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Notice sur la vie de Saladin


Auteur : M. Reinaud
Éditeur : Société Asiatique Date & Lieu : 1824, Paris
Préface : Pages : 42
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 130 x 190 mm
Code FIKP : Liv. Fr.Thème : Histoire

Notice sur la vie de Saladin

Notice sur la vie de Saladin, Sultan d'Egypte et de Syrie

M. Reinaud

Société Asiatique


Malek-Nasser Youssouf Salah-eddin, plus célèbre sous le nom de Saladin, était d'origine curde, et naquît à Tekrit sur le Tigre, en 532 de l'hégire, 1137 de J.-C. Son père, ainsi que beaucoup de ses compatriotes, avait quitté les montagnes de Curdistan, pour se mettre au service de quelques petits princes de la Mésopotamie; il avait alors le gouvernement de Tekrit. On le nommait Ayoub. C'est de là que les princes de la famille de Saladin qui régnèrent après lui en Egypte , en Arabie , en Syrie et en Mésopotamie, furent appelés du nom général d'Ayoubides. On rapporte que le jour même de la naissance de Saladin, un frère d'Ayoub, nommé Schircouh, lequel devint fameux dans la suite, commit un meurtre; ce qui contraignit Ayoub de s'enfuir précipitamment avec sa famille. Les deux frères se rendirent en Syrie, auprès de Zengui, prince d'Alep et de Moussoul, qui remplissait alors l'Orient du bruit de ses exploits. C'était le tems des guerres les plus vives entre les Musulmans et les Francs ou Chrétiens d'Occident établis en Palestine. Ayoub et Schircouh prirent part à ces guerres, et se signalèrent par leur courage. En récompense, Ayoub reçut la ville de Baalbec en fief; mais, ...


NOTICE SUR LA VIE DE SALADIN


Malek-Nasser Youssouf Salah-eddin, plus célèbre sous le nom de Saladin, était d'origine curde, et naquît à Tekrit sur le Tigre, en 532 de l'hégire, 1137 de J.-C. Son père, ainsi que beaucoup de ses compatriotes, avait quitté les montagnes de Curdistan, pour se mettre au service de quelques petits princes de la Mésopotamie; il avait alors le gouvernement de Tekrit. On le nommait Ayoub. C'est de là que les princes de la famille de Saladin qui régnèrent après lui en Egypte , en Arabie , en Syrie et en Mésopotamie, furent appelés du nom général d'Ayoubides. On rapporte que le jour même de la naissance de Saladin, un frère d'Ayoub, nommé Schircouh, lequel devint fameux dans la suite, commit un meurtre; ce qui contraignit Ayoub de s'enfuir précipitamment avec sa famille. Les deux frères se rendirent en Syrie, auprès de Zengui, prince d'Alep et de Moussoul, qui remplissait alors l'Orient du bruit de ses exploits. C'était le tems des guerres les plus vives entre les Musulmans et les Francs ou Chrétiens d'Occident établis en Palestine. Ayoub et Schircouh prirent part à ces guerres, et se signalèrent par leur courage. En récompense, Ayoub reçut la ville de Baalbec en fief; mais, après la mort de Zengui, le désordre s'étant mis dans ses états, Ayoub fut obligé de quitter Baalbec, et vint s'établir à Damas, auprès du prince de cette ville.

Cependant les succès de Zengui avaient retentis jusqu'en Occident; une nouvelle croisade s'était formée et Louis VII, roi de France, et Conrad, empereur d'Allemagne, étaient venus mettre le siège devant Damas (an 543, 1'48 de J.-C); Ayoub y montra son zèle accoutumé , et perdit dans un -assaut son fils aîné (1). Tel était, à cette époque, l'enthousiasme religieux des Musulmans, que, six ans après, le prince de Damas, menacé par les armes de Nour-eddin, fils de Zengui, devenu prince d'Alep, ayant cherché son appui dans les forces des chrétiens, fut abandonné de ses émirs et de ses -sujets, et la ville fut remise à Nour-eddin. Ayoub eut beaucoup départ à cet événement, et reçut en récompense le gouvernement de Damas. Pour son frère Schircouh, il était resté au service de Nour-eddin, et avait le commandement de ses armées. Pendant ce tems, le jeune Saladin était auprès de son père, livré aux amusemens de son âge. Rien n'annonçait encore ce qu'il devait être un jour. On le voyait ne s'occuper que de plaisirs, et il aurait probablement passé sa vie dans l'obscurité, sans un événement qui développa son caractère, et changea la face de l'Orient ( an 559, 1164 de J.-C.).

