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Irak, aux Origines d’un Régime Militaire


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 1989, Paris
Préface : Pages : 320
Traduction : ISBN : 2-73 84-0281-X
Langue : FrançaisFormat : 135x215 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Tah. Ira. N°2718Thème : Général

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Irak, aux Origines d’un Régime Militaire

Irak, aux Origines d’un Régime Militaire

Alaa Tahir

L’Harmattan


Depuis 1958, l’Irak vit sous le contrôle des différents régimes militaires instaurés par des coups d’Etat qui deviennent rapidement un moyen courant pour renverser le gouvernement en place.

Outre cela, les régimes militaires qui se succèdent en Irak possèdent en commun leur structure conflictuelle, d’où découle l’impossibilité de mettre en place intégralement un programme de réformes.

L’étude du régime du général Kassem révèle deux points fondamentaux. D’une part, ce régime reste le premier gouvernement ayant donné un plus grand rôle aux différents partis dans la vie politique. Des partis que nous retrouverons d’ailleurs, plus tard, dans l’histoire politique de l’Irak. D’autre part, ce régime est considéré comme un « régime-clé », car l’étude de ses structures permet de comprendre celles des gouvernements militaires qui lui succéderont en Irak, ainsi que celles des autres pays arabes et arabo-musulmans.

Ce livre met surtout l’accent sur l’émergence des mouvements politiques dans l’armée, la « tactique du coup d’Etat militaire », l’Organisation des officiers libres comme organisation politique, la structure contradictoire des idéologies des officiers libres et leurs différences d’origine sociale, comme le détaille Jean-Paul Chaunay dans sa préface. Autant de divergences qui se répercutent sur tout pouvoir politique fondé sur le totalitarisme militaire.



Historien et écrivain français, d’origine irakienne, Alaa Tahir a soutenu une thèse de doctorat en histoire en 1982 à la Sorbonne où il a fait des études de philosophie et d’histoire.

II a publié plusieurs études stratégiques et politiques sur le Moyen-Orient et des ouvrages sur l’histoire et la philosophie contemporaines.

Il est actuellement chercheur au Centre d’études sur les conflits et les stratégies (CERSC) à la Sorbonne, Paris IV et collabore à plusieurs journaux arabes.

 



PRÉFACE


Le 14 juillet : date symbolique pour une révolution. 14 juillet 1958 : après les Officiers libres Egyptiens (juillet 1953), les militaires syriens (mars 1954), les militants algériens (novembre 1954), la poussée progressiste syrienne qui entraîne l’Égypte dans la République Arabe Unie (février 1958), les Officiers libres irakiens mettent à bas la dynastie hachémite : le jeune roi Fayçal II âgé de 23 ans, arrière-petit-fils du chérif de La Mecque. Hussein qui, appuyé air l’Angleterre, avait proclamé en 1916 la Révolte arabe contre la domination ottomane, et le vieux ministre Noury Sdid, ex-officier arabe au service ottoman, ex-combattant avec Fayçal I" et Lawrence pour la libération arabe. Cette mise à bas s’achevait par le massacre de la famille royale. Il en surgissait le nouveau maître de l’Irak : le général Abd el Karim Fassent — lui-même mis à bas, exécuté, déterré, jeté dans le Tigre en février 1963.

Drame shakespearien, prise de palais royal évocateur de la tragédie classique (Bajazet…), accusation trop facile de « despotisme oriental » ou de changements de dynasties à la mamluk tels que rapportés par, par exemple, l’historien Maqrizi. Ou putsch militaire, coup d’État antimonarchiste et antibritannique. Ou expression d'une neuve, d’une renouvelante révolution arabe? Tradition ou modernité?

Apparemment l'ouvrage d'Alaa Tahir se présente comme une monographie sérieuse sur le « règne » — moins de cinq ans — du général Kassem, ses idées progressistes, ses indéniables réformes politiques et sociales, ses rapports de plus en plus difficiles avec les partis politiques, son nationalisme irakien intransigeant qui le fait mal soutenir par le trop faible parti communiste irakien et attaquer par le puissant mouvement Baath, nationaliste unioniste arabe. Ceci pour les luttes collectives.

