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L’empire du Levant : Histoire de la question d’Orient


Editor : Payot Date & Place : 1992, Paris
Preface : Pages : 654
Traduction : ISBN : 2-228-88506-1
Language : FrenchFormat : 140x230 mm
FIKP's Code : Liv. Fre. Gro. Emp. N° 3427Theme : History

L’empire du Levant : Histoire de la question d’Orient

L’empire du Levant : Histoire de la question d’Orient

René Grousset

Payot

L’histoire de la question d’Orient ne commence pas, comme on le croit trop souvent, au XVIIe siècle. Pour être intelligible, elle doit aller de la période hellénique à nos jours. Dans cet esprit, René Grousset cherche à suivre l’évolution des frontières — spirituelles et politiques — entre l’Europe et l’Asie.
Ces frontières ont singulièrement varié au cours des siècles. Pour l’Athénien du Ve siècle, elles se situaient entre Milet et Sardes. Avec Alexandre, les frontières de l’Europe, englobant d’un seul coup toute l’Asie antérieure, sont brusquement portées jusqu’au-delà de Samarqand et de Lahore, au seuil de l’Asie centrale et de l’Inde gangétique. A l’époque des rois grecs de Bactriane, vers 150 avant J.-C., la vallée du Caboul se trouve en Europe, comme Antioche et Alexandrie...
Cette conquête politique, cette hégémonie spirituelle de l’hellénisme dans l’Asie proche eurent comme conséquence inattendue la pénétration du monde hellénistique par l’esprit oriental. A partir du IIe siècle de notre ère, les religions orientales s’élancent à la conquête du monde romain. L’Empire byzantin ne sera, à bien des égards, que l'iranisation, au point de vue politique, et la sémitisation, au point de vue religieux, de l’Empire romain et de l’esprit grec. A la pénétration morale de l’Europe par l’Asie s'ajoute, vers le milieu du vue siècle, la grande révolte de l’Asie qu’on appelle l’islam. Byzance va lutter pendant plus de deux siècles contre les invasions arabes... Telles sont les premières étapes de cette histoire de la question d’Orient que René Grousset a entrepris d’étudier dans ce livre qui demeure l’un des plus marquants de son œuvre.


René Grousset (1885-1952), historien orientaliste et conservateur au musée Cernuschi, était professeur a l’Ecole des langues orientales. Payot a récemment réédité L'Empire des steppes et Histoire de l’Arménie.

Table des Matières

Préface / 7

Première Partie
Le Legs de l’Antiquité

Chapitre premier. — L’Hellénisme et la Question d’Orient / 21
1. La conquête hellénique / 21
Le panhellénisme et le monde perse, p. — 21. Alexandre, fondé de pouvoir de la Ligue Hellénique, p. 22. — Alexandre, successeur des Achéménides, p. 24. — Rôle historique de l’empire séleucide, p. 26. — Une Grèce coloniale : l’hellénisme indo-afghan, p. 28. — Antiochos III et l’hellénisme séleucide, p. 29. — L’hellénisation en Syrie, p. 30. — L’hellé-nisation en Babylonie et en Iran, p. 35. — Les' idées d’Antiochos Épiphane, p. 36.

2. La réaction asiatique contre l’hellénisme / 38
Ascension des Parthes, p. 38. — Recul de l’hellénisme de l’Iran à la Syrie, p. 40. — Un empire arménien : Tigrane le Grand, p. 42. — Recul de l’hellénisme en Syrie. L’expansion araméenne, p. 42. — I. échec des Séleucides et sa portée historique, p. 44.

Chapitre II. — Rome et la Question d’Orient / 46
1. La conquête romaine / 46
Le double personnage de Mithridate Eupator. L’héritier des Achéménides. Le philhellène, p. 46. — Pompée et la Question d’Orient, p. 49. — Rome et les Parthes, p. 51. — Échec aux Romains. Crassus et Antoine, p. 53. — Trajan sur les pas d’Alexandre, p. 55.

2. La réaction sassanide / 57
La révolution sassanide. Sa portée dans la Question d’Orient, p. 57. — L’empereur Valérien, prisonnier de Chàhï>ouhr, p. 61. — Le premier empire arabe : Palmyre, p. 61. — Mani et le syncrétisme sassanide, p. 64.

Deuxième Partie
La Question d’Orient au Moyen Age :
La Solution Byzantine

Chapitre premier. — Byzance, rempart de la civilisation Européenne / 67
1. De Julien à Héraclius / 67
L’empire chrétien et le monde sassanide, p. 67. — Conversion de l'Arménie au christianisme : portée de l’événement, p. 68. — Les derniers Romains et la Question d’Orient. L’empereur Julien, p. 69. — La lutte du Christ et de Zarathouchtra, p. 71. — Révolte de la chrétienté arménienne : le héros Vardan Mamikonian, p. 73. — Vahan Mamikonian, libérateur de la chrétienté arménienne, p. 74. — Rupture religieuse entre l’Arménie et Byzance, p. 76. — La chrétienté sassanide passe au nestorianisme : accalmie dans les guerres de religion, p. 78. — Reprise du due) entre l’Iran et Byzance, p. 79. — Khousrô Anôcharvan et l’empereur Justinien, p. 81. — Khousrô 11 et l’alliance byzantine, p. 83. — Khousrô II et la grande guerre : les Perses, maîtres de l’Asie byzantine, p. 84. — La croisade d’Héraclius, p. 84.

