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Comment est né l’Irak moderne?


Auteur :
Éditeur : CNRS Date & Lieu : 2009, Paris
Préface : Pages : 558
Traduction : ISBN : 978-2-271-06719-7
Langue : FrançaisFormat : 150x230 mm
Code FIKP : Liv. Fra. Lui Com. 4644Thème : Histoire

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Comment est né l’Irak moderne?

Comment est né l’Irak moderne?

Pierre-Jean Luizard

CNRS


1920, aujourd’hui... À nouveau, l’Irak doit reconstruire un État sous le patronage d’une puissance d’occupation, britannique hier, américaine à présent. Pourquoi un pays possédant autant de richesses naturelles et démographiques est-il le théâtre de tant de tragédies depuis trente ans ?

Remontant à la création de l’Irak moderne, Pierre-Jean Luizard décrypte les origines des confrontations confessionnelles et ethniques qui déchirent encore la région. Inspiré par la pratique européenne de l’État-nation et imposé par la force des armes anglaises face au projet islamique et transnational des ayatollahs, le premier État irakien s’était édifié aux dépens des chiites, puis des Kurdes. La « question irakienne » était née, faisant le terreau du désastre actuel.

Une somme sans équivalent qui renouvelle en profondeur notre connaissance de l’Irak contemporain et du Moyen-Orient.



Pierre-Jean Luizard, chargé de recherche au CNRS, est spécialiste d’histoire contemporaine de l’islam au Proche et au Moyen-Orient arabe.



AVANT-PROPOS


Le 6 novembre 1914, les Britanniques avaient débarqué à Fao à la faveur de la Première Guerre mondiale. Près de quatre-vingt-dix ans plus tard, en mars 2003, les voici à nouveau à l’extrémité la plus méridionale de l’Irak, au sud de Basra. Cette fois, ils ne sont qu’un partenaire de la grande puissance américaine. Deux occupations vont s’ensuivre, entre lesquelles les similitudes ne manquent pas.

À l’Origıne de la «Question Irakienne»

L’ancienne Mésopotamie connaît depuis plusieurs décennies une vertigineuse succession de tragédies faites de guerres extérieures, de soulèvements internes, de répression sanglante et, depuis 2003, d’occupation étrangère. Ce livre remonte aux origines de la « question irakienne », c’est-à-dire aux circonstances qui ont accompagné la fondation de l’État irakien en 1920 par le haut-commissaire britannique, sir Percy Cox. Le nouvel État n’était pas seulement une rupture avec le passé islamique du pays. C’était aussi la mise en place d’un système politique qui, au nom d’une modernité européenne, entendait imposer par la force une nouvelle conception de l’identité de l’Irak. L’identité ethnique, celle des Arabes, était mise en avant, aux dépens d’une autre, islamique, qui prévalait alors. Ce choix était la transposition, en terre d’islam, des conceptions de l’État-nation en vigueur en Europe. Il s’expliquait aussi par le fait que l’islam avait constitué le principal obstacle à la domination européenne dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. C’est, en effet, au nom de l’islam que l’État ottoman et la marja’iyya chiite, en Irak, avaient pris la tête de la lutte contre l’expansion coloniale des puissances européennes dans la région. L’État irakien fut aussi le résultat de la rencontre de plusieurs projets politiques : celui du colonisateur avec ceux de certaines élites qui avaient en commun le fait d’être arabes et sunnites. La conception sunnite du pouvoir portait en germe cette évolution vers des positions ethniques où l’islam en arrivera rapidement à ne plus être qu’une catégorie culturelle du nationalisme arabe. Ces élites, qui avaient été les relais locaux du pouvoir ottoman, étaient passées presque du jour au lendemain au service des nouveaux maîtres du pays. Le caractère confessionnel du nouveau système politique fut longtemps masqué par l’apparence moderne de la nouvelle citoyenneté irakienne. En revanche, l’arabisme du nouvel État ne fut jamais démenti, même lorsque les Kurdes furent incorporés à l’Irak en 1925.

L’État irakien fut conçu pour permettre de pérenniser la domination britannique sur le pays, avec son corollaire, l’accaparement de ses institutions par des élites issues de la communauté arabe sunnite, d’où le qualificatif d’« anglo-sunnite » pour désigner le système politique irakien. La revendication islamique continua à s’identifier au combat de la direction religieuse chiite contre la mainmise britannique, tandis que le nationalisme arabe échouait à émanciper les élites sunnites de la tutelle européenne qui avait permis leur monopole sur l’État. Des communautés entières ont payé du prix d’une quasi-disparition leur confrontation avec l’État-nation arabe : les Assyriens, les Juifs, les Kurdes-Faylis, les Iraniens d’Irak. Mais c’est autour de l’affrontement avec les Kurdes et les chiites que se jouait l’avenir du pays.

L’effondrement sanglant de ce système a ramené la question irakienne sur le devant de l’actualité. De tous les États fondés par les puissances mandataires dans la région, l’État irakien, qui s’est largement édifié contre la société, est probablement celui qui aura généré le plus de guerres et de répression.

L’effondrement d’un système post-colonial

Une répression sans précédent, trois guerres meurtrières, la première contre l’Iran (1980-1988), la deuxième contre une coalition internationale conduite par les États-Unis (1991) à la suite de l’invasion du Koweit par l’Irak, la troisième (2003) du fait de la volonté américaine d’en finir avec le régime de Baghdad, à quoi il faut ajouter deux défaites militaires majeures en 1991 et 2003, un soulèvement massif de la population irakienne contre le régime de Saddam Hussein à l’issue du second conflit (février-mars 1991), une mise sous tutelle internationale du pays (1991-2003) et, enfin, un retour au régime d’occupation militaire occidental (mai 2003) : le régime de Saddam Hussein (1979-2003) a été le dernier avatar d’un système politique de discrimination confessionnelle et ethnique arrivé en bout de course.
Trente ans d’actualité brûlante ont souvent contribué à occulter le lien existant entre tous ces événements. La longévité du régime de Saddam Hussein ne peut pourtant s’expliquer que si l’on fait un retour sur l’histoire. Le caractère extrêmement minoritaire du système politique en place depuis 1920 a été illustré par l’incapacité des élites arabes sunnites au pouvoir à s’émanciper du lien de dépendance envers l’ancienne puissance mandataire. La seule tentative, celle menée par Rashîd ’Alî al-Gaylânî en 1941, se solda par une courte guerre anglo-irakienne : les troupes britanniques renversèrent le régime nationaliste, accusé de sympathies allemandes, et rétablirent à la tête du gouvernement leur protégé, Nûrî Sa’îd. La révolution de 1958, qui renversa la monarchie hachémite, ne remit pas en cause la domination des Arabes sunnites sur l’État. Mais la République a déstabilisé le fragile équilibre péniblement mis en place par les Britanniques. Là où la classe politique de la monarchie hachémite (1920-1958) avait tant bien que mal réussi à préserver un semblant de vie politique, les officiers nationalistes, de plus en plus confondus avec des ’asabiyya-s arabes sunnites de province, paraissaient incapables de rétablir un minimum d’équilibre dans leur gestion d’un système de plus en plus contesté ...




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