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Etudes, n°5-6 : ‘Les relations inter-communautaires en Irak’


Auteur : Multimedia
Éditeur : Etudes Date & Lieu : 1964-01-01, Bruxelles
Préface : Pages : 18
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Bla. Rel. N°1137Thème : Général

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Etudes, n°5-6 : ‘Les relations inter-communautaires en Irak’

Etudes, n°5-6
Les relations inter-communautaires en Irak

Joyce Blau

Etudes


La population kurde est évaluée à près de deux millions d'habitants. Ils habitent une région au nord de l'Irak où ils constituent la majorité de la population, et cette région fait partie d’un vaste territoire peuplé essentiellement de Kurdes. Ce territoire est actuellement partagé entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Les Kurdes constituent une communauté nationale dans le plein sens du terme. Ils se différencient des Arabes sémites par leur origine indo-européenne et par leur langue également indo-européenne. Si les Kurdes sont dans leur majorité des musulmans sunnites, de rite chaféite, quelques-uns d’entre eux sont chiites, (les Qadirites, les Naqshbendi). Beaucoup de Kurdes appartiennent à des sectes dissidentes : par exemple, les Yezidis , 50.000 environ, qui vivent en Irak, dans les vallées de Cheikh Adi et les montagnes de Sindjar. Toute l’organisation des Yezidis est soufie et on les appelle péjorativement « adorateurs du diable », mais ils se nomment eux-mêmes « Daysani ». Ces mystiques, à l'origine, appuyaient les Ommeyades et étaient partisans de Yézid I", fils de Moawiya (d'où leur nom de Yezidi) contre les Abbassides. Leur doctrine religieuse se rapproche de celle des Druzes du Liban et des Nossairi de Syrie. Leur religion a été le prétexte de multiples persécutions depuis le XVe siècle et surtout durant tout le XIXe siècle de la part des Turcs qui les ont presque anéantis.

Parmi les sectes dissidentes, relevons également les Ahl-il-Haqq (appelés également Kakaï) qui ont une vénération pour Ali et pour ses descendants; cependant, contrairement aux Chiites, ils gardent de bonnes relatiôns avec les Sunnites. Ils vivent dans des villages sur la route Khaniqin-Kirmanchah . Citons enfin les Shabaks, 10.000 environ, qui vivent à Mossoul; les Sarli (proches des Kakaï) sur les rives du Zab; les Chemsiyé (adorateurs du Soleil), qui sont également des sectes dissidentes du chiisme.
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LES RELATIONS INTER-COMMUNAUTAIRES EN IRAK

Par Joyce Blau
Attachée au Centre

« Le Moyen-Orient représente une mosaïque de peuples dont la complexité raciale, nationale et religieuse est unique au monde. L’existence des particularités communautaires remonte à la plus haute antiquité et a toujours présenté un problème ardu pour les gouvernements qui, depuis les Empereurs de Byzance jusqu'aux Sultans de Constantinople, ont détenu le pouvoir dans le Moyen-Orient » (1). Cette constatation, faite par un spécialiste des problèmes du Moyen-Orient, s'applique de façon éclatante à la population irakienne. Ce qui rend le problème particulièrement complexe, c’est qu'il ne s’agit pas d'un simple problème de « minorités » tel qu'il en existe dans d'autres pays arabes : religieuses — en Egypte, par exemple, où une minorité chrétienne vit à côté d’une majorité musulmane —; ethniques — en Algérie, par exemple, où une minorité kabyle vit à côté d’une majorité arabe. En Irak, il s’agit de la coexistence de communautés différentes, ethniques et religieuses; quelques-unes d'entre elles sont des « minorités », mais d’autres ne peuvent être considérées comme telles. De plus, ces communautés pour les plus importantes n'existent pas uniquement en Irak : elles existent aussi hors d’Irak, dans les pays avoisinants ou plus lointains, et ce trait donne un retentissement international à certaines des luttes inter-communautaires.

