Le Statut du Kurdistan Irakien et le Droit International
Bryar Baban
Université de Cergy-Pontoise
Les Kurdes sont le quatrième peuple quantitativement après les Arabes, les Perses et les Turcs au Moyen-Orient. Les premiers constituent une des plus grandes nations apatrides1 du monde n’ayant pas de représentant à l’Organisation des Nations Unies. Entourés par les trois grandes ethnies du Moyen-Orient - les Arabes, les Turcs et les Perses, les Kurdes vivent déchirés sous la domination de leurs voisins, la zone qu’ils occupent étant dépourvue d’accès à la mer, donc de voie de communication libre vers le monde extérieur. Leur région se place au cœur du Moyen-Orient. Les Kurdes sont internationalement oubliés et sont intérieurement ...
Tables des matières
Remerciement / 1
Abréviations / 2
Introduction / 3
Première partie : Les causes à l’origine de l’émergence du statut du Kurdistan irakien / 10
Chapitre I : Une cause indirecte : Un statut historique particulier du Kurdistan Irakien / 11
Section 1.) Le Kurdistan irakien au regarde des accords et des traités internationaux / 11
§ 1.) Le Kurdistan irakien en tant qu’enjeu des accords internationaux / 11
§ 2.) Le Kurdistan irakien dans les traités internationaux / 15
Section 2.) La région du Kurdistan irakien, objet d’un conflit international : « l’affaire de Mossoul » / 19
§ 1.) La région du Kurdistan à la Société des Nations / 19
§2.) L’annexion définitive de cette région à l’Irak / 23
Section 3.) Les engagements internationaux de l'Irak envers les Kurdes/ 29
Chapitre II : Une cause directe : La situation particulière de l’Irak après la deuxième guerre du Golfe de 1991 / 35
Section 1.) L’intervention humanitaire au Kurdistan irakien mise en place par la résolution 688 : « l’internationalisation de la question kurde » / 35
§1.) Les circonstances conduisant à la résolution 688 / 36
§2.) La nature et la portée de la résolution 688 / 42
Section 2.) La mise en œuvre discutable de la résolution 688 et ses conséquences / 46
§ 1.) La mise en œuvre de la résolution 688 par l’ONU elle-même / / 46
§2. La mise en œuvre de la résolution 688 par certains Etats membres
de l’ONU / 48
Deuxième partie : La recherche d’une qualification juridique du statut du Kurdistan irakien / 52
Chapitre I : Le Kurdistan irakien : une autonomie de fait avant l’adoption de la Constitution irakienne en 2005 / 53
Section 1.) La création d’institutions quasi indépendantes de l’Etat central / 53
Section 2.) Le Kurdistan irakien était-il un sujet du droit international ? / 60
§ 1.) Le Kurdistan irakien était-il un Etat indépendant ? / 61
§2.) Le Kurdistan irakien : un Etat de facto adapté en fonction
des circonstances / 67
Chapitre II : Le Kurdistan irakien : D’un Etat fédéré de facto vers un Etat fédéré de Jure / 74
Section 1.) La déclaration unilatérale d’un Etat fédéré / 74
§ 1.) La déclaration du fédéralisme par le parlement du Kurdistan irakien du 4 octobre 1992 / 74
§2.) Le statut du Kurdistan irakien dans la loi sur l’administration provisoire du 8 mars 2004 / 79
A. / Une loi adoptée dans des circonstances exceptionnelles / 79
B. / L’adoption d’un système fédéral pour l’ensemble de l’Irak / / 83
Section 2.) Le statut du Kurdistan irakien dans le nouvel Etat irakien / 87
§ 1.) La Constitution irakienne de 2005 transformatrice du statut du Kurdistan irakien / 89
§2.) Les difficultés pratiques et juridiques rencontrées par le statut fédéré du Kurdistan irakien / 98
Conclusion / 106
Bibliographie / 109
Tables des matières / 118
Annexes / 120
INTRODUCTION
Les Kurdes sont le quatrième peuple quantitativement après les Arabes, les Perses et les Turcs au Moyen-Orient. Les premiers constituent une des plus grandes nations apatrides1 du monde n’ayant pas de représentant à l’Organisation des Nations Unies. Entourés par les trois grandes ethnies du Moyen-Orient - les Arabes, les Turcs et les Perses, les Kurdes vivent déchirés sous la domination de leurs voisins, la zone qu’ils occupent étant dépourvue d’accès à la mer, donc de voie de communication libre vers le monde extérieur. Leur région se place au cœur du Moyen-Orient. Les Kurdes sont internationalement oubliés et sont intérieurement réprimés.
