Il y a deux façons d’aborder l’histoire d’un pays ou d’une civilisation : la voie littéraire qui puise aux sources écrites et la voie archéologique qui se fonde sur des données matérielles. Les premières ne sont pas exemptes de difficultés d’interprétation (subjectivité des témoignages et obstacle linguistique), les secondes sont loin d'avoir la rigueur qu’un appareil scientifique semble devoir leur donner. En fait les deux modes sont complémentaires et, de nos jours, en dépit des divergences disciplinaires, on ne conçoit plus guère possible de progresser sans recourir à ce double processus d’investigation. ..... Jean-Michel Thierry, né le 13 août 1916 à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne). Docteur en médecine. Ancien chef de clinique chirurgicale de la Faculté de médecine de Paris. Diplômé de langue catalane du Centre d'Estudis Catalans (Paris). Diplômé d'Arménien ancien de l'institut Catholique de Paris. Membre du Centre de Recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance, de l'Association Internationale des Etudes Arméniennes, de la Société Asiatique, du Centre de Documentation Arménien, de la Société des Etudes Arméniennes, du Conseil Scientifique de la Revue des Etudes Arméniennes. Chargé de cours (Culture et Art arméniens) à l'institut National des Langues et Cultures Orientales (Paris DI, Sorbonne) : 1977-1989. Depuis 1995, chargé de conférences (Arts Chrétiens de Transcaucasie) à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, IVe section (Paris I. Sorbonne Nouvelle). Chargé par le Ministère des Affaires Etrangères de missions scientifiques en Arménie (1977, 1978,1979,1981,1985), Géorgie (1977,1978,1979,1981,1989) et Azerbaïdjan (Karabagh) (1981).
Table des matières
7 / Introduction générale 8 / Données géographiques 11 / Les origines du peuple arménien 11 / Le christianisme arménien 13 / La langue arménienne 13 / Caractères généraux de l'art arménien 14 / Division de l'ouvrage
35 / Origines de l'art arménien 36/ La christianisation de l'Arménie
39 / L'Arménie à l'époque protomédiévale 40 / Les martyrions 42 / Les ossuaires 43 / Le temps des basiliques 46 / Le triomphe de la coupole 47 / Les églises en croix libre 49 / Les fondations de prestige au début du VIIe siècle 51 / Les fondations de prestige du temps de l'empereur Héraclius (610-641)
54 / Les monuments de la seconde moitié du VIIe siècle 54 / Les carrés tétraconques 55 / Les salles à coupoles 57 / Les tétraconques à galeries 83 / La croix inscrite triconque à quatre piliers libres 84 / Les églises octoconques 84 / Les stèles arméniennes préarabes 85 / Les miniatures du manuscrit Erivan n° 2374 86 / Les mosaïques de Saint-Polyeucte à Jérusalem 86 / L'Arménie sous la domination arabe 88 / Cartes
93 / L'Arménie mésomédiévale (xe-xie siècles) 95 / L'art du royaume d'Arménie (l'école d'Ani) 100 / Ani, capitale du royaume d'Arménie 104 / Les églises hexaconques 131 / Les couvents du royaume d'Ani aux x-xr siècles
133 / Les fondations pahlavides 135 / Les XaC'k'ars 136 / L'art du Vaspurakans sous les Artzrounides 137 / Attamar, capitale du royaume de Vaspurakan 138 / L'église de la Sainte-Croix d'Alt'amar 156 / L'art de la Siounie orientale sous les Haykides 161 / L'art arménien dans l'Empire byzantin 174 / Cartes
177 / L'art arménien tardomédiéval 179 / L'Arménie du nord-est 179 / La ville d'Ani 185 / Les grands couvents du Nord-Est 196 / Les couvents d'Ayrarat 223 / Les Xack’ars de l'Arménie du nord à l'époque tardomédiévale 224 / L'Art tardomédiéval de la Siounie 225 / Les couvents de Siounie 238 Les couvents du Karabagh 252 / L'Arménie du Sud-Ouest : couvents et ermitages du Vaspurakan 256 / Les manuscrits du Vaspurakan 267 / L'Arménie cilicienne 268 / Quelques forteresses ciliciennes 270 / Manuscrits ciliciens 271 / Le monnayage cïlicien 271 / Les infrastructures du réseau routier dans l'Arménie tardomédiévale 272 / Les ponts 272 / Les caravansérails 273 / La diaspora Arménienne à l'époque tardomédiévale 275 / Cartes
299 / Plans généraux
313 / Annexes 315 / Translittération – Abréviations 316 / Bibliographie 317 / Reliques et objets de culte 320 / Terminologie 322 / Typologie 327 / Planimétrie 335 / Les décors non figuratifs 336 / Index des pays et des lieux 340 / Les couvents du Karabagh
INTRODUCTION GENERALE
Il y a deux façons d’aborder l’histoire d’un pays ou d’une civilisation : la voie littéraire qui puise aux sources écrites et la voie archéologique qui se fonde sur des données matérielles. Les premières ne sont pas exemptes de difficultés d’interprétation (subjectivité des témoignages et obstacle linguistique), les secondes sont loin d'avoir la rigueur qu’un appareil scientifique semble devoir leur donner.
