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La Femme Kurde dans les Littératures Européennes


Editor : Université de Paris-Sorbonne Date & Place : 1992, Paris
Preface : Pages : 392
Traduction : ISBN :
Language : FrenchFormat : 210 x 295 mm
FIKP's Code : Liv. Fra. Beg. Fem. N° 4338Theme : Dissertation

La Femme Kurde dans les Littératures Européennes

La Femme Kurde dans les Littératures Européennes

Nazand Abdulla-Begikhani

Université Paris III

Le corpus essentiel de cette recherche est donc composé de récits de voyage et de témoignages des officiers et des hauts fonctionnaires qui ont travaillé et séjourné au Kurdistan. En ce qui concerne le Kurdistan du XIXème siècle, la littérature de voyages est particulièrement abondante. Bien que le Kurdistan n'ait pas été la destination principale des voyageurs, il était, néanmoins, un passage obligé entre les deux empires turc et persan ou pour se rendre aux Indes. Au début de notre siècle, c'est surtout la littérature anglaise qui évoque les Kurdes et nourrit notre sujet.
Dans le premier chapitre de cette première partie, nous ...


Table des Matières

Le système de transcription / 6
Introduction / 8

Première Partie : Présentation / 13
Préface / 14
1. Les récits de voyage corpus de cette recherche / 15
IL L'image des Kurdes en Occident / 75
III. L'organisation socio-politique des Kurdes / 82
Conclusion / 90

Deuxième Partie : L'image archétypale de la femme kurde / 92
Préface / 93
I. L'image physique / 94
IL La parure / 109
a. Le costume / 109
b. La coiffure / 123
c. Les bijoux / 130
III. Un portrait en mots / 134
Conclusion / 136

Troisième Partie : L'environnement matériel et social / 138
Préface / 139
Désignation de la femme et du féminin / 140
Premier chapitre : La représentation des femmes sédentaires / 146
I. L'habitat : villes et villages / 146
II. Les femmes dans la ville / 164
A. L'espace cloîtré : la classe supérieure / 164
1. Le harem et son lexique / 164
2. L'image du harem kurde / 172
a. Le harem familial / 172
b. La princesse Bélgiojoso et Le harem imaginaire / 184
c. La place de la religion dans la vie des femmes du harem / 193
d. Scènes de déplacements des femmes du harem / 196
B. L'espace non cloîtré : le peuple / 203
III. La femme dans le village : position sociale et rôle économique / 216
Deuxième chapitre : La représentation des femmes nomades et semi-nomades / 224
I. L'habitat / 224
II La femme nomade : position sociale et rôle économique / 231
III. L'hygiène et la baignade / 240
IV. Scènes de transhumance / 244
Conclusion / 250

Quatrième Partie : Les femmes kurdes et la politique / 252
Préface / 253
Premier chapitre : Femmes dans la guerre / 254
I. La représentation de la condition féminine dans la guerre / 254
II. L'esclavage / 260
III. Exemples de femmes héroïnes et guerrières / 264
IV. Les messagères de la paix : le rôle des femmes dans la négociation / 271
Deuxième chapitre : La femme et le pouvoir / 276
I. Femmes de pouvoir, qui sont-elles ? / 276
II. Exemple d'une femme au pouvoir :
Adela Khanum "reine sans couronne", femme et chef de tribu / 280
Conclusion / 290

Cinquième Partie : Le mariage et les cérémonies du mariage / 291
Préface / 292
I. La notion du mariage / 293
II. Lage nubile de la fille / 294
III. L'endogamie / 298
IV. Le mariage d'amour / 303
V. Le rapt et l'enlèvement / 312
VI. La polygamie / 316
VII. Le divorce / 322
VIII. La représentation des cérémonies du mariage / 326
a. Les démarches préliminaires : à la recherche de la fiancée / 326
b. La dot ou le prix de la fiancée / 329
c. Le contrat de mariage et les fiançailles / 334
d. La noce / 336
Conclusion / 345

Sixième Partie :
La représentation iconographique de la femme kurde dans les ouvrages du corpus / 346
Préface / 347
La femme kurde en images / 351

Conclusion Générale / 370
Bibliographie / 375
Index / 389


INTRODUCTION

La femme, le Kurde, l'Oriental ? Trois entités, trois images, trois voyages, et chaque voyage est une rencontre avec soi. Le Je (Occidental) voyage et il se découvre lui-même. Il s'agit d'un voyage intérieur qui se réalise à travers la rencontre de l'Autre (Oriental).
Le sujet voyageant est, dans la plupart de cas, l'homme qui jouit, dans sa propre société, « de la même supériorité par rapport aux femmes que l'Européen par rapport aux autres peuples »¹. On peut considérer le XIXème siècle en Europe comme l'époque de l’idéologie de la femme. La femme constitue aux yeux de l'homme un être différent, un sujet mystérieux et exotique. Car, ce que représentent l'homme et la femme dans leur différence, leur incompatibilité et leur distance, donne ce que Victor Segalen appelle « l'exotisme des sexes »².