L’inexistence d’un Etat kurde et la répartition du peuplement kurde entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie ne permettent pas de déterminer précisément la superficie du pays des Kurdes. Pour certains auteurs, la surface de peuplement kurde couvre un territoire estimé de 503 0002 à 520 000 kilomètres carrés3 dans une continuité géographique. Pour d’autres, la superficie du Kurdistan, sans la partie syrienne, atteint 401311 kilomètres carrés.4 Des zones de peuplement kurde existent également à l’extrême ouest de l’Iran et près d’Ankara en Turquie. Dans les capitales et les grandes villes de Turquie, d’Iran, d’Irak et de Syrie, il existe une grande diaspora kurde.5. En outre, l’Europe et les États-Unis abritent avec l’ex-Union Soviétique (surtout en Arménie, en Azerbaïdjan et en Géorgie) un grand nombre de Kurdes. L’Histoire a démontré que « les Kurdes n’ont pour amis que les montagnes » dont certaines culminent à plus de 5200 mètres. Ces montagnes sont une fortification naturelle. Les chaînes des monts Taurus et des monts Zagros forment une sorte de colonne vertébrale du Kurdistan.
Appelée parfois la Mésopotamie septentrionale, la région des Kurdes contient les sources de deux fleuves : le Tigre et l’Euphrate qui ont irrigué la civilisation babylonienne dans le bassin mésopotamien. Le Kurdistan est riche en production agricole et en pétrole. Sa population totale est estimée à environ 30 millions d’habitants6. Il est difficile de donner une estimation exacte du nombre des Kurdes car les quatre pays contrôlant le Kurdistan interdisent de telles statistiques. Il existe également des estimations démontrant que la population kurde est d’environ 40 millions de personnes en comptant les Kurdes de la diaspora. Les Kurdes parlent une langue d’origine indo-européenne. En l’absence d’autorité étatique centralisatrice, et frappée par l’interdiction culturelle et linguistique dans leurs pays de nationalité, la langue kurde est composée de plusieurs dialectes, dont principalement le Kurmandji et le Zazaki au nord et le Sorani au sud.
Le Kurdistan n’est pas actuellement le nom d’un pays indépendant qui a des frontières politiquement délimitées. En revanche, l’appellation du « Kurdistan » n’est pas un terme récemment inventé. Son origine remonte à l’époque de l’empire des Saljûqides au 12e siècle afin de désigner une partie du territoire kurde. En outre, dans un ouvrage, « Nezhet Al Qlub » de « Hamudlilah MISTAUFI » rédigé aux environs de 1339, le nom du « Kurdistan » apparut. Selon lui, le Kurdistan est composé de 16 Wilayets (départements ou régions) délimitant précisément les frontières du pays des Kurdes.7 Donc le terme « Kurdistan » est plus ancien que l’appellation de certain pays de la région par exemple l’Irak, la Turquie etc... La nomination du Kurdistan est constituée de deux syllabes Kurde et « stan » qui est une expression iranienne signifiant pays ou l’endroit.
Les frontières internationalement reconnues de la Turquie, de l’Iran, de l’Irak et de la Syrie fissurent le cœur du territoire kurde qu’ils se partagent. L’histoire du tracé de chaque frontière est différente : par exemple celle entre le côté kurde de l’Iran et le côté kurde de l’Irak et de la Turquie trouve son origine à la suite de la bataille de Tchaldiran, en 1514, entre les Ottomans sunnites et les Safavides chiites. Le Kurdistan se trouvait comme un champ de bataille religieux entre les deux Empires et devint un des enjeux des relations entre les deux Empires. En 1639, les empires ottomans et safavides signèrent le traité de Qasr-Al-Chirin, en vertu duquel elles démarquent les frontières divisant le Kurdistan en deux parties « le Kurdistan ottoman » et « le Kurdistan iranien ». En fait, cette frontière est toujours à l’heure actuelle, peu de changement l’ayant affectée. Pourtant les Kurdes poursuivent leurs échanges, leurs déplacements et ignorent cette frontière.
Le mot Kurde est sans doute plus ancien que celui du Kurdistan. Les auteurs ne sont pas unanimes sur l’origine du mot kurde. Entre 7e siècle av. J.-C. et 550 av. J.-C. Les ancêtres des Kurdes, les Mèdes créèrent un grand empire entre la mer Méditerranée à l’ouest, la mer Caspienne au nord et le golfe Persique au sud, et y développèrent une civilisation florissante. Les Mèdes furent battus par le roi perse Cyrus II et demeurèrent sous la domination de l’Empire perse jusqu’à la conquête arabo-islamique.