2. Ruée arabe et ténacité byzantine / 91
Expansion de la race arabe avant l’Islam, p. 91. — Conquête de la Syrie et de l’Égypte par les Arabes. Rôle des monophysites, p. 93. — L’invasion arabe en Arménie, p. 96. — Blocus et défense de Constantinople. Le feu grégeois, p. 98. — L’Arménie entre Byzance et les Arabes, p. 99. — Siège de Constantinople par les Arabes. Léon l’Isaurien, sauveur de la chrétienté, p. 101. — Reprise de la poussée arabe sous les khalifes abbâssides, p. 103.

Chapitre II. — L’épopée byzantine / 109
1. La dynastie « macédonienne » / 109
Basile Ier le Macédonien et l’heure de Byzance, p. 109. — Romain Lécapène et Jean Kourkouas, p. 110. — La guerre hamdânide sous Constantin Porphyrogénète et Romain II, p. 112. — L’épopée byzantine sous Nicéphore Phocas, p. 114. — L’épopée byzantine sous Jean Tzimiscès, p. 116. — L’épopée byzantine sous Basile II, p. 123. — Retour sur l’histoire de l’Arménie, p. 127. — La dynastie bagratide d’Achot Msaker à Sembat le Confesseur, p. 130. — Achot le Grand. Restauration de la royauté arménienne dans la maison des Bagratides, p. 132. — La royauté bagratide au Xe siècle. De Sembat le Martyr au Roi de Fer, p. 135. — La royauté arménienne sous Abas, p. 138. — La royauté bagratide sous Achot III, p. 139. — L’Arménie sous Sembat II et Gagik Ier, p. 142. — Formation territoriale du royaume de Géorgie, p. 145. — Annexion du Taykh par l’empereur Basile II, p. 147. — Basile II et le roi d’Arménie Gagik Ier, p. 150. — Règne de Hovhannès Sembat. Décadence de la royauté bagratide, p. 152. — Guerre de l’empereur Basile II contre la Géorgie, p. 153. — Cession du Vaspourakan à l’empire byzantin, p. 154. — Annexion du royaume d’Ani à l’empire byzantin, p. 155.

2. L'invasion seldjouqide / 159
Les incursions turques sous Toghril-beg, p. 159. — L’invasion seldjouqide sous Alp-Arslan, p. 161. — L’empereur Romain Diogène. Désastre de Mantzikert, p. 164. — La première tentative franque au Levant : Roussel de Bailleul, p. 168. — Occupation de l’Asie Mineure par les Turcs Seldjouqides, p. 170. — Les Arméniens dans la débâcle byzantine, p. 173. — Le premier État arménien de l’Anti-Taurus : Philaretos, p. 176. — L’héritage de Philaretos et la Première Croisade, p. 182.

Troisième Partie
La Question d’Orient Au Moyen Age :
La Solution Franque

Chapitre premier. — Les États croisés de Syrie et de Palestine / 186
1. Le Royaume de Jérusalem / 186
Origines de l’idée de croisade en Occident, p. 186. — Urbain II et l’idée de croisade. L’idée de croisade et le fait de colonisation, p. 188. — La Première Croisade : points de droit et solutions de fait, p. 191. — Causes de la réussite de la Première Croisade. L’anarchie du monde musulman à l’arrivée des Croisés, p. 194. — La Première Croisade en Syrie. Conquête d’Antioche et de Jérusalem, p. 195. — Godefroi de Bouillon, avoué du Saint-Sépulcre, p. 197. — Caractère de l’occupation franque, p. 198. — Échec des croisades de renfort, p. 199. — Premier gouvernement de Bohémond Ier à Antioche, p. 203. — Baudouin Ier et l’élément arménien: les origines du comté d’Edesse, p. 204. — Baudouin Ier, fondateur du royaume de Jérusalem, p. 205. — Conquête du littoral palestinien par Baudouin Ier, p. 206. — Raymond de Saint-Gilles. Premières conquêtes toulousaines dans la région de Tripoli, p. 208. — Gouvernement de Tancrède à Antioche, p. 209. — Prise de Tripoli, p. 211. — Baudouin Ier et la contre-croisade turque, p. 212. — La descente vers la mer Rouge. L’Islam coupé en deux, p. 213. — La colonisation, p. 213. — Politique religieuse de Baudouin Ier, p. 213. — Établissement de l’hégémonie royale sur les États francs, p. 214. — Le mariage sicilien, p. 215. — Baudouin II, roi de Jérusalem et régent d’Antioche, p. 218. — Captivité de Baudouin II et conquête de Tyr, p. 219. — Seconde régence de Baudouin II à Antioche. Première tentative franque contre Damas. Avènement de Zengi, p. 219. — Foulque d'Anjou et l’équilibre des forces, p. 221. — La Syrie franque entre l’atâbeg Zengi et la menace byzantine : l’empereur Jean Comnènc à Antioche, p. 221. — La coalition franco-byzantine et son échec, p. 222. — L’alliance franco-damasquine contre Zengi, p. 223. — Jocelin II et la cl.ute d’Edesse, p. 224. — La Deuxième Croisade, p. 225. — Conséquences de la Deuxième Croisade, p. 227. — Gouvernement personnel de Baudouin III, p. 228. — Baudouin III, Renaud de Châtillôn et l’empereur Manuel Coinnène, p. 229. - La question d’Égypte : politique d’Amaury Ier, p. 231. — Le protectorat franc au Caire, p. 234. Échec d’Amaury Ier. Saladin maître de l'Égypte, p. 235. — Résultat néfaste des campagnes d’Égypte : l’unité syro-égyp-tienne, p. 235. — La dernière parade : reconstitution de l’alliance franco-byzantine, p. 236. Le Roi Lépreux: échec à Saladin, p. 237. — Renaud de Châ-tillon, seigneur d'Outre-Jourdain, p. 238. Avènement de Guy de Lusignan, p. 240. — Désastre de Tibériade. Prise de Jérusalem par Saladin, p. 241.

