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Öcalan et le PKK


Auteurs : |
Éditeur : Maisonneuve & Larose Date & Lieu : 2005-01-01, Paris
Préface : Pages : 424
Traduction : ISBN : 2-7068-1885-9
Langue : FrançaisFormat : 155x240 mm
Code FIKP : Liv. Fra. Cig. Oca. 1000Thème : Politique

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Öcalan et le PKK

Öcalan et le PKK

Sabri Cigerli
Didier Le Saout

Maisonneuve & Larose


En s’engageant à partir de 1984 dans une guerre de «libération nationale» en Turquie, le Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Kerkerén Kurdistan) se trouve immédiatement confronté à la répression des autorités turques. Au prix de plus de 30 000 victimes, dans ses rangs, chez les militaires turcs mais aussi parmi les civils, il parvient cependant à placer l’identité kurde au centre du débat en Turquie.

L’action du PKK s’inscrit dans les transformations à l’œuvre dans la région. Les Kurdes sont devenus une pièce maitresse de la recomposition de l'ordre régional ouverte par la guerre du Golfe en 1991. La mise en place dans le Kurdistan d’Irak d’une «zone d’autonomie» gérée par le PDK et l’UPK dans laquelle le PKK maintient ses combattants fait des organisations kurdes les principaux acteurs des changements en cours.

L'arrestation du leader du PKK, Abdullah Öcalan, le 16 février 1999 au Kenya, ou il s’était réfugié après avoir été contraint de quitter la Syrie, conduit à une suspension pour un temps de la lutte armée. Mais les attentats du 11 septembre 2001 ont pour effet d’intégrer le PKK sur les listes des organisations terroristes établies par le Département d’Etat américain et l’Union européenne. Dans ces nouvelles mutations de la question kurde, la recherche d’une solution devient d’autant plus cruciale que la Turquie s'engage dans des réformes qui intègrent notamment la reconnaissance de l’identité kurde en vue d’adhérer à l’Union européenne.

Pour répondre aux interrogations que partagent tous ceux qui veulent démêler l’écheveau de «l’imbroglio kurde», cet ouvrage fournit une analyse du fonctionnement du PKK, de l'autorité charismatique d’Abdullah Öcalan, de la place de la question kurde dans le débat européen ainsi que du nouvel ordre régional au Moyen-Orient.



Sabri Cigerli, chercheur, est spécialiste de La question kurde et de la Turquie. Il a publié «Les réfugiés kurdes d’Irak en Turquie» et «Les Kurdes et leur histoire».

Didier Le Saout, chargé de recherche à l'Institut Maghreb-Europe, enseigne la sociologie à l’Université de Paris 8. Il a codirigé l’ouvrage «Emeutes et mouvements sociaux au Maghreb».

 



INTRODUCTION


Le visage d'Abdullah Öcalan, «Apo», l'homme fort du Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistan - PKK) est quasiment inconnu du grand public jusqu'à l'hiver 1999. Appelé le «Soleil des Kurdes» par ses partisans, l'ennemi numéro un de la Turquie, traqué depuis plusieurs mois est arrêté au Kenya et remis aux autorités turques le 15 février 1999. Les images filmées dans l'avion qui le ramène en Turquie sont très rapidement diffusées par les chaines de télévision turques et reprises par celles du monde entier. On peut le voir menotté, les yeux bandés, ligoté sur son siège. D'autres images le représentent dans un bureau de la police sous le drapeau turc, portant une barbe de plusieurs jours, les cheveux hirsutes, fatigué et dépenaillé, donnant l'apparence d'un vagabond. L'observateur n'en croit pas ses yeux. La grande majorité des Kurdes est abasourdie. Soucieux de faire partager au monde entier leur désespoir, les militants du PKK prennent d'assaut les bâtiments des représentations des Etats-Unis, de la Turquie, de la Grèce, de la Grande-Bretagne et d'Israël, pays jugés responsables de l'arrestation de leur leader. Des sympathisants s'immolent sur les places publiques en Europe.