A partir de la première moitié du 7e siècle, avec l’arrivée de la religion musulmane, la majorité de la population se convertit obligatoirement à cette nouvelle foi, mais les importantes communautés chrétienne, juive, et autres continuent de cohabiter dans la même région. Les peuples kurdes partagent pour le plus grand nombre une même religion : l’Islam sunnite de rite chaféite. Il existe également des Kurdes chïtes, Alévis9 , Ahli-haq10 et Yezidi11.
La conscience religieuse prima généralement chez les Kurdes sur la conscience nationale. Cela n’a pas empêché que les Kurdes s’organisent sous le règne de principautés semi indépendantes de type féodal, lesquelles étendront au fur et à mesure leur domination sur de vastes régions. Au XIXe siècle, l’on comptera ainsi plusieurs principautés qui se partagent la « souveraineté » sur la quasi-totalité de l’espace kurde. Cette sorte d’organisation étatique ottomane et perse permettait aux Kurdes d’avoir une autonomie relative vis-à-vis des autorités centrales du Sultan et du Chah. Ainsi, certains princes kurdes battaient monnaie12.
Dès le milieu du XIXe siècle, les revers subis en Europe conduisent Constantinople à un renforcement de la centralisation qui s'ingérera progressivement dans les affaires des principautés kurdes et cherchera à mettre fin à leur autonomie. L’armée du Sultan détruit par …
1 Cette expression est employée dans un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la situation culturelle des Kurdes. Voir, le rapport de la Commission de la culture, de la science et de l’éducation, de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Rapporteur : Lord Russell-Johnston, doc. 11006, 7 juillet 2006, p. 1.
2 Central Bureau of Studies and Research, Study, Kurdistan, an Economie, Géographie and Historical Brief Explanation, n° 33, Arbil, Kurdistan irakien 1999.
3 BABAKHAN Ali, Les Kurdes d’Irak, imprimé au Liban 1994, Page 3.
4 Hossein Madani, le Kurdistan dans la stratégie des puissances (en Kurde), 1er volume, novembre 2000, pp. 15- 16
5 Par exemple, la population kurde d’Istanbul est estimée à environ 3 millions (les Kurdes la nomme comme la plus grande ville kurde).
6 II n’existe pas une statistique officielle. Voir, Bernard Dorin, Les Kurdes, Destin Héroïque, Destin Tragique. Édition Lignes de Repère. Paris 2005 p.18, voir également Hossein Madani, précité, p. 19, Rapport sur la situation culturelle des Kurdes, Conseil de l’Europe, précité, p.4.
7 Voir Hossein Madani, précité, pp. 7,8.
8 Abdullah Xefur, la Frontière du Kurdistan (en Kurde), 3e édition, Mukiryani, Arbil, 2006, p. 34.
9 Il signifie Partisans d’Ali (cousin de prophète Mohammad) ils professent une religion que l’on trouve principalement en Syrie, Liban et en Turquie. Leur secte a été légitimée comme rameau de l’islam.
10 Ahli-Haq est une secte religieuse qui signifie les détenteurs de la vérité, présente chez les Persans, les Kurdes et les Turkmènes d’Iran et d’Irak. Leur culte dualiste présente de grandes différences avec le chiisme officiel.
11 La religion Yezidi remonte ses racines dans un passé profond et a accumulé plusieurs sédiments religieux : nestorianisme, judaïsme, zoroastrisme, manichéisme et islam (soufi). Les yezidis sont appelés péjorativement « les adorateurs du Diable », les Yezidis vénèrent en effet le feu et le soleil et adorent Melek Ta'us (Lucifer), symbolisé par un paon. Ce n’est que depuis quelques années que la réalité de cette religion dualiste est enseignée dans l’éducation publique au Kurdistan après 1992.
12 Les principautés (Emirats en arabe) les plus mémorables dans l’histoire kurde sont la principauté Bedirhan ou Botan, Baban et Ardelan. (Farid Assassard, la question après la loi d’administration de l'Etat irakien (en arabe) Centre du Kurdistan pour les recherches stratégiques, Sulaimaniya, 2004, pp. 20-21)
Bryar Baban
Uiwrenité Robert Sttiurrun Strasbourg
Université Robert Schuman
Université Robert, Schuman Strasbourg
Le Statut du Kurdistan Irakien et le Droit International
Bryar Baban
Mémoire réalisé en vue de l’obtention du Master 2
- recherche - de Droit International
Sous la direction de M. le Professeur Yves Petit
Septembre 2006
le_statut_du_kurdistan_irakien_et_le_droit_international_bryar_baban.pdf
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