Temps, Subordination et Concordance des Temps dans le Roman Kurde – II
Ibrahim Aydogan
Université de Rouen
Les linguistes et les grammairiens kurdes ont souvent négligé la syntaxe de la phrase complexe et la subordination en kurde. En consultant les travaux effectués jusqu’à aujourd’hui, on s’aperçoit que ce domaine ne leur est pas très connu. Suivant les besoins urgents, ils ont dû accorder la priorité aux notions grammaticales de base, aux questions d’orthographe, de terminologie et notamment de conjugaison, comme cela s’observe, entre autres, chez Rizgar (2005) qui n’évoque guère la syntaxe, ni la phrase complexe. L’absence d’enseignement en kurde et d’institution qui veille à la survie de la langue doit en être la cause.
Parmi les ouvrages que nous avons consultés sur la langue kurde, seuls deux grammaires accordent une place considérable à la phrase complexe en kurde kurmandji : Bedirkhan et Lescot (1991) et Jemo (1995).
Bedirkhan et Lescot (1991) font ...
Sommaire
Volume I
Introduction / 5
Partie I : Temps, texte et référence / 14
1. Temps, langage et représentation temporelle / 16
1.1. Les approches référentielles / 18
1.2. Temps, aspect et représentation mentale du récit / 91
1.3. Adverbes temporels et espace-temps tripartite / 106
2. Subordination Temporelle et Concordance des Temps / 123
3. Temps, texte et narration : les approches textuelles / 171
Partie II : Langue et littérature kurdes / 215
1. Les Kurdes : histoire, géographie, population / 217
2. Le kurde : une langue menacée et interdite / 221
3. La découverte de la prose et la naissance du roman chez les Kurdes / 240
4. Conclusion / 248
Partie III : Système verbal du kurde / 250
1. En introduction, un aperçu historique des travaux sur le kurde / 252
2. Identification des temps verbaux du kurde : une voie sans issue ? / 264
3. Etat des lieux / 345
Volume II
Partie IV : Subordination temporelle et concordance des temps en kurde / 348
1. Syntaxe de la phrase complexe et subordination dans les travaux linguistiques kurdes / 350
2. La subordination temporelle en kurde / 357
2.1. Les conjonctions de subordination / 361
2.2. Les subordonnées complétives / 380
2.3. Les subordonnées relatives / 463
2.4. Les subordonnées circonstancielles / 490
Conclusion Générale / 558
Annexe, bibliographie, index / 566
Table des matières / 600
1. SYNTAXE DE LA PHRASE COMPLEXE ET SUBORDINATION TEMPORELLE DANS LES GRAMMAIRES ET LES TRAVAUX LINGUISTIQUES KURDES
Les linguistes et les grammairiens kurdes ont souvent négligé la syntaxe de la phrase complexe et la subordination en kurde. En consultant les travaux effectués jusqu’à aujourd’hui, on s’aperçoit que ce domaine ne leur est pas très connu. Suivant les besoins urgents, ils ont dû accorder la priorité aux notions grammaticales de base, aux questions d’orthographe, de terminologie et notamment de conjugaison, comme cela s’observe, entre autres, chez Rizgar (2005) qui n’évoque guère la syntaxe, ni la phrase complexe. L’absence d’enseignement en kurde et d’institution qui veille à la survie de la langue doit en être la cause.
Parmi les ouvrages que nous avons consultés sur la langue kurde, seuls deux grammaires accordent une place considérable à la phrase complexe en kurde kurmandji : Bedirkhan et Lescot (1991) et Jemo (1995).
Bedirkhan et Lescot (1991) font une description générale des structures de la phrase complexe en kurde avant d’en répartir les propositions selon les relations logiques et temporelles qu’elles peuvent avoir les unes avec les autres. Ainsi, ils les regroupent en tant que complétives, relatives et circonstancielles. Ensuite, dans des chapitres distincts, ils expliquent la concordance des temps dans les subordonnées complétives et dans les subordonnées circonstancielles. Le cas de la concordance des temps dans les subordonnées relatives est absent de leur grammaire.
Jemo (1995), dans sa grammaire écrite en français, explique la concordance des temps en kurde en deux sous-chapitres : « concordance des temps dans les subordonnées conjonctives : eger et ku »731 732 et « concordance des temps dans les subordonnées complétives : ku » 733. Dans le premier, il s’agit du mode conditionnel, car « eger » et « ku », selon les exemples que Jemo en propose, correspondent à « si » hypoytétique en français. Les deux conjonctions évoquées, ainsi que « heke », introduisent des propositions hypothétiques en kurde. Dans le deuxième sous-chapitre, le grammarien kurde donne, de façon désordonnée, des exemples illustrant la subordination complétive en kurde. Il propose ainsi de nombreux exemples de combinaisons des temps verbaux observées dans les phrases complexes entre les propositions principales et les propositions subordonnées. Néanmoins, Jemo (1995) ne mentionne guère les relations temporelles que peuvent entretenir les deux propositions d’une phrase complexe dans ces exemples non commentés. La seule information que l’on peut tirer des exemples de Jemo, c’est que le kurde connaît plusieurs combinaisons de temps dans les phrases complexes.
Quant aux autres linguistes, grammairiens et chercheurs qui ont travaillé sur le kurde, ils ne font qu’évoquer le sujet, mais n’approfondissent pas leurs analyses concernant les phénomènes de la temporalité dans les phrases complexes.
Il nous semble néanmoins qu’il convient de mentionner quelques ouvrages en raison de la place qu’ils accordent à ce sujet.
