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Irak la vérité, ce que la France peut craindre du procès Saddam Hussein


Auteur :
Éditeur : Télémaque Date & Lieu : 2006, Paris
Préface : Pages : 192
Traduction : ISBN : 2 7533 0023 2
Langue : FrançaisFormat : 130x205 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Ass. Ira. N°904Thème : Politique

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Irak la vérité, ce que la France peut craindre du procès Saddam Hussein

Irak la vérité, ce que la France peut craindre du procès Saddam Hussein

Jeanne Assouly

Télémaque


Et si le camp de la paix avait précipité la guerre?
Et si la France allait payer le prix fort sa posture aux motivations troubles ?
Au terme d’une enquête passionnante et de témoignages exclusifs recueillis en Jordanie, au Liban et à Paris, Jeanne Assouly dévoile les dessous de la prise de position de la France en Irak.

Elle révèle l'existence inconnue d’une ultime tentative de Saddam pour éviter le conflit quelques mois avant son déclenchement, des intermédiaires qu’il avait choisis pour cette mission et des raisons de son échec. Elle livre aussi le récit inédit de la capture du raïs et de ses vrais responsables.

Elle évalue enfin les bénéfices réels retirés par la France et les conséquences prévisibles de sa croisade «pacifiste».
A contre-courant du discours ambiant, sa thèse inédite nous prépare à l’ouverture de la boîte de Pandore, qui marquera à coup sûr le début véritable du procès Saddam Hussein.


Jeanne Assouly est journaliste à la rédaction de France 2 depuis 1988. Ces six dernières années, elle y a couvert les principales affaires financières : ELF, MNEF, Falcone. Spécialiste du Proche-Orient, elle parle couramment l’hébreu et l’arabe.

Tarek Aziz est né en 1936 à Mossoul dans une famille de chrétiens nestoriens, sous le nom de Mikhaïl Johanna. Très tôt, il adhère au parti Baas. Il travaille dans les rédactions de diverses publications du parti, dont il fonde le principal organe de presse : Al Thawara (La Révolution). Il est tout d’abord nommé ministre de l’Information en 1974, puis Vice-Premier ministre lorsque Saddam Hussein prend le pouvoir en 1979, et enfin ministre des Affaires Étrangères en 1983. Fin diplomate, il sera le principal négociateur irakien après la guerre du Golfe (1991) et tombe en disgrâce. Saddam Hussein, qui cumule le rôle de chef de l’État et de chef du gouvernement, le renomme en 1991 Vice-Premier ministre. Après la chute du régime de Saddam Hussein (2003), Aziz se cache à Bagdad puis se rend aux Américains.

Massoud Barzani
est le fils de l’ancien leader nationaliste kurde, Moustapha Barzani. Il est né en 1946, à Mahabad en Iran. Il est chef du gouvernement Kurde en Irak et dirige le Parti démocratique du Kurdistan depuis 1979. Il a conduit le parti à établir un gouvernement au sud du Kurdistan (l’Irak du nord) avec l’Union patriotique du Kurdistan. Barzani est membre du conseil du gouvernement provisoire en Irak dont il a été président pendant un mois. Jalal Talabani, président de l’État irakien est son rival politique le plus important.


Jalal Talabani
est né en 1933, au kurdistan irakien. Il fonde le parti de l’Union patriotique du Kurdistan dont il est le secrétaire général. En 2005, il est nommé président de l’État irakien par l’assemblée nationale irakienne. C’est aussi un membre important du conseil provisoire irakien.

  



LES RACINES DU MAL

En l’an 803 de notre ère, Haroun al-Rachid, calife abbasside légendaire de Bagdad, envoie une ambassade au tout aussi célèbre empereur Charlemagne, roi des Francs. Ce voyage marque le commencement d’une longue amitié entre la France et l’Irak. Les débuts de cette histoire furent assez prometteurs, comme en témoignent les cadeaux du calife à l’empereur - des épées damascènes incassables, une clepsydre, un éléphant - mais de nombreux siècles s’écoulent sans que les deux pays soient en contact régulier. 
Entre temps, au XIIIe siècle, les envahisseurs mongols brûlent les villes antiques irakiennes, dévastent le système d’irrigation le long du Tigre et de l’Euphrate et déciment une bonne partie de la population... À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les Français sont à nouveau présents dans beaucoup de pays arabes de la région parmi lesquels l’Égypte, la Syrie et le Liban. Mais leur influence reste hors des frontières de l’Irak, à l’époque province ottomane sous contrôle allemand. À partir de 1917, avec le démantèlement de l’Empire ottoman, l’Irak passe aux mains des Anglais et devient une monarchie hachémite relativement indépendante mais il faut attendre la révolution républicaine irakienne de 1958 et le coup d’État le plus brutal et le plus sanglant jamais mené dans un pays arabe pour que les relations entre la France et l’Irak deviennent plus étroites. La France se place alors immédiatement après l’Union soviétique au rang des puissances étrangères influentes à Bagdad.

