Abû Muslim : Le « Porte-Hache » du Khorassan
Irène Mélikoff
Adrien Maisonneuve
C’est une étrange personnalité que celle d’Abü Muslim, en apparence fidèle serviteur des Abbassides, mais dont la mort fut cause de nombreuses agitations de caractère anti-islamique. Bien qu’il fût le chef d’un mouvement populaire iranien, les populations turques d’Asie Centrale et les montagnards du Daghestan le vénérèrent comme un héros national. Sa légende reste vivante dans la littérature du plus hétérodoxe parmi les ordres turcs de derviches, celui des Bektâşî. On le célébra dans un roman épique, mais ce fut encore chez les Turcs que ce roman eut le plus d’expansion. Des copies appartenant à tous les siècles se retrouvent dans différentes bibliothèques. La Bibliothèque Nationale de Paris compte neuf manuscrits turcs ...
Table des Matières
Avant-Propos / 7
Equivalences de Transcription / 9
Ouvrages Consultes / 11
Liste Des Abreviations / 21
Première Partie
Introduction / 25
Chapitre I. Le Conte épique Turco-Iranien / 29
Chapitre II. Canevas Historique de la Légende / 45
Chapitre III. Développement de la Légende / 61
Chapitre IV. La Légende d’Abü Muslim / 71
Deuxième Partie
Introduction / 87
Le Roman d’Abü Muslim, le « Porte-Hache » du Khorassan :
I. Comment les maudits Hérétiques-Mervanides s’emparèrent du Califat et du mal qui s’ensuivit / 91
II. Des événements qui se déroulaient pendant ce temps dans la ville de Merv / 92
III. Comment Esed et Kelïme arrivèrent à Isfahân et du mal que leur fit le cruel Haccâc / 94
VI. Comment Kelïme et Abü Muslim retournèrent à Merv et furent recueillis par Kesïr bin ‘Abdullah / 95
V. Comment Abü Muslim tua deux champions redoutables et reçut la révélation de sa mission / 96
VI. Comment Ahï Hurdek forgea la hache d’Abü Muslim / 98
VII. Comment les Ahïs de Merv prêtèrent serment de fidélité à Abü Muslim / 101
VIII. Du combat de la mosquée / 102
IX. Comment Mâhyâr le Juif cacha Abü Muslim et fut dénoncé par Zerkï l’Espion / 104
X. Comment Abü Muslim fut capturé et délivré / 106
XI. Du voyage d’Abü Muslim vers l’Irak / 108
XII. Comment Abü Muslim sauva du supplice les Ahïs de Merv et repartit pour la Syrie / 114
XIII. Comment Abü Muslim obtint le firman de l’Imâm Ibrâhîm / 116
XIV. Du rêve de Mervân et du martyre de l’Imâm Ibrâhîm / 118
XV. Comment Süleymân-i Kesîr refusa de reconnaître l’autorité d’Abü Muslim / 119
XVI. Du début de l’insurrection / 120
XVII. Comment les insurgés se retirèrent à Çahâr Dolâb / 121
XVIII. De la fuite d’Abü Muslim et de la cruauté de Muhtâc / 122
XIX. Comment Muhammed-i Hwârezmgâh vint en aide à Abü Muslim / 123
XX. Étrange apparition d’un derviche vêtu de feutre / 125
XXI. Comment Hâris-i Pîr vint se joindre à Abü Müslim / 127
XXII. Comment Abü Muslim fut fait prisonnier et enfermé dans un coffre / 128
XXIII. De la prise de Merv et de la fuite de Nasr-i Seyyâr / 129
XXIV. Comment Nasr-i Seyyâr perdit la ville de Balkh / 131
XXV. Comment Nasr-i Seyyâr tenta de reconquérir la ville de Merv / 132
XXVI. Prise de Hirï et fuite de Nasr à Nîgâpür / 133
XXVII. Prise de Nîgâpür et de Dâmgân et mort de Nasr-i Seyyâr / 133
XXVIII. Comment Abü Muslim combattit les armées de Mervân l’Ane / 134
XXIX. Comment Abü Muslim s’empara de Damas et délivra de prison deux fils d’“Abbâs / 137
XXX. Fin de Mervân et des Mervanides / 139
XXXI. Comment Abü Muslim et ses compagnons se dis-persèrent, chacun de son côté / 141
XXXII. Comment Abü Muslim fut martyr / 142
XXXIII. Comment les compagnons d’Abü Muslim vengèrent sa mort / 144
Index des Noms Cites / 147
Table des Matieres / 159
AVANT-PROPOS
La présente étude concerne le roman épique qui s’est formé autour de la personnalité d’Abü Muslim et qui se trouve conservé dans plusieurs manuscrits persans et turcs de la Bibliothèque Nationale de Paris. A ce récit attribué à Abu Tâhir de Tüs, nous avons donné le titre de Roman d’Abü Muslim. Notre étude ne saurait être exhaustive. Elle n’est qu’une introduction à un sujet aussi vaste qu’intéressant puisqu’il embrasse d’une part la littérature des corporations de métiers, celle des Ahîs en particulier, qui ont fait d’Abü Muslim le héros de leur corporation, d’autre part l’étude des légendes qui se sont formées autour du Champion des Abbassides à l’intérieur de certaines sectes hétérodoxes de derviches qui ont exalté sa mémoire, ainsi qu’en témoigne la présence de sa hache symbolique sur les murs des couvents de Bektachis. La hache, élément inséparable de la figure légendaire qui fait l’objet de cette étude, est, en effet, le symbole d’Abü Muslim, tout comme Zü’l-Fikâr est celui d’‘Alî.