Mais qui est A. Öcalan? Qu'est-ce que le PKK? Quelles sont les revendications des Kurdes? Pour répondre à ces interrogations que partagent tous ceux qui veulent en savoir plus sur la question kurde et démêler ainsi l'écheveau de ce que certains nomment «l'imbroglio kurde», il nous parait important de revenir sur le contexte même dans lequel a eu lieu l'arrestation du leader du PKK. Le 15 février 1999, poussé hors de l'Ambassade de Grèce à Nairobi au Kenya ou il s'était réfugié, A. Öcalan est remis aux forces spéciales turques. Il est ainsi mis un terme à 129 jours de cavale. Embarqué de force dans l'avion qu'il croyait le conduire aux Pays-Bas, il est immédiatement ceinturé pour être conduit en Turquie. La destination finale qui l'attend est l'ilot-prison d'Imrali situé dans la mer de Marmara prés de Mudanya dans la province de Bursa. Véritable forteresse, tout passage de bateaux y est interdit dans un périmètre bien délimité. Le choix d'Imrali n'est pas innocent. Placée sous un régime de haute sureté qui n'est pas appliqué dans les autres prisons, le lieu permet un isolement total1. Ce sont au total prés de 1 000 militaires qui sont présents sur l'ile. Par ailleurs, cet endroit rappelle de façon symbolique la pendaison le 17 septembre 1961 de l'ancien Premier ministre turc, Adnan Menderes, et de deux de ses ministres renversés par le coup d'Etat de 1960. Condamné à mort quelques mois plus tard, A. Öcalan y reste incarcéré encore aujourd'hui.

Son départ de Damas ou il dirigeait le PKK depuis presque vingt ans lui avait été imposé par les autorités syriennes à la mi-octobre 1998. Commence alors pour lui un long périple d'environ 30 000 kilomètres marqué par la recherche effrénée d'un pays d'accueil. Tous les Etats auprès de qui A. Öcalan sollicite l'asile le considèrent tour à tour comme un hôte indésirable. Venant chercher refuge dans bon nombre de pays, son avion est généralement isolé en bout de piste et son étape ne dure au mieux que quelques heures. Seul son séjour italien se prolongera plus d'un mois.

Son arrestation, qui semble marquer le déclin d'un leader jouissant d'un prestige indiscutable pour bon nombre de Kurdes, provoque chez eux une frustration des plus grandes. Cette impression de malaise touche même certains ennemis irréductibles du PKK. En effet, qu'ils soient ou non partisans du PKK, beaucoup de Kurdes se sentent directement humiliés et atteints dans leur dignité tant par ces images diffusées en boucle sur les chaines télévisées turques que par cette arrestation minutieusement orchestrée. Ce désarroi est d'autant plus fort que l'arrivée d'A. Öcalan en Europe a suscité quelques temps plus tôt les plus grands espoirs parmi les dizaines de milliers de sympathisants ou membres du PKK pour qui ce dernier était devenu déjà depuis bon nombre d'années un leader charismatique. Parmi les slogans repris dans son étape italienne, on pouvait entendre, «Öcalan est à Rome, la Turquie dans le coma» («Öcalan Romada, Türkiye komada») ou bien encore «Vous ne pourrez pas éteindre notre Soleil» («Günesimizi söndüremezsiniz»). De son côté, la Turquie n'entendait d'aucune façon tolérer que la moindre manifestation de considération puisse être apportée au leader kurde qu'elle avait elle-même élevé au rang du plus grand terroriste à abattre2.