De Gaulle comprend dès cette époque le potentiel que représente l’Irak, alors que les pays les plus riches du Moyen-Orient - la Libye, l’Arabie Saoudite et l’Iran - sont tous trois des monarchies sous influence anglo-saxonne. L’expropriation progressive de l’Irak Petroleum Company, l’ancienne compagnie pétrolière anglo-américaine, représente dans ce contexte une opportunité pour la France. L’Irak peut-il donc être introduit dans la sphère française ? De Gaulle en est persuadé. Tout comme il est certain que les Américains ne s’y opposeront pas, dans la mesure où ceux-ci souhaitent avant tout empêcher la prise de contrôle du pays par les Soviétiques. Mais quels sont les nouveaux interlocuteurs au pouvoir à Bagdad ? Le nouveau régime est gangrené par les coups d’État et les intrigues. Le général Abd al-Karim Kassem, homme politique républicain et leader de la révolution de 1958, est renversé et assassiné en 1963. D’autres chefs nationalistes lui succèdent, tantôt nassériens, tantôt tenants du très dogmatique parti Baas, mais aucun ne parvient à instaurer le leadership fort et stable souhaité par la France afin d’établir une relation durable avec l’Irak.

Un homme, pourtant, va aider De Gaulle et l’introduire auprès des Irakiens. Jacques Benoist-Méchin est expert militaire. En apparence, tout l’oppose au Général : lors de la Seconde Guerre mondiale, il s’est non seulement rangé du côté du régime de Vichy mais a également soutenu de façon explicite le nouvel ordre hitlérien en Europe. Ainsi, il rapporte dans ses mémoires qu’au cours d’une entrevue à Berlin en 1942, il avait mis Hitler en garde au sujet de certaines décisions stratégiques, mise en garde dont le Fuhrer n’aurait « malheureusement » pas tenu compte.

Cependant, le Général n’est pas homme à classer les gens selon des critères conventionnels. De plus, il admire la grande Histoire de l’armée allemande, publiée pour la première fois en 1938, où Benoist-Méchin explique comment la Reichwehr, l’armée croupion de la République de Weimar, a été transformée en corps d’élite préparant ainsi le terrain pour la Wehrmacht de Hitler. Aussi, lorsqu’il prend les rênes du ministère de la Guerre en 1944, De Gaulle fait-il réimprimer et distribuer le livre aux officiers de l’armée française ressuscitée. À la Libération, le grand résistant ne peut épargner à Benoist-Méchin un procès pour collaboration mais fait en sorte qu’il y survive : condamné à mort pour trahison en juin 1947, ce dernier est rapidement gracié et renvoyé à ses études.

Jacques Benoist-Méchin devient alors un grand défenseur de la politique anti-anglo-saxonne du général De Gaulle. Sa connaissance du Moyen-Orient égale presque celle qu’il avait de l’Allemagne. Il est ainsi l’auteur des premières biographies de Mustafa Kemal et d’Ibn Séoud éditées en français. C’est, en outre, le confident de la plupart des chefs arabes, du roi Hassan II du Maroc à Nasser, mais ses liens d’amitié avec l’Irak sont encore plus forts...

Pour comprendre l’origine de cette amitié, il faut remonter au mois de septembre 1941. À cette époque, Benoist-Méchin est le bras droit du vice-président du gouvernement de Vichy et conçoit un accord bilatéral qui permettrait à l’Allemagne de livrer des armes à Rachid Ali, le chef irakien allié de l’Axe qui vient juste de renverser le régent pro-britannique. Ces livraisons doivent s’effectuer via le territoire syrien, alors sous contrôle français, mais elles ne voient jamais le jour : un mois plus tard, la France libre reprend la Syrie et les Anglais rétablissent leur régent en Irak.

