Le nomadisme dans le nord du Khorassan
Mohammad Hossein Papoli Yazdi
Editions Peeters
Dans le nord du Khorâssân se trouve la plus importante communauté Kurde vivant en dehors du Kurdistan. Parmi eux, se trouvent quelques milliers de familles nomades ou semi-nomades qui ont conservé leurs caractères ethniques et contrôlent une grande partie du petit bétail de la région. En perpétuant leurs longues migrations et leur mode de vie traditionnel, ces pasteurs longtemps brimés par des politiques qui leur étaient défavorables, ont souvent réussi à moderniser leurs activités.
M.-H. Papoli-Yazdi a consacré plusieurs années d’enquêtes minutieuses en toutes saisons, dans tous les campements et villages kurdes; il nous montre très concrètement comment ces populations souvent obligées de se sédentariser, ont su remplacer les chameaux par des camions et chercher à adapter leur « entreprise d’élevage » aux conditions actuelles du marché, dans un Iran en plein bouleversement.
Ce livre apporte non seulement un éclairage sans concessions sur la situation des campagnes et les possibilités d’évolution du nomadisme dans l’Iran d’aujourd’hui, mais aussi une réflexion sur l’intérêt économique des migrations pastorales dans des milieux écologiquement difficiles.
Mohammad-Hossein Papoli-Yazdi, né en 1949 à Yazd, a fait des études de géographie à l'Université Ferdowsi de Machhad puis à l’Université de Paris-Sorbonne. Il a été le premier géographe iranien à soutenir une thèse de doctorat ès lettres et sciences humaines. Spécialiste des campagnes iraniennes et de géographie culturelle, il est Professeur de géographie à Machhad depuis 1983, et à fondé en 1986 la revue Recherches Géographiques éditée par la Fondation Culturelle de l’Astâneh Ghods Razavi dont il dirige le département de géographie. Professeur associé à l’Université de Paris-Sorbonne en 1990, il est membre de l’équipe de recherche Sciences Sociales du Monde Iranien Contemporain du CNRS.
Table des matieres
Preface / 9
Avant-Propos / 11
Introduction / 15
Premiere partie
Le milieu et les hommes: Les nomades et leur territoire
Chapitre I
Histoire et organisation tribale des nomades kurdes / 23
I - histoire d'une population transplantee / 23
1 - Les premiers témoignages / 23
2 - Le transfert massif opéré par Chah-Abbâs / 24
3 - Des Safavides aux Qadjars / 25
4 - Le XXe siècle / 26
II -Les tribus et leurs territoires / 27
1 - Tribus et clans / 27
2 - Dénombrement des nomades / 28
a - Evaluations anciennes / 28
b - Les effectifs actuels / 29
3 - Le territoire des nomades kurdes / 32
a - Le problème de la frontière soviétique et l’expansion vers le sud et
l’ouest avant 1930 / 1 / 32
b - La répartition actuelle des campements sur les quartiers estivaux et hivernaux / 34
Chapitre II
Le milieu naturel / 39
I - le relief / 39
1 - Les montagnes / 39
a - Le massif de Hezârmasdjed / 39
b - Les massifs d’Alâdâgh et de Binâloud / 40
2 - Le sillon des vallées de l’Atrak et du Kachaf-Roud / 41
a - La vallée de l’Atrak / .41
b - La vallée du Kachaf-Roud / 42
c - Les régions de basse altitude / 43
- La région de Sarakhs-Pasâkouh / 43
- La région de Daragaz / 44
- La steppe turkmène orientale / 44
- La région de Sabzavâr / 46
II - le climat : l'aridité continentale / 46
1 - Le climat des quartiers hivernaux / 47
a - Sarakhs : le meilleur qachlâq / 47
b - Le climat du Daragaz / 51
c - Le Turkmen-Sahrâ oriental / 51
2 - Le climat des quartiers automnaux / 53
a - La vallée de Kachaf-Roud / 53
b - Le climat de la haute vallée de l'Atrak / 55
c - Les quartiers d 'é té / 59
III - la vegetation / 60
1 - Les associations végétales d'altitude / 64
a - La formation à Juniperus excelsa / 64
b - La formation à Amygdalis reuteri, Berberis, Crateagus / 65
c - L'étage à Pistacia mut ica / 66
2 - Les formations des régions basses / 66
a - L'association à pistachier (Pistacia vera) / 66
b - La végétation steppique à Artemisia et Astragalus / 67
c - L'association à Zygophyllum atriplicoides / 67
d - L'association à Tamarix articulata / 68
Chapitre III
Statut, valeur et gestion des paturages / 69
I - la propriete des paturages / 69
1 - Pâturages appartenant à VAstânah Ghods / 69
2 - Pâturages nationalisés / 71