La position des linguistes et grammairiens ayant travaillé sur le kurde s’explique, à notre avis, par leur relation avec la grammaire d’une autre langue, phénomène que nous avons évoqué à plusieurs reprises dans la troisième partie de cette étude. C’est pour cela qu’il est important de souligner que les deux grammaires mentionnées ci-dessus, Bedirkhan et Lescot (1991) et Jemo (1995), sont écrites par des francophones et en français. Il n’est pas étonnant que la concordance des temps figure dans leurs ouvrages. Car, dans la grammaire française, cette notion prend une place considérable.734
La dernière grammaire kurde, Tan (2005), accorde un chapitre entier à la syntaxe735 736 en kurmandji, mais le grammairien kurde ne s’arrête pas sur la construction de la phrase complexe ni sur la subordination temporelle que ce dialecte connaît et emploie fréquemment. C’est pour cela que les quelques exemples qu’il propose pour montrer que le kurde connaît également des phrases complexes demeurent insuffisants pour avoir un aperçu de ce trait de la langue kurde. Cela vient du fait que la structure de cette grammaire qui est présentée comme « la grammaire la plus complète et la plus fiable » suit de près celle des grammaires turques.
En effet, la grammaire turque s’intéresse à la construction de la phrase complexe en tant qu’unité constituée de plusieurs éléments comme sujet, complément d’objet direct, verbe, complément de lieu, adverbe etc., et non par rapport à sa temporalité. Les composants d’une phrase complexe sont étudiés selon leurs fonctions grammaticales. Ainsi, dans les écoles, on apprend à diviser une phrase, simple ou complexe, selon les éléments qui la composent. Par ce biais, on montre quel est le verbe conjugué de la phrase, quel est son sujet, son objet, s’il y a un adverbe et un complément de lieu, etc. Les syntagmes nominaux et verbaux d’une phrase ne sont ainsi considérés que dans la mesure où ils constituent l’un de ces éléments. Dans l’enseignement scolaire, la phrase n’est pas considérée sous l’angle de sa temporalité mais uniquement sous celui de sa composition. Il en va de même pour les propositions subordonnées. Car, en turc, même dans la phrase complexe, un seul verbe se conjugue et les verbes subordonnés s’emploient en tant que « verbes nominaux » qu’on appelle fiilimsi. Ce terme peut se traduire en français comme « verboïdes » i.e. moitié verbe moitié nom ou « pas tout à fait verbe ». Il y a trois sortes de fiilimsi en turc selon les rôles qu’ils prennent dans la phrase, qui sont isim-fiil (verbo- nom), zarf-fiil (verbo-adverbe), sifat-fiil (verbo-adjectif). On voit que leur dénomination suit également leurs fonctions dans la phrase.
Comme le turc met en avant le rôle que la proposition subordonnée prend dans la phrase complexe plutôt que son apport temporel, le grammairien kurde, Tan, suit la même voie et prive ainsi sa grammaire de certains phénomènes de la phrase complexe du kurde liés à la subordination temporelle. Bien que ce grammairien soit également anglophone, on constate qu’il suit plutôt les grammaires de la langue turque dans le chapitre concernant la syntaxe. C’est le cas de la plupart des grammairiens kurdes turcophones comme Badilli (1956), Sagniç (1991), Ciwan (1992) et Rizgar (2005).
Il nous faut préciser que la plupart des kurdes sont bilingues et qu’un bon nombre d’entre eux connaît une troisième voire une quatrième langue. Dans la biographie de Kemal Badilli, qui fut député de la ville kurde, Urfa, on nous apprend que, en dehors du turc, ce dernier parlait français ; Feqî Husên Sagniç, ayant fait des études traditionnelles dans des médressés (anciennes universités) connaissait au moins le turc et l’arabe ; Murad Ciwan habite en Suède et connaît au moins le turc, le suédois et l’anglais comme langues étrangères ; Baran Rizgar habite à Londres depuis 1987 et il a préparé un dictionnaire bilingue en anglais et en kurde. Aucun de ces grammairiens kurdes n’a étudié la phrase complexe en kurde par rapport à sa temporalité.
Néanmoins, le grammairien kurde Sami Tan développe une approche intéressante dans un article publié récemment, en janvier 2006, dans Tûrik. Le titre de son article se traduit en français comme « La concordance des temps dans les phrases complexes ».
…..
731 Bedirkhan et Lescot (1991), pp. 333-343.
732 Jemo (1995), pp. 51-54.
733 Ibid., pp. 55-62.
734 Nous avons expliqué la concordance des temps des grammaires françaises dans la première partie de cette étude (§ 2.1).
735 Tan (2005), pp. 269-294.
736 Ozalp Davut et TAN Sami (2005) - Interview : Le kurde a besoin des travaux scientifiques in Tiroj, n° 16, pp. 15-17.
Ibrahim Aydogan
Temps, Subordination et Concordance des
Temps dans le Roman Kurde - II
Université de Rouen
Université de Rouen
Temps, Subordination et Concordance des
Temps dans le Roman Kurde - II
Etude Descriptive sur le Système
Verbal et la Subordination Temporelle en Kurde
Ibrahim Aydogan
Université de Rouen
U. F. R. des Lettres Et Sciences Humaines
Ecole doctorale « Savoir, critique, expertises »
Laboratoire d’accueil : FRE 2787 Dyalang CNRS
Temps, Subordination et Concordance des Temps dans le Roman Kurde
Etude Descriptive sur le Système
Verbal et la Subordination Temporelle en Kurde
Thèse de doctorat
Tome 2
Ibrahim Aydogan
27 novembre 2006
Sous la direction de
M. Laurent Gosselin
M. Salih Akin
Composition du jury
M. Salih Akin
M. Jacques Bres
M. Laurent Gosselin
Mme. Zlatka Guentcheva
M. Cari Vetters
temps_subordiation_et_concordance_des_temps_dans_le_roman_kurde_2_i_aydogan.pdf
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