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La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et de gouvernement en droit international


Auteur : Bryar Baban
Éditeur : Universite de Strasbourg Date & Lieu : 2011, Strasbourg
Préface : Pages : 732
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210x295 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Bab. Mis. N° 4751Thème : Thèses

La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et de gouvernement en droit international

La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et de gouvernement en droit international

Bryar Baban

Universite de Strasbourg

Dans son Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique en 1784, Kant a écrit que « l’homme est un animal qui, quand il vit avec d’autres de son espèce a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses semblables ; et, bien qu’en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui mette des bornes à la liberté de tous, pourtant, son penchant animal égoïste l’entraîne à faire exception pour lui, quand il le peut. H a donc besoin d’un maître, qui brise sa volonté personnelle et la force à obéir à une volonté universellement reconnue, de sorte que chacun puisse être libre. Mais d’où sortira-t-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l’espèce humaine. Mais ce maître est de la même façon un animal qui a besoin d’un maître. L’homme peut donc mener cela comme il veut, on ne voit pas d’ici comment il pourrait se procurer un chef de la justice publique qui soit lui-même juste ; qu’il le cherche en un particulier ou qu’il le cherche en une société de plusieurs personnes choisies à cet effet. Car chacun, parmi eux, abusera toujours de sa liberté si personne n’exerce sur lui ...


Sommaire

Introduction / 11

Premiere partie : l’incidence du statut chef d’etat sur la mise en cause de sa responsabilite / 43
Titre I : l’impossibilite de la mise en cause de la responsabilite du chef d’etat / 47
Chapitre I : La redéfinition du statut du chef d’Etat en droit international / 49
Chapitre II : La spécificité de l’incrimination du chefd’état / 117
Titre II : l’incoherence des modalites de la mise en cause de la responsabilite du chef d’etat / 177
Chapitre I : Les mécanismes spécifiques : la réaction internationale face à la culpabilité des chefs d’Etat / 179
Chapitre II : Les mécanismes à vocation universelle : un processus incomplet / 269

Seconde partie : l’incidence de la mise en cause de la responsabilite du chef d’etat sur son statut / 365
Titre I : le declin des obstacles relatifs a la mise en cause de la responsabilite du chef d’etat / 373
Chapitre I : La poursuite internationale du chef d’Etat face à l’immunité internationale / 375
Chapitre 11 : La poursuite internationale du chef d’Etat face à l’irresponsabilité interne / 443
Titre II : l’absence d’un regime autonome de responsabilite du chef d’etat / 515
Chapitre I : La confusion ou la complémentarité entre la responsabilité de l’Etat et la responsabilité du chefd’Etat / 519
Chapitre II : L’assimilation du statut du chefd’Etat aux individus en droit international / 585

Conclusion générale / 641

Bibliographie / 649

Index / 721

Table des matieres / 725


INTRODUCTION

Dans son Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique en 1784, Kant a écrit que « l’homme est un animal qui, quand il vit avec d’autres de son espèce a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses semblables ; et, bien qu’en tant que créature raisonnable il souhaite une loi qui mette des bornes à la liberté de tous, pourtant, son penchant animal égoïste l’entraîne à faire exception pour lui, quand il le peut. H a donc besoin d’un maître, qui brise sa volonté personnelle et la force à obéir à une volonté universellement reconnue, de sorte que chacun puisse être libre. Mais d’où sortira-t-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l’espèce humaine. Mais ce maître est de la même façon un animal qui a besoin d’un maître. L’homme peut donc mener cela comme il veut, on ne voit pas d’ici comment il pourrait se procurer un chef de la justice publique qui soit lui-même juste ; qu’il le cherche en un particulier ou qu’il le cherche en une société de plusieurs personnes choisies à cet effet. Car chacun, parmi eux, abusera toujours de sa liberté si personne n’exerce sur lui un contrôle d’après les lois. Mais le chef suprême doit être juste en lui-même et être pourtant un homme. C’est pourquoi cette tâche est la plus difficile de toutes, et même sa solution parfaite impossible »1.

Les propos de Kant remettent en question à la fois le statut du maître dans une société et les modalités de poursuite à l’égard de celui-ci. Cependant, la cohésion d’une société repose sur l’autorité du maître, sans lui, la société sombre dans le désordre et les oppositions absurdes. Même arrivé illicitement au pouvoir, un chef cherche toujours à justifier son autorité qui devrait rayonner au sein de chaque membre de la société. A tel point que les subordonnés devraient croire à la capacité extraordinaire d’un homme idéal qui les protège contre tous les fléaux du monde, et qui combat pour le bonheur de la population2. Pour accomplir ces tâches, cette personne bénéficie d’une protection inégalée, d’une immunité absolue et d’une inviolabilité.

