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La vie en Irak il y a un siècle


Auteur :
Éditeur : Editions A. Pedone Date & Lieu : 1963, Paris
Préface : Pages : 124
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 165x245 mm
Code FIKP : Liv. fra. Vau. Vie. 258Thème : Général

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La vie en Irak il y a un siècle

La vie en Irak il y a un siècle

Pierre de Vaucelles

A. Pedone


Pendant tout le cours du XIXe siècle, nous avons eu, dans ce qu'on appelait alors la Mésopotamie, trois postes consulaires : ceux de Bagdad, de Mossoul et de Bassorah. Le grade de leurs titulaires n'a cessé d'ailleurs de varier. A certaines époques, pour des raisons de prestige ou d'opportunité, le poste de Bagdad a été érigé en consulat général. Tel a été le cas par exemple sous ...



AVANT PROPOS


Lors de mon séjour à Bagdad il y a quelques années, mon attention avait été attirée par certains de mes collaborateurs sur la présence, dans une armoire de la Chancellerie de l'Ambassade, d'archives antérieures à 1914. Celles-ci, qui remontaient aux premières années du XIXe siècle et n'avaient pas été détruites lors de notre entrée en guerre contre la Turquie, étaient incomplètes : une partie, notamment, de la correspondance de nos Consuls manquait. Mais. tels quels, ces vieux documents me passionnèrent. Ecrits dans un style à la fois pompeux et naïf, par des agents souvent assez simples, issus des milieux de protégés français du Levant et ayant fait toute leur carrière entre Alep, Djeddah, Diarbékir et Bagdad, connaissant parfaitement les milieux turcs et arabes dont ils parlaient la langue, ces dépêches décrivaient un monde aujourd'hui complètement disparu : déserts sans derricks (1 ). parcourus seulement par les caravanes bédouines, villes aux ruelles tortueuses et aux souks bruyants, ravagées périodiquement par des épidémies et secouées par des émeutes raciales ou religieuses, populations encore très primitives, de mœurs parfois sauvages, mais ayant gardé certaines de leurs vertus ancestrales, fonctionnaires prévaricateurs ou indolents dont le despotisme était tempéré seulement par la crainte d'une disgrâce soudaine et imprévue. J'ai passé alors des heures très attachantes à déchiffrer ces vieilles dépêches poussiéreuses et j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant, pour le Français d'aujourd'hui, que ses affaires ou ses loisirs attirent dans un Moyen-Orient si différent de cc qu'il était jadis, de se faire une idée plus précise des conditions de vie qu'ont connues là-bas, il y a quelques dizaines d'années seulement. ceux qui avaient la charge d'y représenter notre pays.

Rentré à Paris quelques années après mon départ de Bagdad, j'ai pu, grâce à la complaisance de M. Baillou, directeur des archives du Quai d'Orsay, et de ses collaborateurs, compulser la correspondance de nos agents à Bagdad, Bassorah et Mossoul, entre 1830 et 1900. Ce sont des extraits de cette correspondance que je me propose de mettre sous les yeux de mes lecteurs ; je les ai reproduits tels quels, pour leur garder toute leur saveur. Ma contribution personnelle à ce travail a été aussi restreinte que possible. Je me suis borné à résumer parfois certaines dépêches trop longues et à relier entre eux les textes originaux. Pour des raisons de discrétion, j'ai préféré parfois ne pas livrer les noms des rédacteurs des dépêches ou des personnages mis en scène. De même j'ai estimé préférable, fût-ce au détriment de la couleur locale, de traduire cn français des dénominations turques ou arabes, telles que « vali ~, « caïmacam ou autres, peu familières à nos oreilles.

Cette correspondance est d'autant plus savoureuse qu'elle emprunte, comme c'était l'habitude alors, la forme de lettres privées au Ministre, lettres souvent fort longues, parsemées de e Mr le Ministre et se terminant par la formule rituelle : e Veuillez agréer les assurances du respect avec lequel j'ai l'honneur d'être formule qui contraste assez drôlement parfois avec le contenu de la lettre où l'agent décrit ses maladies ou raconte, sur un ton familier, ses mésaventures au cours d'un voyage.

