Les pensées hébraïques, arabes, persanes et égyptiennes
Roger-Pol Droit
Hermann
Son nom vient du grec ancien, mais la philosophie n’est pas l’apanage des cultures issues de la Grèce antique. Au contraire, les Grecs eux-mêmes considéraient souvent que la philosophia venait d’ailleurs, et qu’ils n’en étaient pas les inventeurs. Tout au long de l’histoire occidentale s’est maintenue cette conviction : les autres aussi sont philosophes. C’est seulement à la fin du XIXe siècle que la pensée occidentale s’est refermée sur elle-même, délaissant toutes les perspectives théoriques autres au profit de la seule tradition gréco-latine. Le second volume de cette anthologie rassemble des extraits de textes philosophiques essentiels des civilisations hébraïque, arabe, persane et égyptienne. Ces passages, dont la plupart sont traduits pour la première fois en français, et regroupés selon leur langue d’origine, permettent de découvrir les lignes de force de ces philosophies étrangères tout en révélant leur tonalité particulière. Présentés par d’éminents spécialistes internationaux réunis spécialement sous la direction de Roger-Pol Droit, ces corpus sont éclairés par des études de synthèse et accompagnés de notes, glossaires et références mettant à la disposition du lecteur les moyens d’approfondir les sujets de son choix.
Sommaire
Les pensées hébraïques / 11 Un ailleurs si proche et pourtant si méconnu / 13 par Raphaël Draï Textes hébreux / 35 présentés, traduits et annotés par Raphaël Draï et Michaël Azoulay 1. « Toute vie est égale devant Dieu » / 37 attribué au Roi Salomon 2. « La Justice n’appartient qu’à Dieu » / 43 par Yehudah ha-Nassi 3. « La Vie, valeur absolue » / 49 Anonyme 4. « Dieu et le monde » / 57 attribué à Rabbi Chimon Bar Yoh'aï 5. « La valeur de l’homme dépend de ses actes » / 63 par Élie
6. « Le corps et l’esprit » / 69 par Salomon Ibn Gabirol 7. « Il n’y a de récompense qu’après la mort! » / 75 par Maimonide 8. « Qu’est-ce que la prophétie? » / 81 par Maimonide 9. « Comment les âmes sont créées » / 87 par Isaac Louria Ashkenazi 10. « De la complémentarité des trois religions monothéistes » / 93 par Juda Hallévi
11.« Les lois de la Nature» / 99 par Isaac Abravanel 12. « Pourquoi l’homme est-il supérieur à l’animal? » / 105 par Joseph Albo 13. « Qui est digne de recevoir l’enseignement? » / 109 par le Maharal de Prague 14. « De l’utilité des rites » / 115 par Samson Raphaël Hirsch 15. « Le travail assure-t-il à l’homme les faveurs de la Nature? » / 121 par Aharon David Gordon 16. « Le Sage et le Prophète » / 127 par André Neher 17. « Le Sujet ne s’accomplit qu’à travers la connaissance d’Autrui » / 133 par Eliane Amado Lévy-Valensi 18. « Dieu, la Révélation et la Loi » / 139 par Rav Joseph Dov Soloveichik 19. « L’autorité peut-elle être dangereuse? » / 145 par Menahem Elon 20. « Faut-il se mettre en danger pour sauver Autrui ? » 151 par Ovadia Yossef
Glossaire / 159 Bibliographie sélective / 167
Les pensées arabes et persanes / 171 Dieu, le monde et l’homme en philosophie islamique / 173 par Christian Jambet Textes arabes et persans / 197 présentés, traduits et annotés par Christian Jambet
I. Philosophie et sagesse / 199 1. « Qu’est-ce qu’un sage ? » / 199 par Avicenne 2. « L’autorité du philosophe » / 203 par Shihâb al-Dïn Yahyâ al-Suhrawardî 3. « La division des sciences philosophiques » / 209 par Avicenne
II Dieu et les mondes / 215 4. « La perfection divine » / 215 par Avicenne 5. « Le monde est imagination en imagination » / 221 par Ibn 'Arabî 6. « Dieu se manifeste en une infinité de lieux » / 227 par Sayyed Haydar Àmolï 7. « L’espace et le temps, signes de l’autre monde » / 231 par Naşîr al-Dïn al-Tüsï 8. « Le monde imaginai » / 235 par Qâzï Şa'îd Qommî 9. « Les trois mondes » / 243 par Mullâ Sadrâ Shïrâzï 10. « Totalité et infini » / 253 par Shihâb al-Dïn Yahyâ al-Suhrawardï
