Lisez la célèbre revue mensuelle de tourisme, de géographie et d’exploration, placée sous le patronage officiel de la Société de Géographie de Paris, des conférences « Connaissance du Monde » (France), des conférences « Exploration du Monde » (Belgique). Elle offre chaque mois à ses lecteurs, en 100 pages sur papier couché (avec hors-texte et couverture en couleurs) non seulement des récits de voyages, d’exploration et d’exotisme, mais aussi des monographies sur les grandes réalisations de l’homme dans les domaines de l’art et de la technique, ainsi que de substantielles rubriques touristiques, économiques, littéraires et artistiques.
Depuis l’âge de 18 ans, Jacques Soubrier parcourt le monde. En 1933, en compagnie de S. Desombre, il effectue la première traversée du Sahara à motocyclette. En 1935, long voyage en Afrique noire et exploration de la forêt tropicale de l’Hinterland libérien. 1937-1938-1939, séjour sous la tente des Kurdes nomades dans les montagnes interdites du Zaghros et de l’Avrôm, longues tournées chez les Yézidés, adorateurs du diable, et les Assyro-Chaldéens du Khabbour. 1943-1946, voyage à pied au Maroc dans le Rif et l’Atlas. 1948, de Terre-Neuve à la Terre de Feu. 1949, tour de la Méditerranée en scooter. 1952, 56 000 kilomètres à travers le continent africain. 1955, d’une pointe de l’Europe à l’autre — de l’îlot de Gaudos, dans la mer de Lybie, au Cap Nord — les 300 derniers kilomètres à pied à travers le « field » avec un canot pneumatique sur le dos. 1958-1959, Tour du Monde.
Auteur d’une dizaine de volumes, d’innombrables reportages, de contes, de nouvelles et de plusieurs centaines d’ar ticles, J. Soubrier a tourné, en outre, un film en couleurs : Paradis sauvages, et prononcé de très nombreuses conférences à Paris, en province et à l’étranger.
Lauréat de l’Académie française et de l’Académie des Sciences, médaille d’or de la Société de Géographie et de la Société de Topographie, il est aussi, depuis 1945, Secrétaire général de la Société des Explorateurs et des Voyageurs Français (Club des Explorateurs).
Table des Matières
Chapitre Premier. — Le Sahara à motocyclette / 7
Chapitre II. — Afrique noire — Libéria / 15 Chapitre III. — Chez les Kurdes nomades / 37 Chapitre IV. — Atlas et Rif / 52 Chapitre V. — De Terre-Neuve à la Terre de Feu / 61 Chapitre VI. — D’une pointe de l’Europe à l’autre / 77 Chapitre VII. — 56 000 kilomètres à travers l’Afrique / 96 Chapitre VIII. — Le tour du monde d’un vagabond / 104
CHAPITRE PREMIER
Le Sahara à motocyclette
Il est, pour chacun d’entre nous, un moment de la vie où volontiers on se retourne pour considérer le chemin parcouru. Ce regard sur le passé me fait aujourd’hui redécouvrir le long itinéraire, capricieux et coloré, souvent rude et sauvage, qui m’a conduit, d’année en année, sur les sentiers du monde, déroulant devant mes pas les surprises et les enchantements. Ces vingt-cinq ou trente saisons d’errances et de flâneries, jugées avec recul, disent avant tout que les plus riches souvenirs sont ceux des amitiés humaines et des affections ébauchées.
Plaignons les voyageurs seulement soucieux de monuments et de paysages ! Au-delà de ces découvertes faciles, j’ai partout cherché le contact intime avec les peuples. J’ai partagé leur vie, et j’ai choisi, par goût, la compagnie des humbles ; car c’est à travers la misère et la souffrance, l’ennui et la médiocrité, qu’on apprend à connaître les hommes et, davantage encore, à les aimer.
