Parfums d’enfance à Sanate
Ephrem-Isa Yousif
L’Harmattan
Ce récit nous emmène dans un village chrétien perdu dans les montagnes du Kurdistan irakien dans les années cinquante.
Il nous donne une vision colorée de la vie des Assyro-Chaldéens, ce peuple méconnu: la famille, le mariage, la mort, la vie des femmes, les coutumes spécifiques...
Le narrateur, Icho, est un petit garçon sensible, observateur et enthousiaste. Doué d’une riche mémoire, il se sent l’héritier d’une très ancienne histoire et gardien de la langue araméenne que parlait le Christ. Il nous livre ses joies et ses peines, ses émerveillements devant la nature, ses rêves d’enfant.
Ephrem-Isa Yousif est né en 1944 à Sanate, en Irak. Il a fait ses études à l’Université de Nice et a obtenu un doctorat en civilisation en 1980. Depuis 1981, il enseigne la philosophie, la langue et la littérature arabes à Toulouse.
Table des matières
Chapitre I: Le bouc promis / 7
Chapitre II: La famille / 11
Chapitre III: Printemps à Sana te / 17
Chapitre IV: Les anecdotes de mon enfance / 21
Chapitre V: Premières joies / 31
Chapitre VI: Mes premières surprises / 39
Chapitre VIIL'été / 49
Chapitre VIII Le mariage de Sarah / 55
Chapitre IX: L'automne / 63
Chapitre X: Mes peines d'enfant / 67
Chapitre XI: L'importance des coutumes / 79
Chapitre XII: Voyages / 89
Chapitre XIII L'hiver / 93
Chapitre XIV Femmes victimes à Sanate / 97
Chapitre XV Quatre assassinats / 109
Chapitre XVI Les événements à Sanate dans les années cinquante / 119
Chapitre XVII Ouverture vers le nouveau monde / 133
I
LE BOUC PROMIS
D'après ma mère, Ouarina, je naquis un premier janvier, sous l'étoile des mages chaldéens. C'était doublement fête pour les chrétiens du nord de l'Irak. Ils célébraient le nouvel an. Ils commémoraient la présentation de Jésus au temple.
Ce jour-là, de bon matin, mon père revenait de la messe. Sur le chemin baigné d'ombre, il aperçut un gamin qui bondissait à sa rencontre. Ce dernier lui cria d'une voix aiguë, en faisant de grands gestes du bras:
— Youssef, j'ai une bonne nouvelle, oui une excellente nouvelle pour toi. Il t'est né un fils. Un fils premier-né.
— Dieu soit loué! Ouadir, mon petit messager du bonheur, je vais t'offrir mon plus beau bouc!
C'était un magnifique présent. Tout ému, main dans la main, les deux hommes se hâtèrent vers la maison sise au milieu du village.
Dans la chambre, ma grand-mère Ketro leur présenta avec fierté le nouveau-né. Le cœur de Youssef déborda de joie. Il toucha la tête du bébé et dit: «Que ton nom soit Icho, puisque nous fêtons aujourd'hui le nom du sauveur.» Et cet Icho, c'est moi.
Ouarina sortait à peine de l'enfance. Elle reposait dans son lit. La lumière grise du jour entrait par la fenêtre et éclairait son visage pâle, épuisé. Elle avait beaucoup souffert, elle avait eu très peur de périr au cours de l'accouchement, comme cela se produisait parfois. Assise près de sa fille durant cette épreuve, Ketro, qui remplissait bénévolement les fonctions de sage-femme dans le village, l'avait encouragée par de chaudes paroles, lui avait récité le chapelet, chanté les litanies des saints, et tous les cantiques qu'elle connaissait. Elle avait reçu dans ses bras le petit garçon, l'avait lavé et couché dans un berceau en bois peint, orné d'un roseau pour uriner.
Dans notre tribu, chez les Bi-Issac, dès le second jour de la naissance, l'on apportait aux parents du bébé les repas de la journée, la jeune accouchée étant dans l'impossibilité de se lever, de faire la cuisine. A cette occasion, les femmes de la «grande famille» vinrent aider ma mère. La situation était délicate. Ouarina, toute surprise, s'avisa qu'elle n'avait pas assez de lait. Comment nourrir son fils, au lait de vache ou de brebis? Ma grand-mère découvrit la solution:
- J'ai trouvé, s'écria-t-elle dans un éclat de voix, c'est bien simple, plusieurs femmes ont en ce moment des enfants au sein, elles peuvent faire téter Icho.
Je ne garde naturellement aucun souvenir de mon baptême, qui fut célébré deux semaines plus tard. Par ce sacrement je fus intégré dans la communauté chrétienne et dans la grande famille. Ketro me rapporta plus tard que je portais une longue robe de satin vert pâle, et que je fus purifié le premier parmi six nouveaunés. Grâce à cette faveur, mes parents purent organiser chez eux une fête. Ils invitèrent tous les dignitaires du village, dont le curé Matty, un homme à la barbe poivre et sel, célèbre pour sa gaité, à déguster un bon riz au poulet, des noix, des raisins secs, des dattes et des grenades, le tout arrosé de thé. Puis ils offrirent au prêtre de menus présents: une somme d'argent, des serviettes et des savons pour sa femme et ses enfants. Matty raconta des histoires drôles et mit beaucoup d'ambiance comme à son habitude. Il avait aussi des dons de guérisseur et l'on venait de loin pour le consulter.
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Ephrem-Isa yousif
Parfums d'enfance à Sanate
Un village chrétien au Kurdistan irakien
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Lettres kurdes
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Un village chrétien au Kurdistan irakien
Ephrem-Isa yousif
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