Pirtûkxaneya dîjîtal a kurdî (BNK)
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L’Enfant Kurde


Nivîskar : Régis Ghezelbash
Weşan : Jacob-Duvernet Tarîx & Cîh : 2011, Paris
Pêşgotin : Rûpel : 248
Wergêr : ISBN : 978-2-84724-345-1
Ziman : FransizîEbad : 135 x 210 mm
Hejmara FIKP : Liv. Fre. Ghe. Enf. N° 6715Mijar : Wêje

L’Enfant Kurde

L’Enfant Kurde

Régis Ghezelbash

Jacob-Duvernet

Le Kurdistan iranien des années 1950. Un autre temps. Un autre monde. Dara, l’enfant kurde, voit le jour à Téhéran, à l’heure du soleil couchant. Il est le dernier né d’une lignée princière, fils d’Aziz khan et d'Agnès la douce, la juive iranienne... Ainsi parlait Talat, sa grand-mère. Et comme tous les enfants du monde, Dara adorait les contes et les légendes que lui racontait Talat, le soir, pour l’endormir.
En 1957, la Russie lançait le premier Spoutnik. Le monde ancien des Kurdes allait bientôt disparaître. Dara avait 6 ans. Il était déjà l’enfant de cette double destinée, fasciné autant par le monde indomptable des cavaliers kurdes que par l'Occident. Il le devra à l’éducation reçue de son père, cet homme qui a su traverser tant de tragédies, à travers tant de pays aux cultures si différentes dont il s’est imprégné, sans perdre son identité.
Dara suivra son père dans les montagnes où vivent de redoutables chefs de tribus. Il y découvrira la cérémonie de l’opium, la chasse aux chevreuils, les maisons aux toits en terrasses, assiégées par les loups. Dara vivra bien d’autres aventures qui feront de lui ce jeune homme kurde que l’on retrouvera, une cer-taine nuit, en jean, chemise à carreaux et buvant du Coca-Cola, au milieu des rites ghaderi, là où la veille encore, il chevauchait un cheval noir en pantalon bouffant, ceint d’une cartouchière.
« Ma vie a changé, raconte le cinéaste et producteur Régis Ghezelbach - l’enfant kurde -, quand j’ai compris que les personnages des légendes que me racontait ma grand-mère, étaient en réalité mes ancêtres. » C'est proba¬blement pour cette raison que l’enfant kurde, devenu un homme, ne passe pas une heure de sa vie sans la compagnie des plus grands poètes persans, Omar Khayyam ou Jalal al-Din Muhammad Rumi, dont il aime citer ces quelques vers :
« Sois comme l'eau courante pour la générosité
Sois comme le soleil pour l’affection et la miséricorde
Sois comme la nuit pour la couverture des défauts d'autrui
Sois comme la mort pour la colère et la nervosité
Sois comme la terre pour la modestie et l’humilité
Sois comme la mer pour la tolérance. »


-I-

LES CONTES DE GRAND-MERE TALAT

« À Téhéran, un jour chaud de juin 1951, à l’heure du soleil couchant, naissait à l’hôpital du Chemin de fer, un garçon dernier né d’une grande lignée princière, petit-fils d’Arachekhan, le seigneur de Kaboul, fils d’Aziz khan, le valeureux qui avait combattu le lion blanc, et d’Agnès la douce, la souriante, la juive iranienne à l’opulente chevelure brune et frisée, ta mère, ma bien chère fille. Et ce bébé, c’était toi Dara. »

Ainsi parlait Talat, une belle femme d’une cin-quantaine d’années, aux yeux turquoise et aux che-veux blonds, épais et frisés comme sa fille, penchée au-dessus du lit de l’enfant qui allait bientôt avoir 5 ans.
Chaque soir, Talat, la grand-mère de Dara, lui racontait l’histoire de ses ancêtres remplaçant la mère de son père tragiquement décédée ; elle savait quelle devait attendre encore pour dévoiler à l’enfant l’horreur des trahisons et des assassinats. Plus tard, la vérité lui serait révélée... L’heure n’était pas venue. Dara avait l’âge des enchantements et des parfums des rêves persans sur lesquels il s’endormait le soir en rêvant.

Il ne se lassait jamais d’entendre la description du jour de sa naissance. Alors, Talat, patiemment, lui répétait ce ravissement qu’est la naissance d’un enfant : « Dara, quand tu es né, le ciel était rouge, la chaleur incandescente et ta mère bien fatiguée - tu étais son sixième enfant - les forces allaient lui manquer quand tu jaillis de son ventre, le visage et le corps rouges comme le ciel de ce jour et elle s’est écriée qu’elle avait mis au monde un fils de feu et de flamme. Alors ses forces ressurgirent. Elle t’enveloppa dans ses cheveux pour t’en faire un berceau et te serra contre son sein en murmurant que tu brûlais comme une braise chaude et elle rit en regardant ton père. Lui, le grand seigneur sévère, se saisit de toi et te souleva bien haut, face au ciel où se couchait le soleil, et il cria sa fierté :
“Ma chère femme, il nous est né une tête rouge, rouge comme la betterave douce, un vrai prince Ghezel-Bash, louée sois-tu !” Et il l’embrassa avec grande tendresse et respect en te reposant au milieu de ses cheveux déployés où tu t’endormis, heureux. »