Quant à la société internationale, la question est d’autant plus difficile notamment avec l’insertion des notions intangibles comme la souveraineté d’Etat. Si un Etat est géré ou gouverné par un chef d’Etat ou de gouvernement, la société internationale n’a réellement pas de maître3. Les chefs d’Etats bénéficient d’un statut similaire inspiré de l’égalité souveraine des Etats. Il n’est, jusqu’à un passé récent, pas possible de poser la question quis custodiet ipsos custodes (qui gardera les gardiens eux-mêmes)4 ? Aujourd’hui, la justice internationale étant en voie de développement semble être le meilleur moyen pour assurer la mission du gardien des gardiens.

En effet, le problème se manifeste avec éclat lorsque le droit international, et surtout sa branche pénale, s’impose dans le domaine du chef de l’Etat au nom des valeurs de l’humanité. H s’agit d’un domaine exclusivement national sortant, d’ailleurs, du régime commun de poursuite pénale des individus. La mise en cause nationale de la responsabilité du chef d’Etat est souvent prévue dans le cadre de la constitution et non pas dans le code civil ou le code pénal.

Les droits nationaux, tout comme le droit international, se focalisent plutôt sur la protection du chef d’Etat ou de gouvernement que sur la poursuite judiciaire. Si la première constitue le principe, la mise en cause de la responsabilité du chef de l’Etat demeure généralement une exception. Heureusement, d’ailleurs, dans le cadre de cette étude académique, il est, aujourd’hui, possible d’aborder cette exception. Un tel sujet était et reste dans certains pays une question taboue sous peine d’être accusé du crime de lèse-majesté5.

La présente étude « creuse » cette exception en empruntant les mécanismes et les moyens internationaux de poursuite disponibles à l’égard du chef d’Etat. Bien que le droit international connaisse des progrès considérables dans ce domaine, il existe d’autres domaines qui restent en dehors de son champ d’intervention. L’Etat est absolument libre de choisir la forme d’organisation étatique et de désigner son chef d’Etat. Cette liberté découle de l’impuissance ou de l’indifférence du droit international. L’impuissance du droit des gens, d’après le Professeur Joe Verhoeven, « à ordonner le changement y traduit moins une faiblesse congénitale de ses mécanismes que le refus d’un milieu structurellement conservateur d’admettre et d’organiser des évolutions qui mettraient en cause la toute puissance de ses membres »6. Quelques années plus tard, l’idée a évolué chez le même auteur, qui parle plutôt de « la liberté de gouvernement »7. D’une autre manière, le droit international manifeste une large mesure d’« indifférence à l’égard de la forme politique ou constitutionnelle » du gouvernement8. La liberté de gouvernement s’oppose constamment à la « liberté de poursuite » à l’égard du chef d’Etat et de gouvernement. Or, d’après le Professeur Pierre-Marie Dupuy, « l’évolution contemporaine invite à nuancer ce constat d’indifférence du droit à la forme gouvernementale »9.

La Commission d’arbitrage pour la paix en Yougoslavie a déjà considéré le 29 novembre 1991 que « la forme de l’organisation politique interne et les dispositions constitutionnelles constituent de simples faits »10. De plus, cette forme devrait être conforme « à certaines exigences fondamentales de ‘bon’ gouvernement », selon le rapporteur spécial Joe Verhoeven11. La prise en compte du caractère obligatoire de la protection des droits de l’homme et du droit international pénal exerce une incidence progressive sur l’organisation interne du pouvoir et surtout sur le statut du chef d’Etat. La protection de ce statut n’est certainement pas un simple fait mais elle constitue une réalité juridique internationale. Les immunités et toutes les formes des privilèges et d’inviolabilité reconnues aux chefs d’Etat ont un fondement profondément ancré dans le droit international. Cependant, dans l’état actuel du droit international, parler de la mise en cause de la responsabilité personnelle du chef d’Etat ne relève plus d’une « hypothèse d’école »12. Les affaires Pinochet, Slobodan Milosevic, Jean Kambanda, Charles Taylor, Hissène Habré, Al Bashir, et autres sont des contre-exemples à l’idée de la futilité de la poursuite du chef d’Etat.
Pour mieux cerner ces exemples, il convient toutefois de définir l’objet (I), l’intérêt et les enjeux (III) de ce sujet qui porte sur la mise en cause de la responsabilité du chef d’Etat et de gouvernement en droit international. De la riche histoire des chefs d’Etat dans le monde découle un florilège de pratiques diverses et variées, exercées au profit, ou au détriment, de cette personne. L’ampleur de ces pratiques appelle par ailleurs à délimiter les contours du sujet (II), avant même de l’aborder en détail.

I. L’objet du sujet : le chef d’Etat et de gouvernement

Le sujet concerne le statut de la plus haute autorité de l’Etat, le roi, le monarque, le Président de la République, le premier ministre, le chef d’Etat et le chef de gouvernement13. Malgré le statut différent du chef d’Etat dans les ordres juridiques nationaux14, le droit international lui réserve un traitement spécifique, compte tenu du rôle particulier que le chef d’Etat joue dans les relations internationales.
C’est la raison pour laquelle, la Cour internationale de justice a considéré, dans l’affaire relative aux essais nucléaires, que « [pjarmi les déclarations du Gouvernement français en possession desquelles la Cour se trouve, il est clair que les plus importantes sont celles du Président de la République. Etant donné ses fonctions, il n’est pas douteux que …

1 Emmanuel Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Sixième proposition, 1784, Traduction de Philippe Folliot, traduction faite à partir de l’édition des œuvres complètes de Kant de l’Académie de Berlin (Tome VIII), 2002, p. 11.