a - Les permis de pacage / 71
b - La mise en défens des pâturages / 72
3 - Les pâturages collectifs / 75
4 - Pâturages p r iv é s / 75
II -les trois niveaux de paturages / 75
1 - Les pâturages d’hiver (qachlâq) / 76
a - La région de Sarakhs : le domaine de l’Astânah qods / 76
b - Pasâkouh / 79
- Le cas du village de Zolouqâl / 83
c - La région de Kalât-e Nâderi / 86
- La vallée de Sangânah / 88
- Les pâturages privés de Yakahtout / 89
d - La région de Daragaz / 89
e - Le quartier hivernal de Mânah / 90
- Le Turkmen-Sahrâ (steppe turkmène): conflits fonciers et sédentarisation / 91
2 - Les pâturages d'été (yaylâq) / 93
3 - Les quartiers automnaux / 96
a - La vallée du Kachaf-Roud / 97
b - Le Qorahmeydân / 97
c - Les quartiers d’automne du nord-ouest / 100
d - Les quartiers automnaux de la région de Daragaz / 100
III - l'insuffisance des paturages / 101
1 - L'alimentation complémentaire du bétail / 101
a - Le fourrag e / 102
b - La paille / 102
c - Les tourteaux de betterave à sucre / 105
d - L'orge / 106
e - La graine de coton / 107
2 - L'approvisionnement en e a u / 108
3 - La consommation de sel / 112
Chapitre IV
La tente noire et le village : l’habitat des nomades / 115
I – L’habitation des hommes / 116
1 - La tente / 116
a - Le tissage / 116
b - Le renouvellement de la tente / 122
c - La tente en coton / 125
d - L'installation des tentesdans le campement / 126
-L e choix et l'aménagement de l'emplacement / 126
-L e montage de la tente / 129
- L'aménagement intérieur de la tente dans le quartier d'été / 129
- L'aménagement de la tente pendant l'hiver / 132
2 - Les h u tte s / 135
3 - Les maisons / 139
- Dans les quartiers estivaux dont les nomades sont propriétaires / 140
-Dan s les quartiers hivernaux / 141
- Sur les itinéraires des migrations / 141
- Dans les villes / 141
4 - Les équipements collectifs des campements / 141
- Les fours à pain / 142
-Le s latrines / 142
II - les equipements destines au betail / 142
1 - Les installations liées à l'alimentation du bétail / 142
a - Les grenie rs / 142
b - Les mangeoire s / 144
c - Les pierres à sel / 144
d - Les pierres destinées à la traite / 144
2 - Les abris pour le bétail / 146
a - L'enclos / 146
b - La fosse pour les brebis-mères refusant leur agneau / 146
c - Le bahâr-band. Les enclos d'embouche / 146
d - Les cavernes / 148
e - Les bergeries / 150
-Les bergeries dans le quartier hivernal de Jarf / 154
- Les bergeries dans la steppe turkmène orientale / 156
Table des matières / 429
Deuxieme partie
Les migrations pastorales
Chapitre V
Les migrations pastorales des nomades / 161
I - Les migrations à longue distance : vers le Turkmensahra / 164
1 - Traits d'ensemble / 164
2 - Les migrations des nomades du Hezârmasdjed / 166
3 - Les migrations des nomades estivant dans le Châhdjahân / 174
- Les groupes séjournant dans le Qorahmeydân / 175
- Les nomades dont le quartier automnal est situé dans les vallées du nord de l'Atrak / 180
4 - Le cas du clan Hachtmarkhi / 183
II - Les migrations à moyenne distance vers sarakhs et pasakouh / 185
1 - Le clan Bravânlou : pasteurs et bûcherons / 185
2 - Le clan Varânlou à Sarakhs / 188
3 - Les Toupkânlou. L’expulsion de Sarakhs et le pèlerinage de Meiâmey / 192
III - Les migrations à courte distance vers Daragaz / 194
IV - Les migrations vers la region de Sabzavar / 198
V - Les migrations a tres courte distance / 201
1 - Le campement kurde d'Ali-BoIand : le nomadisme sans vraie migra tion / 201
2 - Les baloutches de Kal-e Imani : la colonisation par ces nomades / 207
Chapitre VI
Le semi-nomadisme dans le nord du Khorassan / 213
I - Les semi-nomades Kurdes / 214
1 - Semi-nomades kurdes ayant un seul établissement fixe et des cultures irriguées / 214
a - La région de Lâyen-Now / 214
b - Qalah-Now / 218
2 - Les semi-nomades kurdes avec deux établissements fixes / 220
3 - Les semi-nomades kurdes migrant depuis peu sur une courte distance / 222
a - Qâzi / 222
b - 'Emirat / 225
II - Les semi-nomades turcs / 228
1 - Le village de Jarf / 228
2 - Bolqour / 231
3 - Grow / 233
4 – Sirzâr : un village Lor / 236
III - Les semi-nomades d'origine Persane / 237
1 - La situation traditionnelle : le rôle subordonné de l'élevage / 237