C’est l’arme qui est son signe distinctif par excellence et qui lui a été octroyée directement de l’Au-delà, lors de son « Initiation ». Ainsi, les corporations de métiers et les sectes de derviches auront transformé le Champion des Abbassides, personnage historique, en héros « Porte-Hache » qui appartient à la légende. C’est la formation de cette légende qui fait le sujet de nos recherches. L’étude des recueils hagiographiques de ces sectes, ainsi que les récits populaires de la Perse et de la Turquie, devraient fournir une matière féconde à une telle investigation.
Nous ne saurions assez remercier notre cher maître, M. Henri Massé, dé nous avoir conseillé l’étude du Roman d’Abü Muslim. C’est avec un intérêt toujours croissant que nous avons poursuivi nos recherches pour aboutir à des résultats inattendus. C’est avec joie que nous lui exprimons ici notre gratitude pour avoir bien voulu revoir notre travail.
Nous remercions aussi notre cher maître M. Jean Deny qui a accepté de relire notre étude et nous a permis, une fois de plus, de bénéficier de ses précieux conseils.
Nous remercions également M. H. Laoust pour l’intérêt qu’il a bien voulu témoigner à notre ouvrage.
Pour la transcription des noms turcs et persans, nous avons adopté le système de l’Encyclopédie Turque de l’Islam. Ce système de transcription repose sur l’alphabet turc moderne auquel il apporte certaines précisions en permettant, notamment, de restituer l’écriture arabe ; il a aussi l’avantage d’employer un signe unique pour la transcription de chaque signe graphique. Cependant, pour les mots passés dans l’usage de la langue française, tels derviche, chah, khan, nous avons conservé leur orthographe habituelle.
Nous souhaitons que le lecteur du Roman d’Abü Muslim trouve dans ce récit du Moyen-Age, autant de plaisir que l’auteur en composant cette modeste étude.
I. M.
Première Partie
Introduction
C’est une étrange personnalité que celle d’Abü Muslim, en apparence fidèle serviteur des Abbassides, mais dont la mort fut cause de nombreuses agitations de caractère anti-islamique. Bien qu’il fût le chef d’un mouvement populaire iranien, les populations turques d’Asie Centrale et les montagnards du Daghestan le vénérèrent comme un héros national. Sa légende reste vivante dans la littérature du plus hétérodoxe parmi les ordres turcs de derviches, celui des Bektâşî. On le célébra dans un roman épique, mais ce fut encore chez les Turcs que ce roman eut le plus d’expansion. Des copies appartenant à tous les siècles se retrouvent dans différentes bibliothèques. La Bibliothèque Nationale de Paris compte neuf manuscrits turcs du Roman d’Abü Muslim contre quatre persans, alors que, dans les bibliothèques d’Istanbul, la version turque de cet ouvrage couvre jusqu’à dix-neuf manuscrits. Encore au début du XIXe siècle, une nouvelle rédaction en vers turcs fit revivre cette vieille geste d’époque gaznévide qui continue, de nos jours, à inspirer toute une littérature de vulgarisation populaire. Dans l’opinion du peuple turc, Abu Muslim est un des leurs ; sa mission historique est bien définie : c’est le vengeur de la tragédie de Kerbelâ. Il suffit, pour s’en rendre compte, de regarder les titres des brochures populaires accessibles dans la plupart des kiosques de Turquie, et dans lesquelles l’histoire est traitée avec la plus grande fantaisie : « La Vengeance de Kerbelâ et le héros turc Abü Muslim le Khorassanien », etc.
Les Uzbeks et les Turcomans reconnaissent en Abü Muslim un compatriote qui a rassemblé sous la bannière noire des Abbassides les Turcs de Transoxiane et du Hwârezm. Ils le célèbrent dans leurs ballades et leurs légendes et un manuscrit turc du Roman d’Abü Muslim, d’une date aussi ancienne que 550/1155, a été découvert à Khiva par H. Vambéry (1). Le professeur Fuat Kôprülü apporte à l’appui des conjectures sur l’origine turque d’Abü Muslim, le …
(1) Cf. pp. 56, 82.
Irène Mélikoff
Abû Muslim
Le « Porte-Hache » du Khorassan
Adrien Maisonneuve
Adrien Maisonneuve
Librairie d’Amérique et d’Orient
Abû Muslim
Le « Porte-Hache » du Khorassan
Irène Mélikoff
Abû Muslim
Le « Porte-Hache » du Khorassan
Dans La Tradition Épique
Turco-Iranienne
Illustré de 6 reproductions fac-similés de Manuscrits
Persans et Turcs
Paris
Librairie d’Amérique et d’Orient
Adrien Maisonneuve
11, Rue Saint-Sulpice (VIe)
1962
Ouvrage publié avec le concours du
Centre National de la Recherche scientifique
Imprimerie à Bontemps, Limoges (France)
Dépôt Legal : Trimestre 1962