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Les Assyro-Chaldéens


Auteur :
Éditeur : Brepols Date & Lieu : , Turnhout
Préface : Pages : 240
Traduction : ISBN : 978-2-503-52825-0
Langue : FrançaisFormat : 125x190 mm
Code FIKP : Liv. Fra. Teu. Ass. 2714Thème : Religion

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Les Assyro-Chaldéens

Les Assyro-Chaldéens

Herman Teule

Éditions Brepols

La communauté assyro-chaldéenne, ignorée des grands médias, réclame sa place dans l'Irak moderne et revendique l'héritage des prestigieux peuples anciens de ce pays, Assyriens et Chaldéens. Née en dehors et à l'Orient de l'empire romain, implantée dans l'empire perse, l'Eglise de Mésopotamie fut longtemps appelée "nestorienne", parce qu'elle refusa progressivement, au 5es., de reconnaître le concile d'Ephèse (431), qui avait condamné le patriarche de Constantinople Nestorius et sa christologie très centrée sur la distinction entre la nature humaine et la nature divine de Jésus. De tradition syriaque (araméenne), cette Eglise a connu un extraordinaire élan missionnaire au Moyen Age, couvrant toute l'Asie d'un maillage étonnant de diocèses. Résidant à Bagdad, dans l'entourage du calife de l'Islam, le patriarche de cette Eglise de l'Orient étendait son autorité sur un territoire immense, allant de la péninsule arabique aux confins de la Chine. Au 14e siècle, l'islamisation des mongols, qui avaient anéanti le califat dès 1258, et l'avènement de la dynastie xénophobe des Ming en Chine ruinèrent ce réseau missionnaire. Les Assyro-chaldéens se replièrent dans le Kurdistan irakien ou turc, devenant peu à peu un petit reste à l'identité tribale très marquée. En 1553, une part importante d'entre eux formèrent une Eglise en communion avec Rome, l'Eglise dite "chaldéenne", aujourd'hui majoritaire chez les chrétiens d'Irak. En 1915, les Assyro-chaldéens de Turquie (Hakkari) furent exterminés comme leurs voisins arméniens et syriaques, tandis que ceux d'Irak subirent en 1933 des massacres qui forcèrent le patriarche assyrien à s'exiler aux États-Unis. Pratiquement éliminée en Iran et en Turquie, la communauté assyro-chaldéenne est toujours bien vivante en Irak, quoiqu'elle éprouve dramatiquement les malheurs rencontrés par ce pays; elle compte également une importante diaspora aux quatre coins du monde, notamment aux États-Unis, en France, en Belgique et aux Pays-Bas.



Herman Teule, professeur aux Universités de Nimègue et de Louvain et directeur de l'Institut voor Oosters Christendom, Herman G. B. Teule est un des meilleurs connaisseurs de la tradition syriaque orientale des Assyro-Chaldéens mais aussi des réalités contemporaines de cette communauté qu'il fréquente tant en diaspora que lors de nombreux séjours au Moyen-Orient.

 



INTRODUCTION


L’objectif de cet ouvrage est de présenter au lecteur une vue d’ensemble de la communauté ‘assyro-chaldéenne’, laquelle, bien qu’elle soit, de manière dramatique, ignorée des médias actuels, réclame sa place dans l’Irak moderne en tant que descendante des populations autochtones assyrienne et chaldéenne du pays. L’histoire des Assyro-chaldéens est extrêmement riche et variée. Christianisée au cours du 2e siècle, cette communauté s’est constituée au sein de l’Empire perse, où, malgré de terribles persécutions comparables à celles de l’Empire romain, elle a développé une organisation ecclésiastique hautement raffinée. Des théologiens d’expression syriaque, comme Aphraate ou Ephrem, ont formulé le message chrétien dans un idiome sémitique et oriental original. S’ouvrant tôt à la culture hellénistique, ces chrétiens ont élaboré un réseau d’académies savantes, où l’étude des écrits patristiques et philosophiques grecs - traduits en syriaque - occupait une place importante. Après la conquête musulmane, ils ne tardèrent pas à devenir les interlocuteurs privilégiés des autorités islamiques. Mettant leurs compétences au service des élites culturelles et politiques, ils ont contribué de manière substantielle au développement de la culture musulmane de sorte que, pour mieux comprendre les relations complexes entre le christianisme et l’islam (influences mutuelles, opposition, convivialité, dialogue...), il est indispensable de s’initier à l’histoire de ces chrétiens de Mésopotamie. Pourtant, cette insertion dans les milieux musulmans de Bagdad n’a pas empêché cette Eglise d’Orient de se propager en dehors de ses provinces centrales. Ses missionnaires ont apporté le message de l’Évangile jusqu’en Chine, au Tibet et vers les parties méridionales de l’Inde, sur la côte de Malabar, où se trouvaient déjà des membres de l’Église d’Orient au 5e siècle. Ces « chrétiens de saint Thomas », feront l’objet d’un volume à part dans la série Fils d’Abraham et ne seront qu’occasionnellement mentionnés dans le présent livre.