Mais l'émergence du leader du PKK ne peut pas être comprise indépendamment de son contexte et de l'histoire des Kurdes. Peuple sans Etat, les Kurdes sont en effet les oubliés du règlement de la première guerre mondiale, le traité de Lausanne signé le 23 juillet 1923 entre les Allies et la nouvelle République turque qui avaient organise le partage de la région dans laquelle ils vivaient. On sait combien cette division opérée par les grandes puissances sera source d'oppression.3 Dans la nouvelle République turque qui émerge suite a la chute de l'empire ottoman, l'usage de la langue kurde et la pratique de la culture kurde sont particulièrement réprimés des mars 1924. La vie des Kurdes en qui on ne voit que des «Tures des montagnes y est particulièrement difficile. L'écrasement de l'identité kurde est constant. Des écoles sont fermées, la presse kurde interdite. L'oppression des Kurdes ne fait que s'enraciner. Plus tard, la loi n°2392 du 22 octobre 1983 rappelle encore que la langue maternelle de tous les citoyens est le turc et qu'il est par conséquent formellement interdit de recourir à toute autre langue4.
De nos jours, l'interdiction de l'apprentissage de la langue kurde demeure encore un fait même si le parlement turc abrogera cette loi le 27 janvier 1991 après que la question kurde ait été mise à l'ordre du jour de l'agenda international suite à l'invasion du Koweit par l'Irak et au soulèvement des Kurdes d'Irak. Par ailleurs, contrainte d'admettre que l'adhésion a l'Union européenne ne peut se faire sur le déni d'un peuple, la Turquie se voit sommée d'appliquer une politique de reconnaissance des droits des Kurdes dans les termes qu'elle a elle-même définis par le vote de la Grande Assemblée nationale turque au cours de l'été 2002. Mais cette politique tarde à se mettre en place. Deux années après, seuls quelques cours de kurde étaient enseignés. Une émission en langue kurde n'était diffusée que quelques minutes à la radio.

La lourdeur bureaucratique symptomatique des réticences des autorités turques à appliquer les premières réformes favorables aux droits des Kurdes semble d'autant plus contradictoire que l'internationalisation de la question kurde dictée par la redéfinition de l'ordre mondial imprime une pression supplémentaire sur la Turquie. La chute du régime de Saddam Hussein au printemps 2003 et les opportunités qui se présentent aux Kurdes d'Irak lui imposent avec encore plus d'urgence de revoir sa politique. Ces lenteurs dans le traitement politique sont également liées à la faiblesse du débat public sur la question. La connaissance des Kurdes et de leur culture reste somme toute embryonnaires chez les Tures. L'opinion publique quant aux représentations associées à la question kurde ne progresse que lentement. La prise de conscience des milieux intellectuels et en particulier universitaires d'un fait kurde n'est que très timorée. Un journaliste turc aujourd'hui spécialiste de la question kurde, Hasan Cemal, avoue lui-même que ce ne sont pas ses études en Science politique qui lui ont permis d'être un bon connaisseur de la question kurde mais que cet intérêt est plutôt venu de la médiatisation au début des années quatre-vingt de l'action du PKK menée par son leader, A. Öcalan5.

Mais au risque de nous répéter, qui est Abdullah Öcalan? Personnage complexe, il a toujours pris soin de travailler son image. Dans les actions qu'il organise avec le PKK, il préconise la violence. Devant les militants, il cultive le radicalisme. Devant la population civile et les medias, il se présente comme un homme de paix. Selon ce que les uns et les autres veulent bien voir de lui, toutes ces facettes en font un redoutable guerrier, voire un terroriste ou encore un farouche partisan de la justice. La dichotomie n'est peut-être pas toujours clairement affirmée car le chef du PKK entretient lui-même le flou dans les mots d'ordre qu'il lance. Les formules «je fais la guerre pour la paix» ou «je fais la guerre mais je suis prêt à l'arrêter si vous êtes d'accord pour parler de la paix» traduit bien la volonté de paraitre un combattant malgré lui. Il aime à répéter que la politique prime et que la force est la dernière solution à laquelle il est possible de recourir.

Il n'en reste pas moins que derrière cette facette pacifique, le recours à la violence armée est pleinement assumé par le PKK.

