Pirtûkxaneya dîjîtal a kurdî (BNK)
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Archives du Genocide des Armeniens


Nivîskar : Johannes Lepsius
Weşan : Fayard Tarîx & Cîh : 1986, Paris
Pêşgotin : Alfred GrosserRûpel : 318
Wergêr : Marie-France LetenouxISBN : 2-213-01790-5
Ziman : FransizîEbad : 135x210 mm
Hejmara FIKP : Liv. Fre. Lep. Arc. N° 7552Mijar : Giştî

Archives du Genocide des Armeniens

Archives du Genocide des Armeniens

Johannes Lepsius


Fayard


Les documents allemands relatifs à la déportation et à la liquidation physique des populations arméniennes d'Anatolie au cours de la Première Guerre mondiale sont d'un intérêt unique.
Il s'agit d'archives d'État réunies par le pasteur Johan- nès Lepsius, fondateur de la Deutsche-Orient Mission, avec l'accord du ministère des Affaires étrangères allemand au lendemain de la Première Guerre, montrant sans ambiguïté la responsabilité dans l'extermination d'une population entière du gouvernement « Jeune Turc » dont l'Allemagne avait été l'alliée.
Pour la première fois, ces archives capitales, fondées sur des rapports consulaires et des témoins officiels, sont portées à la connaissance d'un public non-germanophone.
L'État turc continue, après 70 ans, de nier la réalité des faits et exerce des pressions constantes auprès de tous ses alliés afin d'empêcher la reconnaissance du crime par les États et les instances internationales.
Faisant suite à la sentence morale rendue par le « Tribunal permanent pour le Droit des Peuples » tenu à Paris (1983), la France, par la déclaration de son Président, a reconnu le génocide des Arméniens (1984). Après une bataille de procédure de près de douze années où la Turquie a tenté d'escamoter toute mention du cas des Arméniens, un rapport à l'ONU sur la « prévention et la répression du crime de génocide », mentionnant celui des Arméniens, vient d'être adopté par les experts de la « sous-commission contre les mesures discriminatoires et pour la protection des minorités » (1985).
Dans la campagne de désinformation menée par la Turquie au sein du Conseil de l'Europe, aux États-Unis comme à l'ONU, nul doute que la publication de ces documents oubliés ne vienne, de façon irréfutable, témoigner de l'as¬sassinat d'une nation.


Table

Préface d’Alfred Grosser / 7
Note pour l’édition française, par le Dr Tessa Hofmann / 13
Notice biographique de Johannes Lepsius / 20
Avant-Propos, par Johannes Lepsius / 21
Introduction, par Johannes Lepsius / 25
Archives (1914-1918) / 61
1914 / 63
1915 / 71
1916 / 191
1917 / 241
1918 / 261

Appendices :
1. Zeytoun et Souediye / 277
2. Van / 289
Glossaire des mots turcs / 303
Bibliographie succincte / 305


PRÉFACE

Des études récentes ont permis à des milliers de Français de connaître l’horrible ampleur du massacre des Arméniens. Mais la lecture du livre de Johannes Lepsius s’impose tout de même, bien qu ’il ait été publié en Allemagne voici soixante-sept ans. D’abord parce que l’ensemble de ces témoignages spontanés de diplomates ou d’ecclésiastiques allemands, rédigés comme autant d’appels au secours, constitue la plus irréfutable des preuves. Ensuite et surtout parce qu’ils posent, de la façon la plus dramatique et la plus directe, des questions de fond qui n’ont cessé, hélas, d’être d'actualité.

Notamment celle du droit à la mémoire, du droit d’exiger que le pays au nom duquel le massacre fut commis prenne conscience du crime et en perpétue lui-même le souvenir. C’est bien pour cela que les responsables de l’édition française se sont adressés, pour la préfacer, non pas à un Arménien, non pas à un spécialiste de la question arménienne, mais à quelqu’un qui, depuis quarante ans, se préoccupe des exigences morales qu’a fait naître la tentative d’extermination totale des Juifs par l’Allemagne hitlérienne. Qu’on essaie un moment d’imaginer ce qu’on res¬sentirait si le gouvernement allemand d’aujourd’hui niait la réalité de la tuerie et obtenait aux Nations Unies, grâce au sou¬tien d’États ethniquement, religieusement ou politiquement proches, que tout allusion à cette tuerie soit effacée des textes adoptés par l’organisation mondiale se réclamant de la Déclaration uni-verselle des Droits de l’Homme...

