel Nasser, moins clairement expliqué en tout cas par une carrière moins chargée, adaptant au jour le jour son action à une réalité complexe et changeante, qu’il semble d’ailleurs de plus en plus enclin à modifier par sa propre pesée, le zaïm de l’Irak n’est pas un personnage dont la mesure est aisée à prendre. Un jugement définitif sur l’homme et l’œuvre serait assurément prématuré, car l’avenir reste ouvert : mais il est précieux de pouvoir disposer désormais de ces éléments, qui permettront de situer l’évolution dans son cadre et d’en apprécier avec sûreté les développements.
Au moment où les circonstances rouvrent à notre diplomatie l’accès officiel de l’Orient arabe, l’opinion française doit s’attacher à mieux connaître ces pays, et surtout ceux d’entre eux qui paradoxalement, comme l’Irak, croient encore devoir se soustraire à ce mouvement général. De notre clairvoyance et de notre perspicacité dépendent nos chances de présence efficace. Par sa contribution décisive à notre information orientale, l’ouvrage de Bernard Vernier jouera un rôle considérable dans ce renouveau du rayonnement français.
Pierre Rondot, Directeur du Centre des Hautes Études administratives sur l’Afrique et l’Asie modernes.
Bernard Vernier
L’Irak d’Aujourd’hui
Armand Colin
Librairie Armand Colin L’Irak d’Aujourd’hui Bernard Vernier Préface de Pierre Rondot
Librairie Armand Colin 103, boulevard Saint-Michel Paris Ve 1963
Achevé d’Imprimer sur les Presses des Imprimeries Oberthur A Rennes, en Décembre 1962 Dépôt légal 4e trimestre 1962, n° 6346 n° d’ordre dans les travaux de la Librairie Armand Colin, 2737