2. Le Royaume de Saint-Jean il’Acre / 243
Conrad de Montferral et la résistance à Tyr. / 243.
Croisade de Frédéric Barbcrousse, p. 24 4. Philippe-Auguste et Richard Cœur de Lion. Prise de Sainl-Jean-d'Acre, p. 245. - - Campagne de Richard en Palestine. Traité avec Saladin, p. 215. - Restauration et survie du royaume franc au xm" siècle. Nouveaux mobiles et nouveaux aspects, p. 247. Le royaume d’Acre de la troisième à la cinquième croisade, p. 250. — Jean de Brienne et la croisade hongroise, p. 253. — Réouverture de la Question d’Égypte, Jean de Brienne et le légat Pélage, p. 254. Négociations de Frédéric 'I avec la cour d’Égypte, p. 255. — Voyage de Frédéric il en Terre Sainte, p. 256. - La guerre des Lombards, p. 258. La croisade de Thibaut IV, p. 260. L’affaire de la succession d’Antioche, p. 261. Louis IX et la Question d'Égypte, p. 263. Séjour de Louis IX en Terre Sainte, p. 268. — La rivalité vénéto-génoise en Syrie et ses conséquences, p. 269. — Les Francs de Syrie entre Mongols et Mamelouks : le problème des alliances, p. 270. — Baïbars : démantèlement de la Syrie franque, p. 273. — Fin du comté de Tripoli, p. 274. — 1291. Le drame final, p. 276.

3. Histoire intérieure de la Syrie franque / 277
La royauté franque, p. 277. — Institutions judiciaires du royaume de Jérusalem, p. 282. — Principales baronnies du royaume de Jérusalem, p. 284. — Organisation militaire du royaume de Jérusalem, p. 285. — Le système de fortifications, p. 286. — Templiers, Hospitaliers et Teutoniques. p. 291. — Histoire du Patriarcat h.tin de Jérusalem sous la domination franque, p. 295. —Histoire intérieure du comté d’Edesse, p. 297. — Histoire intérieure de la principauté d’Antioche, p. 301. — Histoire intérieure du comté de Tripoli, p. 306. — La maison d’Ibelin, p. 309. — Les communautés syriaques : Jacobites et Nestoriens, p. 311. — Les chrétientés indigènes : la confession grecque, p. 313. — Les colons latins en Syrie, p. 314. — Le métissage. Les Poulains, p. 315. — La domination franque et la population musulmane, p. 317. — La foi et le commerce. Rôle des républiques maritimes italiennes dans la Syrie franque, p. 319. — Carte économique de la Syrie franque, p. 323. — L’architecture franque en Syrie et en Palestine, p. 324. — La littérature « franque » en Syrie, p. 325. — Tableau des dynasties franques de Syrie, p. 328.

Chapitre II —Histoire de Chypre sous les Lusignan / 333
1. La dynastie des Lusignan / 333
Guy et Amaury de Lusignan, p. 333. — Séparation des couronnes de Chypre et de Jérusalem. Régence de Gautier de Montbéliard et gouvernement personnel de Hugues Ier, p. 335. — Chypre et la guerre des Lombards, p. 335. — Avènement de la maison d’Antioche-Lusignan : Hugues III, p. 338. — Règne de Henri II, p. 338. — Hugues IV et la Sainte Union, p. 340. — La croisade chypriote. Pierre Ier et la prise d’Alexandrie, p. 341. — Les malheurs' du règne de Pierre IL La mainmise génoise sur Famagouste, p. 347. — Le protectorat génois et la Maona Cypri, p. 350. — L’agression égyptienne de 1426. Captivité du roi Janus, p. 351. — Réapparition de l’influence byzantine, p. 353. — Un prélat de la Renaissance : l’archevêque-roi Jacques II, p. 354. — Règne de Catherine Cornaro, p. 357. — La domination vénitienne à Chypre. Conquête de l’île par les Turcs, p; 358.

2. La oie à Chypre sous les Lusignan / 359
Caractère de la royauté à Chypre, p. 359. — Du roi féodal au prince de Machiavel, p. 362. — La cour et l’administration, p. 363. — La noblesse française de Chypre, p. 364. — Rôle du royaume de Chypre dans le commerce du Levant, p. 367. — Richesse de Chypre, p. 370. — Les colonies italiennes, p. 370. — Les négociants levantins, p. 371. — Enrichissement de la bourgeoisie, p. 372. — Situation politique et sociale de l'élément grec, p. 373. — Le problème ecclésiastique, p. 375. — La vie intellectuelle, p. 379. — L’architecture gothique, p. 381. — Dynastie franque de Chypre, p. 384.

Chapitre III. — La Petite Arménie (Cilicie) / 385
1. L’Arménie cilicienne. Histoire politique / 385
Origines du peuplement arménien dans le Taurus, p. 385. — Débuts de la maison roubénienne. De Constantin Ier à Léon Ier, p. 388. — Expulsion définitive des Byzantins : de Thoros II à Mlèh, p. 390. — Un grand règne : Léon II, p. 394. — Héthoum le Grand et l’avènement de la dynastie héthoumienne, p. 396. — Les derniers Héthoumiens : de Léon III à Léon V, p. 399. — L’Arménie entre les Lusignan et la réaction anti-franque, p. 401.