L'Egypte, alors au pouvoir des califes de la race «les Fatimides, était en proie à la plus horrible anarchie. Les califes vivaient retirés au fond de leur palais, et laissaient l'autorité à leurs visirs. La seule chose qu'ils eussent conservée, c'était le droit de consacrer les usurpations de leurs ministres, d'être inscrits sur les monnaies, et nommés dans les prières publiques. Les visirs disposaient seuls du commandement des armées, de l'emploi des finances et du gouvernement des provinces. Dans ces entrefaites, l'esprit de rivalité s'était emparé des émirs, et ils voulaient tous s'arroger le pouvoir. Schawer, un des visirs dépossédés, étant allé implorer l'assistance de Noureddin, ce prince hésita un moment. A la fin, comme il était à craindre que les Francs, à la faveur du désordre, ne s'emparassent de l'Egypte, il crut devoir les prévenir. Schircouh , le plus habile de ses généraux, fut celui dont il fit choix pour cette expédition.
Schircouh envahit sans peine l'Egypte, et Schawer fut rétabli dans sa dignité. Mais la discorde n'ayant pas tardé à éclater, le visir appela les Francs à son secours, et Schircouh fut obligé d'évacuer l'Égypte. Dès lors ce général n'eut plus qu'une pensée, ce fut d'y rentrer à main armée, et d'en faire la conquête (an 562, 1166 de J.-C. ). Mais cette nouvelle expédition échoua encore par l'arrivée subite des Francs. Ce qu'elle eut de plus remarquable, ce fut la grande réputation qu'y acquit tout à coup Saladin; il avait alors trente ans. A la bataille de Babeïn, où son oncle avait à combattre les Francs et les Égyptiens, il commanda le centre de l'armée, et eut beaucoup de part au succès de la journée. Il fit aussi preuve d'une grande habileté au siége d'Alexandrie. Les habitans de cette ville, la plupart marchands, après l'avoir, par haine contre le visir et les chrétiens ses alliés, appelé dans leurs murs, menaçaient, à l'approche du danger, de l'abandonner. Déjà les environs étaient au pouvoir de l'ennemi; la ville manquait de provisions, et la garnison était faible. Saladin, par la sagesse de sa conduite, releva et entretint les courages abattus; il repoussa toutes les attaques, et donna à son oncle le tems de venir le secourir. L'un et l'autre reprirent le chemin de la Syrie. Mais le tems n'était pas loin où les obstacles devaient s'aplanir (an 564, 1168 de J.-C); jusque-là c'était Amauri, roi de Jérusalem, qui avait arrêté leurs efforts. Cette année, ce prince artificieux et sans foi, voyant l'Egypte paisible et ses forces épuisées, forma le dessein de la subjuguer. Déjà il était arrivé jusque sous les murs du Caire, lorsque Schircouh, appelé à son tour par le visir, le mit en fuite. Alors, de concert avec Saladin, il fit couper la tête au visir, et prit sa place; et, comme il mourut, deux mois après, Saladin lui succéda. Tout cela se fit du consentement du calife. On le nommait Aded-lidin-allah , et il était à peine sorti de l'adolescence. Ce malheureux prince, dans l'espoir de ressaisir, sous un si jeune ministre, l'ancienne puissance du califat, le choisit de préférence aux autres émirs. Nour-eddin lui-même, qui devait bientôt avoir à gémir sur les suites de cette élévation, en avait été la première cause, en exigeant que Saladin accompagnât son oncle en Egypte. En effet, Saladin était d'abord parti pour cette guerre malgré lui, et, ainsi qu'il le disait lui-même dans la suite, comme un homme qu'on mène à la mort. Mais, une fois parvenu au pouvoir, il ne songea plus qu'à s'en montrer digne.