Dans la première partie de cet article, nous passerons en revue ces communautés. Dans la seconde, nous exposerons, très sommairement du reste, le rôle que les rapports entre ces communautés ont eu tant dans la vie politique intérieure qu’extérieure de l’Irak. Nous verrons que ce rôle est un des éléments déterminants de la situation politique de l’Irak.

Les communautés religieuses et ethniques.
La population irakienne s'élève actuellement à environ 7 millions d’habitants (2). L’imbrication des nombreuses communautés ethniques et religieuses rend l'exposé des différentes catégories de la population irakienne extrêmement difficile, étant donné surtout l’incertitude des statistiques dans le domaine des communautés ethniques et plus encore dans le domaine religieux. Les chiffres que nous présentons sont donc approximatifs, mais l’ordre de grandeur des données est relativement exact.

A. - Les Musulmans

1) Les Arabes.

a) Les Arabes sunnites représentent les 40 % de la population sunnite irakienne, en tout 1 million et quart dames : 500.000 Bédouins nomades et environ 750.000 sédentaires, le reste des masses musulmanes sunnites étant formé essentiellement par les Kurdes dont nous parlons plus bas. Ce sont les Arabes sunnites sédentaires appuyés sur les Bédouins sunnites qui constituent la communauté qui a dominé l’administration de la région depuis l’Empire ottoman, ensuite l’Etat irakien depuis sa formation. Sans analyser la composition sociale de ce groupe, sur lequel les données manquent, il reste le fait fondamental que l’Irak est un pays dont la direction appartient pour l’essentiel à une communauté ethnico-religieuse relativement restreinte.
Les Bédouins sunnites constituent la grande majorité des Bédouins. Ils sont divisés en grandes tribus qui forment des groupes dont les deux principaux sont les Annezés et les Chammars. Dans les conflits intérieurs incessants en Irak, ces tribus bédouines, qui comprennent beaucoup d’hommes armés, ont joué un rôle important en aidant leurs coreligionnaires des villes à mater les insurrections.

b) Les Arabes chiites constituent la communauté la plus nombreuse en Irak (3 millions 400 mille environ). L’Irak est ainsi le seul pays arabe où les Chiites forment la majorité de la population et ce fait entraîne d’importantes conséquences dans la situation politique du pays. Ces Chiites (dont la majorité est formée d’Imamites [rite dja’farî] ossouliyoun, et le reste sont des akhbariyoun et des sheikhiyya, etc…) (3), constituent la quasi-totalité de la population dans la partie méridionale du pays, entre Bagdad et Bassorah. (Signalons cependant que même dans ces régions, la plupart des grands propriétaires terriens sont sunnites). La masse de cette population a vivement conscience de différer des Sunnites; quant aux Chiites riches, ils sont moins différenciés des Sunnites mais ils ont été longtemps éloignés du pouvoir et ils aspirent à y participer. D'ailleurs Said Mohsen Hakim, le plus important des chefs religieux chiites à l'heure actuelle, est un personnage très influent en Irak.

Si les Chiites irakiens sont en majorité arabes, on ne peut reconnaître l'importance des liens qu’ils ont avec l'Iran chiite. Ces liens ont une origine non seulement religieuse du fait des pèlerinages incessants des Iraniens aux deux plus grandes villes saintes du chiisme : Kerbela, Nedjef, mais aussi ethnique, puisque ces pèlerinages et le voisinage des territoires ont amené un brassage entre les deux populations, si bien qu’on peut considérer que nombre d'entre les Irakiens chiites sont en fait des Iraniens arabisés. D’ailleurs plus d'un demi-million d'entre eux parlent aussi le persan. Ces liens étroits entre les deux peuples sont très anciens puisque le transfert du califat de Damas à Bagdad au VIIIe siècle de notre ère signifiait l’accroissement considérable de l’influence persane dans le jeune empire arabe.

En sens inverse, signalons l'influence arabe dans la province iranienne du Khouzistan (ancien Arabistan) allant jusqu’à la découverte périodique par le pouvoir central iranien de « complots » férocement réprimés (encore tout récemment, voir Cahiers de l'Orient Contemporain, janvier-avril 1964, p. 55).

c) Les Arabes chrétiens sont très peu nombreux et vivent à peu près tous dans le sud de l’Irak. Nous en parlerons lorsque nous étudierons les communautés non-musulmanes.

