Equipe de Recherche sur la Turquie – 2
Jean-Philippe Von Gastrow
Mehmet-Şehmus Güzel
Nora Şeni
Bülent Tanör
Nedim Gürsel
François Georgeon
Mevlût Bozdemir
CERI - FNSP
Depuis 1980, on assiste à une percée des exportations turques sur les marchés du Moyen-Orient et même d’Afrique du Nord. En quelques années s’est ainsi ouvert un nouvel espace aux appétits des firmes et holdings turcs, en particulier dans les secteurs de la construction et des industries agro-alimentaires. Ainsi dès 1981 le montant global des exportations de la Turquie vers les pays du Moyen-Orient (1) a dépassé celui destiné aux pays de la C.E.E., traditionnellement les principaux partenaires commerciaux de la Turquie. Cette ouverture économique sur les pays de la zone a accompagné un rapprochement diplomatique amorcé depuis la fin ...
Sommaire
J-Ph. Von Gastrow - La Turquie et le Moyen-Orient :
percée économique et rapprochements diplomatiques / 4
M-Ş. Güzel - Naissance d'un syndicalisme radical, la DISK / 16
Autour de la violence politique en Turquie
(Table-ronde sur un article de Semih Vaner) / 35
N. Şeni - Souvenirs d'une Istanbul polyphonique / 44*
Point de vue
L'émergence de la laïcité en Turquie / 46
Courants d'idées
Un nouveau courant anti-occidentaliste en Turquie / 57
Documents
La réunion du Comité pour la Coopération économique et commerciale de l'OCI / 61
Note sur l'OYAK / 66
LA TURQUIE ET LE MOYEN-ORIENT,
PERCEE ECONOMIQUE ET RAPPROCHEMENTS DIPLOMATIQUES (*)
Depuis 1980, on assiste à une percée des exportations turques sur les marchés du Moyen-Orient et même d’Afrique du Nord. En quelques années s’est ainsi ouvert un nouvel espace aux appétits des firmes et holdings turcs, en particulier dans les secteurs de la construction et des industries agro-alimentaires. Ainsi dès 1981 le montant global des exportations de la Turquie vers les pays du Moyen-Orient (1) a dépassé celui destiné aux pays de la C.E.E., traditionnellement les principaux partenaires commerciaux de la Turquie. Cette ouverture économique sur les pays de la zone a accompagné un rapprochement diplomatique amorcé depuis la fin des années 60, mais qui jusque-là avait donné lieu à relativement peu de conséquences sur le plan économique.
Les étapes du rapprochement
Les rapports de la Turquie avec ses voisins de la région moyen-orientale, les pays arabes pour l’essentiel, ont longtemps été marqués par la méfiance et la distance réciproques. Au-delà des appels à la "solidarité islamique" en usage aujourd’hui, il est probable que les méfiances et le ressentiment persistent encore largement de part et d’autre: souvenirs de la Turquie ottomane, puissance impériale et dominatrice, pour les pays arabes qui ont puisé dans la lutte contre la domination ottomane le ferment de leur identité nationale; ressentiment des Turcs envers "le coup de poignard dans le dos" qu'a représenté pour eux cette lutte au moment de la Première Guerre Mondiale, alors que l'Empire Ottoman subissait les assauts des puissances alliées. Avec la période kémaliste et le choix du modèle culturel occidental, -la Turquie verra ses relations avec les pays du Proche et du Moyen-Orient s'effacer presque complètement. Dans les années cinquante, la Turquie entrera dans l’OTAN (18 novembre 1952), et comme le dit Paul Dumont :"se comportera pendant toute la décennie en alliée fidèle des puissances d’Occident et suivra sans rechigner les conseils de ses amis et bailleurs de fonds, en particulier ceux prodigués par les Etats-Unis ” (2). Les efforts d’Ankara pour imposer un système de défense au Moyen-Orient appuyé par l’Occident, et qui se concrétisera par la signature du Pacte de Bagdad en 1955 (signé par la Turquie et l’Irak, puis la Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran) lui aliéneront l’Egypte de Nasser et les Etats de la Ligue Arabe, avant même le retrait de l’Irak de Kassem en mars 59, qui fera voler le Pacte en éclats.
