La Construction de l'Etat-Nation Turc et le Mouvement National Kurde
Celal Sayan
Université de Paris VIII
La formation de la base sociale du nationalisme au Kurdistan remonte à une période relativement récente. Ce retard est dû à toute une série de raisons historiques ; en premier lieu, le statut spécial dont jouissait le Kurdistan au sein de l'Empire Ottoman.
Un regard bref sur les faits économiques, sociaux et politiques sur lesquels reposait le statut particulier du Kurdistan dans l'Empire Ottoman nous permettra d'analyser de près les mobiles du retard du réveil national.
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Table des Matières
Introduction / 1
Chapitre I : l'Emergence du Mouvement National Kurde / 3
1. Le Statut du Kurdistan au Sein de l'Empire Ottoman / 3
2. Les Révoltes du XIXème Siècle / 5
a) La Révolte de Bedir Khan Bey / 5
b) La Révolte de Cheikh Obeïdoullah / 6
3. Sultan Abdulhamid II (Sultan Rouge) et les Kurdes / 7
- Les Premières Organisations Nationalistes Kurdes / 8
4. L'Attitudes des Kurdes au cours de la 1ère Guerre Mondiale / 9
Chapitre II : La Construction De l'Etat-Nation Turc / 10
1. L'Apparition de Mustafa Kemal sur la Scène Politique / 10
- Les Congrès d'Erzurum et de Sivas / 11
2. L'Attitude des Dirigeants Kurdes du Début du XXème siècle jusqu'à la Fondation de la République Turque / 12
3. Le Traité de Sèvres / 15
4. La Guerre Gréco-turque dite guerre d'indépendance / 16
5. Conférence de Lausanne / 17
6. Les Réalisations Institutionnelles de Mustafa Kemal et leurs caractères / 18
Chapitre III : le Mouvement National Kurde au XXème Siècle / 21
1. La position des Arméniens dans la structure Socioéconomique du pays et le Génocide Arménien / 21
2. La situation Economique et Sociale du Kurdistan au Début du XXème Siècle / 24
a) La Révolte de Cheikh Saîd (1925) / 25
b) La Révolte d'Ararat (1927 - 30) / 26
c) La Révolte de Dêrsim (1937 - 38) / 27
d) Les Attitudes des Puissances Internationales vis-à-vis ces Révoltes / 29
Conclusion / 32
Bibliographie / 34
INTRODUCTION
On a souvent entendu parler de l'histoire comme si elle n'était qu'une immense rivière. Soit. Et ce que les historiens nationaux, les agents—auteurs des idéologies officielles font n'est peut—etre au fond que de raconter l'aventure de cette rivière qu'est l'histoire, de telle façon que son déroulement finisse par affirmer ou féliciter le "télos" et/ou le point de vue auquel ils se laissent s'identifier. Naïveté ou hypochrisie? Quelque soit la nature du jugement, cela a peu d'importance aux yeux du chercheur dont le rôle n'est précisément que de faire parler toute la matière de recherche, de telle manière que ces récits tous fabriqués se brisent et ainsi fassent entendre d'autres récits dont jusque-là ils ont brouillé l'écoute. Et que des faits dits établis se dénudent, se fragilisent jusqu'au point où ils ne peuvent plus empêcher la venue au jour d'autres faits qu'ils ont noyés, enterrés, fait oublier pour, justement s'établir.
S'inspirant d'une telle perspective dans son principe et dans sa méthode notre recherche se propose comme but de suivre la trame d'un de ces récits noyés qu'est le Mouvement National Kurde, à travers sa relation avec la construction et les débuts de l'Etat-Nation Turc.
A propos des kurdes, on a entendu dire qu'ils étaient des oubliés. De l'histoire ou des historiens ? Il est évident qu'il s'agit en tout cas d'un oubli. Mais nous pensons que dans l'histoire il n'existe pas d'oubli qui soit l'effet pur de hasard ou de manque de mémoire. Les oublis constituent des faits et des aspects historiques autant que tout ce qu'on veut rappeler. Il suffit de les dépouiller et de les mettre en évidence pour qu'ils nous rendent leur importance et leur vérité. Et c'est cette mise en évidence que nous appellerons l'histoire sociale d'un oubli.
Dans la méthode de présentation, afin de ne pas dépasser l'étendue donnée des mémoires de DEA nous nous sommes gardés de nous égarer dans des analyses détaillées et précises des conditions sociales. Mais nous n'avons pas non-plus voulu faire une énumération des faits historiques. Nous avons esquissé une sorte d'enchaînement de faits et de traits sociologiques révélateurs qui passera lui-même pour une mise en perspective explicative de ces faits. Nous croyons que cet enchaînement des faits constitue une plate-forme saine pour décrire l'histoire de cet oubli, tout en en explicitant les causes.