Les hommes de Rachid Ali n’oublient pas cependant le rôle de Benoist-Méchin. En 1958, ceux d’entre eux qui sont parvenus à se maintenir dans les rangs de l’armée et du pouvoir, ne tardent pas à renouer avec leur vieil ami français qui, en retour, les présente aux autorités du Quai d’Orsay. C’est alors que le Général convoque Benoist-Méchin au palais de l’Élysée. « L’Irak est réellement la clef de votre politique arabe », lui aurait dit l’ancien fonctionnaire de Vichy. « Ses réserves de pétrole ne sont dépassées que par celle d’Arabie Saoudite. Et sachez que les personnes les plus dignes de confiance en Irak sont les Baa-sistes. »

Le général De Gaulle démissionne en 1969, peu de temps après que le jeune Saddam Hussein, le plus intelligent et le plus impitoyable de tous les baasistes, n’arrive à son tour au pouvoir. Par des moyens totalitaires, certes, Saddam va apporter à son pays la stabilité tant attendue et, il faut le préciser, il a une tendresse toute particulière pour la France. Son oncle et père d’adoption, Khairallah Tulfah, a participé au coup d’État manqué de 1941. Ainsi, les contacts lancés par Benoist-Méchin sous Vichy, puis sous la présidence de De Gaulle, mènent à de véritables accords négociés sous Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing. C’est enfin Jacques Chirac, Premier ministre de 1974 à 1976, qui finalise ces accords en traités et contrats.

Il serait, cependant, malvenu d’affirmer que la France gaulliste a armé l’Irak délibérément, ni même qu’elle l’a équipé en armes de destruction massive. La France, à cette époque, poursuit simplement ses intérêts nationaux. Une fois que les Irakiens ont promis qu’ils ne construiraient pas d’armes nucléaires, ceux-ci prennent secrètement des mesures visant à transformer le réacteur nucléaire civil Osirak en une installation militaire. Le gouvernement français ne se préoccupe d’ailleurs pas d’avantage de la manière dont les Israéliens utilisent leur réacteur de fabrication française à Dimona, dans le désert du Néguev. De plus, les mêmes gouvernements gaullistes ou post-gaullistes en pourparlers avec l’Irak de Saddam Hussein se sont engagés dans des négociations et des accords parallèles avec l’Iran du Shah, rival de l’Irak, à propos d’installations nucléaires et ce, afin de renforcer généralement l’hégémonie française dans le golfe persique.

Quant à la décision de fournir à l’Irak du plutonium enrichi (sur les six livraisons prévues, une seule est effectuée), celle-ci, disons-le à la décharge de Jacques Chirac, est prise par Raymond Barre, son successeur à Matignon.

De leur côté, en 1981, les Israéliens se sentent suffisamment menacés par l’Irak pour attaquer le réacteur Osirak lors d’un raid aérien parmi les plus audacieux de l’histoire de la région. Les services de renseignements israéliens, sur le qui vive, suivent depuis longtemps les manœuvres de l’Irak et l’éventualité d’une attaque nucléaire arabe contre Israël a de quoi inquiéter. Aussi, le 4 juin 1981, quatorze chasseurs bombardiers F16 et Fl5 de Tsahal détruisent la centrale nucléaire irakienne située au sud de Bagdad. Militairement, l’opération est un succès tant par la qualité des renseignements que par la distance à laquelle se trouve l’objectif. C’est d’ailleurs à la suite de ce raid, que François Mitterrand, fraîchement élu président de la République française, décide de réduire la coopération nucléaire avec l’Irak et de ne pas remplacer le réacteur détruit.

Par ailleurs, à la même époque, Saddam Hussein envahit la République islamique d’Iran de l’ayatollah Khomeiny (succédant au régime du Shah d’Iran). Les Français se trouvent alors dans une situation délicate et s’interrogent sur le maintien de leurs relations avec l’Irak. Saddam Hussein est en effet un mauvais payeur : la plupart des compagnies françaises en affaire avec l’Irak sont en réalité payées par la Coface, l’organisme gouvernemental français qui garantit les contrats d’exportation.

Mais il se pourrait que l’Irak gagne la guerre contre l’Iran et, avec des ressources pétrolières doublées, devienne une puissance dominante du Moyen-Orient. En outre, la solidarité franco-iraquienne, renforcée par l’intense coopération militaire et commerciale des années soixante-dix, est devenue très populaire dans l’opinion française : à droite, les gaullistes voient dans la sacro-sainte « politique arabe de la France » aussi bien un legs du Général qu’un accomplissement personnel de Chirac, alors qu’à l’extrême gauche, les communistes soutiennent l’Irak en tant que régime prosoviétique.