Le coup d'Etat du 27 mai 1960 aboutit sur ce plan à de timides tentatives de normalisation des rapports avec les voisins orientaux. Mais c’est la crise chypriote de 63-64 qui provoqua une révision générale des relations de la Turquie avec le monde extérieur, et en particulier un rapprochement avec les Etats du Moyen-Orient. Ayant le sentiment d’être abandonnée par ses alliés les plus proches, les Etats-Unis et l’OTAN (cf. l’épisode de la lettre de Johnson à İnonü), mise en minorité et isolée à l'ONU, la Turquie se mit en quête de nouveaux soutiens. Elle les trouva en se rapprochant de l’URSS et des pays non-alignés du Moyen-Orient, essentiellement l’Egypte, l'Irak et la Syrie. Ce mouvement s'accompagna d’un relâchement des liens avec Israël, en tout cas d'une politique ambiguë’ à son égard, constatable lors du conflit de 1967 où Ankara appuya finalement les thèses arabes, à la fois sous la pression des Etats arabes belligérants et de sa propre opinion intérieure, devenue très pro-arabe avec la victoire d’Israël. Mais les liens diplomatiques ne furent pas rompus, nécessité de l’alliance occidentale oblige.
Mais ce fut le conflit de 1973 la guerre du Kippour, qui entraîna un nouvel essor des relations entre la Turquie et ses voisins arabes et orientaux, notamment sur le plan économique. Comme on le sait, une des conséquences les plus notables de ce conflit fut la décision de l’OPEP de quadrupler le prix du pétrole, théoriquement en représailles du soutien accordé par les Occidentaux à Israël. Comme tous les Etats, la Turquie eut à s’acquitter de la nouvelle facture pétrolière et les conséquences sur l'équilibre de sa balance commerciale furent désastreuses. Les achats de produits pétroliers, essentiellement aux Etats arabes et à l'Iran, en vinrent à constituer 18 à 19% du montant global de ses importations.
Or, dans cette situation particulièrement critique sur le plan économique, les efforts antérieurs de rapprochement tentés par la Turquie en direction de ses voisins commencèrent à porter leurs fruits. Ainsi les Etats membres de l’OPEP décidèrent d’accorder des tarifs préférentiels aux Etats pratiquant une politique pro-arabe, ce qui fut accordé dès 1974 à la Turquie. Certains de ces Etats pétroliers intensifièrent leurs relations bilatérales avec la Turquie : ce fut le cas de la Lybie, de l’Irak et de l'Arabie Saoudite qui signèrent des accords de coopération commerciale destinés à aider la Turquie en rééquilibrant les échanges. Exporter vers ces pays devint une nécessité pour la Turquie afin de couvrir les exportations pétrolières. Avec la Lybie, un accord général de coopération pour le développement …
(*) Cet article prétend être seulement une introduction à l'étude des rapports entre la Turquie et pays du Moyen-Orient. L’ERT consacrera prochainement à cette question un numéro spécial.
(1) Par Moyen-Orient, on entendra ici les Etats arabes du Machrek (Lybie incluse) et l’Iran.
(2) Voir P. Dumont, "La Turquie face aux Etats arabes du Moyen-Orient", Relations Internationales, n° 20, 1979 P 449-470.
Jean-Philippe Von Gastrow
Mehmet-Şehmus Güzel
Nora Şeni
Bülent Tanör
Nedim Gürsel
François Georgeon
Mevlût Bozdemir
Equipe de Recherche sur la Turquie – 2
CERI - FNSP
Centre d’Etudes et de Recherches Internationales
Fondation Nationale des Sciences Politiques
Equipe de Recherche sur la Turquie (E. R. T.) – 2
- Turquie et Moyen – Orient
- Naissance de la DISK
- Violence Politique
Jean-Philippe Von Gastrow (Journaliste)
Mehmet-Şehmus Güzel (Paris VII, labo: tiers-monde afrique)
Nora Şeni (Paris VIII)
Bülent Tanör (ancien professeur de l'Université d'Istanbul)
Nedim Gürsel (CNRS)
François Georgeon (CNRS)
Mevlût Bozdemir (INALCO)
Jean-François Bayart (CNRS)
Altan Gökalp (CNRS)
Semih Vaner (CERI)
Centre d’Etudes et de Recherches Internationales
Fondation Nationale des Sciences Politiques
4 rue de Chevreuse, 75 006 Paris
Bulletin De Liaison, N° 2 - Mai 1985
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