Notes sur la presse iranienne
Roger Lescot
Revue des Études Islamiques
Les conclusions que l'on tire d'une simple comparaison entre les listes de périodiques dressées par H. L. Rabino, avant la Guerre (1), L. Bouvat, en 1915 (2), et Ali Nô-Rouze (3) avec celle que l'on trouvera à la fin de cet article permettent de dégager les principales caractéristiques des transformations subies par la presse iranienne depuis le début du règne de S. M. Reza Chah. Deux faits principaux retiennent l'attention: d'une part, le remplacement de la presque totalité des organes qui paraissaient à la fin du régime qadjar (à part certaines feuilles comme Iran ou Ettelā'āt et quelques gazettes régionales) par des publications nouvelles ; d'autre part, l'importance prise, au détriment de ceux des provinces, par les journaux de la capitale, dont la diffusion se trouve facilitée par le progrès des moyens de transports. Ce rajeunissement et cette centralisation de la presse ne peuvent se comprendre qu'en fonction du rôle qui lui est dévolu dans l'ensemble des réformes poursuivies par le Gouvernement.
Le journal qui, sous l'Ancien Régime, était avant tout l'instrument ...
NOTES SUR LA PRESSE IRANIENNE
Les conclusions que l'on tire d'une simple comparaison entre les listes de périodiques dressées par H. L. Rabino, avant la Guerre (1), L. Bouvat, en 1915 (2), et Ali Nô-Rouze (3) avec celle que l'on trouvera à la fin de cet article permettent de dégager les principales caractéristiques des transformations subies par la presse iranienne depuis le début du règne de S. M. Reza Chah. Deux faits principaux retiennent l'attention: d'une part, le remplacement de la presque totalité des organes qui paraissaient à la fin du régime qadjar (à part certaines feuilles comme Iran ou Ettelā'āt et quelques gazettes régionales) par des publications nouvelles ; d'autre part, l'importance prise, au détriment de ceux des provinces, par les journaux de la capitale, dont la diffusion se trouve facilitée par le progrès des moyens de transports. Ce rajeunissement et cette centralisation de la presse ne peuvent se comprendre qu'en fonction du rôle qui lui est dévolu dans l'ensemble des réformes poursuivies par le Gouvernement.
Le journal qui, sous l'Ancien Régime, était avant tout l'instrument d'incessantes polémiques est devenu l'un des facteurs essentiels de la rénovation nationale. Dans un article intitulé Ahamīyat-é-rūznāme dar hayāt-é- omūmi (Importance du journal dans la vie publique), Iran du 1 Sahrivar 1316 (soir) écrit: «Dans la vie de notre époque, le journal constitue une nécessité absolue. De même que l'individu ne peut se passer ni d'eau ni de pain, il a besoin du journal pour développer son esprit et sa pensée. Il faut que le quotidien s'introduise profondément dans l'existence de toutes les familles delà capitale ou des provinces. Le nombre des lecteurs de journaux s'accroît proportionnellement à celui des habitants instruits du pays. Au fur et à mesure que le nombre de personnes qui s'intéressent au journal augmente, les bases de la culture populaire se font plus solides. Chacun, quels que soient sa partie, son métier ou sa profession, trouve nécessairement dans le journal des renseignements relatifs à ses occupations. A notre époque, le quotidien se trouve si fortement lié à la vie publique qu'il semble impossible de l'en séparer.» De leur côté, Ettelā'āt déclarent: «Deux des facteurs les plus propres à transformer les idées et le destin d'une nation et à la guider vers la perfection et le progrès sont représentés par le livre et par la presse. Ceux-ci sont, en quelque sorte, l'école que l'on peut considérer comme la plus efficace pour modifier les conceptions des adultes et leur former l'esprit. Le livre et les périodiques sont le seul lien et le seul intermédiaire existant entre le peuple et l'élite, le seul moyen dont disposent les gens instruits et les savants pour s'affirmer dans l'esprit des hommes et leur enseigner leurs devoirs individuels et sociaux » (Matbū'āt ve ketāb, La presse et le livre. Ettelā'āt, 2 Mehr 1316, soir).
Conformément à l'idéal qu'ils se font de leur mission, les journalistes s'efforcent, comme nous le verrons plus loin, d'agir à la manière d'éducateurs et de vulgarisateurs. Cette conception du rôle de la presse répondait, en Iran, à un réel besoin ; la preuve en est fournie par l'accoisement considérable qu'a connu en très peu de temps le tirage des grands quotidiens de la capitale(4): Iran imprime actuellement à 12.000 exemplaires et Ettelā'āt à 15.000(5). De plus, tous deux ont pu, grâce à l'importance qu'ils ont acquise, améliorer leur présentation et moderniser leur équipement. Ettelā'āt qui, jusqu'en 1927, ne comportaient que deux pages, paraissent actuellement sur huit; une rotative récemment installée leur permet une ...
1) Cf. H. L. Rabino, La Presse persane depuis les origines jusqu'à nos jours. Revue du Monde Musulman, t. XXII, p. 287.
2) Cf. L. Bouvat, La presse à Téhéran en 1915, Revue du Monde Musulman, t. XXX, p. 274.
3) Cf. Ali Nô-Rouze, Registre analytique de la presse persane, Revue du Monde Musulman, t LX, p. 35.
4) Accroissement dû, pour beaucoup, à une augmentation du nombre des abonnements en province (60 environ du tirage d'Iran et d' Ettelā'āt).
5) Le nombre des lecteurs est d'ailleurs bien supérieur à ces chiffres. Le prix du numéro étant assez élevé (de quatre à huit chahis suivant les journaux), chaque exemplaire est lu par plusieurs personnes. Les colporteurs louent volontiers pour un ou deux chahis les journaux qu'ils sont chargés de vendre.
Roger Lescot
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Notes sur la presse iranienne
Extrait de la Revue des Études Islamiques
Anée 1938. Cahiers II-1II.
Paris
Librairie Orientaliste Paul Geuthner
12, Rue Vavin, VIe
1938
Tours, Imprimerie, Arrault et Cio