La gauche laïque et anti-américaine, une force montante, voit enfin en Saddam, un leader anti-impérialiste ainsi qu’un rempart contre le fondamentalisme chiite.

La nomination de Tarek Aziz Issa au poste de vice-Premier ministre au tournant des années quatre-vingt encourage la France dans la voie de la coopération. En effet, cet ancien conseiller et ministre très médiatique des Affaires étrangères de l’Irak est chrétien. Mitterrand accepte donc de reprendre et même d’approfondir la coopération franco-irakienne en fournissant à nouveau des armes et en encourageant les partenariats industriels entre les deux pays. Lorsque, en 1988, Saddam cesse la guerre avec l’Iran, environ dix milliards de dollars d’armes françaises ont ainsi été fournis à l’Irak, sur lesquels moins de cinq ont été réellement payés. À cette époque, presque la moitié de la production d’armes française correspond à des commandes liées à l’Irak.

L’invasion du Koweït par Saddam en 1990 ranime le débat. L’Irak doit-il être combattu ou bien faut-il le soutenir? Une partie de l’opinion française, de l’extrême gauche à l’extrême droite, prend parti en faveur de l’Irak. Le ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement préfère démissionner plutôt que de cautionner l’intervention militaire française. Une part de la population préfère la neutralité. Le président Mitterrand, lui, décide de rejoindre la coalition internationale menée par les Américains pour la libération du Koweït, tout en maintenant ouvertes les négociations avec Bagdad... Mitterrand fait ce choix par pure realpolitik. Il est évident pour lui que l’Irak n’est pas de taille face à l’Amérique et que la vieille stratégie gaulliste n’a plus de sens maintenant que la guerre froide est terminée et que l’Union soviétique est moribonde. Pour servir l’intérêt national de la France, il n’est plus question de défier l’Amérique mais d’être parmi les gagnants et d’avoir son mot à dire dans le règlement final quel qu’il puisse être. En 1991, à l’issue de la première guerre du Golfe, l’Irak est écrasé, comme Mitterrand l’a prévu, mais Bush puis Clinton laissent Saddam survivre...

C’est seulement lorsque George W. Bush arrive au pouvoir que Washington décide de se débarrasser de la dictature baasiste. Ainsi, en 2003, à la veille d’une seconde guerre contre l’Irak, la France se trouve quant à elle face au même dilemme : doit-elle se ranger auprès de ses alliés anglo-saxons, comme en 1990, ou soutenir cette fois Bagdad? L’opinion publique française est indiscutablement davantage pro-irakienne qu’en 1990, ne serait-ce qu’en raison de la population musulmane française croissante. La position de l’Élysée est donc plus subtile qu’autrefois. Le président Chirac exprime, à plusieurs reprises, ses inquiétudes concernant une guerre préventive « non autorisée » par les Nations unies ou la communauté internationale. Mais, contrairement au chancelier allemand Schröder, Chirac n’exclut pas la guerre en tant que telle. S’il le faisait, cela mettrait d’emblée son pays hors-jeu : or la France veut demeurer une grande puissance. Parfois à n’importe quel prix.



Première Partie

La traque du 13 octobre 2003 au 13 décembre 2003


13 dècembre 2003, Bagdad, 12 h 20.
« We hâvegot him. Nous l’avons. » Ces mots sont entrés dans l’histoire. Ils sont prononcés par Paul Bremer, gouverneur de l’Irak. Celui-ci annonce au monde, ce dimanche 13 décembre 2003, la capture de Saddam Hussein, l’ancien tyran de Bagdad, celui qu'on appelait l’As de pique. Le 13 décembre c’est aussi la Sainte-Lucie, une fête honorée dans toute l’Europe du nord, où l’on célèbre la lumière. Ainsi, l’Irak est tiré des ténèbres pour entrer dans la lumière, c’est le commencement d’une ère sans Saddam. La démocratie est en marche et rien ne pourra arrêter...

La presse, convoquée dès 9h00, se doute bien que quelque chose d’important se joue. Mais quoi au juste? Nul ne le sait. Dès l’annonce, on veut donc tout savoir, ...


 




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