Le Nouveau Paysage Politique Turc, apres la Constitution de 1982
Nevzat Celik
Université de Paris X
Le 14 avril 1987, le gouvernement turc dépose officiellement une demande d'adhésion à la Communauté Economique Européenne. 1987 constitue en Turquie, l'année du retour complet à la démocratie puisque s'y tiennent de libres élections législatives d'où aucun parti politique et leader politique n'est exclu.
A l'appui de sa demande, la Turquie argue notamment ...
Table des Matières
Introduction / 1
Premiere partie
Le pouvoir politique et la politisation de la societe / 8
Chapitre I
La turquie : situation socio-politique et economique avant le coup d’etat de 1980 / 8
Section I : le developpement du terrorisme et des groupes clandestins / 9
Section II : la crise economique / 17
Section III : exode rural et urbanisation / 23
A) Urbanisation et déséquilibres régionaux / 26
B) Les politiques d'urbanisation / 34
Section IV : opposition et intransigeance des leaders politiques / 41
Chapitre II
Le coup d'etat du 12 septembre 1980 / 48
Section I : les buts du coup d'etat / 50
Section II : les consequences du coup d'etat / 53
Section III : les reactions internationales / 57
A) La réaction des pays / 58
B) La réaction des organisations syndicales internationales / 60
Section IV : le role de l'armee / 63
Chapitre III
Passage d’un regime militaire a un regime civil / 74
Section I : l’assemblee consultative / 74
Section II : le referendum du 7 novembre 1982 / 80
Section III : l'analyse de la constitution de 1982 / 85
A) Le préambule / 86
B) Les principes généraux / 87
C) Les droits et devoirs fondamentaux / 87
D) Les organes fondamentaux de la République / 90
1) La Grande Assemblée Nationale de Turquie / 91
2) Le Président de la République / 92
3) Le Conseil des Ministres / 94
Deuxieme partie
Les partis politiques en turquie / 98
Chapitre I
La naissance des partis politiques en turquie / 98
Section I : evolution de la structure socio-politique et le clientelisme des partis politiques / 110
A) Naissance des notables et de la bourgeoisie / 119
B) La fondation des partis politiques / 128
C) Le système électoral / 136
D) Le clientélisme des partis politiques / 149
a) La pression des partis politiques sur les électeurs / 157
b) Les groupes de pression / 160
c) Les campagnes électorales / 161
Section II : Le regime du parti unique (1923-1945) / 166
a) Le Parti Républicain Progressiste (Terakkiperver Cumhuriyet Firkası) / 171
b) Le Parti Républicain Libéral (Serbest Cumhuriyet Firkasï) / 173
Section III : Le Passage Au Multipartisme (1946) / 176
Section IV : Evolution de la Vie Politique et Typologie des Partis Politiques
Avant le Coup D'etat De 1980 / 185
A) Les partis de gauche / 192
1) Le Parti Républicain du Peuple {Cumhuriyet Halk Partisi) / 192
2) Le Parti Ouvrier de Turquie (Türkiye İççi Partisi) / 200
3) Le Parti de l'Union de Turquie (Türkiye Birlik Partisi) / 205
4) Les Partis Politiques Kurdes / 206
5) Les partis de gauche d'autres tendances / 211
B) Les partis de droite / 212
1) Le Parti de la Justice (Adalet Partisi) / 212
2) Le Parti de l'Action Nationale (Milliyetçi Hareket Partisi) / 219
3) Le Parti du Salut National (Milli Selamet Partisi) / 222
4) Le Parti de la Nouvelle Turquie (Yeni Türkiye Partisi) / 226
Le Parti Républicain de la Confiance (Cumhuriyetci Güven Partisi) / 227
Chapitre II
Les partis politiques apres la constitution de 1982 / 230
Section I : les militaires et les partis politiques / 231
A) Les nouveaux partis exclus des élections / 233
B) Les élections législatives du 6 novembre 1983 / 235
1) Limitation par le Conseil National de Sécurité des partis en présence / 235
2) La campagne électrorale / 238
3) La victoire de l'ANAP (le Parti de la Mère Patrie) / 239
C) Les élections locales du 25 Mars 1984 / 243
a) Adoption d'une loi électorale en vue de limiter l'opposition / 244
b) La victoire de l'ANAP aux élections locales du 25 mars 1984 / 246
Section II : causes de la victoire de l'ANAP (Le Parti de la Mère Patrie) / 252
Section III : repartition geographique des voix entre les partis politiques
lors des elections de 1983 et 1984 / 255
A) Le Parti de la Mère Patrie (Anavatan Partisi) et
le Parti de la Juste Voie (Dogru Yol Partisi) / 257
B) Le Parti Populiste (Halkçi Partisi) et
Le Parti Social Démocrate (Sosyal Demokrasi Partisi) / 262
C) Le Parti du Bien-Etre (Refah Partisi) et le Parti Démocratique
National (Milliyetçi Demokrasi Partisi) / 264
Vers plus de liberalisme economique et politique / 267
Section I : les tensions au sein du gouvernement Özal / 270
A) Une politique économique entraînant un fort mécontentement
populaire et la perte de confiance des milieux d'affaires / 271
B) Les scandales politiques / 274
C) Les courants idéologiques au sein de l'ANAP / 278