Il commença par s'attacher les troupes, en les comblant de largesses; de plus, il en imposa à la multitude par une grande dévotion. D'une vie licencieuse, il passa à la conduite la plus austère, et s'abstint du vin et de tout ce que réprouve la religion musulmane. Cependant sa position était fort difficile. D'un côté, il avait à ménager Nour-eddin , dont il dépendait, et qui était fort jaloux de son autorité; de l'autre, il devait se tenir en garde contre le calife, qui commençait à agir secrètement contre lui. Il avait aussi à se défendre contre les préjugés religieux des Égyptiens.
Un grand schisme divisait alors les peuples mahométans. Quelques-uns étaient pour le calife de Bagdad, d'autres pour celui du Caire. Les deux partis s'anathématisaient mutuellement, et se traitaient d'hérétiques. Il fallait que Saladin, qui, ainsi que Nour-eddin, était dévoué aux intérêts du pontife de Bagdad, usât des plus grands ménagemens. Déjà les Egyptiens, qui d'abord avaient applaudi à sou élévation, dans la crainte d'être subjugués par les Francs, commençaient à montrer de la résistance. D'ailleurs, Saladin en s'emparant du pouvoir, n'avait pu s'empêcher de satisfaire ses émirs et les compagnons de ses victoires. Suivant l'usage de ce tems, il leur avait distribué des terres et des bénéfices militaires, et les avait fait entrer en partage des honneurs et des places. Tout cela n'avait pu se faire qu'au détriment de beaucoup d'Egyptiens. Bientôt les mécontens jurèrent sa perte, et cherchèrent des auxiliaires jusque chez les Francs de Jérusalem et les Grecs de Constantinople. Saladin découvrit la conspiration, et punit les coupables. Il déjoua, avec le même bonheur, les efforts des Chrétiens qui étaient venus assiéger Damiette. Cependant le danger pouvait renaître à tout moment. Dans ces conjonctures, Nour-eddin fut d'avis de ne pas dissimuler plus long-tems, et de renverser le calife, qui était l'âme de tous ces troubles. Saladin, plus prudent, prépara peu à peu les esprits. Il fit enseigner la doctrine des pontifes de Bagdad dans les collèges et les écoles; il resserra plus étroitement que jamais le calife, et, lorsqu'il en fut tems, il abolit le califat d'Egypte. Les mesures avaient été si bien prises, qu'il ne s'éleva pas le moindre tumulte; et, comme le calife vint à mourir sur ces entrefaites, le feu de la sédition s'éteignit peu à peu. Cette mort du calife, dans un moment si opportun, a fait dire à quelques auteurs chrétiens du tems, que ce fut Saladin qui le tua. Au reste, Saladin reçut en celle occasion du ça life de Bagdad le glorieux titre de restaurateur de l'autorité du commandeur des croyans (2).
 
Maisbien tôt la division éclata entre lui etNour-eddin: ce dernier, heureux dans ses entreprises, et dont toute» les vues étaient tournées contre les Francs, aurait voulu couronner sa carrière par la ruine entière des colonies chrétiennes d'Orient. Saladin, qui plus tard mit tant d'ardeur à l'exécution de ce dessein, craignit alors que Nour-eddin , après avoir abattu les chrétiens, ne voulût l'abattre lui-même , et il ménagea les ennemis de l'islamisme. Cette conduite indigna Nour-eddin: dans sa colère, il manifesta l'intention «l'aller renverser son lieutenant. Saladin, de l'avis de son père, redoubla extérieurement de soumission, et il offrit de se faire traîner aux pieds de Nour-eddin, la corde au cou, comme un vil criminel: mais au fond, il se préparait à repousser la force par la force; son père lui-même l'exhorta en particulier à ne pas céder, ajoutant que, voulût-on seulement exiger de lui une canne à sucre, son devoir était de mourir plutôt que de fléchir. Saladin, vers la même époque, envoya un de ses frères conquérir la Nubie et l'Arabie heureuse, afin d'y trouver un refuge au besoin. Pour Nour-eddin, il se calma d'abord, et forma d'autres desseins. Enfin , au moment où il se disposait à entrer à main armée en Egypte, il mourut ( an 569, 1173 de J.-C.).