Après la chute de Bagdad (1258) et l’époque mongole commença une longue période d’isolement, de repli sur soi entraînant la perte de la tradition intellectuelle et culturelle des siècles passés. Cette situation explique les contacts avec l’Église catholique et la création d’une Église unie à Rome, dite « chaldéenne » à la fin du 16e siècle. Au début du siècle dernier, cette communauté divisée et appauvrie fut presque anéantie par les massacres de 1915. Elle s’est reconstituée dans les nouveaux états du Moyen-Orient tout comme dans la diaspora de l’Europe et des États-Unis.
Un des obstacles auxquels se heurte quiconque étudie le christianisme mésopotamien est celui du nom. Au cours de leur histoire, les ‘Assyro-chaldéens’ se sont eux-mêmes désignés de manières différentes, tandis que les chercheurs occidentaux ont parfois inventé des appellations plus ou moins artificielles, inconnues des Orientaux eux-mêmes. Parmi celles-ci, la dénomination « Assyro-chaldéens », utilisée pour le titre de ce livre. A l’heure actuelle, il n’existe pas de communauté assyro-chaldéenne proprement dite ; il existe l’Église assyrienne (qui se dit elle-même catholique et apostolique) d’Orient, dirigé par S. B. le Patriarche Dinkha IV ; l’Ancienne Église d’Orient, sous la direction du Patriarche Addaï II, qui s’est séparée de l’Église assyrienne d’Orient en 1968 à cause d’un conflit sur le calendrier liturgique ; enfin, l’Église chaldéenne catholique, sous la direction de S.B. le Patriarche Emmanuel III Delly, laquelle s’est détachée de l’Église assyrienne d’Orient pour s’unir avec l’Église de Rome.

Les membres de l’Église d’Orient sont souvent appelés Nestoriens. Bien qu’elle soit parfois utilisée par les membres de l’Église d’Orient eux-mêmes, cette appellation figure surtout dans les écrits de leurs adversaires, les accusant d’être des adhérents de la doctrine de Nesto-rius, condamné au Concile d’Ephèse. Le grand auteur cAbdishoc bar Brikha (f 1318) se sentit obligé de réagir et déclara que les membres de l’Église d’Orient sont appelés, à tort, des Nestoriens, car Nesto-rius n’a jamais été leur patriarche et ne connaissait même pas leur langue.

Au temps de cAbdishoc, ils se désignaient plutôt comme ‘chrétiens orientaux’ ou ‘orientaux’ tout court, parfois aussi ‘chrétiens syriens-orientaux’. Ce dernier terme, utilisé par Ishocyahb bar Malkon (13e s.), fait penser à l’appellation moderne de ‘Syro-orientaux’, utilisée dans la littérature scientifique pour distinguer, de manière neutre, deux communautés ayant le syriaque comme langue commune, mais divisées sur le plan religieux : les membres de l’Église d’Orient, les Syro-orientaux, et ceux de l’Église syrienne orthodoxe (ou ‘jacobite’), les Syro-occidentaux. Par extension, le terme syro-oriental est appliqué également aux particularités culturelles qui caractérisent les auteurs de l’Église d’Orient et qu’ils partagent avec les Chaldéens unis à Rome, comme par exemple, l’écriture syro-orientale, distinguée de l’écriture syro-occidentale, le sertô.

Une autre appellation est celle d’Assyriens/Atorâyë. Originellement, ce nom, dérivé d’Ator («l’Assyrie »), c.-à-d., la région et la ville de Mossoul, se référait aux chrétiens de cette région et n’avait qu’une connotation purement géographique. C’est d’ailleurs cette région d’Ator (dans le sens large du terme) qui est actuellement considérée par beaucoup d’Assyriens et Chaldéens comme leur foyer national. Au 19e siècle, ce nom fut interprété comme se référant aux descendants de la civilisation assyrienne de l’époque préchrétienne. Ce fut le début d’une littérature abondante — et toujours très populaire — essayant de démontrer la continuité de l’antique civilisation assyrienne avec la langue et la culture des membres de l’Église d’Orient. L’auto-désignation traditionnelle Somye (= Suryâyê), littéralement ‘Syriens’, a également été interprétée comme signifiant Assyriens. Le terme «assyrien» (Atorâyâ) est entré dans le nom officiel de l’Église d’Orient et est ainsi devenu une désignation courante pour ses membres. Cet emploi est à distinguer d’une certaine interprétation moderne nationaliste, qui considère ‘Assyrien’ comme nom général pour tous les chrétiens parlant le syriaque (y compris les Syro-occidentaux, voire les Maronites du Liban).