En fait les deux modes sont complémentaires et, de nos jours, en dépit des divergences disciplinaires, on ne conçoit plus guère possible de progresser sans recourir à ce double processus d’investigation.
Qu’il soit bien clair que notre but n'est pas de faire une étude historique de l’Arménie médiévale, ni sur le plan événementiel, ni sur le plan religieux. De nombreux ouvrages remplissent parfaitement cet office. Mais si l’essentiel de notre propos est de démontrer l'importance de l’archéologie dans la connaissance de la culture arménienne du Moyen Age, nous ne manquerons pas de faire appel aux données littéraires chaque fois que cela sera nécessaire.
En moins d'un demi-siècle, les découvertes se sont multipliées, en République d’Arménie, mais aussi en Turquie, en Iran, en Azerbaïdjan et ce matériel a donné lieu à des analyses plus attentives et plus riches d’enseignement, de sorte qu’un ouvrage actuel sur la question n’est pas forcément une redite de celui de Sirarpie Der Nersessian (1977), ni du nôtre (1987). Dans ce sens, nous nous efforcerons de privilégier les monuments peu connus ou de découverte récente, bien que certains sites souvent publiés (comme Ani, Alt'amar, Ëjmiacin) soient, comme on dit, "incontournables".
On constate malheureusement combien le matériel archéologique, même s’il s’est enrichi quantitativement de façon spectaculaire, se dégrade au fil des ans.
Les causes de cette détérioration sont nombreuses : les tremblements de terre, les inondations sont le plus souvent en cause, mais les hommes participent largement aux destructions. On détruit pour utiliser les pierres, pour faire passer une route ; on adapte les églises à un nouvel usage : mosquée, habitation, grenier, étable. Des poussées de fanatisme religieux conduisent de temps à autre à des actes de vandalisme.
Le titre volontairement vague que nous avons donné à notre ouvrage impose néanmoins des limites dans le temps et dans l’espace. Dans nos pays, on fixe le Moyen Age entre la prise de Rome par les Barbares en 476 et celle de Constantinople par les Turcs en 1453. Bien que des élégies arméniennes aient déploré cette dernière, ces dates ne correspondent pas à grand-chose pour l’Arménie. On peut cependant les conserver à quelques décennies près, c’est-à- dire depuis le milieu du Ve siècle, quand s’est constituée en Arménie une culture chrétienne, jusqu’à la fin du xvc, quand le pays fut ruiné par les invasions turcomanes.
Les limites spatiales sont à la fois plus simples et plus complexes. Plus simples parce qu’il y a une culture arménienne là où se trouve en proportion suffisante une population arménienne ; plus complexes car, si l’on s’accorde à dire que le cœur de l’Arménie se situe entre l’Euphrate à F Ouest, la Kura à l’Est, le Petit Caucase au Nord et la Mésopotamie au Sud (c’est ce que l’on appelle l’Arménie Historique), des migrations tout au long de son histoire feront disparaître des foyers alors que d’autres naîtront dans des régions souvent très excentriques.