Ce sujet exotique (la femme) sert de repère à l'homme du XIXème siècle ; l'homme cherche à résoudre ses contradictions en se tournant vers elle. Elle devient la source de ses inspirations poétiques et romanesques. A travers elle, l'homme se lit, se dévoile et dévoile ses rapports sociaux. Quant à la femme orientale, elle représente pour lui un double repère : elle sert, plus que jamais, d'objet de son discours exotique, et c'est sur elle qu'il projette ses fantasmes masculins. Elle est l'être rêvé et insaisissable, à l'image des personnages des Mille et une nuits, et devient un véritable mythe d'un Orient sensuel et érotique.

Quelle est la part de la femme kurde dans cette représentation européenne de l'Orientale ? En quoi consiste son image et qu’apporte cette image à l'homme occidental dans sa quête de "Soi" ? La représentation de la femme kurde nous mène-t-elle vers une connaissance plus juste de la condition féminine au Kurdistan ? Si oui, la femme est-elle représentée pour elle-même ou comme le reflet du "Moi" du voyageur ? Au long de cette recherche, nous allons suivre les voyageurs européens, principalement français et anglais, dans leur discours sur la femme kurde. Notre objectif est de formuler une réflexion sur la représentation de la femme kurde dans la littérature de : voyage européenne d’une période spécifique.

La période qui nous occupe dans cette recherche, se situe entre 1800 et 1923, année de la signature du traité de Lausanne³ et de la division du Kurdistan, et cela pour plusieurs raisons. Le XIXème siècle représente l'âge d'or du voyage en Orient. En ce siècle, la nature et l’idéologie du voyage changent ; l'Orient ne représente plus une notion astronomique ou philosophique, comme il était pour les Lumières. Il représente désormais l'antiquité, l'origine de l'humanité et « la terre natale ». Aussi, l'horizon du voyageur s'élargit-il, et le Kurde gagne-t-il une place plus importante dans les témoignages des voyageurs. Au début du XXème siècle, les Anglais renforcent leur présence dans la région et après la première guerre mondiale, alors que le thème du voyage perd son intérêt, une partie du Kurdistan devient colonie britannique⁴. Durant ce début du siècle, beaucoup de diplomates et d’officiers anglais s'installent au Kurdistan et manifestent leur intérêt pour les Kurdes. Ils laissent des témoignages qui contribuent largement à notre corpus. Toutefois, j'enfreins très souvent cette règle pour aborder les voyageurs antérieurs à la période choisie et aussi les kurdologues du XXème siècle. J'applique cette démarche pour mettre en perspective l'image donnée de la femme kurde dans le discours européen du XIXème et du début du XXème siècle, pour la relativiser et la problématiser.

Au sein de cette période, nous avons choisi les auteurs en fonction de leur contribution à notre sujet, sans tenir compte de leur statut. Nous avons affaire à des diplomates, des archéologues, des architectes, des officiers, des hommes ou des femmes libres de tout engagement professionnel, ou des écrivains. Pour avoir le maximum d'information, de descriptions et d'impressions, nous avons étudié quarante-trois ouvrages et articles dont vingt-cinq en français, seize en anglais et deux en allemand traduits en français. S'agissant des auteurs de ces deux derniers, nous avons pris en considération leurs statuts d'officier, pour Helmuth von Moltke qui a participé à la guerre au côté de l'armée ottomane au Kurdistan, et de femme pour l'autrichienne Ida Pfeiffer. Pour le reste, faute d'être polyglotte, nous avons choisi de nous tenir aux littératures de voyage française et anglaise. Quelques-uns de ces auteurs reçoivent plus d'attention de notre part que d'autres, cela en fonction de leurs contributions à la représentation de la femme kurde dans leurs ouvrages. Les citations anglaises sont traduites par nous-mêmes.
La rencontre des voyageurs avec les femmes est essentiellement une rencontre d'observation. Peu de voyageurs, à la différence des voyageuses, privilégiées dans ce domaine, ont communiqué avec ces femmes par la parole. Cette rencontre touche cependant profondément les voyageurs dans leur vie privée : ils se dévoilent et se mettent souvent en question dans leurs rapports avec leur autre féminin (l'Occidentale). Cependant, la plupart des voyageurs, que nous traitons dans cette étude, cherchent véritablement à révéler ce qu'est la femme kurde.

