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L’épopée des Croisades


Éditeur : Perrin Date & Lieu : 1995, Paris
Préface : Pages : 324
Traduction : ISBN : 2.262.01120.6
Langue : FrançaisFormat : 140x230 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Gro. Epo. N° 3579Thème : Religion

L’épopée des Croisades

L’épopée des Croisades

René Grousset

Perrin

Après avoir publié sa monumentale et prestigieuse Histoire des croisades et du Royaume franc de Jérusalem, en trois volumes, que la Librairie Académique Perrin a rééditée en 1991, René Grousset avait écrit (en 1936) cette Epopée des croisades, une synthèse destinée naturellement à un plus vaste public, qui devint, elle aussi, un classique dont chaque ligne est précieuse. Sa réédition s'imposait. René. Grousset nous conduit de la prédication d'Urbain II à Clermont — en novembre 1095 — à ce 28 mai 1291 qui vit les 200 000 hommes du sultan El Achraf Khalil réduire les dernières défenses de Saint-Jean-d'Acre, ultime bastion de ce qui avait été le royaume franc d'Orient. Il raconte avec une clarté, une concision et une qualité de style admirables les neuf croisades qui jalonnèrent ces deux siècles extraordinaires dans l'histoire de l'Occident chrétien et de l'Islam. Tout le monde est d'accord pour estimer que les ouvrages du grand orientaliste, qui avait été à toutes les sources possibles tant du côté musulman que du côté chrétien, restent la référence.


René Grousset (1885-1952), de l'Académie française, a été professeur à l'Ecole du Louvre, à l'Ecole des langues orientales, aux Sciences politiques, conservateur du Louvre, des musées Guimet et Cernuschi. Il est toujours considéré comme le plus grand historien de l’Orient, proche et extrême. C'est en 1934-1936 qu'est parue chez Plon sa fameuse Histoire des croisades et du Royaume franc de Jérusalem (3 volumes, 2 500 pages, rééditée en 1991 par Perrin). Parmi ses autres classiques : Histoire de l'Extrême-Orient, l'Empire des steppes, l'Empire mongol, Histoire de la Chine, Sur les traces du Bouddha.


Table

I. Le pape défenseur de l’Europe : Urbain II / 9
II. La croisade populaire: Pierre l’Ermite / 18
III. La première croisade : Godefroi de Bouillon, Raymond de Saint-Gilles et Bohémond / 21
IV. Le fondateur du royaume de Jérusalem : Baudouin de Boulogne / 52
V. Consolidation de la conquête : Baudouin II / 94

VI. L’équilibre entre Francs et Musulmans : Foulque d'Anjou et Zengi / 115
VII. La deuxième croisade : Au temps de Mélisende et d'Aliénor / 135
VH!. Le modèle du roi franc : Baudouin III / 145
IX. La première expédition d'Égypte : Amaury Ier / 159
X. Vers le drame des croisades : Baudouin IV, le Roi Lépreux / 171

XI. Le désastre de Tibériade : Guy de Lusignan / 190
XII. La troisième croisade : Conrad de Montferrat,
Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion / 206
XHI. Champenois et Poitevins : Henri de Champagne et Amaury de Lusignan / 230
XIV. La cinquième croisade. Un roi-chevalier : Jean de Brienne / 238
XV. Un pèlerinage sans la foi : L’étrange croisade de Frédéric II / 247

XVI. Une croisade de poètes : Thibaut de Champagne et Philippe de Nanteuil / 277
XVII. La croisade d’un saint : Louis IX en Égypte et en Syrie / 281
XVIII. Épilogue : L’anarchie franque et la chute de Saint-Jean-d’Acre / 299