Mais aussi dans ses rapports — ses compétitions — idéologiques et psychologiques de plus en plus tendues avec, à l’extérieur, le grand Nasser, héraut symbolique de la dignité et de l’unité arabes, et à l’intérieur, avec l’autre officier irakien, le compagnon d’armes et de politique de 1958 devenu le frère ennemi, qui le fera juger et le remplacera en 1963 : Aref.

Monographie donc, restituant avec bonheur les mutations sociales et politiques intervenues au cours de la période Kassem ; et décrivant aussi avec précision certaines opérations militaires limitées, une « technique du coup d’État » : la prise du palais royal en 1958 demeurera un modèle de description tactique.

Plus profondément, l’ouvrage d’Alaa Tahir offre matière à une réflexion décapante sur les transformations capitales qui se font jour dans le monde arabe contemporain : unité politique et culturelle d’une nation, ou articulation d’États-nations ne parvenant pas à contrôler leurs rivalités et agressivités respectives ? Interrogations sur les formes et les méthodes de pouvoirs oscillant entre des populismes sociaux et des dirigismes contrôlés, réfrénant la lutte des classes et s’appuyant sur certains milieux contre d’autres ; sur des souverainetés fondées sur la force mais se légitimant par leurs espoirs d’indépendance anti-impérialiste, de développement économique et de justice sociale, plus que sur des processus démocratiques pluralistes que n’ont su mettre en œuvre les élites politiques et intellectuelles.

Ce qui pose d’une manière spécifique le rôle du militaire arabe bloqué entre « le pouvoir et la révolution » dans les décennies suivant les libérations, lors de la prédominance des idéologies socialistes et nationalistes qui ont précédé les renaissances islamistes.

D’où aussi les appréciations désabusées de l'auteur sur le destin individuel et la capacité à gouverner de Kassem, ce soldat honnête, patriote, doté d’un « savoir-faire expéditif et limité », mais incapable, selon lui, de se réaliser en de grands projets, de fonder un véritable style arabe de pouvoir, de gouvernement et de société.

Au-delà de cinq années de l’histoire politique irakienne, Alaa Tahir nous provoque à mieux réfléchir, à mieux comprendre les actuelles transformations des armées, des classes et des pouvoirs dans les sociétés arabes.

Jean-Paul Charnay



Avant-Propos

« Sous un certain angle, l'histoire musulmane contemporaine se développe en une succession de putschs militaires : coups d’État réussis, tentatives depuis 1936* » Il est aisé de constater au travers de cette recherche que l’histoire de l’Irak corrobore cette thèse par sa richesse en coups d’Etat parmi lesquels ceux de Bakir Sodqï en 1936, Rasïd Alï Al Gaylânî en 1941, sans compter les nombreuses tentatives qui échouèrent avant le 14 juillet 1958, ainsi que le coup d'État de Al Sawàf, le mouvement de Kirkouk et les ébauches de pronunciamento à l’encontre de Kassem.

Il est certain que les pays musulmans étant des pays où le sous-développement tant économique que social et culturel... reste conséquent, la conscience politique et culturelle n’émerge que difficilement du patrimoine islamique dans lequel les califes se sont complus à la maintenir, notamment dans le domaine politique, en ayant soin de protéger le privilège de l’hérédité des successions.

Ces pays, auxquels appartient l’Irak, n'ont connu ni système parlementaire, ni élections, ni mouvement populaire de masse exprimant l'idée et les revendications d'un peuple.

L’Irak s'ouvre à ce monde au travers du colonialisme occidental, une emprise coloniale qui reste prudente dans son «enseignement du libéralisme», car soucieuse de préserver ses privilèges.

Faute d’intellectuels, le peuple irakien ne peut s’imposer à un système royal qui repose fortement sur la tutelle britannique.
Il faudra attendre et compter sur l'armée et plus précisément sur des officiers d’une nouvelle génération, cette « génération intermédiaire » dont parle J-P Charnay, qui s’annonce comme l’avant-garde d’une société en léthargie.

