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Teymour : Le récit du génocide kurde


Author : Arif Qurbany
Editor : Imprimerie Karo Date & Place : 2018, Kirkuk
Preface : Pages : 162
Traduction : Shakour BayezISBN :
Language : FrenchFormat : 135x195 mm
FIKP's Code : Liv. Fre. Qor. Tey. N° 6608Theme : General

Teymour : Le récit du génocide kurde

Taimur: The Only Survivor of Women and Children Anfal [English, Košice - Slovaquie, ]


Teymour : Le récit du génocide kurde

Arif Qorbani

Imprimerie Karo

Je suis sûr que si Teymour n'avait pas survécu, l’histoire de lanfal avec ses cortèges de femmes et d enfants enfouis dans le désert, n'aurait jamais été complètement connue. Car il a été le seul témoin du sort des gens disparus pendant la campagne de l’Anfal. Si, par malheur, Teymour avait péri comme les deux autres survivants (anwar tayar et hama ali alayiyan), beaucoup de pages de lanfal seraient restées dans l’ombre.


NOTE DU TRADUCTEUR

L'histoire de Teymour est celle d'un enfant qui a vu de ses propres yeux l'exécution de sa mère, de ses sœurs, de ses tantes, de ses autres proches et de son peuple. Son histoire est celle de milliers de kurdes à travers les siècles.

Rien qu'au XXème siècle, les kurdes se sont révoltés des dizaines de fois et leur soulèvement s'est toujours terminé dans un bain de sang. Ces tragédies n'ont jamais été racontées aussi précisément, avec autant de détails, que celle que vous allez lire. Le livre que vous avez entre les mains est le récit de Teymour qui a eu la chance de ne pas tomber dans l'oubli, comme c'est malheureusement arrivé à des milliers d'autres. Et cela grâce au travail remarquable d'Arif Qorbani, journaliste kurde, à des amis français comme Florence Didiot, qui, dès le début m'a accompagné pour réviser et corriger ce livre. Merci aussi à Sabine, Joël Didiot, et Agnès Monsieur pour leur aide. Je voudrais enfin remercier Osman Kader, artiste kurde, qui nous a offert le dessin de couverture.

Kirkuk, 13 janvier 2016
Shakour Bayez

Avant propos

Je travaille sur l'Anfal1 depuis de longues années, et malgré la myriade de documents, de preuves, de témoignages et d’informations en tout genre que nous avons collectés, j’avais le sentiment d’un grand vide : l'histoire de l’Anfal ne pouvait être complète sans le témoignage de Teymour.
J’ai écrit personnellement plusieurs livres sur le sujet. J’ai interviewé plusieurs victimes, rescapés et même des bourreaux de l’Anfal : ceux du camp de concentration de Tomawak à Kirkouk, ceux du camp de Doubiz et ceux amenés à Tikrit, la ville de Saddam Hussein. Ceux envoyés à Nougra Salman, parmi lesquels Faraj, Ouzér, Wahid, et Ramazan, les quatre jeunes blessés qui ont pu traverser le désert irakien pour regagner le Kurdistan. J’ai retranscrit toutes les informations, mais restait toujours en moi le sentiment que, sans le récit de Teymour, quelque chose manquait, et ce, malgré un rapport fourni de Middle East Watch concernant son histoire. En plus de ce rapport, l’écrivain arabe Kanain Makkiya avait également interviewé Teymour mais il manquait toujours quelque chose dans les deux récits. Il fallait absolument réaliser un entretien plus conséquent sur le sujet.

Cela faisait de nombreuses années que je cherchais à m’entretenir avec Teymour afin de récolter toutes les informations manquantes sur son expérience. Teymour était parti aux États Unis en 1996 et il m'était inaccessible ; or la chute du Saddam Hussein en 2003 m'a facilité les choses et j'ai enfin pu le rencontrer.

Après de nombreuses tentatives, à son retour au Kurdistan en 2009, j'ai pu le voir mais sa fatigue et son état d'esprit ne nous ont pas permis de nous mettre au travail. Finalement, nous nous sommes mis d'accord pour nous revoir pendant l'été 2013.

La première séance a eu lieu le soir du 17 juillet 2013 vers 21h au camp de Soumoud, dans la petite ville de Rizgari. L'entretien a duré jusqu'à lh du matin, et nous avons achevé la plus grande partie du récit. Ensuite, nous nous sommes revus le 30 août et le 11 septembre à Garmiyan2 où je suis allé chez lui dans le quartier des « Anfali », les victimes du génocide.
Pendant toutes ces heures où je posais des questions, Teymour répondait toujours en fumant sans s'arrêter. Souvent nous stoppions l'entretien pour laisser nos larmes couler.

Dès le début de mes entretiens avec Teymour, j'ai compris qu'il portait en lui une profonde douleur. Il cherchait à s'apaiser en fumant. Il me disait : « j'ai mon cœur coupé en deux, un morceau est en moi et un autre est dans le désert, dans les charniers ». Pourtant, il a pu me raconter son histoire avec tous les détails, comme si, pendant ces vingt cinq dernières années, il avait revu tous les jours dans sa mémoire l'enregistrement de ces événements. Il avait gardé en mémoire toutes les scènes comme s'il regardait des photos, jusqu'aux souvenirs de son enfance avant la tragédie.