2 - Le développement du semi-nomadisme : le cas de Boqmedj / 238
a - La vie traditionnelle de Boqmedj / 238
b - Les nouvelles solutions / 240
c - L’émigration et le développement de l'artisanat / 241
d - L’évolution de la vie sédentaire vers le semi-nomadisme / 243
Conclusion / 246
Chapitre VII
La motorisation des moyens de transport / 251
I - Les moyens de transport traditionnels / 251
1 - Les chameaux / 251
2 - Equidés / 255
- Les mulets / 255
- Les ânes / 256
II -Les progres de la motorisation / 257
1 - Les causes de l'abandon des chameaux / 257
a - Les changements d'itinéraires de migration / 257
b - Les problèmes de gardiennage et de cohabitation avec les agriculteurs / 257
c - Le déclin de certaines fonctions de transport / 259
d - Les contraintes sociales et économiques / 259
2 - La diminution des autres animaux debât / 260
- Les chevaux remplacés par les motos / 260
- Les mulets / 260
-Les ânes / 260
3 - Essa i de b ila n / 260
III- Les donnees socio-economiques de la motorisation / 262
1 - L'inégale répartition des véhicules / 262
a - Répartition géographique / 262
b - Types de propriété / 264
2 - Le véhicule automobile, source de revenus supplémentaires / 266
3 - Les contraintes sociales nouvelles / 266
- La sujétion des familles les plus pauvres / 266
- Les difficultés à l'intérieur de la famille nomade / 267
- Une nouvelle dépendance à l'égard des villes / 268
Conclusion : les limites de la motorisation / 268
Troisieme partie
L’economie pastorale
Chapitre VIII
L’elevage et ses produits / 273
I - les techniques d'elevage / 273
1 - L'augmentation du cheptel ovin et caprin / 273
2 - Les races ovines / 278
- La race kurdi / 278
-Les brebis de race baloutchi / 278
- Les hybrides / 278
- Croisement entre le bélier kurdi et la brebis baloutche (K x B) / 278
- croisement entre le bélier moghâni et la brebis kurdi (M x K ) / 280
3 - L'agnelage / 280
4 - La lactation et la traite / 285
II - Les techniques traditionnelles de transformation du lait / 288
1 - Les deux "chaînes de productions" / 288
a - La chaîne de production du fromage / 289
b - La chaîne de production du beurre / 289
-L e beurre fondu / 291
- Le babeurre / 292
-L e mâstinah / 293
- Le kach k / 293
- Le qara-qorot / 293
2 - La consommation d'énergie / 293
III - L'usage de l'ecremeuse et ses consequences / 295
1 - Une innovation technique / 295
- L'obtention du beurre à l'aide de la baratte mécanique / 296
2 - Les conséquences de l'utilisation de la baratte mécanique / 297
- Diminution de la charge de travail des femmes / 297
- L'amélioration des revenus / 298
- Le déclin de la polygamie / 300
- L'amélioration de l'état sanitaire des femmes nomades / 300
- La baisse considérable de la consommation de bois / 301
- La diminution des effectifs des bêtes de somme / 301
- Evolution de la gamme des produits laitiers / 302
- L'augmentation de la consommation des boissons gazeuses du type Coca-Cola / 302
-Les transformations de la société / 303
3 - Autres formes modernisées d'élaboration des produits laitiers / 304
IV - Autres produits de l'elevage / 305
1 - La production de laine / 305
2 - L'utilisation du fumier / 306
Chapitre IX
Les relations socio-economiques / 307
I - Eleveurs et commerçants : l'endettement / 307
1 - Les achats d'aliments pour le bétail / 308
a - La spéculation sur les tourteaux de betterave / 308
b - L'usure et la vente par anticipation : le cas de Kalât-e Nâderi / 310
2 - La commercialisation des produits d'élevage / 313
a - Les produits la itie rs / 313
b - Les agneaux et les chevreaux / 314
c - Le rôle des marchands de bestiaux / 315
d - Les ventes devant les abattoirs / 317
II - L'organisation des campements / 318
1 - L'unité de base : le campement / 318
2 - Chefs de campements et chefs de troupeaux / 320
3 - Le manque de bergers et l'organisation des troupeaux / 321
III - Les relations entre partenaires de l'elevage : bergers, nomades et paysans / 326
1 - Les relations entre les bergers et les propriétaires des troupeaux / 326
a - Rémunération des bergers travaillant pour le compte des seminomades et
des villageois / 326
- Les chiens de troupeau / 332
- L'âne et son équipement / 332