Mais, avant de laisser la parole à mes lointains prédécesseurs, je voudrais ajouter deux remarques d'ordre général.
Tout d'abord, ainsi que l'indique l'intitulé de cette étude, je n'ai pas entendu faire œuvre d'historien. Je n'ai donc choisi, dans la correspondance de nos agents, que les passages qui donnent une idée de leur vie et de celle des populations au milieu desquelles ils exerçaient leur activité. J'ai laissé délibérément de côté toutes les dépêches de nature politique : je tiens donc à ce qu'on sache que nos représentants ne passaient pas tout leur temps à raconter au Département leurs démêlés, souvent pittoresques, avec les autorités locales. ni à décrire les réceptions qu'ils donnaient à l'occasion de la Saint-Philippe ou de la Saint-Napoléon. Bien au contraire : j'ai même été surpris de constater à quel point nos consuls, en dépit des distances et du manque de moyens de communication, savaient se renseigner sur ce qui se passait souvent fort loin d'eux et j'ai admiré l'exactitude de leurs informations. lis ont suivi par exemple avec le plus grand soin, tout au long du siècle passé, les étapes successives de l'installation des Anglais sur les rives du golfe Persique et annoncé à maintes reprises dès 1880 qu'en cas de conflit mondial, les troupes britanniques s'efforceraient de s'assurer le contrôle de l'Irak. Ils ont deviné l'importance du rôle que devaient jouer les Wahabites et j'ai pu, grâce à leur correspondance, suivre, année par année, avant de lire le livre de M. Benoist-Méchin, l'épopée d'lbn Séoud et ses démêlés avec l'administration ottomane. Je rappellerai en outre que parmi eux, figurent certains des pionniers de l'archéologie française, les Botta, les Place, les Sarzec, qui ont su mener de front leur travail consulaire et leurs fouilles. Si l'on songe, 'enfin, aux conditions matérielles dans lesquelles ils devaient travailler, sous un climat très dur, exposés aux maladies et aux accès de fanatisme qui ont mis souvent leurs jours en danger, on est rempli d'admiration pour ces fonctionnaires, originaux parfois pour le plaisir de ceux qui les lisent, mais consciencieux, appliqués et se faisant une très haute idée de leurs fonctions et de leurs responsabilités.

Je rappellerai d'autre part, pour éviter de froisser certaines susceptibilités parfaitement légitimes, que le monde décrit dans cette correspondance appartient désormais au passé. Peu de régions du globe ont connu une transformation plus complète et plus rapide depuis 50 ans que celle-ci. Jadis province déshéritée de l'empire ottoman, livrée à l'anarchie tribale et aux exactions de fonctionnaires envoyés généralement en disgrâce dans ces régions lointaines, l'Irak que j'ai connu diffère autant de la Mésopotamie de 1850 que la France actuelle de celle du XVIe siècle. Les amateurs de pittoresque pourront le regretter, mais c'est un fait ; et, si j'ai pu décerner à mes prédécesseurs un brevet d'héroïsme, ce n'est nullement dans le but de me faire passer moi-même pour un héros. Si j'ai eu, au cours de ma mission, à surmonter quelques difficultés, elles ont été d'un tout autre ordre : ma santé ni ma vie n'ont jamais été menacées et j'ai mené à Bagdad une existence qui ne différait guère de celle que j'avais connue dans mes précédents postes. Qu'on le regrette ou qu'on s'en félicite, l'ère des diplomates-pionniers est bien close.

(1) La seule mention concernant l'existence du pétrole en Irak que j'ai trouvée dans la correspondance de nos consuls - celle-ci s'arrêtant, comme Je le dirai plus loin, en 1897 - est contenue dans une lettre de M. Place, notre consul à Mossoul, du 27 juin 1854. Relatant un voyage qu'il fait dans la province de Kirkouk, il raconte que, dans une ville nommée Touz Khourmatou, «il existe une source d'eau chaude qui jette du bithume (sic 1) en abondance que les fellahs emploient pour l'éclairage de leurs maisons car l'huile est fort rare ou même n'existe pas dans cette partie de !a province".

de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur



Première Partie (1)

Représentation Française en Irak

Pendant tout le cours du XIXe siècle, nous avons eu, dans ce qu'on appelait alors la Mésopotamie, trois postes consulaires : ceux de Bagdad, de Mossoul et de Bassorah. Le grade de leurs titulaires n'a cessé d'ailleurs de varier. A certaines époques, pour des raisons de prestige ou d'opportunité, le poste de Bagdad a été érigé en consulat général. Tel a été le cas par exemple sous ...

(1) Les volumes des archives des Affaires étrangères dont sont extraits les documents cités sont : Correspondance politique des Consuls de Turquie, vol. 1 à 12 (années 1830-1840) et Bagdad et Mossoul, vol. 1 à 6 (1840-1866), Bagdad, vol. 6 et 7 (1867-1895) et Mossoul, vol. 2 à 4 (1868-1896).




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