Mythe Historisé de l’Epoque Islamique au Luristan
Mohammad Mokri
Journal Asiatique
«Nous étions quatre frères et un vieux père,
«Trois d’entre nous étaient archers et portaient un carquois avec une flèche.
«Sur les montagnes nous étions les léopards et dans les bosquets nous étions les lions.
«Nous étions les anges dans le ciel et les émirs à la cour.»
Tel est le contenu d’un fragment composé en persan, inséré dans le texte gourani du B.- Kh. P. (verset 97).
Lorsqu’un paléontologue ou un archéologue découvre au cours de ses fouilles un fossile ou l’éclat d’une pièce en terre cuite ou en pierre, terni par le temps et la poussière, il se peut qu’il ignore d’emblée la valeur exacte de ce simple objet et le message historique qu’il transmet. Mais, alors que de retour dans son laboratoire, il le dépoussière et en scrute toutes les parties avec sa loupe, c’est avec joie qu’il en déchiffre le code par lequel un monde effacé se met à vibrer.
Ainsi se dégage-t-il du style même de ce morceau insolite, une atmosphère étrangère à l’ensemble du texte, dans lequel pourtant il s’intègre fortuitement. Je ne saurais dire par quel miracle ces quelques lignes singulières ont pu trouver place ici ni d’où elles ont pris leur envol pour venir se joindre à ces versets.
Ce fragment de bonne facture est composé dans un style narratif qui rappelle les
RESUME
L’archaïsme de certaines expressions utilisées dans les compilations de textes des «Gens de Vérité» avait rendu complexes et ardues un certain nombre d’idées. Le déchiffrement de ces documents et le décryptage de ces notions, amorcés par l’auteur il y a plusieurs décennies, ont mis au jour un trésor nourri de cultures locales et populaires, propres à ces deux provinces iraniennes que sont le Kurdistan et le Luristan.
Les textes rédigés en anciens dialectes kurdo-gouranis, par la rareté de leur lexique et l’étrangeté des formes linguistiques, ont ainsi pu préserver leur authenticité, n’ayant pas subi les transformations et manipulations de ces œuvres dont la langue résistait moins à la compréhension.
Cette deuxième partie d’une étude ayant pour objet les mythes historisés de l’époque islamique, est focalisée sur la deuxième version de la Geste du Cavalier de la montagne. Plusieurs fragments et épisodes, d’une portée inédite et d’un charme insolite, ponctuent le déroulement de ces événements mythico-historiques. Ils font ici l’objet d’un traitement particulier qui s’ajoute aux compléments thématiques et linguistiques apportés à la première partie.
Ces mots archaïques et idiomatiques, disséminés ça et là dans les ouvrages tant épiques et littéraires que religieux, font entendre les voix des habitants de ces montagnes et de ces plaines, avec une intensité et une naïveté que peu de langues peut contenir ou rendre.
Pour apprécier les faits à leur juste mesure, disons que la littérature des F. de V. (Ahl-i Haqq) ne forme qu’une goutte dans le vaste océan de ces contes et de ces traditions populaires. Elle a cependant le mérite de conserver quelques résidus précieux de ce riche et fécond patrimoine dont l’Iran est le dépositaire. Mots clés: Ahl-i Haqq, gourani, Chah Khôchîn, ethnologie, mythologie, contes populaires, linguistique, dialectes anciens.
Summary
The archaic quality of certain expressions in the compilation of texts by “People of Truth” made a certain number of ideas difficult and complex. The deciphering of these documents and the understanding of these notions, begun by the author several decades ago, have brought to light a treasure nourished by local and popular cultures, indigenous to the two provinces of Iran: Kurdistan and Luristan.
The texts written in ancient kurdo-gurani dialects, because of the rare nature of the vocabulary and the strangeness of the linguistic forms, have thus been able to conserve their authenticity; they have not undergone the transformations and manipulations of those Works whose language was less incomprehensible.
The purpose of the second part of this study, was to focus on the historical myths of the Islamic period and examines the second version of “the Tale of Knight on the Mountain”. Several fragments and episodes, never before re-ported and utterly charming, underline these mythic historical events. They are here handled in an unusual way which is added to additional thematic and linguistic elements from the first part.
The archaic and idiomatic vocabulary found here and there in literary and epic as well as religious works, allows us to hear the inhabitants of these mountains and plains, speaking with an intensity and a simplicity found and rendered in few languages.
To truly appreciate the facts in their entirety, let us say that the literature of “People of Truth” is but a drop in the immense ocean of these popular traditions. Their merit lies in the conservation of precious bits of this rich and fecund legacy found in Iran.
Key-words: Ahl-i Haqq, Gourani, Chah Khōchīn, ethnology, mythology, contes populaires, linguistique, dialectes anciens.
Mythe Historisé de l’Epoque Islamique
Fragments intrus et cycles nostalgiques**
«Nous étions quatre frères et un vieux père,
«Trois d’entre nous étaient archers et portaient un carquois avec une flèche.
«Sur les montagnes nous étions les léopards et dans les bosquets nous étions les lions.
«Nous étions les anges dans le ciel et les émirs à la cour.»
Tel est le contenu d’un fragment composé en persan, inséré dans le texte gourani du B.- Kh. P. (verset 97).
Lorsqu’un paléontologue ou un archéologue découvre au cours de ses fouilles un fossile ou l’éclat d’une pièce en terre cuite ou en pierre, terni par le temps et la poussière, il se peut qu’il ignore d’emblée la valeur exacte de ce simple objet et le message historique qu’il transmet. Mais, alors que de retour dans son laboratoire, il le dépoussière et en scrute toutes les parties avec sa loupe, c’est avec joie qu’il en déchiffre le code par lequel un monde effacé se met à vibrer.
Ainsi se dégage-t-il du style même de ce morceau insolite, une atmosphère étrangère à l’ensemble du texte, dans lequel pourtant il s’intègre fortuitement. Je ne saurais dire par quel miracle ces quelques lignes singulières ont pu trouver place ici ni d’où elles ont pris leur envol pour venir se joindre à ces versets.
Ce fragment de bonne facture est composé dans un style narratif qui rappelle les anciens contes nostalgiques.
En connaissance de cause, je peux éprouver la puissance évocatrice de ces mots. Ils forment en quelque sorte la substance et l’essence du mécanisme de ces contes, grâce aux deux volets fondamentaux qu’ils mettent en place, le cadre familial en ouverture et la performance dévolue aux sujets, préalables au déroulement de l’histoire.
Ces deux traits constituent, en effet, les éléments préalables nécessaires à ce type de récits. La famille patriarcale descend, dans les mythes et ...
** Ces études, comme il a été auparavant précisé, s’attachent à déceler des phénomènes culturels et à en cerner les diverses expressions. Comme tout observateur neutre et extérieur, je me suis uniquement concentré sur les appareils lexicologiques et thématiques — dans lesquels se lit l’inscription de traditions populaires et classiques — sans aucun parti pris. Voir aussi 1^ partie, note 1.
Mohammad Mokri
Mythe Historisé de l’Epoque Islamique au Luristan
La Geste du Roi Khōchīn, le Cavalier de la Montagne
Journal Asiatique
Extrait du Journal Asiatique
Tome 287,1 (1999), pp. 9-190
Mythe Historisé de l’Epoque Islamique Au Luristan
La Geste du Roi Khōchīn, le Cavalier de la Montagne
Études d’Ethno-Lexicologie
(Deuxième Partie)
Mohammad Mokri
Directeur de Recherche Honoraire au CNRS
PARIS
1995
Téléchargement de document non-autorisé.