Annexe: Saint Louis et les alliances orientales / 311
Cartes / 26

I

LE PAPE DEFENSEUR DE L’EUROPE

Urbain II

Lorsque, dans les derniers jours de juin 1095, le pape Urbain II passa d’Italie en France pour y prêcher la première croisade, nul, semble-t-il, ne se doutait encore de l’objet de son voyage. Avant de rendre public le projet qui devait bouleverser le monde, ce Champenois voulait reprendre contact avec sa province natale et se recueillir sous les voûtes du monastère de Cluny où avait rêvé sa jeunesse. Aussi bien les voix qui montaient de cette terre étaient-elles éminemment faites pour le confirmer dans sa résolution, si même ce n'était pas elles qui lui en avaient inspiré la première idée. N’était-ce pas de Cluny qu’étaient parties, avec le grand mouvement de pèlerinages du xie siècle, les premières expéditions pour délivrer du joug musulman les chrétientés espagnoles ? Quand Urbain, qui s’appelait encore Eude de Châtillon, n’avait qu’une vingtaine d’années, n’avait-il pas vu en 1064 son compatriote Eble de Roucy prendre avec la chevalerie française de l’est le chemin des Pyrénées pour aller chasser les Arabes de l’Aragon ? Fidèle à ces souvenirs comme à l’exemple de son prédécesseur Grégoire VII, Urbain, une fois devenu pape, avait en 1089 lancé lui-même sur les routes d’Espagne une autre expédition française, composée en majorité, celle-là, de chevaliers du midi. Or, la reconquista espagnole à cette date, c'était déjà comme les grandes manœuvres de la croisade.

Comment Urbain II décida-t-il d’étendre à l’Orient la guerre de délivrance commencée à l'Occident extrême ? Pour répondre à cette question, il nous faudrait suivre le grand pape en ses méditations solitaires quand, du palais du Latran, de son exil de Saleme ou des fenêtres de Cluny, en ces années du xie siècle finissant, il promenait son regard sur le monde.

L’Islam, surgi quatre cents ans plus tôt des sables de l’Arabie, couvrait maintenant, de la Syrie à l’Espagne, près de la moitié de l’ancien territoire romain, et le berceau du christianisme était toujours en son pouvoir. Un moment - il y avait un siècle de cela - on avait pu croire que la Terre sainte allait en être délivrée. C’était quand l’empire byzantin, par un redressement inattendu et dans une grande revanche contre les Arabes, les avait relancés jusqu’en Syrie. En 969 la ville d'Antioche avait été ainsi rendue au christianisme. En 975 l'empereur Jean Tzimiscès, un des plus glorieux souverains de l’histoire byzantine, avait traversé en vainqueur la Syrie entière et tenu sa cour sous les murs de Damas. De là il avait pénétré sur la terre sacrée de Galilée. On l’avait vu, à la tête des légions « romaines », venir prier sur les bords du lac de Tibériade, épargner en souvenir de la Vierge les habitants de Nazareth, monter en pèlerinage sur la montagne de la Transfiguration, au Thabor. Peu s’en était fallu qu'il ne poussât, comme il en manifestait l'intention, jusqu’à Jérusalem; mais l’obligation où il se trouva d’aller combattre les garnisons arabes, restées maîtresses des ports libanais, l’avait arrêté dans sa marche et, après s’être senti si près du but, il était revenu mourir à Constantinople, sans avoir délivré la ville sainte. La persécution que peu après, en 1005, le khalife du Caire avait exercé contre le Saint-Sépulcre avait rendu plus visible aux yeux de la chrétienté cette carence des armes et de l'Église byzantines. Byzance avait décidément laissé échapper la gloire d'attacher son nom à la croisade...

La situation empira ensuite avec l’apparition des Turcs. Arabes et persans, les anciens maîtres de llslam oriental avaient depuis longtemps perdu sous l’influence d’une civilisation raffinée leur combativité première. Les Turcs, au contraire, race militaire par excellence, endurcis par des siècles de nomadisme et de misère dans les âpres solitudes de la Haute Asie, allaient apporter au monde musulman une force neuve. Le jour où en 1055 - date mémorable dans l’histoire de l'Asie - le chef d’une de leurs hordes sorties de la steppe kirghize, Toghroul-beg le Seldjoukide, entra à Bagdad et s’imposa au khalife arabe comme vicaire temporel et sultan, superposant ainsi à l’empire arabe un empire turc, quand, avec lui, les Turcs furent devenus la race impériale du monde musulman, tout fut changé. La conquête musulmane, depuis deux siècles arrêtée, reprit son cours. Le futur Urbain II, encore moine de Cluny, dut sans doute entendre raconter par les pèlerins comment les Turcs seldjoukides, après d’effroyables ravages, venaient d'enlever à l’empire byzantin la vieille terre chrétienne d’Arménie. Bientôt, une nouvelle plus terrible devait lui parvenir, celle du désastre de Malazgerd.