Si dans l’intitulé de notre mémoire nous avons cité non seulement le Mouvement National Kurde mais aussi la construction de l'Etat-Nation Turc c'est que, l'évidente corrélation géopolitique du début entre ces deux faits a pris au cours de la recherche l'allure d'une relation beaucoup plus intime mais secrète et traumatique, autant qu'il révélait directement des raisons de l'oubli qui nous intéresse.
Nous sommes convaincus que si les kurdes sont des oubliés de l'histoire c'est parce que leur histoire qu'est aussi celle de leur oubli constitue le point de silence et de rature indispensable à la constitution du récit fondateur de la République Turque. Et nous sommes également convaincus que le rapport qui existait entre la construction de 1'Etat—Nation Turc et les Kurdes dépassaient largement le cadre d'un problème plus ou moins important dont les concepteurs d'un jeune Etat se sont confrontés et ménagé avec habileté. Les faits nous obligent à situer ce rapport plutôt au cœur même de ce fondement traumatique de la République Turque. Car dès le début de la guerre dite d'indépendance, la démarche de Mustafa Kemal et le sort des kurdes se montrent intimement et bizarrement liés l'un à l'autre. D'ailleurs il est intéressant de remarquer que la démarche de Mustafa Kemal, du début à la fin et les mots "kurde" et "Kurdistan" constituent encore aujourd'hui deux tabous majeurs de la vie politique de la République Turque. Le premier, étant totalement intouchable, incritiquable et mythifié et le second complètement indicible, inavouable et interdit.
Dans notre mémoire, nous avons essayé de reprendre la question à partir de la première moitié du 19ème siècle où les changements politiques et les conséquences qui en découlent ont commencé à prendre l'allure d'une menace pour la souveraineté régionale des principautés kurdes et ainsi les ont poussés aux révoltes et aux alliances hors-principauté. La période qui peut être considérée comme un élargissement de la conscience de soi kurde (identité) au-delà des limites des principautés par la force des contacts divers avec autrui. Nous avons poursuivi notre enquête à travers la récupération des kurdes par Mustafa Kemal pendant la guerre gréco-turque jusqu'aux débuts de la République Turque où les révoltes kurdes ont gagné le ton d'une désillusion totale pour être vaincues chaque fois par les troupes turques et les différentes volontés qui agissaient dans la région, et ainsi condamnées au silence et à l'oubli.
Chapitre I
L'émergence Du Mouvement National Kurde
La formation de la base sociale du nationalisme au Kurdistan remonte à une période relativement récente. Ce retard est dû à toute une série de raisons historiques ; en premier lieu, le statut spécial dont jouissait le Kurdistan au sein de l'Empire Ottoman.
Un regard bref sur les faits économiques, sociaux et politiques sur lesquels reposait le statut particulier du Kurdistan dans l'Empire Ottoman nous permettra d'analyser de près les mobiles du retard du réveil national.
1. Le statut du Kurdistan au sein de l'Empire Ottoman.
Les relations Kurde-ottomanes furent fondées pour la première fois par le pacte signé entre Selim le Cruel et les principaux seigneurs kurdes en 1514. Ce pacte dont nous résumerons les articles ci-dessous garda sa validité pendant trois siècles à part quelques exceptions.
Selon cette convention : (1)
a) Les principautés kurdes dépendantes des ottomans garderont leurs autonomies.
b) Les kurdes apporteront leur aide au Sultan en cas de guerre.
c) Le pouvoir sera héréditaire, il se transmettra de père en fils, toutefois l'accord du Sultan sera nécessaire.
d) Le Sultan assurera sa protection aux kurdes en cas de guerre ou d'agression contre eux.
e) Les kurdes verseront les impôts exigés par le Sultan.
Ce pacte peut paraître comme un privilège vu l'impossibilité d'une résistance aux ottomans en raison de la dispersion des principautés kurdes et de la puissance des ottomans à son apogée en cette période. Au fond, grâce à ce pacte le Sultan assurait le soutien …
(1) M. Emin ZEKI, Kürdistan Tarihi (L'histoire du Kurdistan), Ed. Komal, Istanbul 1977, page 92
Celal Sayan
La Construction de l'Etat-Nation Turc et
le Mouvement National Kurde ( 1918 - 1938 )
Université de Paris VIII
Université de Paris VIII - Saint – Denis
Université de Paris I - Panthéon – Sorbonne
La Construction de l'Etat-Nation Turc
et le Mouvement National Kurde ( 1918 - 1938 )
Mémoire de D.E.A. de l'Histoire Sociale
Présenté Par Celal Sayan
Sous la Direction de Pr. Jean-Marie Vincent
Présenté par Celal Sayan
Paris - Septembre 1987
Paris - Septembre 1987
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