Bien des pages évoqueront cependant pour le lecteur d’aujourd’hui des moments plus récents de l’histoire de l’inhumanité. Les textes du 9 février 1916 et du 14 mai 1917 décrivent des évacuations forcées de villes entières, malades et inva¬lides compris. Des évacuations destinées à faire mourir toute une population. C’est à Phnom Penh qu’on pense ici, aux images reconstituées par un film comme La Déchirure. D’autant plus que l’un des buts des autorités turques avait également été de détruire les familles pour pouvoir plus aisément transformer en totalité la personnalité des enfants auxquels on permettrait de survivre. Dans le cas des petits Arméniens, les témoignages montrent comment était conçue leur éducation, leur « rééducation » islamique. Terrible ironie de l’Histoire : en 1985, ce sont les autorités bulgares qui s’acharnent à imposer une métamorphose « spontanée » aux ressortissants turcs de leur pays, avec « bulgarisation » forcée des noms et des coutumes. Sans massacres, semble-t-il, mais avec tout un cortège de violences. Les protestations turques, parfaitement justifiées, auraient plus de force si le passé était assumé — et si ne se posait pas encore, en Turquie comme ailleurs, le problème du sort infligé aux Kurdes.

Les appels au gouvernement allemand qui retentissent dans tant de documents réunis par Lepsius sont demeurés inefficaces. Et leurs auteurs eux-mêmes ont évité de mettre leurs témoignages sur la place publique. Parce que, pour la plupart, ils étaient des diplomates tenus au respect de la voie hiérarchique. Et parce que l’Empire ottoman était en guerre aux côtés de l’Allemagne. Réticence coupable ? Dans une certaine mesure, assurément. Les signataires du beau texte commun d’organisations catholiques et protestantes étaient pour la plupart des personnalités connues. Une pression publique sur leur gouvernement eût peut-être poussé celui-ci à intervenir sérieusement auprès des responsables turcs et eût donc sauvé au moins quelques Arméniens. Mais il faut évoquer alors d’autres culpabilités. Celles de la période hitlérienne : les silences des Eglises allemandes, le silence public de Pie XII — quels terribles délits de non-assistance à victimes ! Mais Roosevelt aussi savait et s’est tu pour ne pas être accusé de favoriser le judaïsme. Et les dirigeants américains et britanniques, à commencer par Churchill, savaient à quels massacres se livrait de son côté l’Union soviétique : il ne fallait pas accuser l’allié, même après la fin de la guerre. Ainsi, à Nuremberg, il fut interdit de présenter avec précision le massacre des officiers polonais à Katyn.

Il y a aussi les culpabilités impliquées par des silences plus récents. Sous prétexte que le gouvernement coupable est un allié, même si l’on est en paix. Ainsi les Occidentaux face aux colonels grecs. Ou, plus récemment encore, face aux violences exercées par les dirigeants turcs à l’encontre de nombre de leurs concitoyens.

Les signataires catholiques et protestants des lettres de ce volume n’ont-ils pas été spécialement choqués parce que les vic-times étaient chrétiennes et les bourreaux musulmans ? Peut-être. Mais, avant de leur en faire grief, réfléchissons un peu au cas de la France. Certes, nous sommes parfaitement capables, au nom de notre tranquillité ou d’une certaine politique arabe, de faire pratiquement silence sur des massacres dont des communautés chrétiennes sont l’objet : cette capacité-là, nous la démonstrons depuis plusieurs années à propos du Liban. Il se trouve cependant que, tout au long de la décolonisation d’après-guerre, c’est à propos de tueries infligées à des hommes, des femmes, des enfants sur d’autres continents ou en provenance d’autres continents qu ’un terrible silence s’est installé chez nous, à peine trou¬blé par quelques voix qui criaient la vérité. Les morts français du métro Charonne ont fait manifester plus d’un million de Parisiens ; les victimes de l’horrible ratonnade du 17 octobre 1961 n'étaient que des Algériens de Paris : dix ou vingt fois plus nombreuses que celles de Charonne, elles ont été ignorées sur le moment et sont restées largement ignorées jusqu’en 1985 où ou les a enfin évoquées sérieusement. En attendant, qu’on veuille bien se souvenir du massacre perpétré au nom de la France à Madagascar en 1947.

Au nom de la France et non pas par les Français. Aucune généralisation ne devrait jamais être faite. Ni pour un peuple dont des membres, fussent-ils nombreux, se sont faits auteurs ou complices de massacres, ni, à plus forte raison, pour les descendants des contemporains du crime. C’est ce que quelques-uns d’entre nous avons dit en France à propos des Allemands dès 1945, et constamment répété depuis lors. C’est ce que les Arméniens de toute nationalité devraient dire à propos des Turcs, surtout ceux d’aujourd’hui.

L’une des raisons qui les empêchent le plus souvent de le dire, c’est précisément la différence entre les dirigeants allemands et les dirigeants turcs d’aujourd’hui. On peut, on doit affirmer qu ’il n 'existe pas de culpabilité collective allemande, surtout pas héréditaire, dans la mesure où les dirigeants allemands de l’après-guerre ont pleinement accepté l’idée de responsabilité, au sens de l’anglais liability et de l’allemand Haftung ; les successeurs anti-hitlériens d’Hitler ont assumé, en particulier par le traité de réparations conclu avec Israël en 1952, l’héritage du crime, en quelque sorte par prise en charge, vis-à-vis des victimes, des conséquences des actions commises par l’entitéjuridique Allemagne.

