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Les Montagnards Chrétiens du Hakkâri et du Kurdistan Septentrional


Auteur :
Éditeur : Université de Paris-Sorbonne Date & Lieu : 1985, Paris
Préface : Pages : 420
Traduction : ISBN : 2-901165-13-3
Langue : FrançaisFormat : 155x235 mm
Code FIKP : Liv. Fra. Che. Mon. 2796Thème : Religion

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Les Montagnards Chrétiens du Hakkâri et du Kurdistan Septentrional


Les Montagnards Chrétiens du Hakkâri et du Kurdistan Septentrional

Michel Chevalier

Université de Paris-Sorbonne


La transcription en français des langues orientales pose au géographe un problème irritant et quasi-insoluble(1). Transcrire selon des règles linguistiques strictes (c'est ce qu'a fait par exemple le P. Fiey pour les noms de lieux araméens) n'est guère possible qu'à un orientaliste, et surtout aboutit à des graphies hérissées de signes diacritiques rebutantes pour les non-spécialistes.

En ce qui me concerne, j'ai eu affaire à des noms propres et à des mots de caractère local appartenant à cinq langues orientales : arabe, kurde, persan, soureth (néo-araméen), turc, et relevés, du XVIIe s. à nos jours, par des auteurs et cartographes occidentaux écrivant, selon les cas, en allemand, anglais, italien ou en français, pour ne pas parler du latin...
Le problème est relativement facile pour le turc qui, depuis 1928, emploie une graphie très simple fondée sur un alphabet latin à peine modifié. S'agissant du territoire turc actuel, j'ai utilisé les graphies de la carte au 1/200.000e et des annuaires officiels turcs, à l'exception, d'une part, des anciens noms araméens du Hakkâri (souvent remplacés depuis 1918 par des noms turcs ou kurdes) d'autre part, de quelques toponymies ...



AVANT-PROPOS


Ce petit livre représente l'aboutissement d'une tenace curiosité pour les étranges tribus chrétiennes des monts du Hakkâri, curiosité née, un quart de siècle plus tôt, à la lecture de quelques pages de l'ouvrage du général Rondot sur Les Chrétiens d'Orient. Ajoutons-y une attraction déjà ancienne pour les montagnes méditerranéennes, l'attirance de l'Orient (bien que je ne sois pas moi-même orientaliste), un intérêt constant pour la géographie et la sociologie religieuses.

Le présent travail s'arrête à 1914. Plus précisément, il cherche à faire revivre un monde irrémédiablement disparu au cours de la première guerre mondiale. De façon indiscutable, il s'agit donc de géographie historique ou, pour employer un terme plus explicite, de géographie rétrospective, genre davantage pratiqué dans les pays anglo-saxons que chez nous, mais auquel Allix a donné en France ses lettres de noblesse dès 1929- Je laisse à de plus doctes le soin de "se demander s'il s'agit encore de géographie" (A. Reynaud, 1981). Avouerai-je d'ailleurs que je n'ai jamais éprouvé grand intérêt pour les découpages épistémologiques et les critères dogmatiques.

Accumulant décidément les déviations, j'ai donné à mon étude un contenu un peu plus large que ne le comportent d'ordinaire les monographies géographiques. Il ne m'a pas paru possible d'étudier un peuple resté, durant un millénaire et demi, accroché à sa foi chrétienne au milieu d'un océan d'ennemis sans parler de religion et de spiritualité. J'aime, je l'avoue, comprendre la façon dont les sociétés sont structurées, faire revivre la vie quotidienne des gens, savoir ce qu'ils mangent, comment ils sont vêtus, quelle est leur mentalité. J'ai essayé de reconstituer cela, dans la mesure où me le permettaient les sources éparses, souvent maigres et contradictoires, dont je disposais. J'ose espérer que certains, à une époque où l'on cherche à dépasser l'orthodoxie léguée par les Vidaliens de stricte obédience et à redécouvrir Elisée Reclus et les "primitifs" de notre discipline, voudront bien approuver ces timides hardiesses.

Cet ouvrage représente, avec un assez gros article destiné à une revue d'histoire missionnaire sur les rapports entre les Nestoriens et les missionnaires catholiques et protestants, les fragments d'un plus vaste projet. Je souhaitais notamment présenter un tableau d'ensemble de la situation actuelle du christianisme dans la moitié orientale du Croissant fertile et dans ses bordures montagneuses. Les révolutions, guerres et troubles divers qui n'ont cessé d'affecter, postérieurement à 1977, l'Iran et 1'Irak et, dans une mesure à peine .moindre, la Turquie et la Syrie, ont interrompu mes enquêtes sur place et ont rendu caduque une partie de leurs résultats. J'espère sincèrement qu'il me sera possible de reprendre, un jour prochain, le chemin de la Mésopotamie et du Kurdistan!