Au 15e siècle, le terme «chaldéen» fut déjà utilisé pour les chrétiens syro-orientaux de Chypre. Actuellement, il désigne uniquement les membres de la communauté syro-orientale unie à Rome.

En octobre 2003, des chrétiens syro-orientaux et occidentaux d’Irak se mirent d’accord sur un nom commun, clialdo-assyriens, pour se présenter aux élections d’une manière unifiée. Malheureusement, ce terme n’était pas acceptable pour certains dirigeants religieux, qui craignaient la perte de l’identité ecclésiastique de leurs fidèles. Dans ce livre, composé selon les principes de la série Fils d’Abraham dans une perspective religieuse et ecclésiastique, nous utiliserons surtout le terme « Assyro-chaldéens », lequel respecte la réalité de deux (ou trois) Eglises encore séparées, mais qui anticipe en même temps sur ‘la pleine union’, souhaitée par les synodes de ces deux Eglises dans leur déclaration commune de 1997.1



Remerciements

Je tiens à exprimer mes remerciements aux nombreuses personnes qui m’ont aidé à écrire ce livre : le P. Vincent Van Vossel, professeur à la Faculté de théologie Babel de Bagdad, pour sa lecture de certains chapitres et quelques suggestions précieuses, le Dr. Idris Emlek (Malines), feu Mgr Paul Karatas, évêque chaldéen d’Istanbul, Mgr Antoine Audo, évêque chaldéen d’Alep, Mgr Emmanuel, évêque assyrien de Toronto, pour la longue interview qu’il m’accordée dans la résidence de l’évêché assyrien de Beyrouth, Dr M. Top (Van, Turquie), Mr Vie Schepens (Institut pour l’Etude du Christianisme Oriental, Nimègue) pour sa part dans la composition de la bibliographie. Merci également à mes compagnons de voyage et aux nombreux amis appartenant aux Eglises assyrienne et chaldéenne en Syrie, Turquie, au Liban et en Irak et dans les pays de la diaspora, qui m’ont accordé hospitalité et ont patiemment répondu à mes questions. Un grand merci, surtout, à Mme Carol Pollaert (Louvain-la-Neuve) qui a gentiment accepté de revoir mon texte français et, qui, par sa lecture attentive et critique, a veillé à l’uniformité de l’orthographe des mots étrangers et à l’élimination de contradictions ou de répétitions superflues.

Herman Teule

1 Ce livre, conformément aux usages de la série Fils d'Abraham, est dépourvu de notes explicatives en bas de page. Ces notes ont été regroupées en fin de volume, pp. 189-194, dans le but de permettre au lecteur la vérification des nombreuses sources premières - parfois non publiées - et secondaires, utilisées pour la présente étude.


Histoire
L’Empire Perse

Les débuts


Malgré la tradition vénérable qui fait remonter la christianisation de l’Empire perse aux temps apostoliques eux-mêmes, les débuts d’une communauté chrétienne structurée en Mésopotamie restent enveloppés de brume.

Mari, disciple d’Addaï, l’un des “Soixante-douze” et évangélisateur d’Edesse, serait parvenu dans la capitale de l’Empire perse, la ville jumelle de Séleucie-Ctésiphon, à la fin du premier siècle ou au début du deuxième. C’est dans un heu dit Kokhé («les huttes», c’est-à-dire les demeures d’ouvriers locaux), situé entre Séleucie et Ctésiphon, qu’il aurait bâti un premier heu de culte. Cette information figure dans un document ancien, préservé en arabe, lequel en raison de certaines allusions géographiques pertinentes, n’est pas sans valeur. Pour le reste, Mari demeure un personnage légendaire. Les Actes de Mari (voir Y Anthologie), le récit pittoresque de son périple en Mésopotamie, contiennent trop d’anachronismes pour constituer une source fiable quant à la prédication initiale du christianisme dans la région. Avec le Livre des lois des régions, nous nous trouvons sur un terrain plus solide. Ce traité, l’un des premiers rédigés en syriaque, fut composé à Édesse entre 196 et 226. 11 mentionne la présence de chrétiens en Parthie, dans la Perside, en Médie et dans la ville de Hatra en Mésopotamie, c.-à-d. sur presque tout le territoire de l’Empire, et décrit leur comportement moral qui était en nette opposition avec les habitudes locales. Certaines autres indications confirment cette omniprésence chrétienne au début du 3e siècle. Les récits relatifs aux premiers missionnaires, aussi légendaires qu’ils soient, suggèrent que le christianisme a pénétré dans l’Empire parthe à partir de la région d’Osrhoène et sa capitale Édesse, où la langue était une forme d’araméen, appelée syriaque. S’il est probable que certains membres ...




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