PREFACE
Il n'existe pas, à notre connaissance, d'autre recueil de vocabulaire hourrite que la liste de mots publiée par J. Friedrich, en annexe à son Hethitisches Wörterbuch; elle est désormais notoirement insuffisante. Il nous a paru nécessaire, trente-cinq ans après le grand livre de E. A. Speiser, Introduction to Hurrian, de fixer le détail de nos connaissances en rédigeant un glossaire général de la langue, conforme à l'état actuel du déchiffrement. Toutes les sources s'y retrouvent groupées en articles dont le schéma est uniforme, mais le contenu très inégal, et la présentation évidemment provisoire. Nous avons voulu fournir aux orientalistes et aux linguistes intéressés un instrument de travail qui permette d'aller plus loin, et de faire progresser cette branche secondaire des études cunéiformes.
De récentes découvertes, comme celles de Ras Shamra et de Meskene, laissent prévoir que l'archéologie orientale, aussi bien en Mésopotamie qu'en Syrie et en Anatolie, exhumera encore de nouveaux documents hourrites. Le présent Glossaire est donc destiné à vieillir vite; l'auteur serait le dernier à le regretter.
Mme Lisbeth Christmann-Franck a eu l'amabilité de corriger avec moi les épreuves; qu'elle en soit ici remerciée.
Paris, juin 1978
Introduction
§ 1. La langue hourrite a été parlée et écrite dans le Proche-Orient asiatique au second millénaire avant J. C. L'existence de cette langue morte, disparue sans laisser de traces, fut révélée par les archives cunéiformes d'EI Amarna, en Egypte. Parmi les lettres en langue akkadienne de la correspondance diplomatique, se trouvait une grande tablette, EA 24, rédigée en langue inconnue: son intitulé, immédiatement déchiffrable, indiquait l'expéditeur, un roi Tušratta du Mittanni, et le destinataire, le pharaon Aménophis III (sous le nom de Nimmuriya). On appela la nouvelle langue le "mitanien"(1).
Plus tard, des assyriologues établirent l'identité de quelques mots "mitaniens" et de gloses contenues dans les listes lexicographiques babyloniennes. Comme certains textes attribuaient au pays de Subartu ces gloses étrangères, plusieurs orientalistes substituèrent au "mitanien" le terme de "subaréen"(2).
Mais la découverte ultérieure de documents en langue "mitanienne/subaréenne" sur les sites de Bogazkôy-Hattusa, au centre de l'Asie Mineure, de Tell Hariri-Mâri, sur le Moyen Euphrate, et de Ras Shamra-Ugarit, sur la côte syrienne, hors des limites du Mitanni et du Subartu, rendait suspectes les deux premières dénominations. Il apparut qu'une confusion s'était instaurée entre la langue et les pays ou États où elle fut en usage. Il fallait une désignation linguistique, non géographique ou politique. Les documents d'origine anatolienne la fournirent.
§ 2. Les Hittites de l'Empire, aux I4éme et 13éme siècles, avaient emprunté à leurs voisins Hourrites un grand nombre de divinités et de cultes. Ils les mêlèrent peu à peu aux dieux de provenance anatolienne, créant par syncrétisme une sorte de panthéon mixte. En décrivant les cérémonies et les sacrifices que les souverains célébraient en leur honneur, les scribes hittites ont reproduit ...
(1) Par exemple- L. Messerschmidt, MitanniStudien, 1899; F. Bork, Die Mitanni-Sprache, 1909. (2) J. Friedrich, "Subaràische Texte", dans Kleinasiatische Sprachdenkmàler, 1932; A, Ungnad, Subartu. 1936.
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