A. Öcalan engage son combat nationaliste au cours des années soixante-dix dans un contexte régional caractérisé par les discriminations fondées sur une dévalorisation et un déni de l'identité individuelle et collective des Kurdes. L'indépendance du «Kurdistan», l'autonomie des régions kurdes de Turquie ou le respect des droits culturels deviennent à cette époque autant d'objectifs brandis par le mouvement nationaliste kurde qui se recomposait dans toute la région. A cet égard, un sociologue comme Paul White, considère qu'A. Öcalan a joué un rôle significatif dans la reformulation et la popularisation des idées nationalistes kurdes parmi les Kurdes de Turquie6. Selon une autre spécialiste de la question kurde, Jacqueline Sammali, la lutte armée du PKK aurait ainsi permis aux Kurdes de se débarrasser de leurs sentiments de honte et d'infériorité et leur aurait redonné de la fierté .

Mais le PKK est une organisation stigmatisée du fait de son recours à la violence. Les autorités turques considèrent que le conflit dans lequel le PKK s'est engagé depuis 1984 contre son armée dotée des armements les plus sophistiqués a fait de part et d'autres plus de 30 000 morts. Parvenu à contrôler quelques zones dans les provinces kurdes de Turquie, l'action militaire du PKK bénéficie aussi bien du relief montagneux des régions kurdes que du soutien de la population locale. Les médias turcs évoquent le plus souvent la question kurde comme une guerre qui oppose des Etats à des terroristes. Le PKK est considéré comme un groupuscule terroriste qui assassine et pose des bombes sans justification, ce qui légitime la répression et fonde implicitement l'interdiction des droits culturels les plus élémentaires des Kurdes. Si l'organisation a troqué son nom pour celui de Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan (Kongreya Azadî û Demokrasiya Kurdistan - KADEK) en avril 2002, puis pour celui du Congrès du peuple du Kurdistan (Kongra-Gel Kurdistan) en octobre 2003, son image reste encore dans beaucoup d'esprit associée au PKK. Les représentations qui ont pénétré les esprits de ceux qui s'intéressent à la Turquie et à la question kurde sont en effet si prégnantes qu'elles ne sauraient effacer les traces laissées par cette organisation devenue pour certains mythique.

On comprend dés lors que le choix des mots auxquels quiconque peut avoir recours pour traiter de ce conflit conduit à le placer dans l'un ou l'autre camp. Un guide publié par le ministère turc de l'Intérieur destiné à la chaine de télévision nationale turque TRT (Türkiye radio televizion) et également adressé à d'autres médias donne sa version de la terminologie à employer dans tout reportage sur la question kurde8. Rejetant les termes de «guérilla», «rebelle», il préconise d'utiliser ceux de «terroriste», «hors-la-loi», «bandit». Les termes «peshmerga», «réfugié» doivent être délaissés au profit de «Irakiens du nord», «ceux qui cherchent un abri». Les expressions «soulèvement», «soulèvement kurde», «guerre de libération nationale kurde», «lutte kurde pour la liberté», «rébellion kurde», ou encore  «rébellion» doivent également être bannis et laisser place à «activités terroristes». La dénomination des acteurs est rejetée jusque dans leur sigle ou leur nom : «PKK», «KNK» et «pro-Apo» doivent être remplacés par «l'organisation terroriste du PKK», «l'organisation terroriste sanguinaire», «le réseau d'assassinats». Plutôt que de dire «Apo», «oncle», surnom affectueux donné à A. Öcalan, il faut employer les termes de «terroriste Öcalan». Par ailleurs, «opération», «opération de nettoyage» doit laisser place à «recherche de terroristes et de criminels», ou encore «opération de sécurité». Il en va de même pour les termes «Kurde», «Kurde de Turquie», «citoyen kurde» qui doivent être remplacés par «citoyen turc». Enfin, pour «citoyen d'origine kurde», il faut utiliser «citoyen turc», ou bien «nos citoyens définis kurdes par les cercles séparatistes».