La préparation et la publication d'un tel ouvrage ne peuvent guère se concevoir sans de multiples appuis, s'agissant surtout du néophyte grisonnant que je suis. J'ai circulé sans difficulté, entre 1975 et 1977 (sans parler d'assez nombreux autres séjours au Levant), de Diarbékir jusqu'à Téhéran et Bagdad. Partout, j'ai bénéficié d'un accueil aimable et, souvent, d'une hospitalité toute orientale de la part des prélats et du clergé, notamment ceux des églises unies que les dominicains de Mossoul et les lazaristes d'Ourmiah avaient jadis gagnés à la culture française. Je ne citerai aucun nom, afin d'éviter à mes hôtes des ennuis toujours possibles dans des pays politiquement aussi instables. De la même façon, je ne remercierai que globalement les nombreux spécialistes que j'ai été amené à consulter ou avec lesquels je suis entré en correspondance. Je citerai seulement le regretté pasteur J. M. Homus (fl982), remarquable spécialiste du Proche-Orient chrétien au XIXe siècle. Je tiens cependant à exprimer ma gratitude à mon excellent collègue et ami de la Sorbonne, le professeur X. de Planhol, qui m'a fait bénéficier de sa connaissance approfondie des pays islamiques, et en particulier du monde turco-iranien, et a accepté d'accueillir le présent ouvrage dans la collection qu'il dirige. Par ailleurs, l'orientaliste expérimenté qu'est M. Bacqué-Grammont m'a donné, en matière linguistique, de précieux conseils que j'espère n'avoir pas trop trahis.

A Paris, les pères dominicains du Saulchoir, et particulièrement les P. P. Albaric et Duval, m'ont très libéralement ouvert leur bibliothèque et leurs archives, où se trouve en particulier le fonds de la mission de Mossoul, qui a constitué le centre de mes recherches sur les Nestoriens du siècle dernier; le P. Chalumeau, bibliothécaire de la maison des lazaristes de la rue de Sèvres, m'a réservé le même aimable accueil (mission d'Ourmiah). J'ai naturellement recouru, durant plusieurs années, aux ressources des bibliothèques parisiennes: grandes biblio-thèques publiques et bibliothèques spécialisées. La bibliothèque de l'Ecole des Langues orientales, qui possède d'assez nombreux ouvrages absents de la Nationale, m'a été particulièrement utile. Je dois également une large dette de reconnaissance à Melle Paulian, responsable du service de prêt de la bibliothèque de la Sorbonne, qui a déployé des talents quasi policiers pour retrouver la trace d'ouvrages étrangers n'existant pas à Paris. Enfin, M. A.Bourgey, directeur du Centre d'Etudes et de Recherches sur le Moyen-Orient contemporain de Beyrouth, a eu l'extrême obligeance de faire procéder à mon intention, à une époque où les déplacements dans Beyrouth étaient déjà très difficiles, à la photocopie de deux thèses de l'université américaine de cette ville.

L'appui de Mme Saunier-Seïté, alors secrétaire d'Etat aux Universités, a facilité en 1976 mon voyage en Irak, tandis que l'Université de Paris-Sorbonne a bien voulu, l'année suivante, m'accorder une subvention pour un voyage en Iran.

Je remercie enfin Mme Fcntanel, technicienne du C.N.R.S., et ma belle-soeur, Mme Seuzaret, qui ont bien voulu taper un texte souvent difficile, ainsi que les dessinatrices de l'U.E.R. de Géographie de l'Université de Paris-Sorbonne.

Chomérac (Ardèche),
été 1982



I

Problèmes de Transcription

La transcription en français des langues orientales pose au géographe un problème irritant et quasi-insoluble(1). Transcrire selon des règles linguistiques strictes (c'est ce qu'a fait par exemple le P. Fiey pour les noms de lieux araméens) n'est guère possible qu'à un orientaliste, et surtout aboutit à des graphies hérissées de signes diacritiques rebutantes pour les non-spécialistes.

En ce qui me concerne, j'ai eu affaire à des noms propres et à des mots de caractère local appartenant à cinq langues orientales : arabe, kurde, persan, soureth (néo-araméen), turc, et relevés, du XVIIe s. à nos jours, par des auteurs et cartographes occidentaux écrivant, selon les cas, en allemand, anglais, italien ou en français, pour ne pas parler du latin...