2. Institutions et civilisation du royaume d’Arménie / 404
Le royaume d'Arménie et l’influence franque, p. 404. — Réaction arménienne contre la francisation, p. 407. — L’Église arménienne à l’époque roubénienne, p. 408. — L’Église arménienne, Byzance et le Saint-Siège, p. 409. — Le royaume arménien de Cilicie et le commerce du Levant, p. 414. — Dynasties de la Petite Arménie, p. 416.

3. En marge de la grande histoire : La croisade géorgienne / 417
La résistance géorgienne sous Bagrat IV et Giorgi II, p. 417. — La croisade géorgienne sous Davith II le Restaurateur, p. 418. — La croisade géorgienne sous Giorgi III et Thamar, p. 422.

Chapitre IV. — La « croisade » byzantine des Comnène / 425
1. La reconquête byzantine de 1097 à 1176 / 425
Alexis Comnène et la reconquête de l’Anatolie occidentale, p. 425. — La reconquête byzantine sous Jean Comnène, p. 429. — Manuel Comnène et le sultanat turc d’Asie Mineure, p. 433.

2. La revanche seldjouqide : Myrioképhalon / 436
Le désastre byzantin de Myrioképhalon, p. 436. — Conséquences du désastre de Myrioképhalon, p, 438.

Chapitre V. — L’hégémonie latine dans les mers de Grèce / 442
1. La Quatrième Croisade / 442
Les précédents de la Quatrième Croisade, p. 442. — La Quatrième Croisade, p. 443.

2. La « Romanie » sous les empereurs latins / 447
Règne de l’empereur Baudouin de Flandre, p. 447. — Henri de Hainaut et le redressement de l’Empire Latin, p. 452. — L’Empire latin dans la maison deCourtenay, p. 461. — Les derniers exploits de Jean de Brienne, p. 464. — Règne de Baudouin IL Narjot de Toucy, p. 465. — Jugement sur l’Empire Latin, p. 466. — L’hégémonie commerciale de Venise en Romanie, p. 467.

3. La domination latine en Morée.
De Guillaume de Champlitte à Guillaume de Villehardouin / 470
Guillaume de Champlitte et la fondation de la principauté de Morée. p. 470. — Geoflroi Ier de Villehardouin et l’escamotage de la succession des Champlitte, p. 476. — Conquête de l’Arcadie et de la Laconie par Geoflroi Ier, p. 478. — Organisation de la principauté de Morée par Geoflroi 1er, p. 479. — Geoflroi 1er et l’élément grec, p. 481. — La principauté de Morée comme grande puissance. Règne de Geoflroi II de Villehardouin, p. 482. — Règne de Guillaume de Villehardouin. L'apogée, p. 484. — Le désastre de Pélagonie, p. 491. — Cession des forteresses laconiennes, p. 492. — Le duché d’Athènes d’Othon de la Roche à Gautier de Brienne, p. 497.

4. La oie en Morée sous les Villehardouin / 501
Le prince et les barons d'après les Assises et la Chronique de Morée, p. 501. -— Les grands vassaux de la principauté de Morée, p. 503. — La cour et les grandes charges, p. 505. — Constitution de la principauté de Morée, p. 505. — La question de l’élément grec, p. 507. — Les mœurs chevaleresques dans la Morée latine, p. 510. — La littérature française en Morée, p. 512.

5. La Morée latine aux XIVe et XVe siècles / 514
La Morée sous le gouvernement de Charles d'Anjou, p. 514. — Isabelle de Villehardouin et Florent de Hainaut, p. 515. — Isabelle de Villehardouin et Philippe de Savoie, p. 517. — La Morée sous Philippe de Tarente, p. 519. — La Morée sous Mathilde de Hainaut, p. 522. — Jean de Gravina. Reconquête de l’Arcadie par les Grecs, p. 524. — Catherine de Valois, p. 525. — La principauté de Morée sous Marie de Bourbon, p. 526. — Le grand-maître Johan Fernandez de Heredia, p. 527. — La Compagnie Navarraise, p. 528. — Centurione Zaccaria, p. 529. — La reconquête grecque, p. 530. — La Grande Compagnie Catalane en Béotie et en Attique, p. 532. — Organisation du duché catalan d’Athènes, p. 535. — Émules des Médicis : les Acciaiuoli, p. 539.

6. L’empire colonial italien dans les mers grecques. 545
Venise et l’Eubée, p. 545. — Les Cyclades sous la domination vénitienne, p. 551. — Les îles Ioniennes. Céphalonie, Xante et Leucade, p. 580. — Histoire de Corfou, p. 564. — La Crète et le régime vénitien, p. 566. — Les bases navales vénitiennes en Grèce, p. 569. — L’empire génois en mer Égée, p. 570. — Les comptoirs génois de « Gazarie », p. 575. — Les Chevaliers de Rhodes. L’apogée, p. 581. — Les Chevaliers de Rhodes. Le déclin, p. 587. — Monuments des Hospitaliers à Rhodes, p. 589. — Dynasties franques de Romanie et de Grèce, p. 590.