Un de mes vœux les plus chers, pour lequel j'ai prié Dieu, était de faire parler les cinq rescapés du génocide. Depuis très longtemps, je voulais retranscrire les souvenirs de Teymour, vœu qu'il partageait également. Teymour voulait, avant sa mort, que son histoire, ce qu'il avait vécu, ce qu'il avait vu, soit écrit et fasse partie de l'histoire de son peuple. Cet objectif nous a donné la force de continuer sans prêter attention à la durée et à la longueur du récit. Le plus important étant que son vécu soit sauvegardé.

Le livre que vous avez entre les mains est la retranscription fidèle de l'entretien : il a dit tout ce qui est écrit, et mon travail a simplement consisté à mettre en forme son récit.
Je suis sûr que si Teymour n'avait pas survécu, l'histoire de l'Anfal avec ses cortèges de femmes et d'enfants enfouis dans le désert, n'aurait jamais été complètement connue, car il a été le seul témoin du sort des gens disparus pendant la campagne de l'Anfal. Si, par malheur, Teymour avait péri comme les deux autres survivants (Anwar Tayar et Hama Ali Alayiyan), beaucoup de pages de l'Anfal seraient restées dans l'ombre.

Heureusement, l'âge nous a permis et Dieu nous a donné la force d'effectuer cette mission. Je souhaite de tout cœur que l'administration kurde assure une vie digne à Teymour, afin de le soulager de toutes les tragédies dont il fut témoin.

1 Anfal : nom de code d’une campagne militaire de Saddam Hussein lancée en 1988 pour exterminer le peuple kurde.

2 Garmiyan : territoires du sud du Kurdistan irakien.

« Teymour de l’Anfal » est un nom relativement connu, mais si je te demande de te présenter, comment le ferais-tu ?

Il est vrai que je suis un peu connu. Mais ma vie, mon vécu, et l'histoire de mes chagrins pendant l'Anfal ne se limitent pas à ce qui a été raconté, même si c'est la principale raison de ma célébrité. Je prie Dieu pour qu'il m'aide à me souvenir des événements afin de les raconter dans cet entretien. Je vais essayer de te raconter le plus justement possible tout ce qui n'a pas été dit dans le passé et que les gens ignorent encore pour faire la lumière sur la vraie histoire de Teymour.

Je te remercie, mais tu ne m'as toujours pas dit qui est Teymour.
Je m'appelle Teymour Abdallah Ahmed. À vrai dire, je ne connais pas ma date de naissance. Mon père m'a raconté que lorsque j'étais petit je n'étais pas très sage et que j'avais coupé délibérément une partie de ma carte d'identité, juste par hasard là où figure la date de naissance. Apparemment, c'était mon destin de débuter ainsi dans la vie : ne pas savoir le jour de ma naissance et devenir « Teymour de l'Anfal ».

Actuellement, quelle date est inscrite sur ta carte d'identité et ton passeport ?
Longtemps après les événements, j'ai fixé moi même ma date de naissance au 1er janvier 1976. Elle figure d'ailleurs maintenant sur tous mes documents officiels.
Mais est-elle exacte ?
Que veux-tu dire par-là ?

Je veux dire, sur quelle source crédible repose cette date ? As-tu été vérifier, par exemple, aux services de l'Etat Civil ? As-tu demandé à tes oncles ?
Non, je l'ai fixée moi même.
Mais pourquoi ne t'es-tu pas renseigné ? Ne te reste t'il pas des proches encore en vie ?
Je ne suis pas allé aux services de l'Etat Civil car je ne crois pas que nos noms soient inscrits dans les registres, et mes proches ne savent pas non plus.
Comment en es-tu sûr si tu ne leur as pas demandé ?

Mon ami, de nos jours les gens savent le mois et le jour de la naissance de leurs enfants. Mais à mon époque, les gens n'en savaient rien. Le 1er juillet est la date de naissance de la moitié du peuple kurde, quelque soit la saison de naissance. A la campagne, certains se souvenaient de l'année de leur naissance grâce aux événements majeurs qui avaient eu lieu. On disait : « l'année de la disette », « l'année du parti Baas », « l'année de l'effondrement du mouvement kurde ». C'est ainsi que j'ai fixé ma date de naissance.

Comment s'appelait ta mère ?
Ma mère s'appelait Sarah Mohamed Mahmoud.
D'où était-elle originaire ?
De Koulla Djo.
Et ton père ?
De Koulla Djo aussi.

….


Arif Qorbani

Teymour : Le récit du génocide kurde
Par le régime de Saddam Hussein en 1988

Imprimerie Karo

Editions Imprimerie Karo
Teymour : Le récit du génocide kurde
Par le régime de Saddam Hussein en 1988
Arif Qorbani
Traduit par Shakour Bayez
Aidé de Florence Didiot

Dédié à
Danielle Mitterrand

Nom du livre : Teymour, le récit du génocide kurde
- Auteur : Arif Qorbani
- Traduction : Shakour Bayez
- Objet : entretien
- Conception intérieure : Arif Karim
- Conception de couverture : Aram Shwani
- Tirage :1000
- Édition : Imprimerie Karo
- Année de l'édition : février 2018

Imprimé par les fonds propres de l'auteur

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