- Les congés / 332
b - Rémunération des bergers travaillant pour le compte des nomades / 333
c - Le gomâri (berger auxiliaire familial) et les bergères / 337
d - Le bouvier / 337
2 - Relations entre les proprietaires totalement sédentaires et les familles
nomades qui gardent leurs bêtes / 338
- Rémunération en nature / 338
- Rémunération en numéraire / 338
-L a location / 339
IV - Les relations familiales / 339
1 - Les relations économiques entre les membres d'une même famille / 339
2 - Le mariage / 342
3 - Les problèmes d'éducation / 344
Chapitre X
La sedentarisation des nomades / 347
I - La premiere phase de sedentarisation contemporaine / 347
1 - La sédentarisation forcée par Rezâ-Chah / 347
2 - La sédentarisation des nomades kurdes dans les quartiers d'été / 348
II - L'évolution récente de la sédentarisation des nomades du Khorâssân / 350
1 - Catastrophes climatiques et sédentarisation / 350
a - L'hiver 1968-1969 : un tournant dans l'histoire des Kurdes du Khorâssân / 350
b - L'appauvrissement des nomades et la sédentarisation / 353
c - Le cas du village de Kâlât-e Kâl-e Imâni / 353
2 - La sédentarisation en dehors des catastrophes / 359
a - Les enfants de Cha'bân Qahramânlou : les effets de la scolarisation / 359
b - La famille 'Asal-Khân Malvânlou : le rôle des propriétaires fonciers / 361
c - La fraction Salmân Qahramânlou : absence de terres irriguées
et désunion de la famille / 361
III - Les conséquences socio-économiques de la sédentarisation / 366
1 - Dispersion des familles / 366
2 - Les conséquences de la Réforme agraire de 1963 : les investissements en ville / 367
3 - Sédentarisation et situation économique / 368
4 - Le retour au nomadisme / 370
Conclusion / 373
I - Une société nomade acéphale / 374
II - La compétition pour l'utilisation du sol :
le nomadisme complémentaire de l'agriculture / 376
III - Exclusion des nomades pauvres et évolution de la condition féminine / 377
IV -L e développement de l'élevage à viande et du semi-nomadisme / 378
V - La restauration du nomadisme et les conditions de son succès / 378
Notes / 381
Bibliographie / 395
Index toponymique / 415
Table des figures / 421
Table des photographies / 425
PREFACE
L'ouvrage que Mohammad Hossein Papoli-Yazdi a consacré aux nomades et semi-nomades du Khorâssân a valu à son auteur en 1983 le titre de Docteur ès Lettres, attribué pour la première fois, et la seule encore à ce jour, à un géographe iranien. C'est un travail pionnier, ces groupes étant restés jusqu'ici pratiquement inconnus. Il atteint d’autre part dans l’interprétation des mécanismes de leur évolution récente à une finesse d'analyse qui ne pouvait guère se rencontrer que chez un chercheur ayant assimilé les méthodes critiques occidentales mais possédant également un accès de l'intérieur à ces cultures d'approche difficile. Ce livre extrêmement dense, minutieux, précis, bourré de faits et de données, fera d'eux désormais une des sociétés nomades les mieux connues de la planète. En dehors de cette valeur monographique, l'étude a d'autre part une grande portée générale, pour la géographie culturelle et sociale. Elle contient de véritables morceaux d'anthologie, tels que la comparaison de l'évolution des semi-nomadismes kurde, turc et persan, qui montre comment des groupes ethniques différents et parvenus à un stade d'enracinement inégal peuvent réagir de façon très dissemblable à des mécanismes démographiques et économiques analogues; ou l'extraordinaire développement consacré à l'influence de l'introduction de la baratte mécanique à la fois sur la polygamie, l'évolution du tapis végétal, et la consommation du coca-cola ! Au total on possède là maintenant un traitement tout à fait pertinent d'un type d'évolution du nomadisme qui n'avait pas encore été analysé, celui qui se situe dans le cadre d'une économie en voie de développement et de modernisation accélérés, ce qui était le cas de l'Iran des années 1970-1980. Le nomadisme y a révélé, et qui s'en étonnerait, à la fois sa fragilité et en même temps sa très grande flexibilité et de très riches possibilités d'adaptation, qui permettent de lui réserver une place intéressante dans l'occupation du sol.