Tant que les dirigeants turcs n’accepteront pas au moins l’idée de cette responsabilité-là, il sera difficile de convaincre nombre d’Arméniens passionnés que la culpabilité collective n’existe pas. Il n’en résulte pas qu’il faille innocenter ceux qui ont recours au terrorisme en se fondant sur une condamnation globale de la Turquie. Non, un diplomate turc n’est pas coupable ni destiné à être abattu sous prétexte qu’il sert un gouvernement qui n’est pas celui qui massacre tout en se refusant à admettre que le massacre ait eu lieu. Il y a là une différence essentielle avec l’attentat commis en 1938 à Paris par un jeune Juif abattant un diplomate allemand pour attirer l’attention du monde sur les persécutions en cours. Et même ainsi, on peut ne pas être convaincu de la légitimité de la mort du diplomate. Faut-il alors vraiment ajouter que les attentats contre des Turcs non gouvernementaux et contre des non-Turcs se préparant à prendre un avion vers la Turquie sont contraires à la dignité morale de la cause et de la mémoire qu’ils prétendent défendre ?

Est-il aussi permis à quelqu’un qui n’est pas directement concerné d’exprimer un espoir qui paraîtra sacrilège à une partie des concernés ? De l’effroyable sort infligé aux Arméniens de Turquie ne découle aucune nécessité, pour les descendants des survivants ni pour d’autres originaires d’Arménie, de vivre leur solidarité arménienne de telle façon plutôt que de telle autre. L’espoir, c’est que ce fait soit reconnu et accepté par les Arméniens désireux de retrouver une terre arménienne habitée par un peuple arménien, face notamment aux Arméniens français qui veulent rester implantés en France en communauté avec d’autres Arméniens français. Face surtout aux Français d’origine arménienne qui veulent garder et répandre le souvenir de l’horreur sans être contraints pour autant de renoncer à la priorité qu’ils accordent à leur appartenance à la France. Auschwitz ne justifie aucun monopole du sionisme dans les communautés israélites de France, moins encore parmi les Français dont la judaïté se réduit au souvenir et à la solidarité avec les persécutés ou les agressés.

Il faut donc lire ce livre. Pas pour se faire crisser les nerfs, mais pour comprendre dans l’émotion la réalité des souffrances et de la mort massive infligées aux Arméniens. Pour faire connaître cette réalité autour de soi, particulièrement si on a la chance de pouvoir diffuser la connaissance comme professeur ou comme journaliste. Enfin et peut-être surtout, pour mieux réfléchir sur les notions fondamentales de la morale politique.

Alfred Grosser

Note Pour l’Edition Française

« Les hommes supportent les pires atrocités, mais la vérité, ils ne la supportent pas. » Heinrich Vierbücher

Le recueil de documents diplomatiques publié en 1919 par Johannes Lepsius — Deutschland und Arménien*, dont le titre même annonce clairement le propos — compte, avec le Livre bleu britannique, au nombre des sources les plus impor-tantes en ce qui concerne la responsabilité du gouvernement turc dans l’anéantissement du peuple arménien entre 1915 et 1917. L’intérêt tout particulier des sources allemandes est dû à la situation privilégiée qu’occupaient les diplomates alle-mands en tant que ressortissants d’un État allié militairement et économiquement à la Turquie : il y avait des consulats allemands dans presque toutes les capitales des provinces de l’Empire ottoman, à l’exception de Van, et, contrairement aux adversaires de la Turquie — Grande-Bretagne, France, Russie et, à partir de 1917, États-Unis —, les Allemands eurent la possibilité de recueillir et de diffuser librement une vaste somme d’informations.

Les nombreux rapports qui furent ainsi rédigés ou transmis par les consuls allemands et acheminés au ministère des * Affaires étrangères de Berlin par l’Ambassade allemande de Péra (Constantinople) ne laissent subsister aucun doute sur l’intention du gouvernement turc d’exterminer systéma-tiquement les quelque 2 100 000 citoyens arméniens de l’Empire ottoman — en particulier la population de l’Arménie …

* « L’Allemagne et l’Arménie. »


Johannes Lepsius

Archives du Genocide des Armeniens

Fayard

Librairie Arthème Fayard
Archives du Genocide des Armeniens
Recueillies et présentées par
Johannes Lepsius

Préface d’Alfred Grosser

Archives du Génocide des Arméniens
recueil de documents diplomatiques allemands
extraits de Deutschland und Arménien (1914-1918)
par le Dr Johannes Lepsius
traduit de l’allemand par Marie-France Letenoux
préface d’Alfred Grosser

© 1986, Librairie Arthème Fayard

Achevé d’Imprimer le 26 Mars 1986
Sur les Presses de l’Imprimerie Hérissey
À Évreux (Eure)

35-57-7562-01
ISBN : 2-213-01790-5

N° d’éditeur : 774
N° d’imprimeur : 39222
Dépôt légal : mars 1986
Imprimé en France

archives_du_genocide_des_armeniens_j_lepsius.pdf
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