Section II : les elections legislatives partielles du
28 septembre 1986 / 280
Section III : les elections legislatives du 29 novembre 1987 / 285
A) La levée des interdictions concernants les anciens dirigeants
de partis politiques et la modification de la loi électorale / 286
B) Réactions des partis politiques / 289
C) Le résultat des élections legislatives du 29 novembre 1987 / 292
Section IV : les elections locales du 26 mars 1989 / 294
A) Référendum du 25 septembre 1988 pour des élections locales anticipées / 296
B) Les résultats des élections locales du 26 mars 1989 / 299
Troisieme partie
L'islam et la laïcite en turquie / 303
Chapitre I
La naissance de l'empire ottoman / 303
Section I : le pouvoir politique et le pouvoir religieux dans l'empire ottoman / 304
Section II : l'islam apres la laïcisation / 318
Section III : la resurgence de l'islam sous le regime democratique / 332
Section IV : l'enseignement religieux dans la Republique Turque
apres la constitution de 1982 / 338
A) Education religieuse dans les écoles primaires / 343
B) Education religieuse dans les écoles moyennes / 345
C) Education religieuse dans l'enseignement secondaire / 346
D) La formation des imams et des prédicateurs / 347
E) L'enseignement religieux supérieur / 350
Chapitre II
Les partis politiques et la religion / 353
Section I : le changement de l'ideologie religieuse / 363
Section II : le programme de parti du bien-etre et la religion (un parti religieux) / 369
Section III : la politique de l'etat et la religion / 378
Section IV : la place de la religion et du kemalisme dans la societe turque / 381
Chapitre III
Courants islamistes et politiques en Turquie / 388
Section I : les courants religieux en Turquie / 393
A) La secte Nakchibendi / 396
B) La secte Tidjani / 398
C) L'ordre religieux süleymanci / 399
D) L'ordre religieux nurcu / 403
E) Religiosité populaire / 410
Section II : la question religieuse en Turquie de 1960 A 1990 / 412
Section III : la repolitisation de l'islam et l'infiltration des islamistes
dans les rouages du pouvoir / 419
Conclusion / 431
Bibliographie / 445
Annexe I : Extraits de la Constitution de 1982 (loi n° 2709 du 7 novembre 1982) / 462
Annexe II : Les résultats des principaux partis politiques lors des élections de 1977 à 1991 / 491
Annexe III : La loi Anti-Terreur / 494
Annexe IV : Repères Chronologiques de 1453 à 1991 / 511
Sigles / 516
INTRODUCTION
Le 14 avril 1987, le gouvernement turc dépose officiellement une demande d'adhésion à la Communauté Economique Européenne. 1987 constitue en Turquie, l'année du retour complet à la démocratie puisque s'y tiennent de libres élections législatives d'où aucun parti politique et leader politique n'est exclu.
A l'appui de sa demande, la Turquie argue notamment du caractère démocratique de son régime. Son Président de la République, Turgut Özal, présente le coup d'Etat de 1980 comme le mal nécéssaire au maintien de la démocratie. Dans une opération de séduction envers l'opinion française et européenne, notamment dans un livre intitulé "La Turquie en Europe", il insiste sur le fait que son pays est l'héritier de la pensée hellénique, romaine et chrétienne que les turcs ont su intégrer à l'islam. T. Özal précise que les traces de la Révolution française et du positivisme de Durkeim sont présents dans le laïcisme et le nationalisme, les deux fondements de la République turque.
La démocratie rétablie progressivement par les militaires à partir de 1980, repose-t-elle sur des valeurs aussi sûres que le prétend T. Özal ? N'est-elle pas fragile, puisque dans son histoire récente la Turquie a connu trois coups d'Etat en vingt ans ? Celui de 1980 a-t-il permis en fin de compte un affermissement de la démocratie turque ?
De l'analyse de la vie politique turque de 1945 à 1980, il apparaît que la démocratie ne s'est jamais totalement affirmée. Certes, au lendemain de la seconde guerre mondiale, le régime politique va se transformer dans le sens d'une relative démocratisation. D'un côté, le Parti Républicain du Peuple (PRP) fondé en 1923 par M. Kemal ; de l'autre le Parti Démocrate (PD) fondé par Adnan Menderes qui se situe dans une ligne kémaliste voisine du PRP. (Cette dualité avait été voulue par M. Kemal ; il souhaitait l'existence de deux partis kémalistes : l'un plus libéral et l'autre plus étatiste). Mais, là où le P.R.P est d'abord urbain, militaire, étatiste et réformiste, le Parti Démocrate se veut davantage civil, antiautoritaire, libéral sur le plan, économique. Parti où les propriétaires fonciers ont du poids, il s'appuie notamment sur les ruraux. Cette tentative démocratique semble réussir : en 1950, le Parti Démocrate gagne les élections, et la Turquie paraît s'orienter vers le bipartisme.