2) Les Kurdes.
La population kurde est évaluée à près de deux millions d'habitants. Ils habitent une région au nord de l'Irak où ils constituent la majorité de la population, et cette région fait partie d’un vaste territoire peuplé essentiellement de Kurdes. Ce territoire est actuellement partagé entre la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Les Kurdes constituent une communauté nationale dans le plein sens du terme. Ils se différencient des Arabes sémites par leur origine indo-européenne et par leur langue également indo-européenne. Si les Kurdes sont dans leur majorité des musulmans sunnites, de rite chaféite, quelques-uns d’entre eux sont chiites, (les Qadirites (4), les Naqshbendi (5)). Beaucoup de Kurdes appartiennent à des sectes dissidentes : par exemple, les Yezidis (6), 50.000 environ, qui vivent en Irak, dans les vallées de Cheikh Adi et les montagnes de Sindjar. Toute l’organisation des Yezidis est soufie et on les appelle péjorativement « adorateurs du diable », mais ils se nomment eux-mêmes « Daysani » (7). Ces mystiques, à l'origine, appuyaient les Ommeyades et étaient partisans de Yézid I", fils de Moawiya (d'où leur nom de Yezidi) contre les Abbassides. Leur doctrine religieuse se rapproche de celle des Druzes du Liban et des Nossairi de Syrie. Leur religion a été le prétexte de multiples persécutions depuis le XVe siècle et surtout durant tout le XIXe siècle de la part des Turcs qui les ont presque anéantis.

Parmi les sectes dissidentes, relevons également les Ahl-il-Haqq (appelés également Kakaï) qui ont une vénération pour Ali et pour ses descendants; cependant, contrairement aux Chiites, ils gardent de bonnes relatiôns avec les Sunnites. Ils vivent dans des villages sur la route Khaniqin-Kirmanchah (8). Citons enfin les Shabaks, 10.000 environ, qui vivent à Mossoul; les Sarli (proches des Kakaï) sur les rives du Zab; les Chemsiyé (adorateurs du Soleil), qui sont également des sectes dissidentes du chiisme.

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(1) Y. Shymoun, « Middle East Mosaic, Conglomerate of People », in Palestine and Middle East, n° 9, vol. XIX, 1947.

(2) Le recensement de 1962 indique 6.802764; voir C.O.C., LIV, p. 162, 1er janvier-30 avril 1964.

(3) L. Massignon, Annuaire du Monde Musulman, P.U.F. 1955, pp. 187-188.

(4) Ordre fondé par le Kurde Abdul Qadir el Gilani (1078-1166). Certaines familles qadiri sont puissantes : les Talabani à Kirkuk et les Berifki à Amadia. Le supérieur général de l’ordre, à Bagdad, porte le titre de Naqib al Ashraf.

(5) Ordre fondé par Bahaeddine de Boukkhara (1131-1389). Parmi les familles les plus puissantes : Cheikhs de Chamseddine ou Nehir, de Tavilé, de Barzan.

(6) R. P. Thomas Bois, « Les Yézidis », in Al Machriq, Beyrouth, 1961, pp. 109-128 et 190-244. Ouvrage exhaustif où l’auteur conclut à l’origine essentiellement musulmane du Yézidisme. Quant aux Yézidis eux-mêmes ils s’expriment souvent de la façon suivante ; « Il y a un fil entre les Chrétiens et nous et une montagne entre les Musulmans et nous ». Cependant, cette façon de voir semble se référer surtout au fait que les persécutions dont ils ont été l’objet ont été le fait des Musulmans et qu’elles les ont rapprochés des Chrétiens persécutés eux aussi.

(7) Cf. A. Abel : « Daysaniyya », in Encyclopédie de l’Islam, 1961.

(8) R. P. Thomas Bois, « La religion des Kurdes », in Revue d’Etudes et d'information - Proche Orient Chrétien, tome XI, avril-juin 1961, pp. 105-136.




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