Xavier de Planhol
Avant-Propos
Ce livre est d’abord le résultat de très longues enquêtes
De 1968 à 1977, j'ai eu le privilège de participer avec les professeurs de géographie de l'Université de Machhad où je travaillais comme cartographe à plus de vingt-cinq campagnes de recherche dans le nord du Khorâssân. Ce travail collectif sur le terrain en compagnie de mes enseignants m’a permis à la fois d'accumuler des informations et de tracer les lignes directrices de mes recherches. C'est à partir de 1975 qu'ont été réalisées pendant deux années les enquêtes approfondies et de longue durée, en été comme en hiver, en vue de la réalisation d'une thèse de doctorat de troisième cycle. La dernière série de travaux de recherche sur le terrain a été rendue nécessaire après avoir suivi en France à partir de 1977, les enseignements de géographie de Xavier de Planhol à l'Université de Paris-Sorbonne et d'anthropologie des sociétés nomades de Jean-Pierre Digard à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Ces enseignements avaient en effet mis en évidence des questions nouvelles qu'il fallait impérativement tenter de résoudre en retournant sur place. Au total, plus de 250 villages et 90 campements ont ainsi été étudiés, dont certains à diverses reprises et à plusieurs années d'intervalle, pour mieux en voir l'évolution.
Si la présentation de ces enquêtes de terrain a abouti à la rédaction d'un doctorat ès lettres et sciences humaines en 1983, puis aujourd'hui à ce livre, c'est grâce aux encouragements, aux enseignements et à la patience de Xavier de Planhol. Depuis notre première rencontre à Téhéran lors du congrès des géographes iraniens en 1976, alors que je ne connaissais pas trois mots de français, j'ai reçu de sa part une aide constante et inestimable tant scientifique que personnelle, et je ne sais comment lui témoigner toute ma reconnaissance.
La publication de ce livre, extrait de la thèse soutenue devant l'Université de Paris-Sorbonne en 1983*, a été rendue possible grâce à l'aimable collaboration de mes amis de l'équipe de recherche CNRS Sciences Sociales du Monde Iranien Contemporain, dirigée par Jean-Pierre Digard, qui m'ont accueilli dans leur groupe et ont bien voulu m'aider à mettre en forme le manuscrit, en particulier Marcel Bazin, Bernard Hourcade et Marie-Magdeleine Bériel.
La réalisation technique de ce livre a été possible grâce à l'Institut Français de Recherche en Iran, dont le conseil scientifique a bien voulu en accepter la publication dans la Bibliothèque Iranienne. Je tiens à remercier tout particulièrement Bernard Hourcade qui a assuré le suivi de la fabrication et de l'édition de ce travail, avec l'aide technique pour le dessin et la cartographie de M. Duménil de l'Université de Reims, et de Madame D. Moureau du laboratoire Imagéo du CNRS, et pour la composition de M. Ilio Novellino.