Quatrième Partie
La Question d’Orient au Moyen Age :
La Solution Turque

Chapitre premier. — Les étapes de la conquête turque / 594
1. Chute de l’hellénisme anatolien / 594
L’empire de Nicée et la stabilisation de la frontière gréco-turque, p. 594. — Arrêt et reprise de la poussée turque vers les mers helléniques, p. 596. — Les émirats turcoinans de l’Anatolie intérieure, p. 598. — Les émirats riverains de la mer Égée, p. 599. — Fondation de l’État ottoman : Ertoghroul, Othmân et Orkhan, p. 605.

2. Conquête des Balkans par les Osmanlis / 608
Mourad Ier. Prise d’Andrinople et bataille de Kossovo, p. 608. — Bàyazîd Yildirim et la croisade de Nicopo-lis, p. 612. — La bataille d'Ankara ou Byzance sauvée, p. 619. — 1403. L’anarchie turque et la survie byzantine, p. 623.

Chapitre II. — Solution turque de la Question
D’Orient / 626
1. De Mourad 11 à la prise de Constantinople / 626
Le relèvement ottoman à la fin du règne de Mohammed Ier, p. 626. — Mourad II et la reprise de l’avance ottomane, p. 627. — Mahomet II et la prise de Constantinople, p. 633.

2. La menace turque et l’Occident / 640
Conséquences de la chute de Constantinople. Autres conquêtes de Mahomet II, p. 640. — Règnes de Bâ-yazîd II et de Sélim Ier : l’Empire ottoman, puissance mondiale, p. 642. — Soliman le Magnifique. Défense de Vienne. Résistance de Malte, p. 643. - Sélim II et la bataille de Lépante, p. 645.



Table des Cartes

1. L’Anatolie Orientale à l’époque byzantine / 88-89
2. La région arméno-géorgicnne à l’époque byzantine / 104-105
3. Le comté d’Edcsse à son maximum d’extension / 200-201
4. Le royaume de Jérusalem. Descente vers la mer
Rouge / 207
5. Judée et Samarie à l’époque franque / 216-217

6. La Galilée à l’époque franque / 232-233
7. Principauté d'Antioche / 248-249
8. L’Orient latin à son maximum d'extension / 264-265
9. Reconquêtes franques en Syrie entre 1225 et 1244. 271
10. Le comté de Tripoli / 275

11. Chypre sous les Lusignan / 344-345
12. L’Arménie cilicienne / 392-393
13. L’Empire latin / 440-441
14. La Morée franque vers 1250 / 472-473
15. Seigneurie d'Athènes et Duché de Naxos vers 1250 / 488-489

16. La Grèce vers 1280 / 520-521
17. La Grèce vers 1388 / 536-537
18. Les Iles grecques au commencement du xv' siècle / 552-553
19. La Crimée à l’époque génoise / 578
20. L’Asie Occidentale et l’Europe Orientale vers 1240-1260 / 597

21. L’Asie Mineure au moyen âge / 600-601


PRÉFACE

L’histoire de la question d’Orient ne commence pas, comme on le croit trop souvent, au dix-septième siècle. Pour être intelligible, elle doit aller de la période hellénique aux événements actuels.
J’ai cherché dans cet esprit à suivre l’évolution des frontières — spirituelles et politiques — entre l’Europe et l’Asie.

Je définis l’Europe : l’ensemble des pays héritiers de la culture hellénique. La première fois que l'esprit européen prit conscience de lui-même, ce fut en Grèce, au ve siècle avant J.-C. Il se posa en s’opposant aux Asiatiques en ces journées de Marathon et de Salamine qui, en consacrant la liberté de l’Hellade, se trouvèrent avoir assuré pour huit siècles l’indépendance du génie grec, c’est-à-dire l’apparition de l’esprit européen. Depuis lors, la notion d’une Europe n’a cessé de s’élargir et de s’étoffer, sans que, pour autant, la donnée initiale se modifiât trop radicalement. L’empire romain, ce fut l’intégration de la Latinité et, par elle, du monde occidental tout entier à la civilisation grecque. Le christianisme médiéval, ce fut l’accession, à cette même culture, du monde germanique et du monde slave. Les temps plus proches, enfin, représentent le retour de la civilisation ainsi élaborée à ses sources spirituelles, la renaissance de l’esprit scientifique grec dans la science moderne.

Les frontières de l’Europe ainsi définie avec l’Asie ont singulièrement varié au cours des siècles. Pour l’Athénien du Ve siècle, elles se situaient entre Milet et Sardes, la frange littorale des colonies grecques d’Ionie étant comme une armée de débarquement lancée par l’hellénisme à l’assaut de la massive Asie. Avec Alexandre les frontières de l’Europe, englobant d’un seul coup toute l’Asie Antérieure, sont brusquement portées jusqu’au delà de Samarqand et de Lahore, au seuil de l’Asie Centrale et de l’Inde gangétique. A l’époque des rois grecs de Bactriane, vers 150 avant J -C., la vallée du Caboul, où va bientôt s’élaborer une école de sculpture hellénistique singulièrement féconde, se trouve en Europe, comme sont en Europe Antioche et Alexandrie.

Cette expansion ne put se maintenir sur tous les points. Cent ans avant J.-C. la frontière orientale de l’Europe avait reculé de l’Indus à l’Euphrate. Sous les derniers Séleucides, pendant toute la durée de l’empire romain et aux deux premiers siècles de l’empire byzantin, de 129 avant J.-C. à 640 de notre ère, l’Euphrate resta la ligne de séparation entre la civilisation gréco-latine et le monde oriental. Du moins le Proche Orient à l’ouest de l’Euphrate — Asie Mineure, Syrie, Égypte — continua-t-il pendant tout ce temps à être le siège d’une hellénisation ininterrompue.