Dés lors, s'il nous faut bien utiliser des mots pour écrire, notre souci permanent restera celui du maintien d'une distance à l'objet étudié. Comme on le voit, le vocabulaire semble piégé. Le choix des termes interroge la capacité que l'observateur et l'analyste peuvent avoir à maintenir une distance. Suivant ces mêmes exigences de distanciation, nous nous réservons la possibilité de maintenir l'appellation de «PKK» pour traiter de 1'organisation kurde durant des périodes ou elle était pourtant rebaptisée. Nous entendons ainsi faire porter notre analyse sur le «système PKK» au-delà des diverses dénominations qui des lors ne sauraient être interprétées comme ayant conduit à un changement de fond de l'organisation qui irait «de soi». Alors qu'aucun ouvrage en français n'existe à ce jour sur le PKK, il nous a semblé en effet crucial de rendre compte du contexte qui a permis l'émergence d'un conflit de façon à mettre en lumière les représentations, méthodes et stratégies de chacun des camps sans reprendre pour argent comptant les caractérisations de «groupe terroriste» ou «mouvement de libération» données par chacune des parties. Nous avons étudié les discours et analyses du PKK, nous avons interrogé des ex-militants et combattants, autant de pré requis indispensables pour qui veut étudier cette question brulante en imprimant à la connaissance des faits la distanciation qu'impose une analyse dont la modeste prétention reste d'être la plus éclairée possible. On a pu ainsi se rendre compte que la réalité était bien plus complexe que ce qui se disait généralement sur le PKK et qu'il était extrêmement réducteur de considérer cette organisation comme une machine à tuer dépourvue de revendications politiques et culturelles. Le culte de la personnalité, l'autorité charismatique, la bureaucratisation, la mobilisation par le PKK de ressources tant matérielles que symboliques sont des processus qui doivent être étudiés pour rendre intelligible la réalité de cette organisation. Cette grille d'analyse participe à notre avis d'une meilleure compréhension à la fois de l'organisation PKK et du conflit dans lequel il s'est engagé.

En revendiquant une analyse distanciée d'un conflit brulant, ce livre entend des lors porter un éclairage sur le cheminement d'un homme engagé dans la lutte pour la reconnaissance de l'identité kurde et la construction d'une organisation en maintenant un double niveau de compréhension. D'une part, l'étude du PKK et de son leader fait appel à une analyse des structures sociales, des conditions de production d'une position de leadership et des interactions. D'autre part, cette analyse est indissociable des relations d'interdépendances qui se nouent en Turquie et sur la scène internationale et régionale. En effet, pour comprendre la trajectoire d'A. Öcalan ainsi que l'émergence, le développement puis la recherche d'une transformation du PKK, il nous faut encore nous focaliser sur les effets exogènes dans la structuration d'une organisation et son essor suivant une stratégie fondée sur le recours violence. La capture du chef du PKK à Nairobi qui a été suivie de son engagement pour tenter de mettre un terme à la lutte armée nous montre enfin qu'A. Öcalan est parvenu à maintenir la cohésion de l'appareil du PKK. Le fait que son arrestation n'ait pas donné lieu à un éclatement de l'organisation dans les années qui ont suivi sa capture montre également qu'A. Öcalan est parvenu à conserver une position dominante dans le débat en Turquie sur la question kurde. Tout cela nous renseigne sur la nature et les capacités de transformation d'une organisation construite à l'image de son leader. Il faudra alors attendre 2004 pour voir le PKK défié par l'émergence d'un nouveau groupe issu d'une scission dans ses propres rangs. L'analyse en devient d'autant plus urgente et indispensable.