Dès-lors la face des choses changea. Saladin se hâta d'étouffer une nouvelle conspiration qui avait éclaté contre lui; il repoussa une flotte sicilienne qui avait fait une descente devant Alexandrie: après quoi, il tourna ses vues d'un autre côté, et résolut de s'emparer de la Syrie. Cette contrée, depuis la mort de Nour-eddin, était dans la plus grande confusion. Nour-eddin n'avait laissé qu'un fils âgé de onze ans, et sous cet enfant les émirs se disputaient le pouvoir. Sur ces entrefaites, les Chrétiens étant venus faire une invasion sur les terres de Damas, les émirs, au grand scandale des Musulmans, avaient acheté leur retraite. Saladin affecta de paraître révolté de cette conduite: en qualité de vassal du fils de Nour-eddin, il protesta de son dévouement; mais il réclama hautement contre la honteuse faiblesse des émirs, et eut l'art de se présenter aux peuples comme le vengeur de la religion offensée. «Vous avez, écrivit-il aux émirs, fait» la paix avec les Chrétiens. Cependant les Chrétiens sont nos ennemis-communs. Vous avez fait tourner au profit des infidèles l'argent destiné à protéger les vrais croyans. C'est un crime contre Dieu, contre son prophète, contre tous les gens de bien.»

Nonobstant cette lettre, les émirs ne changeant pas de conduite, Saladin eu mit quelques-uns dans ses intérêts, et, sous prétexte de vouloir rétablir la tranquillité, se fit livrer Damas. Il prit aussi Hamah, Emesse, et enfin alla assiéger le fils de Nour-eddin même dans Alep. Dès-lors il ne fut plus possible de se méprendre sur ses intentions; les habitans se hâtèrent de prendre les armes, et plusieurs princes de ...

1) Quelques auteurs chrétiens du tems ont cru à tort que Saladin eut occasion, dans cette croisade, d'être remarqué de la reine Ele'onore, qui avait accompagné le roi Louis VII, et qu'il en fut aimé. Saladin n'avait alors que dix ans, et vivait dans la maison paternelle.

2) ... On retrouve ce titre sur quelques anciennes frappées au coin de Saladin.

M. Reinaud

Notice sur la vie de Saladin
Sultan d'Egypte et de Syrie

Société Asiatique

Société Asiatique
Notice sur la vie de Saladin
Sultan d'Egypte et de Syrie
Par M. Reinaud

Employé au Cabinet des Manuscrits orientaux de la Bibliothèque du
Roi, Membre du Conseil de la Société Asiatique

Paris
A la Librairie Orientale de Dondey-Dupré Père et fils
Imp.-Lib. de la Société Asiatique
Rue Saint-Louis, no 46, au Marais; et rue Richelieu, no 67
vis-à-vis la Bibliothèque du Roi

M DCCC XXIV



Extrait

Du Journal Asiatique, rédige par Mm. de Chézy,— Coquebert de Montbret, — Degérando,—Fauriel, — Garcin De Tassy, — Grangeret de Lagrange,—Hase,—Klaproth,— Raoul-Rochette ,—Abel-Rémusat,—Saint-martin ,—Silvestre de Sacy,—et autres Académiciens et Professeurs français et étrangers

Et publié par la Société Asiatique.

Il parait, par année, douze cahiers de ce recueil, qui forment deux volumes in-80.

Le prix de l'abonnement, pour l'année, est de 30 francs.

On ne peut souscrire pour moins de six mois ou d'un volume ; alors l'abonnement est de 12 fr.

Il faut ajouter pour le port,
Pour les département. ... 1 fr. 25 cent, par volume.
Pour l'étranger 2 fr. 5o cent. idem.

On s'abonne à Paris, à la Librairie Orientale de
Dondey-Dupré père et fils, Imp.-Lib. , Éditeurs-Propriétaires du Journal Asiatique, rue St.-Louis, n° 46, au Marais, et rue de Richelieu, n 67, où l'on peut se procurer le Catalogue de langues et littérature Orientales, qui vient de paraître;
Et chez les principaux libraires de la France et de l'étranger.

 



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