Données géographiques Nous avons vu combien, au sens géographique du terme, la notion d’Arménie était floue. Les géographes occidentaux appellent souvent Plateau Arménien une région sub-caucasienne caractérisée par un relief tourmenté, d'analyse géologique difficile. En gros, on peut dire qu’il est la conséquence d’une compression des deux principales chaînes montagneuses de l'Asie Mineure, les Alpes Pontiques au Nord et le Taurus au Sud, ce dernier refoulé par la "Plaque" ou "Table" syrienne. La première, culminant à près de 4000 m au Mont Kaçkar, ressemble, comme le suggère son nom, à nos Alpes européennes, avec ses cimes granitiques, ses torrents, ses forêts... Le Taurus, dépassant 4000 m au Mont Djilo (Cilo Dagi), rappellerait plutôt, au contraire, avec ses falaises et canyons calcaires, ses pelouses rases, le versant espagnol des Pyré¬nées. Mais dans l’ensemble, ce qui domine, c’est le désordre orographique, où les plissements sont pour la plupart noyés dans des boursouflements tabulaires.
L’Arménie ainsi comprise est le principal château d’eau pour l’Asie Antérieure. C’est de là que naissent non seulement les grands fleuves bien connus que sont l’Euphrate et le Tigre, mais aussi la Kura, l’Araxe et le Çoroh. Dans leur cours arménien, ces fleuves et leurs affluents cheminent d’abord dans les hautes pénéplaines du Plateau Arménien, puis dans des vallées de plus en plus étroites, bientôt coupées par des cluses infranchissables avant de divaguer dans les sables de Mésopotamie. En plus des cours d’eau, trois grands lacs complètent le système hydrologique du pays : le lac Sewan, vaste réservoir d’eau douce qui a vu malheureusement son niveau baisser par suite d’une exploitation industrielle incontrôlée ; les immenses lacs de Van et d’Ourmia salés et sans déversoir, qui sont donc de véritables mers, ont créé dans leur bassin un microclimat corrigeant les excès du climat continental ambiant.
Un certain nombre de faits géographiques ou géologiques ont des implications historiques et culturelles plus ou moins évidentes. Ainsi la fertilité des bassins alluviaux a induit les Arméniens à préférer l'agriculture à l'élevage, donc la sédentarité au nomadisme, d'où un développement précoce de l’artisanat et du commerce. En revanche, l’isolement de ces bassins explique l’émiettement des pouvoirs, les particularismes et les difficultés d’établir des fédérations durables.
La richesse minière de l’Arménie en métaux natifs (or, argent. Cuivre) ou en minerais a généré une activité artistique et industrielle, dès le IVe millénaire av. J.-C. pour le bronze et le xir siècle av. J.-C. pour le fer. Cette richesse n’est pas un élément négligeable dans la convoitise des grands empires pour l’Arménie. Le sous-sol a encore favorisé ce pays en offrant aux architectes un matériau aux multiples qualités, le tuf volcanique, qui, léger, facile à découper et à sculpter leur a permis de réaliser des œuvres aussi nombreuses que variées. L’habileté et la science des architectes ont eu en grande partie raison de la violence et de la fréquence des tremblements de terre.
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Jean - Michel Thierry
L'arménie : Au Moyen Age
Zodiaqve
Zodiaqve L'arménie : Au Moyen Age Les hommes et les monuments Jean-Michel Thierry
Couverture : île d’Alt amar Couvent de la Sainte-Croix Vue générale
La maquette est de Jean-Charles et Pascale Rousseau
La photocomposition du texte a été réalisée par Pascale Rousseau et les Ateliers de la Pierre-qui-Vire (Yonne)
La sélection et le montage des planches ont été réalisés par les Ateliers de la Pierre-qui-Vire
L'impression a été réalisée par l'imprimerie du Centre (idc, Orléans)
Reliure par la Nouvelle Reliure Industrielle (l.n.r.i., Auxerre).
Directeur Gérant : Jacques Collin
ISSN 0763-7608 ISBN 2 7369 0268-8 Dépôt légal : 1536.10.00
Les photographies sont de Jean-Michel et Nicole Thierry, à l'exception des planches : 77 (cliché N. Marr), 169 et 172 (cliché A. Leloyan), 203 et 204 (cliché I. Rapti). Les relevés de peintures dans le texte sont de Nicole Thierry Les plans sont de Jean-Michel Thierry, éventuellement d'après des plans originaux (voir légendes) Les dessins au trait sont du frère Noël Deney