III. Les modes de connaissance / 257 11. « L’imagination » / 257 par Ibn Sab'ïn 12. « L’intelligence agente » / 261 par Avicenne 13. « La connaissance de soi » / 265 par Shihâb al-Dïn Yahyâ al-Suhrawardï 14. « Le message prophétique est nécessaire selon la sagesse philosophique » / 269 par Abü Ya'qüb al-Sijistânï
IV. La pensée du politique / 273 15. « Laisser libre accès aux savoirs antérieurs à l’Islam » 273 par Averroès 16. « Classification des hommes en fonction de la Religion » / 281 par Averroès 17. « L’homme politique idéal » / 289 par Fàràbï 18. « L’origine des sociétés humaines » / 295 par Fàràbï 19. « Les causes de l’aveuglement politique » / 301 par Abü Hâmid al-Ghazàlï
V. Eschatologie et formes du salut / 309 20. « Ne pas craindre la mort » / 309 par Mïr Dàmàd 21. « Médecine du corps et soins de l’âme » / 313 par Mustanşir bi 1-lâh 22. « Le voyage de l’homme vers Dieu » / 317 par Mullâ Sadrâ Shïrâzî 23. « L’extase de Plotin: peut-on s’élever hors de ce monde jusqu’au monde divin » / 323 Théologie dite d’Aristote et Gloses de Qâzï Sa'ïd Qommï 24. « L’amour » / 329 par Ahmad Ghazâlï 25. « Métamorphose de Nietzsche ou la folle sagesse » / 335 par Mohammad Iqbal Glossaire / 339 Bibliographie sélective / 345
Les pensées égyptiennes / 349 Note liminaire / 351 L’Égypte ancienne / 353 par Serge Feneuille Textes égyptiens / 363 présentés, traduits et annotés par Serge Feneuille
I. Les dieux et les hommes / 365 1. « Comment le monde a-t-il été créé » / 369 2. « La pensée et le corps » / 375 3. « L’origine des rites : les hommes au secours de Dieu » / 379 4. « La puissance du démiurge » / 383 Philosophies d’ailleurs
II. Ordre et désordre / 387 5. « La Justice est la règle divine » / 391 6. « Dieu et la justice immanente » / 395 7. « Sérénité d’une âme (bonne) à l’heure du jugement dernier » / 397 8. « Comment devenir sage ou les règles du bonheur » / 401
III. La naissance de la morale / 405 9. « Les vertus de l’homme sage » / 409 10. « Les vertus du souverain » / 413 11. « Le salut et le respect des interdits divins » / 415 12. « La puissance divine » / 417
IV. La mort / 421 13. « Comment le sage doit-il envisager la mort? » / 425 14. « Y a-t-il quelque chose après la mort? » / 427 15. « La Vie comme illusion et la Mort pour seule certitude » / 431 16. « Si l’on prononce le nom d’un homme alors il est vivant » / 433
Glossaire / 437
Bibliographie sélective / 443
Index des mots clefs / 445
LES PENSEES HEBRAÏQUES
Un ailleurs si proche et pourtant si méconnu par Raphaël Draï
« Pour se vouloir située « ailleurs », une philosophie, décentrée au regard des classifications convenues, n’en doit pas moins rester une philosophie. Cette première condition conduit à s’interroger, avant toute autre analyse, sur la possibilité même d’une philosophie juive. Ce n’est pas seulement que la pensée juive - usons de cette expression générique à seule fin d’engager un dialogue difficile —, soit assimilée à une théologie puisque Dieu y apparaît comme la préoccupation principale, sinon obsessive. C’est que les noms qui scintillent depuis des siècles au firmament de cette pensée - il suffit de nommer le Maharal de Prague et Rabbi Nah’man de Bratslav - ont eux-mêmes récusé la « philosophia » ou plutôt les « philosophim » , comme sectateurs de l « apikorsismé1 » , comme des manipulateurs, irresponsables et irrévérencieux, un tantinet galopins, d’idées qui les dépassent et qui, entre autres, récusent l’existence de Dieu et le principe que l’univers fût créé ex nihilo, tout en s’imaginant eux-mêmes auto-engendrés.