1 La prison d'Imrali est gérée par le Conseil national de sécurité (Milli Güvenlik Kurulu - MGK).
2 L'utilisation du terme «Monsieur Öcalan» considéré comme trop respectueux par les autorités turques peut être sévèrement puni. Un économiste turc a ainsi été poursuivi pour avoir appelé A. Öcalan «Monsieur» (Sayın, en turc) au cours d'un colloque organise le 8 juin 2002. De la même façon, Alaatin Bilgin, président de la section de Tarsus du Parti démocratique du peuple (Demokratik Halk Partisi - DEHAP), pro-kurde, a été arrêté pour avoir dit «Monsieur Öcalan» lors d'un congrès local de son organisation. Il sera arrêté pour propagande séparatiste glorifiant la personne même d'A. Öcalan. Voir Milliyet, 1er avril 2003.
3 L'oppression des Kurdes se constate dans chacun des Etats dans lesquels ils vivent. La dénonciation de toutes ces formes d'oppression ne peut être portée par les intellectuels de ces pays que lorsque leur Capital symbolique est suffisamment fort. Occupant une position de domination symbolique, Chirine Abadi pourra par exemple nous dire juste après avoir revu le prix Nobel de la paix: «Je connais l'immense souffrance des Kurdes en Iran» sans craindre les moindres représailles. Cf. Entretien avec Chirine Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003.
4 A titre d'exemple, le journaliste du quotidien Milliyet, Taha Akyol, reconnait: «je me rappelle dans ma jeunesse qu'à la faculté lorsque nos camarades kurdes parlaient leur langue entre eux, nous intervenions ». Cf. Milliyet, 19 mai 2004.
5 Entretien donné par Hasan Cemal au quotidien turc Radikal, 26 mai 2003.
6 Cf. Whiti: Paul, Primitive Rebels or Revlutionary Modernizers? The Kurdish National Movement in Turkey, Londres, New York, Zed Books, 258 p.
7 Cf. Sammali Jacqueline, Etre Kurde, un délit?, Paris, Editions L'Harmattan, 1995, pp. 254-255.
8 Publié in Institut kurde de Paris, Bulletin de liaison et d'information, n°193, avril 2001, p. 5.



Chapitre 1

Emergence et structuration du PKK

La République Turque et les Kurdes


Jusqu'en 1950, les Kurdes doivent affronter la période la plus dure de l'histoire de la nouvelle république turque. La violence contre les Kurdes était généralisée et le plus souvent impunie. Jusque-là, la vie politique était caractérisée par la domination sans partage du parti unique, le Parti républicain populaire (Cumhuriyet Halk Partisi - CHP). Ce parti qui rassemblait principalement des militaires, des intellectuels, des cadres supérieurs et des fonctionnaires avait remporté les élections législatives de 1946 qui serviront de base pour l'édification d'un «pluralisme de façade».

Les élections de 1950

Les élections législatives de 1950 vont alors être les premières élections concurrentielles organisées en Turquie. Un nouveau parti, le Parti démocrate (Dcmocrat Parti - DP), recueille la majorité des suffrages. Ce parti, qui avait été créé en 1946 par quelques membres du Parti Républicain populaire, s'inscrit dans l'idéologie «kémaliste». Il compte dans ses rangs beaucoup de bourgeois et de grands propriétaires. Des lors, la répression à l'égard des Kurdes se fait moins lourde. Des assouplissements dans le dispositif réglementant la population kurde sont perceptibles. La fonction d'agents spéciaux chargés d'observer la bonne application dans les villes des provinces kurdes de l'interdiction de l'usage de la langue kurde dans les espaces publics est supprimée. Tétanisée, la population continuera néanmoins à parler le turc dans ces lieux publics. Pour leur part, les intellectuels et des leaders kurdes qui restent placés sous surveillance publient des revues en turc dans lesquelles ils traitent de l'arriération et de la pauvreté de ce qu'ils nomment «l'Anatolie de l'est», euphémisme utilisé pour remplacer les mots Kurdistan et Kurde qui restent proscrits. Parmi les ...




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