Or, les années 1950-1960 vont montrer que ce système aboutit à des impasses. Des partis politiques sont interdits. La presse est étroitement contrôlée. La démocratisation n'est donc que partielle. Le PRP et le PD perdent progressivement de leur contenu, ils se transforment en centres de ralliement politique autour des personnalités qui les dominent, Adnan Menderes et Ismet İnönü. Pour se concilier les électeurs, ils adoucissent le laïcisme de Mustafa Kemal : l'enseignement religieux dans les écoles est à nouveau autorisé et le mouvement pour la scolarisation des filles s'arrête ; de même il est significatif qu'on rétablisse l'usage de l'arabe (interdit depuis 1924) pour l'appel à la prière. Le kémalisme lui-même se trouve en danger.
C'est la prise de conscience de ce risque qui explique le passage à une seconde phase de l'histoire turque.
Cette phase débute par les troubles de mai 1960, aboutissant à la prise du pouvoir par une armée qui se divise entre colonels réformateurs à tendance dictatoriale et généraux kémalistes soucieux de revenir à la pureté des origines. Sous l'impulsion du général Gürsel, ces derniers confient à l'armée une sorte de magistère moral : l'armée aura désormais pour charge de surveiller les premiers pas délicats d'une démocratie turque mise en liberté surveillée et réorganisée. La Constitution de juillet 1961 est libérale, elle garantit le droit de grève, la liberté de conscience et celle de la presse.
Malgré cette libéralisation et l'alternance au pouvoir de deux partis : le Parti de la Justice fervent défenseur de la libre entreprise et de l'accueil des investissements étrangers, et le P.R.P. devenu davantage social-démocrate, l'armée est de nouveau obligée d'intervenir en 1971. La montée du terrorisme et la paralysie de la vie politique liée à l'absence de majorité pour gouverner sont les principales causes de cette intervention.
La vie politique de la Turquie se caractérise de 1973 à 1980 par l'alternance régulière et démocratique au pouvoir de Bülent Ecevit et de Süleyman Demirel. Le premier, président du Parti Républicain du Peuple (PRP), et qui se voulait sur le plan de la laïcité le continuateur de Kemal Atatürk et d'İsmet İnönü, remporte les élections générales du 5 juin 1977.
Représentant la gauche, mais trouvant à l'occasion des alliés jusqu'à l'extrême-gauche, il a quelque mal à former un gouvernement de coalition à dominante social-démocrate, lequel ne se réinstalle qu'au début de l'année 1978. Après avoir été contraint d'instaurer l'état de siège dans treize départements (à causes d'affrontements entre sunnites et alevis), il doit céder le pouvoir, en novembre 1979, à Süleyman Demirel. Celui-ci, chef du parti de la Justice (PJ), considéré comme conservateur bien qu'il lui arrive de rassembler autour de son nom une clientèle politique plutôt libérale, ne peut gouverner qu'au prix de concessions sans fin à ses alliés de droite et d'extrême-droite.
Le paradoxe de la vie politique turque est, en effet, que les chefs des deux partis dominants, le PRP et le PJ, qui auraient pu s'accorder pour gérer ensemble les affaires de l'Etat nonobstant la rivalité entre les deux hommes tant les principes auxquels ils se réfèrent sont en théorie proches, sont obligés de compter avec deux formations de la droite : le Parti du Salut National (PSN), animé par Necmettin Erbakan, décrit volontiers comme "islamique" car toujours prompt à mobiliser les passions au nom de l'islam, et le Parti de l'Action Nationaliste (PAN), de l'ex-colonel Alparslan Türkeş, coauteur du putsh de 1960 et ultra-nationaliste. Ainsi, Bülent Ecevit a souvent dû faire appel à Necmettin Erbakan pour conforter sa fragile majorité au Parlement, et l'ex-colonel Türkeş s'est trouvé à plusieurs reprises, vice-président du Conseil dans les gouvernements Demirel (dans le front national).
A partir de 1978, les symptômes des divisions, à partir de critères idéologiques (droite-gauche), ethniques (Turcs, Kurdes) et religieux (Sunnites-Alévis) deviennent plus apparents ; la violence politique ne cesse de s'intensifier. Le radicalisme religieux débouche sur de graves affrontements confessionnels. Quant à l'essor du radicalisme …
Nevzat Celik
Le Nouveau Paysage Politique Turc, apres la Constitution de 1982
Université de Paris X
Université de Paris X - Nanterre
U.F.R. de Sciences Juridiques, Economiques et Politiques
Le Nouveau Paysage Politique Turc, apres la Constitution de 1982
Arrêté du 30 mars 1992
Thèse de Doctorat en Sciences Politiques présentée et soutenue par
Nevzat Celik
Jury :
M. Robin Maurice
Professeur, Président du jury
Directeur de Recherche :
M. Jean-Marie Demaldent
Rapporteurs :
M. Oktay Cemil
Professeur des Sciences Politiques à l'Université d'Istanbul
M. Bozarslan Hamit
Docteur en Sciences Politiques
26 juin 1995