Dara, en entendant ces mots, rougit de bonheur ; ses cheveux noirs et frisés encadraient un visage fin, à la peau fine et blanche où le sang affluait en vagues, à la moindre émotion ; ses yeux couleur de cannelle broyée vous pénétraient loin dans le cœur quand ils vous fixaient intensément. Son nez busqué ajoutait à sa physionomie une autorité altière que l’on ne percevait pas tout de suite car il était gracile et délicat.
Dara avait une personnalité contrastée comme les traits de son visage : sérieux et rieur, rêveur et obéissant, rebelle et solitaire, affectueux et fier.
Il aimait s’inventer des scénarios où il était un seigneur qui protégeait sa tribu et gagnait toutes les guerres.

Talat, sa grand-mère, nourrissait son imaginaire et il s’endormait souvent, la tête pleine de rêves fabuleux où des chevaliers aux turbans rouges et aux visages dorés chevauchaient, en rangs serrés, un immense empire sur des coursiers noirs. On aurait dit en les voyant une seule et même flamme qui avançait vers les hautes montagnes du Slehakachakan, là où personne n’avait jamais pu passer, ni les mongols ni aucune autre tribu, parce qu’elles portaient le cœur des Kurdes et appartenaient à eux seuls...

Le lendemain, Agnès réveilla Dara. Il était le petit dernier, le plus gâté, celui qui avait une chambre pour lui seul, vaste, couverte de tapis colorés et de petites voitures qu’il collectionnait. Il aimait organiser des courses et c’était toujours la voiture noire de son papa, une Buick, qui gagnait !
Sa maman portait, ce matin-là, un long déshabillé de soie bleue sur une chemise de nuit assortie, largement décolletée. Tous les matins, son premier réflexe était de chercher le sein de sa maman, avant même de prendre son petit déjeuner. Agnès le gron-dait gentiment en caressant ses cheveux ébouriffés :

- Tu es trop grand, Tête Rouge, jusqu’à quel âge devrais-je t’allaiter ? Tu ne veux pas grandir ?
Et Dara riait sans répondre, montait sur une chaise pour atteindre les seins nourriciers puis nouait ses bras très fort autour du cou de sa maman, cachant son visage dans leurs chevelures réunies. Ce fut ainsi que Naneh les trouva, si beaux, la mère et le fils, sur le lit.

Naneh était très vieille, elle portait comme toujours une longue robe de lin noir et un foulard trans¬parent de la même couleur qui laissait apercevoir de beaux cheveux blancs tressés. Ses yeux sombres laissaient filtrer la bonté de son cœur et quand Dara la vit s’avancer, il se leva, lâcha sa mère et courut vers elle. II aimait beaucoup cette femme maigre et silencieuse qui chantait pour lui des poèmes persans, les après-midi où il ne voulait pas faire sa sieste.

Naneh lui préparait toujours son petit déjeuner mais Dara avait toujours faim !
Les chambres étaient situées au premier étage de la maison forteresse où logeait toute la famille et Dara, comme à son habitude, descendit joyeusement les marches, serrant fort la main de Naneh.
— Ton estomac, l’entends-tu chanter ? lui demanda-t-elle en riant.
— Colle ton oreille, Naneh, il chante ! Répondit Dara.

La vieille dame se prêta au jeu et colla son oreille sur le ventre du petit Dara qui explosa de rire.
- Cet estomac a faim, il crie très fort ! Il attend son petit déjeuner... Vite Dara, ne le contrarions pas !
- J’aurais du miel ?
- Tu as du miel !
- Et du fromage blanc ?
- Ah, je ne sais pas, nous devons aller voir !

Alors Dara, souple comme un chat de Perse, se précipita dans le petit salon où l’attendait le petit déjeuner de ses délices. Rien ne manquait ; le miel, le fromage blanc, le pain quelle pétrissait elle-même et le thé noir bien chaud. Naneh avait ajouté un samanu, cette pâte très sucrée, symbole d’abondance dont Dara raffolait.
Quand il eut terminé, le petit garçon se tourna vers Naneh en lui montrant son ventre et la tendre vieille dame y colla de nouveau son oreille en murmurant :

— Que voilà un estomac content : il ne gronde plus, on ne l’entend plus. C’est le grand silence ! Serait-il plein ?
Et le rire de Dara résonnait dans toute la maison.
— Mon estomac est plein !
..…


Régis Ghezelbash

Môguy Chollet

L’Enfant Kurde

Jacob-Duvernet

Éditions Jacob-Duvernet
L’Enfant Kurde
Régis Ghezelbash
Môguy Chollet

© Éditions Jacob-Duvemet, 2011

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134, rue du Bac, 75007 Paris
Tél. : 01 42 22 63 65
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www.editionsjd.com

Achevé d’imprimer en juin 2011
par CPI Firmin Didot (106210)

ISBN : 978-2-84724-345-1
Dépôt légal : juin 2011

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