Face au colonialisme, ces officiers s’affirment. Ils puisent dans l’armée la force, une structure — qui faisaient défaut aux partis politiques irakiens — ainsi que des ambitions. C’est alors le début de cette longue chaîne de coups d’Etat qui aboutit aux évènements du 14 juillet 1958 qui renverse la monarchie. Un nouveau chef « hérite » du pouvoir : Kassem qui, bientôt, afin de préserver celui-ci, condamne les portes du pouvoir aux forces politiques qui se développent dangereusement à son goût.
Le pli est pris : un nouveau coup d'Etat se prépare en réaction à ce dirigisme. Se succéderont alors des gouvernements militaires comme celui d’Aref, puis ceux de ses successeurs, qui se désignent comme « provisoires » en promettant des élections si attendues et si réclamées.

Une situation propre à ces pays sous-développés qui se retrouve dans le monde islamique à différents stades — comme au Pakistan où le général Ziyà’Al Haq, qui après plusieurs années de gouvernement « provisoire » promet toujours des élections — et où l’opposition politique subit l’oppression du régime gouvernemental militaire, attendant que son heure sonne pour renverser la situation.

Des pays où le « choix » d'un gouvernement se fait par la violence et où les civils ne peuvent s’imposer car l’organisation, la structure, la puissance, le rayonnement et l’étendue des ramifications, dont dispose l’armée, leur font défaut et ne leur permettent pas de s’affirmer auprès d’une population rompue à des gouvernements militaires.

Le dernier président irakien en est un exemple vivant : alors vice-président de la république sous Ahmed Hasan Al Bakir, Saddam Hussein (civil) fut nommé général en 1974 dans l’hypothèse où il aurait à assurer la succession de Ahmed Hasan Al Bakir. Depuis 1979, à la tête du pays, Saddam Hussein mettra à profit la leçon de ses prédécesseurs et s’attachera à «éloigner» tout parti politique, tout militaire, tout civil susceptible de le priver de ses privilèges de chef d’Etat, cela en s’appuyant plus que jamais sur l’armée, « l’avant-garde des sociétés sous-développées ».

* J.P. Charnay, Le militaire arabe entre le pouvoir et la révolution, Cahiers internationaux de sociologie, 1972 pp. 229-230.



Introduction

Depuis le coup d’État du 14 juillet 1958, qui renversa la monarchie et proclama la république, et jusqu’à l’heure actuelle, le pouvoir en Irak a été partagé par de multiples régimes militaires qui ont fait du coup d’Etat le moyen d’accession au pouvoir.
En dépit des divergences idéologiques qui distinguent un pouvoir d’un autre, la structure de ces régimes a été unique et toujours marquée par l'absence de toute cohésion et aussi de cohérence. Les régimes successifs qui n’ont pu surmonter ni leurs contradictions, ni cette absence chronique de cohésion ont cependant veillé à l’instauration d'un compromis social capable de les maintenir au pouvoir. Pour atteindre ce but, ils ont dû renforcer les appareils répressifs afin de se préserver de tout éventuel mouvement pouvant aboutir à leur renversement, tout en restant conscients du manque de légitimité politique qui les caractérisait. Ainsi, les pouvoirs putschistes n'ont cessé de conduire l’Irak de crises en crises — politiques et économiques —jusqu’à ce que le pays soit entraîné dans le conflit irako-iranien déclaré le 22 septembre 1980 ; conflit qui a fait quatre cent mille victimes du côté irakien et presque un million du côté iranien, sans compter la destruction de l’économie des deux pays, l’impact sur la démographie et les incidences sur les structures mentales et morales.

Le pouvoir actuel en Irak est la résultante des régimes antérieurs, instaurés à la faveur d’une série de coups d’Etat marqués du sceau des militaires. En témoigne, l’étroite surveillance de toute l’activité politique dans la société civile ou militaire de ce pays. Aussi, ce pouvoir constitue-t-il une étape historique, à l’instar de la monarchie depuis son accession au pouvoir, tenant à l’écart les civils non seulement la magistrature suprême mais aussi de tous les postes ministériels, ce en quoi …

 




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