La genèse de cet ouvrage ne serait pas complète si on oubliait d'en mentionner les principaux acteurs : tout d'abord les nomades Kurdes du Khorâssân dont l'hospitalité et la collaboration furent sans faille, en espérant que ces quelques pages sur leur vie difficile et leurs espoirs contribueront à rendre leur avenir moins sombre, ensuite mon ami Monsieur Despax dont l'aide et le soutien furent pour moi inestimables, et enfin, mon épouse Nargues Haji Khodaverdi Khân et mes enfants Leila, Ali et Homa auprès de qui j'ai trouvé la sérénité indispensable à la rédaction de ces longues pages parfois bien austères.
Paris, le 1 décembre 1990
1 Papoli-Yazdi, Mohammad-Hossein. Le nomadisme et le semi-nomadisme dans le nord du Khorâssân. Etude de géographie humaine. Paris, Université de Paris IV-Sorbonne, 1982. 2 vol., 742 p. (Thèse pour le doctorat d'Etat).
Introduction
Le Khorâssân n'est pas une région de nomadisme. C'est une des rares provinces d’Iran qui compte moins de 1 % de nomades dans sa population, alors que cette porte entre l'Iran et l'Asie centrale a été traversée au long de son histoire par toutes les invasions de nomades turco-mongols, et quelle a été longtemps dominée et administrée par des dynasties et gouverneurs d'origine nomade. Le Khorâssân est resté nés majoritairement une province persanophone peuplée de paysans sédentaires, aux villes anciennes et prestigieuses, à l'instar de Tous, Nichapour, Machhad, ou Sabzevar1. On ne trouve pas dans cette province l'équivalent des grandes confédérations nomades comme celles des Bakhtyari ou des Qashqa'i qui migrent dans les provinces ouest et sud-ouest de l'Iran, car les montagnes froides du nord-est de l'Iran sont exiguës et n'offrent pas les immenses pacages d'été qui existent dans le Zagros; quant aux plaines de piémont en bordure de la frontière soviétique, elles sont souvent étroites ou désertiques et ne fournissent pas en hiver les possibilités des plaines au climat doux du sud de l'Iran.
Comme dans beaucoup de régions d'Iran de très nombreux groupes ethniques non persans vivent dans le Khorâssân, mais la plupart ne sont que quelques centaines ou quelques milliers. Le peuplement kurde est par contre massif et concentré géographiquement dans le Nord de la province. Ce sont les descendants des quelques milliers de familles déportées sur les frontières de l'empire au XVIe siècle par Chah Abbas. Ces 500 000 Kurdes du Khorâssân constituent la plus importante communauté kurde située en dehors du Kurdistan, et parmi eux se trouvent des familles qui perpétuent le genre de vie nomade2.
En première analyse, ces quelques milliers nomades et semi-nomades pourraient être considérés comme une survivance marginale, car ils ne sont que 65 000, soit moins de 4 % de la population des cinq départements (chahrestân) concernés, et ont conservé, plus que les Kurdes sédentaires, les caractères ethniques qui les distinguent des populations turques et persanes. En 1976, la population nomade recensée officiellement sous l'appellation de "population tribale" ne représentait en effet que 5443 personnes, soit 0,33 % de l'ensemble de la population des cinq chahrestâns du nord du Khorâssân qui regroupaient alors 1 646 833 personnes, y compris la ville de Machhad.
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Mohammad Hossein Papoli Yazdi
Le nomadisme dans le nord du Khorassan
Peeters
Editions Peeters
Le nomadisme dans le nord du Khorassan
Mohammad Hossein Papoli Yazdi
Bibliotheque Iranienne 34
Fondée en 1949 par Henry Corbin,
la Bibliothèque Iranienne est publiée par
Istitut français de recherche en iran
Boite postale 15 815-3495 Téhéran (Iran)
Diffusion
Editions Peeters
BP. 41, B.3000 Louvain
Institut Français de recherche en Iran
Paris-Téhéran
1991
Cet ouvrage est publié par l’Institut Français de Recherche en Iran,
avec le concours de la Direction Générale des
Relations Culturelles Scientifiques et Techniques,
Sous-Direction des Sciences Sociales et Humaines (Paris).
Copyright : Institut français de recherche en Iran, 1991.
ISBN 90-6831- -
D. 1991/0602/14 dépôt légal : mars 1991 Paris.
Composition et mise en page : Ilio Novellino
Couverture : maquette Elisabeth Hourcade,
photo M. Varharam - La traite du bétail en été.
Impression : imprimerie Orientaliste, Louvain.