Leurs descriptions s'étant concentrée sur l'archétype de la femme kurde (ses traits physiques et vestimentaires, ses ornements), son environnement matériel et social (forme d'habitat, position sociale, activités économiques), son statut politique et sa condition dans la guerre, le rôle quelle joue dans les cérémonies et coutumes du mariage, ces sujets forment le thème de chacune des parties de notre thèse. Dans la dernière partie, nous insérons quelques gravures et photographies extraites des ouvrages qui composent le corpus de cette recherche.
Dans notre démarche, nous ne tenons pas à ce que le discours orientaliste soit seulement l’expression de l’intérêt de leurs auteurs ; nous leur reconnaissons aussi une certaine dimension de vérité : la vérité de sa vie privée, de ses rapports avec l'autre féminin au sein de sa propre société, mais aussi la vérité de l'Autre observé. La matière « ethnographique » ou « historique » est mise à contribution, et nous tâchons de saisir tous les domaines des discours européens relatifs à la femme kurde. Cette démarche nous conduira à aborder des sujets historiques, ethno-sociologiques, voire même linguistiques. C'est par souci de nous rapprocher le plus possible de la représentation européenne de la femme kurde et de cerner ses contours que nous adoptons cette approche. Aussi, donnons-nous dans notre thèse, beaucoup de citations pour mettre en évidence les propos des voyageurs, tout en nous efforçant de les commenter, de les relativiser et de les problématiser.

Le genre qui est l'objet de notre étude ici n'est donc pas purement littéraire, ou purement historique ou sociologique. Ces thèmes se sont imposés à nous par leur importance dans la représentation de la femme kurde. Chaque voyageur aborde, selon son statut et le contexte de son voyage que nous évoquerons dans notre première partie consacrée à la présentation des voyageurs, plusieurs idées à propos d'elle. On pourrait situer ces idées dans des secteurs historiques, sociologiques, littéraires, etc. Nous traitons ici, tout en essayant de définir le contexte du discours avancé, tous ces genres. De ce fait, notre étude pourrait apparaître comme un hybride ; mais un genre tel le récit de voyage n'est-il pas en lui-même un hybride? Nous sommes limités ici par ce à quoi nous avons affaire.

Enfin, mis à part les auteurs qui sont cités dans cette étude, nous tenons à introduire dans la bibliographie deux auteurs qui ont influencé nos pensées et qui ne sont pas mentionnés tout au long de la thèse ; il s'agit d'Emile Durkheim et de Claude Lévi-Strauss.

1. Tzvetan Todorov, Nous et les autres, la réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Seuil, 1989, p. 417.
2. Victor Segalen, Essai sur l'exotisme, une esthétique du divers, Fontfroide, Fata Morgana, Bibliothèque Artistique & Littéraire, 1978, p. 28.
3. Au terme de la conférence de Lausanne qui s'ouvrit le 13 novembre 1922 et qui réunissait la Grande Bretagne, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, et l'État Serbo- Croate-Slovène, d'une part, et la Turquie d’autre part, le traité de Lausanne a été signé le 24 juillet 1923. Il a rétabli la souveraineté de la Turquie sur la Thrace orientale, les Détroits et toute l'Asie mineure. Depuis, le Kurdistan est divisé entre la Turquie, l'Iran, l'Irak et la Syrie.
4. Après le traité de Lausanne, c’est la partie sud du Kurdistan, annexée désormais à l'Irak, qui est restée sous domination britannique. Le mandat britannique en Irak a duré jusqu’en 1932.