Mais cette conquête politique, cette hégémonie spirituelle de l’hellénisme dans l’Asie proche eurent comme conséquence inattendue la pénétration du monde hellénistique par l’esprit oriental. A partir du IIe siècle de notre ère, les religions orientales, tant sémitiques qu'iraniennes et égyptiennes, s’élancent à la conquête du monde romain. Au IVe siècle l’appareil même des monarchies orientales est copié par les derniers des Césars. L’empire byzantin ne sera, à bien des égards, que l’iranisation, au point de vue politique, la sémitisation, au point de vue religieux, de l’empire romain et de l’esprit grec. Hâtons-nous d’ajouter que ces influences asiatiques, l’Europe les assimilera largement. La chrétienté s’affirmera l’héritière de la culture gréco-romaine. Sainte-Sophie, puis nos cathédrales continueront le Parthénon ; les imagiers de Reims reprendront la tradition de Phidias. Après la grande crise de conscience du iv6 siècle, l’Europe continuera.

Cependant à la pénétration morale de l’Europe par l’Asie, pénétration qui détermine le caractère principal du Bas Empire, s’ajoute vers le milieu du vne siècle la grande révolte de l’Asie qu’on appelle l’Islam. Du premier coup l’invasion musulmane couvre la Syrie et l’Egypte. Le domaine de l’hellénisme est réduit à l’Asie Mineure. Alexandrie, qui depuis 332 avant J.-C. avait succédé à Athènes comme capitale de la pensée hellénique, cessa, en 643 de notre ère, de faire partie de l’Europe. Les frontières européennes reculèrent brusquement des cararactes du Nil et de l'Euphrate au Taurus.

Pendant plus de deux siècles (VIIe-IXe), les Byzantins luttèrent péniblement pour conserver du moins contre les invasions arabes le plateau d’Anatolie. Luttes obscures mais qui n’en revêtent pas moins pour l’avenir de notre civilisation un intérêt de premier ordre. Que serait-il advenu de l’Europe, si la digue byzantine avait cédé, si la conquête musulmane, au l’eu de n’aboutir qu’en 1453 et quand l’Occident aurait atteint sa majorité, avait réussi dès 673 ou 717 à prendre Constantinople ? Aucune renaissance n’eût été possible, le fleuve européen eût été coupé de sa source grecque.

Du reste, par delà les terres submergées par la marée arabe, un îlot chrétien résistait, l’îlot arménien. A diverses reprises recouvertes par la vague, il finissait toujours par émerger et sous la dynastie bagratide l’Arménie réussit à rétablir son indépendance (885-1045). Terre chrétienne in partibus inftdelium, colonie européenne, fragment de l’Europe aventuré en pleine Asie, elle avait l’immense mérite de tenacement subsister.

Byzance elle-même, un moment réduit à une pénible défensive, était au Xe siècle le siège d’une brillante renaissance militaire et contre-attaquait sur tous les fronts. Contre-attaque qui avec Nicé-phore Phocas, Jean Tzimiscès et Basile II recouvrait la Syrie septentrionale y compris la grande ville d’Antioche, la Mésopotamie édessénienne, voire l’Arménie.
Cette reconquête « romaine » fut néanmoins plus brillante que solide. Au milieu du xie siècle déferla contre elle une seconde invasion musulmane plus grave que la première, celle des Turcs Seldjouqides. Les Arabes n’avaient déshellénisé et resémitisé que la Syrie, la Mésopotamie et l’Egypte. Les Turcs déshellénisèrent et touranisèrent la majeure partie de l’Asie Mineure. En moins de vingt ans, de 1064 à 1081, la péninsule anatolienne devint un nouveau Turkestan, les frontières de l’Europe reculèrent de l’Arménie au Bosphore. Les Turcs étaient à Nicée. 1453 faillit survenir dès 1081.

L’intervention de l’Occident conjura le destin. Pour relayer Byzance défaillante, pour repousser l’Asie des avancées européennes, l’Occident se mit en marche et ce furent les croisades.
Du XIIe au XVe siècle, les peuples occidentaux, en particulier les Français et les Italiens, colonisèrent le Levant, c’est-à-dire (dans l’ordre chronologique) la Syrie-Palestine, Chypre, la partie maritime de la péninsule balkanique, surtout la Grèce continentale et insulaire, même la Crimée. Leur influence se fit également sentir sur le royaume arménien de Cilicie qui tint à honneur d’imiter nos institutions féodales.

Ce fut la première expansion coloniale de l’Occident. Elle eut pour cause au début, puis tout au moins pour prétexte l’élan spirituel des croisades, pour mobiles durables le désir de conquêtes territoriales chez les barons français, l’intérêt commercial chez les républiques maritimes italiennes. Elle s’appuya sur des leviers spirituels puissants, sur des idées-forces agissantes : délivrance du Saint-Sépulcre, réduction des chrétientés «schismatiques » à l’unité romaine. Et sur des forces matérielles non moins vigoureuses : besoin d’expansion d’une jeune Europe renouvelée, d’une chevalerie bouillonnante de sève, ne rêvant qu’épopées, mais épopées profitables ; impérialisme économique et naval de républiques maritimes également débordantes d’activité, capables, plus encore que les barons, de poursuivre de longs desseins et de vastes pensées.

