Les Kurdes de Syrie
I - Le Monde Kurde
Dans les montagnes de l'Asie antérieure, le peuple kurde occupe une zone qui affecte à peu près la forme d'un croissant; long de mille kilomètres, large au maximum de quatre cents; ses contours, mal définis, sont approximativement jalonnés, vers le sud-ouest, par Djérablous, sur l'Euphrate, Mossoul, sur le Tigre, et les monts Zagros au sud-ouest de Kirmanschah ; vers le nord-est, par Malatia, Erzeroum, Erivan, Saoudj Boulak et Senné. Autour de ce noyau relative- ment compact gravitent, comme autant de satellites, les groupes kurdes isolés du Kurd Dagh à l'ouest d'Alep, du mont Sindjar à l'ouest de Mossoul (Kurdes yézidis), du Khorassan, de l'Azerbaidjan, de l'Anatolie occidentale; voire même des éléments épars, très excentriques, à Damas, en Transjordanie, dans le Fayoum égyptien, en Afghanistan, dans la Dobroudja.
Réparties, au point de vue politique, entre cinq Etats, les populations kurdes compactes n'ont été l'objet d'aucun dénombrement régulier; l'on ne saurait retenir les estimations numériques proposées le plus souvent à des fins de propagande, et qui varient du simple au triple. Pour fixer les idées, l'on peut admettre que les Kurdes sont au nombre de deux à quatre millions...
Les Kurdes de Syrie
I - Le Monde Kurde
Dans les montagnes de l'Asie antérieure, le peuple kurde occupe une zone qui affecte à peu près la forme d'un croissant; long de mille kilomètres, large au maximum de quatre cents; ses contours, mal définis, sont approximativement jalonnés, vers le sud-ouest, par Djérablous, sur l'Euphrate, Mossoul, sur le Tigre, et les monts Zagros au sud-ouest de Kirmanschah ; vers le nord-est, par Malatia, Erzeroum, Erivan, Saoudj Boulak et Senné. Autour de ce noyau relative- ment compact gravitent, comme autant de satellites, les groupes kurdes isolés du Kurd Dagh à l'ouest d'Alep, du mont Sindjar à l'ouest de Mossoul (Kurdes yézidis), du Khorassan, de l'Azerbaidjan, de l'Anatolie occidentale; voire même des éléments épars, très excentriques, à Damas, en Transjordanie, dans le Fayoum égyptien, en Afghanistan, dans la Dobroudja.
Réparties, au point de vue politique, entre cinq Etats, les populations kurdes compactes n'ont été l'objet d'aucun dénombrement régulier; l'on ne saurait retenir les estimations numériques proposées le plus souvent à des fins de propagande, et qui varient du simple au triple. Pour fixer les idées, l'on peut admettre que les Kurdes sont au nombre de deux à quatre millions.
Bien que les vicissitudes de l'histoire ne lui aient pas permis d'atteindre l'indépendance, ni même une parfaite cohésion, le peuple kurde garde une individualité incontestable. Il appartient à la grande famille iranienne, dont il forme un rameau distinct; après de longues hésitations, dues à l'insuffisance des observations scientifiques, les ethnologues tendent aujourd'hui à lui reconnaître des caractères raciaux originaux; les linguistes, loin de ne voir dans la langue kurde que le « patois iranien de montagne » dont on a parfois parlé, estiment qu'il s'agit d'un dialecte iranien parfaitement distinct; Socin hésite même à y voir un « Schwesterdialekt » du persan moderne, et constate qu'il ne provient pas directement du vieux perse, ce qui recule singulièrement loin les origines de son autonomie.
Presque totalement rallié à l'Islam, si l'on excepte les groupes yezidis, le peuple kurde garde néanmoins en matière religieuse une certaine originalité, due en particulier, semble-t-il, à la prédominance dans la vie kurde des facteurs tribaux sur les facteurs confessionnels. D'une part., extension considérable au Kurdistan de certaines confréries, comme celle des Nakichbendî, influence immense des chefs religieux souvent opposés aux chefs tribaux; d'autre part., alliances islamo-chrétiennes dans le cadre clos tribus ou des confédérations de tribus, survivances curieuses et très vivantes de pratiques anté-islamiques: tels sont les traits principaux, paradoxalement conjugués, de la vie religieuse au Kurdistan...
Pierre Rondot
Les Kurdes de Syrie
Extrait de la France méditerranéenne et Africaine
(1939, fasc. 1). p. 81-126
Deuxième partie
Monographies diverses
