La Turquie entre l'ordre et le développement
Ahmet Insel
L’Harmattan
Un nombre important d'États réalisent, de nos jours, dans le « tiers monde » la fonction d'agent d'institution de l'économique et transforment profondément la physiologie de ces sociétés. La Turquie offre un exemple relativement précoce de cette volonté développementiste dont l'expression s'est généralisée à partir des années 50 dans le « tiers monde ». Conçu, dirigé et étroitement encadré par l'État, le développement économique de la Turquie fait partie d'un projet plus global et englobant l'occidentalisation de la société. Dans ce projet d'occidentalisation élaboré par les élites de l'État, le développement économique prend son sens en ce qu'il assure à l'État sa pérennité. Les relations de pouvoir apparaissent ainsi comme une dynamique fondatrice et principale du processus de mutation sociale et de développement économique. Les entreprises d'État illustrent, dans leur institution et leur fonctionnement, la totalité des déterminations de la volonté développementiste. Elles répondent principalement à une logique de contrôle de la société par l'État. Elles entretiennent une couche d'entrepreneurs et d'ouvriers inféodée aux « garants de l'État ». En fait, les entreprises d'État participent en Turquie à la volonté de réalisation simultanée de l'ordre d'État et du développement. C'est dans cette volonté des élites de l’État turc que réside, plus ouvertement de nos jours, toutes les contradictions de l'histoire moderne de la Turquie.
Ahmet Insel est né en 1955 à Istanbul. Après avoir fait ses études supérieures en économie à Paris, a soutenu une thèse de troisième cycle en 1982 sur le Rôle de l'État dans le développement et l'occidentalisation de la Turquie dont ce livre constitue une version modifiée et raccourcie. Ahmet Insel est actuellement enseignant dans les Universités de Paris IV et Paris VIII, et participe à des recherches sur les relations de l'État et de l'économie. |