Ainsi soutenue au dénart, l’entreprise réussit. On parla français à Saint-Jean-d’Acre, à Nicosie, à Athènes. On parla italien de la Crète à la Crimée. Des intérêts-économiques en apparence indestructibles rattachèrent les Échelles du Levant à Pise, à Gênes, à Venise, à Marseille et à Barcelone. Une communauté de culture rendit fraternelles nos cathédrales de France et celles de Tortose, de Famagouste ou de Rhodes. Pour un contemporain de Philippe-Auguste ou de saint Louis, nul doute que ce rayonnement spirituel n’ait paru définitif. Nul doute que cette mainmise économique n’ait semblé inébranlable pour un contemporain de Marco Polo ou de Pegolotti.

Pourtant, de cette brillante expansion rien n’est resté. L’Islam ou l’hellénisme ont tout recouvert ou recouvré, et les vestiges de la domination franque ne sont plus qu’un souvenir archéologique (1). Jamais colonisation n’aura été plus complètement balayée. Or cette colonisation représentait le meilleur de l’effort européen pendant plus de trois siècles.
Que s’est-il donc passé ? Comment une première fois l’Europe a-t-elle été chassée des mers orientales ?

Cette Europe médiévale, en apparence si homogène en son catholicisme romain, à première vue si solidement construite sur la double assise de la papauté et du Saint Empire, elle était la division même. Quand elle eut, par l’élan de la croisade et grâce à la maîtrise de la mer, conquis la Palestine et la Syrie maritime, elle y introduisit comme régime politique et social le système féodal le plus rigoureux, système dont les institutions, si on les appliquait au pied de la lettre, vouaient l’État à la paralysie. Et il s’agissait d’une colonie militaire campée en territoire ennemi ! Puis, à l’heure où cette colonie de Terre Sainte aurait eu le plus besoin de renforts, le détournement de la quatrième croisade vint diriger vers d’autres cieux l’expansion franque, disperser de Jaffa et d’Antioche à Constantinople et à l’Elide l'effort, l’intérêt, les colons de l’Occident. Finalement les colons manquèrent partout. Le deuxième empereur latin, Henri de Hainaut, en faisait la constatation pour la Romanie, comme Guillaume de Tyr l’avait faite pour la Terre Sainte.

Non seulement l’Occident dispersa son effort, mais il était divisé contre lui-mêmo. Si la troisième croisade ne réussit qu’à demi, la faute en revient à la rivalité de Philippe-Auguste et de Richard Cœur de Lion. Si la récupération de Jérusalem par Frédéric II fut rendue vaine, ce fut par l’antagonisme des guelfes et des gibelins. Puis, au xive siècle, la France, absorbée chez elle par la guerre de Cent ans, passa la main. L’Orient latin qui, aux xiie-xin0 siècles, avait été un Orient français, devint un Orient italien et subsidiairement aragonais ou catalan. Mais ici encore, divisions et haines inexpiables. Ces républiques italiennes, Venise surtout, avec leur politique commerciale à longue échéance, disciplinées par lè réalisme même de ia pratica délia mercatura, avaient, on l’a dit, plus de suite dans les desseins que les barons dont elles héritèrent. Encore eût-il fallu qu elles ne s’entre-détruisissent point. Or l’empire vénitien de la mer Égée et l’empire génois de la mer Noire n’eurent pas d’ennemis plus acharnés que, respectivement, les Génois et les Vénitiens.

Le résultat fut l’effondrement, pan par pan, de l’Orient latin et aussi de l’Orient byzantin, chacun entraînant l’autre dans sa chute. Au commencement du xne siècle l’Europe, avec son comté d’Edesse, avait en Syrie atteint et dépassé l’Euphrate. Au début du xve siècle elle avait encore, par ses comptoirs génois, poussé ses entreprises jusqu’à l’embouchure du Don, près de Rostov. Or, en 1453 la frontière de l’Europe aura reculé jusqu’au Danube.
Vers 1530 elle passera entre Vienne et Budapest. Bien loin que « nos gens » tiennent, comme naguère, les ports de Syrie ou de Grèce, les pirates barbaresques feront d’Alger la course jusqu’aux côtes de Naples ou de Provence. Les Turcs, ces mêmes Turcs qu’au temps des croisades nos chevaliers avaient relancés jusqu’à l’Euphrate, assiégeront Vienne et Malte.

C’est dire que les croisades ne doivent être considérées ni comme des entreprises de pure idéologie, ni comme des guerres de magnificence. Elles représentent le réflexe défensif, de l’Europe contre la menace asiatique. Au même titre que l’expédition d’Alexandre ou que les campagnes de Trajan contre les Parthes, d’Héraclius contre les Sassanides, elles s'insèrent dans la défense de l’Occident. L’histoire des rapports de l’Orient et de l’Occident est ainsi rythmée par de grands mouvements de flux et de reflux : poussée de l’Asie et son arrêt aux Guerres Médiques ; contre-offensive macédonienne et romaine ; poussée de l’Islam arabe au vne siècle, puis contre-offensive byzantine au xe ; poussée des Turcs Seldjouqides au xie siècle, puis contre-attaque des croisades au xne ; nouvelle poussée des Turcs Ottomans depuis Brousse jusqu’à Vienne du xive au xviie, puis leur reflux définitif jusqu’à Andrinople en 1912.

Remarquons que sous l’appellation de croisades ont été englobées bien des équipées qui n’avaient de la croisade que le nom, j’entends qui ne pouvaient guère se réclamer de la défense de l’Europe. Tel fut le cas pour les diverses expéditions de la Latinité en terre byzantine. Expéditions, avouons-le, regrettables, puisqu’elles n’aboutirent finalement qu’à ' briser la force byzantine (encore fort réelle au xme siècle) sans la remplacer par rien, faisant ainsi dans les Balkans le lit de la conquête ottomane.