2 Le but du pouvoir est le bonheur du peuple, Cardin Le Bret avait écrit au 17ème siècle que « les Rois n’ont été créés que pour procurer le bien de leurs sujets ». (Le Bret Cardin, De la Souveraineté du Roi, cité par Gilbert Picot, Cardin Le Bret (1558-1655) et la Doctrine de la Souveraineté, Société d’impressions typographiques, thèse, Université de Nancy, 1948, p. 99).

3 Dans son cours de l’Académie de La Haye, un auteur a écrit en 1925 « [b]ien que le souverain soit placé sous le régime des lois de son pays, il n’est pas soumis à un pouvoir, car il représente le pouvoir suprême et marque le point de départ où la situation d’être forcé prend fin et où ne reste que le pouvoir de forcer ». (Alphonse Heyking, « L’exterritorialité et ses applications en Extrême-Orient », RCADI, volume 7, 1925, p. 283).

4 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Quadrige/PUF, 7ème édition, 2005, p. 968.

5 Pour plus d’informations, voir, Jean-François Marinus, L’offense aux souverains et chefs de gouvernement étrangers par la voie de la presse, (préface de Jean Salmon), Bruylant, Bruxelles, Collection de droit international, 529 p.

6 Joe Verhoeven, « L’Etat et l’ordre juridique international, remarques », RGDIP, 1978, pp. 749-774, pp. 757-758.

7 Joe Verhoeven, Droit international public, De Boeck & Larcier S. A., 2000, p. 83.

8 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit international public, Dalloz, 10e édition, 2010, p. 33.

9 Ibidem.

10 Conférence pour la paix en Yougoslavie, Avis de la Commission d’arbitrage, 29 novembre 1991, RGDIP, Documents, 1992, p. 264.

11 IDI, Joe Verhoeven (Rapporteur), Rapport provisoire relatif aux «immunités de juridiction et d’exécution du chef d’Etat et de gouvernement en droit international », 13ème Commission, décembre 2000, Annuaire de l’Institut de Droit international, vol. 69, 2000-2001, Session de Vancouver, p. 497.

12 Jean-Paul Pancracio, « L’évolution historique du statut international du chef d’Etat », in Société française pour le droit international, Le chef d’Etat et le droit international, Colloque de Clermont-Ferrand, éditions A. Pedone, Paris, 2002, p. 98.

13 Plusieurs autres expressions non juridiques peuvent aussi désigner le chef d’Etat : père fondateur ou de la nation, prophète fondateur, prêtre-président, demi-dieu, soldat-président, frère guide, président étemel. (Voir par exemple, Télesphore Ondo, La responsabilité introuvable du chef d’Etat africain, Analyse comparée de la contestation du pouvoir présidentiel en Afrique noire francophone (Les exemples camerounais, gabonais, tchadien et togolais, Thèse, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2005, p. 23). Ces expressions, s’inscrivant dans un but de sacraliser le pouvoir interne du chef d’Etat, ne peuvent avoir aucune influence sur le droit international.

14 Dans les droits nationaux, il convient de mentionner que tous les systèmes constitutionnels ne consacrent pas explicitement le terme « chef de l’Etat » ou « chef d’Etat », ni « le chef de gouvernement ». Les textes anglais et américains ne qualifient pas ainsi le souverain ou le président. Quant aux constitutions françaises, elles n’utilisent l’expression qu’avec réticence. (Voir, Olivier Duhamel et Yves Mény (sous la dir), Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992, pp. 123-124).


Bryar Baban

La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et
de gouvernement en droit international

Universite de Strasbourg

Universite de Strasbourg
La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et
de gouvernement en droit international
Bryar Baban

Universite de Strasbourg
Faculté de Droit, de Sciences Politiques et de Gestion
Ecole doctorale 101

Thèse pour le doctorat en droit
Discipline : droit international
Présentée et soutenue publiquement par
Bryar Baban
Le 13 mai 2011

Directeur de thèse
Monsieur le Professeur Yves Petit
La mise en cause de la responsabilite du chef d’etat et
de gouvernement en droit international

Jury
Monsieur Mohamed Bennouna, Juge à la Cour internationale de Justice
Monsieur Christian Mestre, Professeur à l’Université de Strasbourg,
ancien Président de l’Université Robert Schuman
Monsieur Jean-Denis Mouton, Professeur à l’Université de Nancy-II (Rapporteur)
Monsieur Paul Tavernier, Professeur émérite à l’Université Paris XI- Sud (Rapporteur)
Monsieur Yves Petit, Professeur à l’Université de Nancy-II (Directeur de thèse)

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