« Ce n’est pas que des rencontres avec la philosophie n’aient eu lieu, de Philon d’Alexandrie à Moïse Mendelssohn, en passant, bien sûr, par Maïmonide. Mais est-il sûr que ces rencontres ne furent pas de simples croisements en d’étroits chemins, où chaque protagoniste, après avoir échangé quelques mots avec son interlocuteur, s’empresserait de reprendre sa route, pensant qu’elle serait la plus sûre et la mieux orientée ? A l’opposé, les exemples sont nombreux de philosophes qui ont circonscrit leur domaine en excluant la question de Dieu, afin de le déclarer, purement « philosophique » 2. Pourtant, un concept peut-il être traité comme un vulgaire malandrin, introduit par effraction dans une propriété privée, ou comme une grosse mouche incapable de trouver la fenêtre vers où on la chasse à grands coups de torchon ? Une philosophie sans Dieu est-elle forcément une philosophie laïque, si cette formule n’est pas à son tour un pléonasme ? N’est-elle pas plutôt une philosophie athée, autrement dit une philosophie toujours habitée par l’objet qu’elle prétend dissoudre3 ?
« Pour être philosophe tout en étant habité par la préoccupation du religieux, faut-il procéder comme Ricœur et distinguer deux parts bien distinctes dans son œuvre : la part philosophique et la part théologique, comme si chacune se rapportait à un auteur différent ou à une aire corticale spécifique du cerveau? Par de telles pratiques, il semble que l’on prouve moins l’indépendance d’un esprit que les clivages du Sujet supposé penser. Est-il alors possible de procéder autrement? On constate déjà, par cette seconde interrogation préalable que les notions d’« ailleurs » et l’idée d’« autre » se conjoignent étroitement. Si une pareille attitude n’était pas possible, il faudrait qu’elle le devînt. Dans le monde actuel, qualifié au gré des jours, de post-moderne, post-humain, post-révolutionnaire, le monde « fragmintégré » de la planétarisation des territoires et de la globalisation des modes de pensée et de comportement, le monde de la « connectique » et des réseaux satellitaires, dans ce monde, s’ignorer de manière délibérée, c’est prendre le risque de s’affronter dans la pire posture qui soit : en méconnaissance de cause, puisque l’Autre ne cesse de protester qu’il existe bel et bien, avec son corps, sa parole, son écriture et sa pensée. Par où se démontre, au passage, un axiome lui-même méconnu de l’éthologie humaine: la proximité crée autant de difficultés qu’elle est censée en résoudre, et la rencontre du fameux « visage d’autrui » peut se durcir, pour un rien, en un impitoyable face-à-face.
« Peut-on au moins réduire l’antinomie entre « philosophie » et « pensée juive » , pour concevoir cette fois une philosophie juive, dans l’exercice de laquelle nul ne se croirait obligé de fracturer une fois de plus (et parfois une fois de trop) une conscience psychiquement étayée, déjà …
1. Cf. Glossaire.
2. Christopher Hitchens, The Portable Atheist, Essential Readings for the Nonbe-liever, Da Capo Press, 2007.
3. Cornelio Fabro, Introduction à l’athéisme moderne, Anne Sigier, 1999.
Roger-Pol Droit
Les pensées hébraïques, arabes, persanes et égyptiennes
Hermann
Hermann Éditeurs Philosophies d’ailleurs : Les pensées hébraïques, arabes, persanes et égyptiennes Tome II Sous la direction de Roger-Pol Droit
Hermann Éditeurs Depuis 1876
Collection Hermann Philosophie dirigée par Arthur Cohen
Version brochée : ISBN : 978 2 7056 6666 8 Version reliée : ISBN : 978 2 7056 6874 7
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Achevé d’imprimer sur les presses de l’Imprimerie Barnéoud 53960 Bonchamp-Lès-Laval en novembre 2009 Dépôt légal : août 2009 N° d’imprimeur : 910036 Imprimé en France