Il est vrai que la quatrième croisade et le lotissement, qui s’ensuivit, des terres grecques en seigneuries latines n’étaient qu’une des manifestations du besoin d’expansion coloniale de l’Occident. La preuve en est qu’à peine cette première colonisation européenne était-elle détruite, à peine l’empire ottoman se trouvait-il maître de la totalité des anciennes terres byzantines, l’expansion maritime de l’Europe repartit vers de nouveaux horizons. Les mers de Syrie et de Grèce étaient perdues pour les escadres parties de Gênes ou de Venise ? Les escadres parties de Lisbonne cinglèrent vers l’océan Indien. Vaincue, envahie chez elle par l’Asie, l’Europe, parce qu’elle était restée maîtresse de la mer, tourna l’Asie et la prit à revers. L’occupation de Goa, de Ceylan, de Malacca par les Portugais compensa la chute de Constantinople. Mouvement tournant qui aboutit à une situation bien curieuse, puisque au début du xixe siècle l’Asie commençait encore au sud du bas Danube, tandis que l’Europe contrôlait déjà tout l’océan Indien.

L’histoire des rapports Orient-Occident que j’ai tenté d’esquisser dans le présent volume comprend naturellement quatre parties. On a d’abord montré quel fut le legs de l’Antiquité et ce qui. à l’avènement de l’empire chrétien, vers 323, subsistait des résultats de la conquête alexandrine. On a ensuite étudié l’histoire de la question d’Orient sous ses trois aspects successifs : solution byzantine (ou arabo-byzantine) au haut moyen âge, solution franque du XIIIe au xve siècle, solution turque à partir de 1360 et surtout de 1453.

Je tiens, en terminant, à bien spécifier que le présent ouvrage ne saurait comporter à l’égard des cultures extra-européennes aucun préjugé défavorable. Les peuples musulmans en particulier ont donné au monde des civilisations trop hautes pour qu’un esprit impartial puisse jamais avoir contre eux pareille tendance. J’exprime toute ma reconnaissance à mon savant confrère, M. Jean Longnon, qui a bien voulu, en me faisant bénéficier de travaux en partie inédits, me signaler diverses améliorations et corrections dont j’ai pu faire profiter l’édition présente.

1) La Syrie franque'a duré de 1098 à 1291, la domination latine en Chypre de 1191 à 1571. Pour la Grèce continentale, la domination franque, apparue après 1201, a achevé d?. disparaître en 1458 (l’Acropole d’Athènes enlevée par les Turcs au dernier duc florentin).



Première Partie
Le Legs de l'Antiquité

Chapitre Premier
L’hellénisme Et La Question D’orient

1. La conquête hellénique
Le panhellénisme et le monde perse

La Question d’Orient est le problème des rapports de l’Europe et de l’Asie. Problème politique qui périodiquement s’est tranché sur les champs de bataille. Problème culturel qui tantôt aboutissait à l’élaboration de quelque syncrétisme religieux, tantôt s’exaspérait en guerres de religion. Comme l’a bien remarqué Hérodote, l’opposition de l’Europe et de l’Asie est pour la première fois apparue avec netteté lors des Guerres Médiques (490-469). L’Asie Antérieure tout entière, du Bosphore à l’Indus, venait d’être unifiée dans l’empire perse achéménide. De son côté, l’hellénisme, préfiguration et virtualité de toute la culture européenne, prenait conscience de lui-même (1). Ce sont tous les peuples du vieil Orient, des Égyptiens et des Lydiens aux Indiens et aux Saka, que Xerxès traînait après lui à l’assaut delà Grèce (2). Et c’est l’Orient tout entier que les Grecs mirent en déroute aux champs historiques de Platées (479). L’accord de Callias, qui mit pratiquement fin aux
Gerres Médiques (449), libéra de la domination perse les cités grecques du littoral ana-tolien, du Bosphore à la Carie. Grâce à l’expérience que valut aux Grecs l’expédition des Dix
Mille (401-400), le roi de Sparte Agésilas entreprit même la conquête de l’Anatolie occidentale (396-394), mais cette tentative, qui annonce celle d’Alexandre, échoua devant de nouvelles guerres fratricides entre Hellènes (3). Comme conséquence de ces divisions, l’hellénisme subit bientôt un sensible recul, puisque, par le traité d’Antalcidas, il dut rétrocéder à la Perse toute la Grèce d’Asie (387-386).
Le traité d’Antalcidas fut ressenti par l’hellénisme comme une …

(1) Hérodote, 1. VIH, c. 144.
(2) Hérodote, 1. VU, c. 61-99.
(3) Xénophon, Helléniques, 1. III, c. tv, et 1. IV, c. i ; Xénophon, Agésilas, c. I ; Diodore de Sicile, I. XIV, c. 79-80.


René Grousset

L’empire du Levant

Payot

Edition Payot
Bibliothèque historique Payot
L’empire du Levant
Histoire de la question d’Orient
René Grousset

© 1949, 1979, 1992
Éditions Payot
106, bd Saint-Germain
Paris VIe.

Achevé d’imprimer le 10 février 1992
dans les ateliers de Normandie Roto S.A.
61250 Lonrai

ISBN : 2-228-88506-1
Dépôt légal : mars 1992
N° d'imprimeur : 12-0183
Imprimé en France

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