Ainsi, aujourd’hui, après tant de milliers de kilomètres parcourus à pied, à cheval, en pirogue ou en camion, si je laisse errer ma pensée parmi ce chatoiement confus d’émoiions et d’images, je vois se détacher aussitôt, comme autant d’apparitions bienveillantes, des figures d’êtres rencontrés. Je songe aux Indiens bariolés de l’Equateur, qui accueillirent le voyageur solitaire que j’étais et lui firent partager leur beefsteack d’escargot, leurs filets de pécari et leurs bananes cuites sous la cendre ; aux Assyro-Chaldéens du Khabbour, à leurs prêtres barbus qui voulaient à toute force me faire communier dans leur compotier, sans plus se préoccuper de la pureté de ma conscience que de celle de mon estomac ; je songe au Captain Gark et à Sylvia, sa charitable épouse, qui, à Vancouver, me donnèrent du travail sur leur petit remorqueur pour me tirer d’une misère provisoire ; je songe à Somsuck, le jeune bonze en robe safran, au crâne et aux sourcils rasés qui, m’accordant son amitié, m’invita à vivre avec lui dans son monastère de Thaïlande ; je songe aux chefs kurdes nomades qui, sous leur tente noire en poil de chèvre me reçurent comme l’ami qu’on attend ; aux gauchos chiliens qui, sur leurs montures aux larges pieds, accompagnèrent mes chevauchées à travers les étendues livides de la Terre de Feu ; au vieil Alexandros, l’anachorète aveugle et centenaire dont j’ai partagé la grotte enfumée face à l’un des plus somptueux paysages dont puisse rêver l’imagination ; à Robinson, mon boy j amaïcain, à son gentil sourire quand nous entrions, nus, dans les eaux bleues du lagon, à son regard sauvage quand il écorchait les mangues avec ses dents ; à mes bons amis de la brousse africaine, qui furent les compagnons sans malice de mes plus belles randonnées, et à tous ceux qui, à des milliers de kilomètres de mon foyer, ont su m’en recréer un autre et me faire goûter les joies si douces de l’hospitalité. Car si les héros d’Homère disaient volontiers : « L’hôte est un présent de Zeus », les Kurdes disent aussi : « L’hôte est un envoyé de Dieu » et les Watutsi du Ruanda disent de même : « Un invité ne crée pas la famine » ...
Plus volontiers encore je songe à tous ces enfants au regard triste, et qui avaient faim, avec lesquels j’ai si souvent partagé mon repas, au petit mendiant de Oaxaca, au Mexique, qui, à minuit, vendait encore ses noyaux sculptés ; je songe aux négrillons adorables dont les gentils minois me souriaient de toutes leurs dents blanches, aux gamins blonds des montagnes de Crète, aux bergers effarouchés du Kurdistan, aux petits ragazzi de Calabre, aux pâtres albanais en toque blanche, aux garçons de Djezireh, dont les cheveux nattés tombaient sur les épaules, aux jeunes princes arabes qui portaient leur aggal comme un diadème, aux bambins russes, joufflus et roses sous leur chapska de fourrure, aux fillettes du Laos dont le visage n’était qu’un sourire, aux petits Japonais mignons comme des poupées incassables, aux danseuses martyrisées de la forêt libérienne, disloquées dès leur enfance, à tous ces angelots de toutes races qui, par toute la terre, laissaient lire dans leur regard la fraîcheur et parfois la détresse de leurs pensées.
De tous ces êtres côtoyés je n’ai gardé que de bons souvenirs, émus ou tendres, heureux et reconnaissants. Visiteur indiscret, peut-être, mais sans complices, je n’ai jamais souri de leurs mœurs ni de leurs mines. Je ne me suis pas moqué de leurs croyances, même si leurs divinités avaient curieuse figure. Je les ai aimés tels qu’ils étaient, avec leurs tares ou leurs vertus, leur idéal ou leurs superstitions ; et lorsque me viennent parfois les heures d’inquié-tude ou de doute, il me plaît de penser que, quelque part dans le monde, sous une case de chaume, un yourte de feutre ou une tente de nomade, l’un d’entre eux se souvient, lui aussi, de notre ren-contre, et que nos pensées, sans le savoir, à travers les frontières et l’espace, se rejoignent.
C’est à tous ces amis d’un jour — ou d’un mois — artisans de mon bonheur, que je dédie ces pages qui leur doivent tout. …..
Jacques Soubrier
A L'aventure autour du monde
EGT
Edition Géographique et Touristique Connaissance du Monde A L'aventure autour du monde Jacques Soubrier
Le Numéro : 5,50 NI- (55O F) Pour les abonnements s’adresser : Société d’Edition Géographique et Touristique 79, botil. Saint-Germain, Paris (vie) Danton, 97-40
Imprimé en France Imprimerie Illustration Bobigny
Les photographies illustrant cet ouvrage, compris la couverture et les hors-textes en couleurs sont de Jacques Soubrier.