Un dernier soldat énergique, l'empereur Romain Diogène, venait de monter sur le trône de Byzance. Au printemps de 1071, avec une centaine de mille d’hommes, parmi lesquels de nombreux mercenaires normands, il voulut délivrer l’Arménie des Turcs. Le chef des Turcs, Alp Arslan, « le lion robuste », deuxième sultan de la dynastie seldjoukide, se porta à sa rencontre. Le choc eut lieu près de Malazgerd, au nord du lac de Van, le 19 août 1071. Dans cette journée décisive, Romain fut trahi par ses lieutenants. Resté seul avec une poignée de fidèles, il se défendit en héros jusqu’à ce que blessé, son cheval tué sous lui, il fut fait prisonnier et conduit à Alp Arslan qui du reste le traita avec honneur. Ce furent les Byzantins qui, lorsqu’il fut rendu à la liberté, lui firent, par haine politique, crever les yeux.
La défaite de Malazgerd, trop peu mentionnée dans nos manuels, fut un des pires désastres de l'histoire européenne. Cette bataille livrée au cœur de l’Arménie eut comme conséquence, dans les dix ans, la conquête des trois quarts de l’Asie Mineure par les Turcs. Il est vrai que les progrès des Turcs furent aidés par l’incroyable absence de « patriotisme chrétien » des généraux byzantins qui se disputaient le trône. Ce fut l’un de ces prétendants qui en 1078 - crime insigne contre l’Europe - appela lui-même les Turcs comme alliés et les installa à ce titre à Nicée, près de la Marmara, en face de Constantinople. Trois ans après, un cadet de la famille seldjoukide mettait les Byzantins à la porte et fondait, avec Nicée comme capitale, un royaume turc particulier d'Asie Mineure, noyau de notre Turquie historique. Pendant ce temps en Syrie d'autres chefs turcs enlevaient Jérusalem aux Arabes d'Égypte (1071) et Antioche aux Byzantins (1085). Sous le troisième sultan seldjoukide, Mélik-châh (1072-1092), l'empire turc s'étendait de Boukhara à Antioche. Mélik-châh, le petit-fils des nomades sortis des profondeurs de l’Asie Centrale, vint en 1087, en un geste curieusement symbolique, tremper son sabre dans les eaux de la Méditerranée.

Ces événements, dont les premiers se déroulent sous le pontificat d'Urbain II (1088-1099), eurent en Occident un retentissement profond. L’effondrement de l’empire byzantin après Malazgerd, son absence de réaction devant la prisé de possession de l'Asie Mineure par la race turque et par l’islamisme imposèrent à l’Occident la conviction que devant une telle défaillance, pour sauver l’Europe directement menacée, les nations occidentales se devaient d’intervenir. Nos vieux chroniqueurs ne s’y sont pas trompés. Guillaume de Tyr verra dans le désastre de Malazgerd l’éviction définitive des Grecs comme protagonistes de la chrétienté, la justification historique de l’entrée en scène des Francs pour remplacer ces partenaires hors de jeu. De fait il était temps d’aviser. De Nicée où l'Islam avait pris pied, il pouvait à tout instant surprendre Constantinople. La catastrophe de 1453 pouvait se produire dès les dernières années du XIe siècle. Comme allait le proclamer Urbain II, ce fut un des motifs qui le déterminèrent, quatorze ans après la prise de Nicée, à entreprendre la prédication de la première croisade. Point n’est besoin, pour expliquer une telle résolution, d’imaginer un appel direct de l’empereur byzantin Alexis Comnène. Le sentiment qu’avait Urbain de ses devoirs comme guide et défenseur de la chrétienté suffit à éclairer sa politique. Politique aux larges vues s’il en fut jamais, qui, du haut du trône pontifical dressé à Clermont-Ferrand, embrassait aussi bien Jérusalem où les guerres entre Égyptiens et Seldjoukides avaient abouti à de nouveaux massacres de chrétiens, que la …


René Grousset

L’épopée des Croisades

Perrin

Perrin
L’épopée des Croisades
René Grousset
de l’Académie française

Perrin
76, rue Bonaparte
Paris

© Librairie Académique Perrin, 1995.

ISBN: 2.262.01120.6

Cet ouvrage a été réalisé par la
Société Nouvelle Firmin-Didot
Mesnil-sur-l 'Estrée
pour le compte des Éditions Perrin
en décembre 1995

Inprimé en France
Dépôt légal : août 1995
N° d'édition : 1165
N° d'impression : 33017

Godefroi de Bouillon attaquant Jérusalem
(Manuscrit français, 1337).
Photo : © Hubert Josse.

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