Première Partie Présentation

Préface

Le corpus essentiel de cette recherche est donc composé de récits de voyage et de témoignages des officiers et des hauts fonctionnaires qui ont travaillé et séjourné au Kurdistan. En ce qui concerne le Kurdistan du XIXème siècle, la littérature de voyages est particulièrement abondante. Bien que le Kurdistan n'ait pas été la destination principale des voyageurs, il était, néanmoins, un passage obligé entre les deux empires turc et persan ou pour se rendre aux Indes. Au début de notre siècle, c'est surtout la littérature anglaise qui évoque les Kurdes et nourrit notre sujet.
Dans le premier chapitre de cette première partie, nous allons définir principalement le statut des voyageurs et de ceux qui ont écrit sur la femme kurde pendant les époques qui nous intéressent ici, sans entrer dans les détails. Toutefois, pour les plus représentatifs, tels Jaubert, Rich, Bélgiojoso, etc., nous jugeons utile de donner un petit aperçu de leurs ouvrages et de mettre en évidence leur pensée d'orientalistes. Quant au contenu et au langage de leurs récits, du fait que chaque thème évoqué implique un style particulier, nous les développerons dans les différentes parties de notre recherche. Notre objectif ici ne consiste pas à faire l'inventaire ni la description des lieux parcourus, mais à nous rapprocher du statut de chaque auteur pour mieux comprendre ses pensées et en saisir le discours. Nous nous référons, pour cela, aux différents dictionnaires de biographies et à l'anthologie des voyageurs que nous présenterons dans notre bibliographie.

Le deuxième chapitre de cette première partie qui concerne l'image du Kurde en Occident, n'est pas exactement le sujet qui nous intéresse, mais nous considérons toutefois, qu'il convient de présenter préalablement à l'analyse du corpus, les Kurdes tels que se les représentait en général l'Occident. Ce chapitre et celui qui le suit dans cette même partie, c'est-à-dire l'organisation socio-politique kurde, servent surtout de préliminaire à notre recherche.

I. Les récits de voyage corpus de cette recherche

Le XIXème siècle constitue l'âge d’or pour les voyages en Orient. Si au XVIIIème siècle, l'Orient offrait aux encyclopédistes une base pour leurs raisonnements et leurs théories objectives, au XIXème siècle, il servira de source d'inspiration aux Européens. Sur le plan formel, les récits de voyage n'offrent plus la cohésion et la synthèse objective qui caractérisaient les écrits classiques ; « c'est la discontinuité, la déconstruction au rythme même de la vie de voyage »¹, qui définissent la littérature de voyage du XIXème siècle. Le cercle des voyageurs s'élargit pour inclure en plus des diplomates et des missionnaires, des écrivains, des peintres, des archéologues et aussi des touristes. Cependant, la littérature de voyage demeure un genre à part et qui communique avec l'Autre et cherche à le révéler dans toutes ses représentations.

Pendant le XIXème siècle, on peut distinguer deux catégories de voyageurs en Orient. La première concerne ceux qui se contentent d'une description exacte de paysages, des mœurs, et du caractère de l'Autre ; ils observent plus qu'ils n'imaginent. Bien qu'elles reflètent leur vision des choses et des phénomènes qu'ils traitent, leurs descriptions pourraient être utilisées à des fins sociologiques. La deuxième catégorie concerne des voyageurs écrivains, des âmes purement romantiques qui partent là-bas pour se connaître plus que pour connaître l'Autre. Pour les deux catégories, l’intertextualité, comme à toutes les époques, reste inévitable.

Le territoire des Kurdes situé entre les deux grands empires du Moyen-Orient, l'empire ottoman et l'empire perse, a été parcouru par beaucoup de voyageurs se rendant en Orient. Cependant, à l'exception de quelques voyageurs tels Claudius James Rich au début ou Henry Binder à la fin du siècle, la plupart des voyageurs qui ont rencontré les Kurdes et ont écrit sur eux, n’avaient pas pour destination le Kurdistan : le Kurdistan leur servait d’escale entre ces deux grands empires ou pour se rendre aux Indes. De ce fait, le nom du Kurdistan n’apparaît dans les …

1. Jean-Claude Berchet, Le voyage en Orient. Anthologie des voyageurs français dans le Levant au XIXème siècle, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 11.


Nazand Abdulla-Begikhani£

La Femme Kurde dans les Littératures Européennes

Université Paris III

Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris III

La Femme Kurde dans les Littératures Européennes
Principalement Française et Anglaise
Du XIXème et du Début du XXème Siècle
Thèse pour le doctorat
(Arrêté du 30 mars 1992)
Présentée par
Nazand Abdulla-Begikhani

Sous la direction de Monsieur le Professeur
Jean Bessière

Soutenue publiquement le 24 juin 1997 devant un jury composé de :
- Monsieur Jean Bessière,
Professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III.
- Monsieur Olivier Bonnerot,
Professeur à l'Université de Strasbourg II
- Madame Joyce de Wangen-Blau,
Professeur à l’Inalco.
- Monsieur Jean Gillet,
Professeur émérite à l'Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III.



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