Le problème est relativement facile pour le turc qui, depuis 1928, emploie une graphie très simple fondée sur un alphabet latin à peine modifié. S'agissant du territoire turc actuel, j'ai utilisé les graphies de la carte au 1/200.000e et des annuaires officiels turcs, à l'exception, d'une part, des anciens noms araméens du Hakkâri (souvent remplacés depuis 1918 par des noms turcs ou kurdes) d'autre part, de quelques toponymies ou hydronymes importants qui possèdent un équivalent français. De même que je parle du Tigre, et non du Dicle, j'utilise au lieu.de Diyarbakir, de Ba|kale, de Harput et d'Erzurum, Diarbékir, Bachkalé, Kharpout et Erzeroum, seuls employés jusqu'à près 1920 par les auteurs français (2).

La question est plus délicate dans les pays qui emploient l'alphabet arabe (Irak, Iran, Syrie) et où la plupart des cartes, même récentes, recourent à des transcriptions anglaises souvent déroutantes pour des lecteurs français. J'ai employé ici une transcription phonétique française, faisant toutefois exception pour les noms de lieu pour lesquels notre langue dispose d'une graphie traditionnelle. Je parle de Mossoul non de Mosul ou d'Al Mawsil. Pour les localités mésopotamiennes de quelque importance, je recours le plus souvent aux graphies de l'éminent orientaliste que fut le cardinal Tisserant. Tel est le cas des évêchés chaldéens d'Irak : Akra, Alkoche, etc... ou des principaux fleuves et massifs : Khabour, Makloub, Sindjar etc... Une présence française de plus d'un siècle avait fini en effet par créer une tradition onomastique qu'il n'y a pas de raison de ne pas respecter. Pour les noms soureth, j'ai recouru essentiellement au P. Rhétoré, spécialiste reconnu du néo-araméen.

Tout ceci ne va évidemment pas sans quelques incohérences de détail. C'est ainsi que, de part et d'autre de la frontière turco-iranienne, j'écris le mot signifiant ruisseau çay (orthographe turque actuelle) ou tchay (transcription phonétique du persan) dag et dagh etc...

(1) Au début de sa thèse sur le Tâlech (1980), M. Bazin donne par exemple un tableau des neuf systèmes de transcription utilisés pour le persan.
(2) Même chose, s'agissant d'une étude rétrospective, pour la ville turque de Cizre, que l'unanimité des auteurs de la période qui m'intéresse ne connaît que sous le nom arabe de Djezireh-ibn-Omar; et pour Nisibe, qu'en raison de son prestige antique, je préfère au turc Nusaybin.



Introduction

La survivance nestorienne

Le maintien jusqu'à la guerre de 1914 dans le haut massif du Hakkâri, à l'extrémité sud-est de la Turquie actuelle, de tribus nestoriennes, quasi autonomes sous l'autorité de leur patriarche, constitue sans doute l'exemple le plus significatif de ces "survivants prodigieux" qui abondent dans les montagnes du Proche-Orient.

Redécouverts par l'Occident chrétien et savant à la suite des publications des missionnaires anglo-saxons du second tiers du XIXème siècle, les Nestoriens de la montagne - aujourd'hui plutôt désignés sous le nom d'Assyriens - sont surtout connus en France par les publications de P. Rondot. On a souvent insisté sur l'extraordinaire contraste entre la situation des tribus nestoriennes telles qu'elles existaient au début du XXème siècle : quelques dizaines de milliers d'individus perdus dans des vallées qui comptent parmi, les plus inaccessibles du Kurdistan, et la grandeur de l'église nestorienne du haut moyen âge.

Certes, celle-ci n'a jamais approché les cent millions de fidèles qu'on lui a attribué sans preuve ; mais il n'en est pas moins vrai qu'elle a failli, grâce à la puissance de son action missionnaire, conquérir l'Asie au christianisme (1).

.....

(1) Rappelons pour mémoire que l'église nestorienne n'est autre que l'ancienne Eglise de Perse (c'est-à-dire l'église de l'empire sassanide, implantée davantage d'ailleurs en Mésopotamie qu'en Iran), née sans doute au cours des IIème et IIIème siècles et passée, à la fin du Vème siècle, à l'hérésie condamnée à Ephèse (431) qui lui a donné son nom. Sur ces origines, abbé J. Labourt 161 et E. Tisserant 195- Mise au point récente du P. J.M. Fiey (1970) 140; également P. Decret (1979) 130.

 




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